Déménager est toujours une « aventure » à rebondissements.
Me voilà sorti des cartons, l'essentiel était en place. Depuis 48 heures, l'ADSL fonctionnait aussi. Restait à régler un problème relativement mineur lié à un transfert d'abonnement Canal +. Là, pas de chances : impossible de le traiter par moi-même, il m'a fallu appeler le service client.
J'ai composé le numéro et, surprise, dans un délai très raisonnable – 1 minute -, j'ai eu quelqu'un au téléphone.
« Bonjour, je m'appelle Danielle. Pouvez-vous me donner votre numéro d'abonné ? »
J'obtempérais volontiers.
« Pouvez-vous me donner votre nom ? »
Oui je pouvais. Donc, je lui ai donné.
« Pouvez-vous me confirmer votre numéro de téléphone ? »
Coup de chance, je pouvais aussi confirmer ce numéro.
« Et votre adresse email »
Là aussi, je l'avais. Mais, l'entretien avait commencé depuis une bonne minute, et elle ne s'était pas encore préoccupée de mon problème. Mais, il fallait bien qu'elle vérifie qui j'étais.
« Alors, Monsieur, quel est le problème ? »
En moi, un sourire est apparu : elle s'intéressait enfin à moi. Mon problème allait être résolu. Je lui expliquais en 2 mots que, suite à mon déménagement, mon abonnement TV ne fonctionnait plus.
« Pouvez-vous me donner votre nouvelle adresse ? »
Là encore j'avais la bonne réponse ! C'était mon jour de chance !
« Et vous avez un nouveau numéro de téléphone ? »
Oui et je l'avais.
« Bien, voilà, j'ai fait les modifications. Attendez 20 minutes. Et alors tout sera réglé. Avez-vous d'autres questions ? »
Je n'en avais pas. Quelle efficacité, pensai-je ! En quelques minutes, plus de problème. Illusion…
Une heure plus tard, malgré toutes mes tentatives, cela ne marchait toujours pas.
J'ai donc rappelé le service client. Réponse toujours plutôt rapide, environ 2 minutes cette fois.
« Bonjour, je m'appelle Paul. Pouvez-vous me donner votre numéro d'abonné ? »
Je l'ai donné encore plus vite que la première fois. La force d'un début d'entrainement.
« Pouvez-vous me donner votre nom ? »
Mais oui !
« Pouvez-vous me confirmer votre numéro de téléphone ? »
Bien sûr.
« Et votre adresse email »
Un énervement sourd et croissant montait en moi. Comme une impatience…
« Alors, Monsieur, quel est le problème ? »
Je lui ai expliqué mon problème et que je venais d'avoir un autre agent au téléphone.
« Et vous êtes bien resté tout le temps sur la même chaîne ? Parce que sinon, la mise à jour ne va pas se faire ? »
Aie, non, j'avais joué avec la télécommande, histoire de passer le temps. Je me sentis coupable et ai raccroché.
Je me suis assis sur mon canapé, ai allumé la télévision, pris une chaîne au hasard et suis allé faire autre chose. Deux heures plus tard, cela ne marchait toujours pas. J'ai redémarré le décodeur. Sans succès.
J'ai rappelé le service client. 2 minutes 22 secondes plus tard, on a répondu (comme je commençais à prendre conscience que ma « relation » avec ce service client risquait de s'installer dans la durée, j'avais décidé d'archiver précisément ce qui se passait…).
« Bonjour, je m'appelle Jacques. Pouvez-vous me donner votre numéro d'abonné ? »
Bon, je vais raccourcir. J'ai eu droit à exactement la même séquence de questions avec les mêmes mots – évidemment ce n'est que la lecture d'un script – et presque le même accent – bravo la formation ! –. Finalement, on en est arrivé à mon problème.
« Mais, Monsieur, avez-vous débranché et rebranché votre décodeur ? »
« Non, je l'ai redémarré. »
« Ah oui, mais c'est très différent. Il faut que vous le débranchiez, puis rebranchez. Pouvez-vous le faire maintenant ? »
Oui je pouvais. Obéissant, mais sceptique, je l'ai fait.
« Maintenant allez sur l'écran de contrôle, choisissez notre logo et ouvrez la fenêtre. »
Je le fis et vis alors apparaître un message d'erreur.
« Ah bon, il y a donc un problème. »
J'avais comme l'impression d'avoir justement appelé pour cela. Après trois coups de fils, environ 15 minutes de discussion, 4 minutes d'attente avant décrochage et 2 heures de tentative sur la télévision, j'étais quand même content de sentir que la réalité de ma situation émergeait petit à petit au sein des processus de celui dont j'étais le client.
« Bien, ne quittez pas, je vous passe le service technique. »
Sa voix a été immédiatement remplacée par une sonnerie d'attente et, trente secondes plus tard, par un disque qui m'a informé que l'on ne pouvait pas donner suite à mon appel. Puis le vide. Se serait-elle débarrassée de moi ? Je n'ose pas y penser…
A ces moments-là, face à ce type d'adversité, les années de civilisation, de travail sur soi, de méditation ont tendance à s'évaporer et à faire place à une franche et brutale envie d'ouvrir la fenêtre et d'y précipiter télévision, téléphone et tout ce qui se trouve à proximité.
Je me suis ressaisi et ai recomposé le numéro du service client.
« Bonjour, je m'appelle Denise. Pouvez-vous me donner votre numéro d'abonné ? »
Et me voilà pour la 4ème fois à énoncer mon numéro d'abonné, mon nom, mon numéro de téléphone et mon email. J'ai bien essayé de sauter une étape, mais impossible : Denise avait un script et elle devait le respecter. Pas question d'aller plus vite.
Avec une courtoisie réduite au minimum – pour être franc, sans aucune en fait…–, je lui ai résumé la situation et tous les appels passés.
« Mais, est-ce que votre numéro de téléphone n'a pas changé à l'occasion du déménagement ? »
« Si, je l'ai d'ailleurs signalé lors de mon premier appel. »
« Dans ce cas, il faut modifier votre numéro chez nous aussi et Free, votre fournisseur d'ADSL, doit vous donner votre IFC. Appelez-les et recontactez-nous avec ce numéro. »
Je sens qu'elle est dans le vrai, mais pourquoi ne pas me l'avoir dit dès le début.
Je ne vais pas vous raconter en détail la suite. En résumé, après 3 appels au service client de Free – le plaisir d'entendre de nouvelles voix et d'autres scripts – et un recours à l'assistance par chat, je n'ai toujours pas ce nouveau numéro, mais ce serait en bonne voie. Normalement dans la journée de demain, ce devrait être fait. A suivre, donc…
Comme quoi quand on veut définir a priori la réalité, quand on en déduit des scripts détaillés, que l'on demande à des agents de les suivre à la lettre, on n'écoute plus et on cherche à faire entrer le problème réel dans la situation théorique. Si l'on avait pris un peu plus le temps de prendre appui sur mon analyse du problème, j'ai comme l'impression que des deux côtés, celui des fournisseurs et celui du client – tout le monde aurait été gagnant. J'aurai eu ma solution plus vite et ce sans avoir à payer pour tous ces appels surtaxés. Les fournisseurs pourraient diminuer les effectifs alloués aux centres d'appel, ou les allouer à de vrais services clients !
PS : Je n'ai vraiment absolument pas caricaturé ce qui s'est passé et l'ai même simplifié et résumé…


C'est cela, la source de la liberté. La source de la liberté est dans la parole…
Venons maintenant au lien fait entre « vision matérialiste » et conditionnement, donc absence de libertés. La réponse pour moi est à nouveau de façon involontaire dans ce même Judaïca. En effet, c'est bien la parole qui est la source de liberté et du libre arbitre pour l'homme. En effet cette parole humaine n'est possible que parce que notre cerveau a un niveau de complexité jamais atteint précédemment : c'est l'existence de plus de dix milliards de cellules dans le cerveau reliées et enchevêtrées via des réseaux de neurones qui a permis à la parole, au langage et par là à la capacité interprétative d'émerger.
Finalement, si je voulais illustrer mon propos au travers d'une image, je dirai que nos sociétés sont passées d'un état solide à un état gazeux.
Par « état gazeux », je pense à ces nouveaux modes d'organisation et de relation beaucoup plus flous et incertains. Et aussi à ces relations aléatoires, faites des hasards des rencontres, des chocs entre des molécules libérées et flottantes. Cet état gazeux s'accompagne d'une sensation de chaos et d'incertitude, d'une forme d'entropie collective.


« Un dimanche soir, gare de Montélimar, dans le Sud de la France, il est 17 h 10 et j'attends un TGV pour Paris qui doit arriver dans une dizaine de minutes. Je ne pense à rien de précis, et mon esprit surfe sur les conversations voisines. Mon attention est attirée par l'une d'elles : un petit groupe parle de l'évolution du parti communiste et de la montée en puissance des mouvements d'extrême gauche. Je comprends que ce sont des sympathisants. Brutalement, sans transition réelle, l'un d'eux change de sujet et dit d'une voix assurée : « Pour l'éducation de mes enfants, la seule chose que je leur demande à l'école, c'est d'apprendre l'anglais. Le reste pour moi n'est pas important : le français, les mathématiques, cela ne leur servira pas pour parler plus tard. Avec l'anglais, ils pourront voyager partout et se faire comprendre. Vraiment, c'est l'anglais qui compte ». Étonnante affirmation, surtout vu ses convictions politiques : plus besoin d'avoir quelque chose à dire, il suffirait de pouvoir parler. L'échange ne serait plus un moyen, mais une fin en soi…
En repensant à cela, j'écoute la radio. Le débat porte sur le sujet récurrent de l'assimilation de nouvelles cultures en France : est-il normal ou non par exemple que des musulmans ne se conforment pas aux habitudes culturelles historiques françaises ? Témoignage d'une auditrice qui parle de la France comme si elle en était propriétaire, comme si le fait d'y être né lui donnait le droit d'en définir les conditions d'accès. L'animateur lui rappelle que certains musulmans sont nés en France comme elle. Elle n'en démord pas et fait appel à une sorte de droit de propriété historique : ceux qui sont arrivés récemment seraient moins légitimes qu'elle…





