8 déc. 2010

TRAVAILLE-T-ON À SON BUREAU ?

Une conférence qui remet la notion de travail en perspective

Jason Fried, dans une conférence qui vient d'être mise en ligne sur TED.com (voir l'intégrale ci-dessous) porte un regard intéressant et amusant sur les conditions de travail au bureau. Il commence avec cette question « simple » : "Pourquoi toutes les entreprises dépensent-elles autant d'argent pour créer et équiper des bureaux, alors que, quand on interroge quelqu'un sur l'endroit où il veut aller pour réellement faire quelque chose, il ne répond jamais 'son bureau' ? »

Voici un florilège de cette conférence :

« Vous n'avez plus jamais une journée de travail, vous avez des moments de travail. »

« A cinq heures de l'après-midi, vous réalisez que vous n'avez pas fait grand chose. (…) J'étais au travail, assis à mon bureau ; je me suis servi de mon ordinateur dernier cri et du nouveau logiciel pour lequel j'ai été formé. Je suis allé aux réunions auxquelles je devais assister. J'ai eu des conférences par téléphone. J'ai fait des choses, mais je n'ai rien accompli de vraiment important. »

« Vous êtes comme quelqu'un qui, quand il se lève le matin, se dit : je n'ai pas bien dormi. J'ai fait ce qu'il fallait, je suis allé au lit, je me suis couché, mais je n'ai pas vraiment dormi. On dit que l'on va dormir, mais, en réalité, on ne va pas dormir, on s'en rapproche et cela prend un moment. (…) Aussi comment bien dormir si l'on est interrompu tout le temps ? (…) Alors pourquoi s'attendre à ce que les gens travaillent bien au bureau alors qu'ils y sont tout le temps interrompus ? »

« Toutes les discussions et décisions que vous pensiez avoir à prendre à 9 heures du matin le lundi, oubliez-les simplement et tout ira bien. Les gens auront le matin libre, ils pourront vraiment réfléchir, et vous verrez que peut-être tout ce que vous aviez prévu de faire, vous n'aviez pas vraiment à le faire. »


7 déc. 2010

SALUTAIRE CONTRE-POUVOIR OU DÉBUT DE DÉSÉGRÉGATION ?

Un avion pris en otage, un appel contre les banques, la divulgation des notes confidentielles…

Ce week-end, une centaine de passagers, mécontents d'un changement de plan de vol, essaient de prendre en otage leur propre avion (voir « Les passagers se révoltent: un avion de Jet4you bloqué une nuit à Toulouse ».

La semaine dernière, Cantona a lancé son appel à un boycott des banques. Cet appel relayé par Facebook et repris par tous les média se trouve amplifié par la polémique qu'il a déclenchée.

Ces jours derniers, impossible d'échapper au phénomène Wikileaks. Personne ne parle du contenu des informations diffusées – ou si peu –, non, ce qui anime toutes les rédactions, c'est le principe de la diffusion d'informations confidentielles.
Étrange comme ces trois informations qui n'ont rien à voir entre elles, ni par le sujet traité, ni par leur importance, viennent se télescoper et mettent en lumière une forme de perte de repères et de confiance : perte de confiance dans la compagnie à laquelle on a acheté son billet, perte de confiance dans ces banques qui contribuent au fonctionnement de l'économie, perte de confiance dans la diplomatie et les gouvernements qui dirigent le monde.
Est-ce le signe d'un salutaire contre-pouvoir, un lutte saine face à la célèbre sentence de Lord Acton « Le pouvoir corrompt. Le pouvoir absolu corrompt absolument » ?
Ou le signe d'une désagrégation du ciment qui fait que nos sociétés collectives existent ?

Manifestement, de plus en plus de personnes ont aujourd'hui peur de l'incertitude qui les entourent et de moins en moins confiance dans les réponses qui sont données par les pouvoirs en place – économiques comme politiques –.
Si l'on ne veut pas basculer du mauvais côté de la force, il est urgent de reprendre confiance les uns dans les autres. Or ceci ne passe certainement pas par l'attisement des peurs individuelles et collectives.
Et c'est malheureusement ce que fait un média comme TF1 : par exemple, dans le digest accessible le 6 décembre matin par les liens RSS issus du site TF1.fr, sur les dix informations mises en avant, on a :
  • Le crash du Concorde,
  • Un policier renversé volontairement,
  • Trois morts dans une avalanche,
  • Cherbourg sous un mètre d'eau,
  • Le cambriolage chez Ségolène Royal (deux fois)
  • Les passagers qui bloquent l'avion,
  • Deux enfants sauvés, suite à une rupture de la glace,
  • Un SDF qui meurt de froid,
  • La relaxe de Mauroy et Cohen-Solal concernant les emplois fictifs
Soit donc huit informations négatives sur dix… et les deux « positives » sont implicitement inquiétantes car l'un parle de rupture de glace et l'autre d'emplois fictifs.
Or une telle focalisation de TF1 sur les drames est habituelle. Une réponse du type «  C'est ce qui est nécessaire pour développer l'audience » ne serait pas pour me rassurer…

6 déc. 2010

« TU M’EN DONNES COMBIEN DE MON LOT ? »

Un samedi matin au marché aux truffes de Richerenches

Tous les samedis matins, se tient à Richerenches, en Drôme provençale, le plus important marché aux truffes de France. Drôle de marché…
Du côté des offreurs, impossible de savoir exactement quelle est la quantité qui est proposée. Chacun arrive avec une sacoche plutôt ventrue. Mais ne contient-elle que des truffes ? Est-elle gonflée par d'autres objets ? Et comment savoir quelles sont la taille et la qualité de ces truffes ? Quelle est la proportion de melanosporum et de tuber ? Sont-elles noires ou blanches ?...
Du côté des acheteurs, chacun est recroquevillé dans le coffre de sa voiture, là où se passent les discussions et les transactions éventuelles. A quel prix est-il prêt à acheter ? Combien vient-il de proposer ? N'est-il intéressé que par des grosses truffes ?
Comment savoir ?

Aucune chambre de compensation n'existe, aucun tableau d'affichage n'indique le prix actuel des transactions, aucune donnée sur les quantités proposées et recherchées. Tout se passe sur le mode heuristique. On est entre soi : on n'achète qu'à un producteur connu, on ne vend qu'à un acheteur connu. On regarde, on se promène, on demande à un ami. Les allées bruissent de « Combien t-a-il proposé ? », « T'en a combien ? Elles sont comment ? », « T'as déjà vendu ? Moi, je préfère attendre, cela devrait monter ».
L'un préfère attendre, pensant que, dans quelques minutes, il pourra vendre 50 ou 100 € de plus le kilo. Un autre a vendu et se demande déjà s'il a bien fait. Un peu comme un casino, comme une roulette. Il ne manque que la présence d'une voix qui annoncerait « Attention, attention, les jeux seront bientôt faits » !

Étonnante métaphore réelle de ces marchés qui régentent le monde et fixe le prix de la plupart de nos biens. A bien y penser, il n'y a pas tant de différences entre le fonctionnement d'un marché aux truffes et celui de l'immobilier parisien ou celui de la fixation d'un cours de bourse ou d'une monnaie.
Simplement, ici à Richerenches, il n'y a ni électronique, ni d'ordinateur, et les sommes en jeu sont sans commune mesure. Finalement, c'est encore ce marché là qui reste le plus transparent…

3 déc. 2010

PRENDRE LE TEMPS D'ANALYSER LE PASSÉ

_____ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

2 déc. 2010

NOUS SOMMES LIBRES ET RICHES DU CHAOS DE NOTRE PASSÉ ET DE NOS RACINES

Ah, si nous pouvions parcourir notre passé !

Dans le roman de Paul Auster, La nuit de l'oracle (*), l'écrivain Sydney Orr invente un monde qui maitrise le voyage dans le temps :
« Conscient des risques de rupture et de désastre qu'elle implique, l'État n'accorde à chacun qu'un seul voyage durant sa vie. (…) Vous commencez deux cents ans avant votre naissance, en remontant à peu près sept générations, et puis vous revenez progressivement au présent. Le but de ce voyage est de vous enseigner l'humilité et la compassion, la tolérance envers le prochain. Parmi la centaine d'aïeux que vous rencontrerez en chemin, la gamme entière des possibilités humaines vous sera révélée, chacun des numéros de la loterie génétique aura son tour. Le voyageur comprendra qu'il est issu d'un immense chaudron de contradictions et qu'au nombre de ses antécédents se comptent des mendiants et des sots, des saints et des héros, des infirmes et des beautés, de belles âmes et des criminels violents, des altruistes et des voleurs. A se trouver confronté à autant de vies au cours d'un laps de temps aussi bref, on gagne une nouvelle compréhension de soi-même et de sa place dans le monde. On se voit comme un élément d'un ensemble plus grand que soi, et on se voit comme un individu distinct, un être sans précédent, avec son avenir personnel irremplaçable. On comprend, finalement, qu'on est seul responsable de son devenir. »

J'aime vraiment cette idée, non pas seulement par sa dimension poétique, mais parce que cela permettrait effectivement à chacun de percevoir combien la vie procède par tâtonnements, hasards et bifurcations. Ceci nous montrerait aussi que nous sommes le fruit de métissages, de mélanges et de transformations.

Peut-être reviendrions-nous de tels voyages un peu plus ouvert à l'autre et comprenant mieux que le choc des cultures et des différences est ce qui crée le progrès ?

Et comme l'a écrit Paul Auster, on comprendrait « qu'on est seul responsable de notre devenir » et que nous sommes libres et riches du chaos de notre passé et de nos racines.


 

(*) Éditions Babel, Actes Sud 2004

1 déc. 2010

LES MERS DE L’INCERTITUDE EN VIDÉO

Un condensé en 4 fois 2 minutes

Tout au long de ces dernières semaines, j'ai mis en ligne régulièrement des vidéos – au moins une par semaine –. Elles contribuent, – du moins  je l'espère! – à rendre ce blog plus vivant.

Parmi cette liste qui commence à être longue, quatre me semblent particulièrement illustratives de mon propos.

J'ai pensé qu'il serait utile de les rediffuser dans un même article. Les voilà donc réunies :









30 nov. 2010

QUI PROFITE ET EST DÉSTABILISÉ PAR LA MONDIALISATION ?

Un juste retour de boomerang ? (suite)

Je poursuis ma réflexion à partir de l'évolution du RNB, telle que publiée dans mon article d'hier.

Si l'on observe la situation des pays d'Afrique du Nord et de nos anciennes colonies d'Afrique Noire, la situation est plus diverse :
- Le Sénégal et la Côte d'Ivoire voit leur situation se dégrader très fortement depuis les années 60, avec une légère inflexion pour la Sénégal depuis les années 90 : depuis 1962, l'écart vis-à-vis de la France a été multiplié par 4, passant de 10 à 40.
- Les autres pays ont une évolution rappelant celle de la Chine ou de l'Inde, mais avec des évolutions beaucoup plus lentes : du début des années 60 au milieu des années 90, accroissement des inégalités par rapport à la France, puis amélioration mais beaucoup plus lente. Le Gabon a très peu évolué dans un sens comme dans l'autre en restant toujours autour d'un rapport de 5.


Ainsi le développement s'est fait jusqu'au milieu des années 90 essentiellement à notre profit. Notamment la délocalisation de l'industrie textile vers l'Afrique du Nord qui a eu lieu dans les années 80 ne s'est pas du tout traduite par un rattrapage.
La baisse depuis lors est donc là aussi d'abord un rééquilibrage, mais modeste : en 2009, l'écart entre la France et le Maroc retrouve la situation de 1980, avec la Tunisie il est encore plus grand qu'au début des années 60 …

Finalement, tout ceci montre clairement que nos sociétés occidentales se construites sur et grâce à la mondialisation et aux échanges entre nations. C'est ce qui a nourri notre croissance, jusqu'à présent. Maintenant, nous « subissons » un effet boomerang, dû au rééquilibrage. Ce dernier est rapide et brutal vis-à-vis des pays les plus défavorisés comme la Chine et l'Inde, plus lent vis-à-vis des autres. Nous sommes donc « condamnés » à faire des économies, car, en quelque sorte, nous remboursons des dettes passées.

Une dernière remarque concernant la Chine. Autant notre modèle de société, d'économie et de développement repose sur l'ouverture et les échanges avec l'extérieur, autant celui de la Chine repose sur un système historiquement fermé. Jusqu'à ces dernières années, la Chine n'a quasiment pas échangé avec l'extérieur. Depuis une quinzaine d'années, ceci a changé : flux régulier, croissant et important d'étudiants chinois dans les universités occidentales, et qui reviennent tous dans leur pays d'origine (poussés notamment par l'effet de l'enfant unique qui les ramène vers leurs parents) ; diplomatie chinoise qui prend des positions loin de ses bases pour sécuriser des accès à des ressources primaires (énergie, minerai, alimentation) ; internationalisation des entreprises chinoises.

Comment la Chine va-t-elle faire face aux conséquences de cette ouverture ? Jusqu'où cela déstabilisera-t-il le modèle culturel et politique chinois ? Nul ne sait. Mais il est certain que ce flux lent et constant qui fait croître cette ouverture, sera porteur de changements très importants.

Finalement, la mondialisation est moins une remise en cause pour nous – nous nous sommes construits grâce à elle – que pour la Chine…


 

29 nov. 2010

MONDIALISATION ET ÉVOLUTION DU REVENU NATIONAL BRUT PAR HABITANT

Un juste retour de boomerang ?

Le 15 novembre dernier, dans mon article intitulé "Les arbres ne montent pas au ciel", je m'étonnais de la tendance de bon nombre de commentateurs à comparer les taux de croissance français et chinois sans prendre en compte l'écart entre revenu national brut (RNB) par habitant (il est en 2009 de 42680 € en France et de 3590 € en Chine)

Je viens d'avoir la curiosité de reprendre les statistiques fournies par la Banque Mondiale et de regarder l'évolution du rapport entre le RNB français par rapport aux trois pays qui font la une des commentaires, à savoir la Chine, l'Inde et le Brésil. Le graphe ci-dessous montre le résultat.


On voit que, jusqu'au milieu des années 90, l'écart entre la France versus la Chine comme l'Inde s'accroît très significativement : il passe d'environ 20 au début des années 60 à 60 versus la Chine et plus de 70 versus l'Inde. Dans le même temps, il n'y a quasiment aucune évolution par rapport au Brésil, le rapport restant quasi stable autour de 7.

A partir de mi 95, les choses changent avec une évolution rapide et parallèle de la Chine et de l'Inde. Notons que le rapport avec l'Inde reste supérieur à celui des années 60 : il est de l'ordre de celui de la fin des années 70. La Chine vient, elle, seulement depuis 2006 d'avoir un rapport meilleur que celui des années 60. La symétrie entre les courbes avant et après 95 est aussi frappante.

Le Brésil évolue, lui, beaucoup moins vite, mais c'est « logique » car il part d'une situation nettement moins défavorable. On constate aussi une oscillation du rapport : l'amélioration sensible depuis 2004 qui voit passer le rapport de 9,1 à 5,3 en 2009 va-t-elle se poursuivre ?

Je ne sais pas comment vous réagissez à la lecture de ce graphe, mais cela montre un paysage plutôt différent de celui propagé la plupart du temps : l'évolution actuelle n'est-elle pas d'abord un juste rééquilibrage ?

25 nov. 2010

QUAND COCA-COLA PREND DES ALLURES ARABISANTES

Mais où allons-nous ?

En février de cette année, j'avais écrit un billet interrogatif concernant Mc Donald : le Mc Donald situé à proximité de la gare Saint Lazare et qui a une allure de taverne alsacienne, est-il un test en vue d'une européanisation du concept (voir « MC DO S'APPRÊTE À TOUT CHANGER ! »
) ?

J'étais toujours face à cette interrogation existentielle et pour tout dire un peu inquiétante, quand je suis tombé sur une photo venant d'être prise à Grenade en Espagne. Sur cette photo (voir ci-joint), on voit une tentative d'hispanisation de la marque Coca-Cola. Se trouvant de plus en Andalousie, cette version hispanisée a aussi des relents d'arabisation et se met à ressembler à un décor de mosquée.

Qu'en penser ?

Est-ce une nouvelle tentative des marques américaines de se fondre dans le paysage européen pour mieux envahir nos esprits ? Une forme d'action que je ne peux pas ne pas rapprocher du Mc Do alsacien de Paris. Dans quel monde allons-nous si de telles pertes de repère deviennent le lot commun ?

Ou alors, est-ce une maquette en vue d'un lancement dans le monde arabe, un test discret dans le sud de l'Europe ? Allons-nous voir fleurir de partout le long de la Méditerranée, ce logo version mosaïque ?

A suivre…