Avoir trop de grosses pierres est plus un problème qu’une solution
Si vous aviez à construire un mur en pierres sèches, comment procéderiez-vous ? Vous trieriez les pierres et choisiriez les plus belles, les plus grosses, les plus plates, n’est-ce pas ? C’est exactement ce que j’ai fait au début. Je passais ainsi de longues heures à la recherche de la pierre magique, celle qui allait à la perfection s’emboîter sur la précédente… et bien sûr, je ne la trouvais pas. Alors mes murs étaient bancals, instables, car les pierres ne s’ajustaient jamais parfaitement.
Ensuite, je regardais perplexe le tas de pierres que j’avais délaissées. Elles étaient là, sur le côté, comme autant d’accusatrices de ma façon de faire. Il y avait manifestement un problème : si les paysans avaient procédé ainsi, ils n’auraient jamais pu utiliser toutes les pierres qu’ils trouvaient au hasard de leurs labours. D’ailleurs, il suffisait que je me recule et regarde mon mur : il était comme une verrue dissonante dans le paysage.
Des mois et même des années ont passé avant que je ne comprenne l’origine du problème. Pourquoi autant de temps ? Parce que je construisais en dilettante mes murs, « comme un parisien », je n’étais que de passage en Provence, entre deux avions, deux rendez-vous. Je n’étais pas réellement présent. J’endurais mon insatisfaction et la maladresse manifeste de mes murs.
Un jour, j’eus enfin la curiosité d’observer en détail comment un mur existant était construit. Il était temps… Pourquoi n’avais-je pas commencé par cela ? Parce que je m’étais dit que ce n’était pas important, que poser des pierres les unes sur les autres, ne demandait pas de compétences, de savoir-faire. Erreur. L’observation d’un mur me montra que la réalité du mode de construction n’était pas si naturelle.
En effet, à ma grande surprise, je constatais qu’il n’y avait quasiment pas de grosses pierres. L’essentiel des pierres de façade étaient des pierres de taille moyenne, voire petites. L’intérieur était garni de petites pierres. Comme cela, elles s’emboitaient les unes dans les autres, les plus petites pierres venant se loger dans les cavités restantes. De temps en temps, une grosse pierre venait réunir le tout et apporter de la cohésion à l’ensemble. Autre point important, la largeur du mur : plus le mur est large, plus il est stable… et plus on utilise de pierres, bénéfice collatéral important, quand il s’agit de, précisément, s’en débarrasser du maximum.
Le sommet du mur était lui constitué uniquement de grosses pierres, posées sur la tranche. Cette technique, outre sa valeur esthétique, avait surtout pour intérêt de contribuer à la solidité du mur. En effet, ces pierres étaient mises en compression, les unes avec les autres, par de petites pierres plates, glissées entre les grosses. Ainsi impossible d’en enlever une.
Certes, mais comment étaient-ils arrivés à obtenir que le haut du mur dessine une ligne horizontale, alors que la largeur de ces pierres terminales variait du simple au double ?
(à suivre)