5 juil. 2011

DIFFICILE D'ATTRAPER UN VERRE SI LES JAMBES BOUGENT AU MAUVAIS MOMENT !

Comment une grande entreprise peut-elle agir de façon coordonnée ? (1)
Pour faire face à des concurrents à bas coût, la Direction Générale d’une compagnie aérienne a lancé un vaste plan de réduction des dépenses dans l’ensemble de l’entreprise. Une équipe ad hoc est constituée. Sont notamment revues toutes les dépenses dans l’aéroport principal. Un audit met en évidence que le nombre de personnes affectées à la réception des bagages est excessif, le calcul reposant sur le nombre total de bagages traités par jour. La décision de diminuer le nombre de bagagistes est prise et est rapidement mise en œuvre.
En parallèle, une autre partie de cette grande entreprise qui a en charge de développer les ventes en Asie, et singulièrement au Japon, décide de promouvoir dans ce même aéroport une logique de hub : des correspondances très rapides vont permettre à des voyageurs venant du Japon de transiter efficacement et repartir vers une destination quelconque en Europe. Le temps de correspondance visé est de 30 minutes.
Or les vols depuis le Japon sont effectués dans des Boeing 747 et l’arrivée de ces vols a lieu à l’heure de pointe de l’aéroport : il y a donc à ce moment-là un très grand nombre de bagages à traiter. Aussi, compte tenu de la diminution du nombre de bagagistes, le temps moyen pour traiter un bagage monte à 45 minutes : en effet, le calcul d’optimisation fait pour la réduction des coûts a raisonné en moyenne journalière et n’a pas tenu compte de l’effet de pointe.
Ainsi la juxtaposition des deux décisions, optimisation du traitement des bagages et mise en place du hub, a fait que la plupart des voyageurs venant du Japon repartaient vers leurs destinations finales sans leurs bagages !
Le coût direct lié au traitement de tous les bagages en retard (intervention manuelle hors processus, frais d’acheminement jusqu’au client final incluant des taxis, indemnités, …) a été nettement supérieur à l’économie faite par la réduction du nombre de bagagistes : une estimation rapide de ce surcoût l’a évalué à dix fois l’économie initiale. Et ce sans parler des dégâts faits à l’image de la compagnie auprès des clients mécontents, dégâts toujours difficilement chiffrables : l’incident a été tellement important que l’entreprise a failli être déréférencée par toutes les agences de voyages japonaises.
Un peu comme si, au moment d’attraper un verre, nos jambes s’étaient mises en mouvement d’elles-mêmes. Difficile alors de réussir à attraper le verre…

4 juil. 2011

UNE CRÉATION DE VALEUR QUI N’EN EST PAS UNE

Je te tiens, tu me tiens par la barbichette
Fin de journée, dans un bar quelque part dans le monde. John, assis à une table du fonds, attend, comme tous les soirs, son ami Paul.
Un coup d'œil à sa montre. Bizarre, Paul est vraiment en retard. Le voilà qui rentre, essoufflé, une toile sous le bras :
« Regarde cette toile, dit Paul à John.
- Tu l’as payée combien ?
- Cinq mille euros. »
Deux heures plus tard, John repense au tableau : « S’il l’a payé cinq mille, c’est qu’il vaut nettement plus. »
John pianote un email : « Dix mille pour ton tableau »
Réponse : « OK pour 100 % de plus-value ! »
Au milieu de la nuit, Paul se réveille : « Quand John découvre mon tableau, il ne dit rien. Deux heures après, il me propose le double : il a appris quelque chose ! »
Il envoie à son tour : « Ai réfléchi. Te le rachète quinze mille. »
Un mois plus tard, Paul qui, la veille, a repris le tableau pour cent cinquante mille euros, retrouve John :
« Combien pour le tableau ?
- Rien, je suis passé à la sculpture.
- Dommage, juste au moment où on commençait à vraiment gagner de l’argent. »
Bien sûr tout ceci n’est qu’une histoire imaginaire…

1 juil. 2011

SE CROIRE INVULNÉRABLE TUE !

Plus une entreprise est grande et puissante, plus elle risque de se déconnecter du réel et se croire invulnérable. Or le réel est bien là, dans et autour de l'entreprise. A un moment ou à un autre, il se rappellera aux bons soins de ceux qui l'ont oublié...

Certains succès montent à la tête
Cette entreprise était allée de succès en succès. Créée il y a maintenant plus de cinquante ans, elle avait rapidement pris une position de leader sur ses marchés et avait réussi à s’imposer mondialement.
Après cette phase initiale d’expansion, pour accroître son efficacité, elle avait progressivement automatisé tout ce qui pouvait l’être. Parallèlement, elle avait mis en place un plan de formation interne pour accueillir les nouveaux et accélérer l’apprentissage de ses recettes de succès. Tout ceci facilitait l’action quotidienne et permettait de se concentrer sur ce qui était nouveau.
Aujourd’hui, un sentiment de puissance s’est diffusée et elle se sent invulnérable aux évolutions de la conjoncture et des exigences des clients : elle a oublié tous les efforts faits dans le passé, et est convaincue d’être « naturellement » plus forte que ses concurrents.
Résultat, elle ignore de plus en plus sa concurrence, et étant experte, croit savoir mieux que ses clients ce dont ils ont besoin. Elle est de moins en moins capable de repérer les signaux faibles venant de son environnement et a tendance à oublier les points qui sont à l’origine de son propre succès.
L’entreprise continue à être dirigée de façon consciente, mais n’intègre plus les informations qui pourraient contredire ses interprétations, interprétations qui sont devenues des certitudes. 
Sans le savoir, sans s’en rendre compte, l’entreprise agit peut-être à contre-courant : elle est devenue insensible à son environnement, et donc vulnérable à toute rupture…
On est tellement bien chez nous...
Grâce à sa position dominante, la profitabilité de cette entreprise est largement supérieure à la moyenne du marché. Elle est assise à la fois sur des positions industrielles clés, sur le contrôle de quelques ressources essentielles et sur un savoir-faire industriel et marketing. Bref tout va bien…
Pour récompenser tout le monde, des avantages ont été accordés, année après année, aux salariés et à la Direction. Le sentiment d’appartenance à l’entreprise s’est renforcé au fur et à mesure du cumul de ces avantages.
Un accord tacite entre Direction, syndicats et personnel amène, à l’occasion de chaque négociation, à les renforcer, quitte à externaliser davantage de fonctions pour ne pas dégrader la compétitivité de leur entreprise : il y a de moins en moins de monde à l’intérieur et ceux qui s’y trouvent sont de plus en plus en décalage avec le « monde extérieur ».
S’est ainsi développé petit à petit un confort interne croissant qui n’incite plus à la vigilance. Finalement, tout le monde, Direction comme salariés, privilégie le développement de ce confort : le corps social de l’entreprise se coupe progressivement de l’extérieur. À la limite, on manage alors pour manager, on pense qu’une réunion est bonne parce qu’elle s’est simplement bien passée, et on oublie que tout ceci n’a de sens que si la performance réelle, celle vue par les clients et l’extérieur, s’améliore effectivement.
Devenue autiste, l’entreprise a tendance à protéger jusqu’au bout les avantages acquis, éventuellement même en mettant en péril sa survie…
Je n'ai pas besoin des autres
Créée initialement autour d’un produit unique qu’elle a mondialisé, cette entreprise a ensuite grandi rapidement en multipliant ses lignes de produits. Elle est experte dans la transformation d’une innovation en marché : identification des savoir-faire clés, industrialisation des processus, marketing et commercial ad-hoc, gestion de la marge et du profit…
Ce développement s’est accompagné de la mise en place de structures ad-hoc, d’une spécialisation croissante et d’une multiplication des interlocuteurs internes. Le système global est devenu de plus en plus complexe et l’atteinte de la performance suppose une collaboration efficace entre un nombre croissant d’acteurs.
L’intégration transverse est maintenant difficile à piloter et est de moins en moins maîtrisée. Une partie des acteurs en place se fait sa propre interprétation de la mission qui lui est allouée et de ce que peuvent attendre ou fournir les autres acteurs. Certains vont même jusqu’à se poser la question de la pertinence des structures  communes et de l’existence de l’entreprise en tant que telle.
Pourtant ces structures communes sont celles qui fournissent les ressources et les innovations. Finalement les délais de lancement des nouveaux produits s’allongent…
Et comme la multiplication des lignes de produit s’était faite selon un logique client et qu’elles s’adressent toujours le plus souvent aux mêmes clients, ceux-ci sont contactés en désordre et ne comprennent plus la logique de l’entreprise…
Finalement, plus personne n’a confiance en personne, et les processus internes deviennent redondants…
La performance globale se dégrade, mais personne ne s’en rend vraiment compte, car chacun est focalisé sur son périmètre. L’entreprise se fissure doucement et sûrement…

Des entreprises font des calculs qui ne veulent rien dire
Cette entreprise allait de la chimie de base à la chimie de spécialités, chaque ligne de produit étant centralement pilotée par une structure ad-hoc. En France, les organisations commerciales étaient dédiées à ces lignes de produits, mais, partout ailleurs, existait un responsable pays qui exerçait une supervision de toutes les activités locales.
Aussi « logiquement », ce responsable calculait la part de marché du groupe dans le pays. Cette part de marché était l’agglomération des parts de marché de chaque produit, et faisait une moyenne entre des produits n’ayant aucun rapport entre eux : quel sens pouvait avoir de mélanger des produits aussi dissemblables que les dérivés chlorés ou sulfurés avec des silicones, voire même des terres rares ?
La part de marché résultante n’avait donc aucun sens métier : ce n’était que le résultat d’un calcul et rien de plus.
Or comme le responsable pays avait un rôle historique important dans le groupe, elle était suivie au niveau de la Direction Générale et toute évolution de cette part de marché déclenchait analyse et questions.
Le système central construisait ses interprétations sur une donnée qui n’avait aucun sens réel et n’avait aucun lien avec les logiques de développement des activités dans les pays…

SE CROIRE INVULNÉRABLE, C'EST ÊTRE MALADE !

Je suis malade en musique 
Bon nombre d'entreprises sont malades sans trop s'en rendre compte, notamment quand elles se croient invulnérables... Quoi donc de plus normal que de finir cette semaine avec trois versions de "Je suis malade" ?



30 juin 2011

DES ENTREPRISES FONT DES CALCULS QUI NE VEULENT RIEN DIRE

Se croire invulnérable tue (4)
Cette entreprise allait de la chimie de base à la chimie de spécialités, chaque ligne de produit étant centralement pilotée par une structure ad-hoc. En France, les organisations commerciales étaient dédiées à ces lignes de produits, mais, partout ailleurs, existait un responsable pays qui exerçait une supervision de toutes les activités locales.
Aussi « logiquement », ce responsable calculait la part de marché du groupe dans le pays. Cette part de marché était l’agglomération des parts de marché de chaque produit, et faisait une moyenne entre des produits n’ayant aucun rapport entre eux : quel sens pouvait avoir de mélanger des produits aussi dissemblables que les dérivés chlorés ou sulfurés avec des silicones, voire même des terres rares ?
La part de marché résultante n’avait donc aucun sens métier : ce n’était que le résultat d’un calcul et rien de plus.
Or comme le responsable pays avait un rôle historique important dans le groupe, elle était suivie au niveau de la Direction Générale et toute évolution de cette part de marché déclenchait analyse et questions.
Le système central construisait ses interprétations sur une donnée qui n’avait aucun sens réel et n’avait aucun lien avec les logiques de développement des activités dans les pays…

29 juin 2011

JE N’AI PAS BESOIN DES AUTRES

Se croire invulnérable tue (3)
Créée initialement autour d’un produit unique qu’elle a mondialisé, cette entreprise a ensuite grandi rapidement en multipliant ses lignes de produits. Elle est experte dans la transformation d’une innovation en marché : identification des savoir-faire clés, industrialisation des processus, marketing et commercial ad-hoc, gestion de la marge et du profit…
Ce développement s’est accompagné de la mise en place de structures ad-hoc, d’une spécialisation croissante et d’une multiplication des interlocuteurs internes. Le système global est devenu de plus en plus complexe et l’atteinte de la performance suppose une collaboration efficace entre un nombre croissant d’acteurs.
L’intégration transverse est maintenant difficile à piloter et est de moins en moins maîtrisée. Une partie des acteurs en place se fait sa propre interprétation de la mission qui lui est allouée et de ce que peuvent attendre ou fournir les autres acteurs. Certains vont même jusqu’à se poser la question de la pertinence des structures  communes et de l’existence de l’entreprise en tant que telle.
Pourtant ces structures communes sont celles qui fournissent les ressources et les innovations. Finalement les délais de lancement des nouveaux produits s’allongent…
Et comme la multiplication des lignes de produit s’était faite selon un logique client et qu’elles s’adressent toujours le plus souvent aux mêmes clients, ceux-ci sont contactés en désordre et ne comprennent plus la logique de l’entreprise…
Finalement, plus personne n’a confiance en personne, et les processus internes deviennent redondants…
La performance globale se dégrade, mais personne ne s’en rend vraiment compte, car chacun est focalisé sur son périmètre. L’entreprise se fissure doucement et sûrement…

28 juin 2011

ON EST TELLEMENT BIEN CHEZ NOUS

Se croire invulnérable tue (2)
Grâce à sa position dominante, la profitabilité de cette entreprise est largement supérieure à la moyenne du marché. Elle est assise à la fois sur des positions industrielles clés, sur le contrôle de quelques ressources essentielles et sur un savoir-faire industriel et marketing. Bref tout va bien…
Pour récompenser tout le monde, des avantages ont été accordés, année après année, aux salariés et à la Direction. Le sentiment d’appartenance à l’entreprise s’est renforcé au fur et à mesure du cumul de ces avantages.
Un accord tacite entre Direction, syndicats et personnel amène, à l’occasion de chaque négociation, à les renforcer, quitte à externaliser davantage de fonctions pour ne pas dégrader la compétitivité de leur entreprise : il y a de moins en moins de monde à l’intérieur et ceux qui s’y trouvent sont de plus en plus en décalage avec le « monde extérieur ».
S’est ainsi développé petit à petit un confort interne croissant qui n’incite plus à la vigilance. Finalement, tout le monde, Direction comme salariés, privilégie le développement de ce confort : le corps social de l’entreprise se coupe progressivement de l’extérieur. À la limite, on manage alors pour manager, on pense qu’une réunion est bonne parce qu’elle s’est simplement bien passée, et on oublie que tout ceci n’a de sens que si la performance réelle, celle vue par les clients et l’extérieur, s’améliore effectivement.
Devenue autiste, l’entreprise a tendance à protéger jusqu’au bout les avantages acquis, éventuellement même en mettant en péril sa survie…

27 juin 2011

CERTAINS SUCCÈS MONTENT À LA TÊTE

Se croire invulnérable tue (1)
Cette entreprise était allée de succès en succès. Créée il y a maintenant plus de cinquante ans, elle avait rapidement pris une position de leader sur ses marchés et avait réussi à s’imposer mondialement.
Après cette phase initiale d’expansion, pour accroître son efficacité, elle avait progressivement automatisé tout ce qui pouvait l’être. Parallèlement, elle avait mis en place un plan de formation interne pour accueillir les nouveaux et accélérer l’apprentissage de ses recettes de succès. Tout ceci facilitait l’action quotidienne et permettait de se concentrer sur ce qui était nouveau.
Aujourd’hui, un sentiment de puissance s’est diffusée et elle se sent invulnérable aux évolutions de la conjoncture et des exigences des clients : elle a oublié tous les efforts faits dans le passé, et est convaincue d’être « naturellement » plus forte que ses concurrents.
Résultat, elle ignore de plus en plus sa concurrence, et étant experte, croit savoir mieux que ses clients ce dont ils ont besoin. Elle est de moins en moins capable de repérer les signaux faibles venant de son environnement et a tendance à oublier les points qui sont à l’origine de son propre succès.
L’entreprise continue à être dirigée de façon consciente, mais n’intègre plus les informations qui pourraient contredire ses interprétations, interprétations qui sont devenues des certitudes. 
Sans le savoir, sans s’en rendre compte, l’entreprise agit peut-être à contre-courant : elle est devenue insensible à son environnement, et donc vulnérable à toute rupture…

24 juin 2011

DES CHANSONS QUI SE REGARDENT AUTANT QU'ELLES S’ÉCOUTENT

Des sons et des mots mis en image 
La musique est maintenant une interprétation mettant en jeu de plus en plus des créations visuelles. En voici quatre exemplaires que je trouve emblématique de deux styles très différents. Plutôt que de vous les commenter, je vous les laisse les découvrir...
Occasion aussi de faire écouter Kery James qui mériterait un peu plus de présence sur les ondes françaises...






23 juin 2011

QUI SAIT CE QUI SE PASSE : CELUI QUI EST FACE À LA SITUATION OU CELUI QUI LIT DES RAPPORTS ?

La porte est-elle ouverte ou fermée ?

Dans le cadre d’une mission menée pour une grande banque française, j’avais organisé une réunion à son siège. Afin de m’assurer que tout était en ordre, j’étais arrivé, comme d’habitude, trente minutes en avance. L’accueil m’avait confirmé qu’une salle avait bien été réservée, et m’avait donné son numéro.
Arrivé devant la porte, j’avais constaté que celle-ci était fermée. Comme un téléphone se trouvait là, j’avais alors appelé l’accueil pour leur demander de faire le nécessaire pour ouvrir la salle. S’était alors enclenché une discussion quasiment surréaliste :
« Pouvez-vous m’ouvrir la salle n°4, avais-je demandé,
- Ce n’est pas la peine, m’avait-on répondu. Elle est déjà ouverte.
- Mais non, elle est fermée.
- Je vous dis qu’elle est ouverte. J’ai sous les yeux mon cahier sur laquelle il est indiqué qu’elle a été ouverte.
- Peut-être, mais moi, je suis devant la porte, et elle est fermée.
- Êtes-vous sûr d’avoir correctement essayé de l’ouvrir ? »
Bref, finalement j’étais arrivé à les convaincre que celui qui avait la meilleure information était celui qui était devant la porte, mais cela n’avait pas été facile…
Cette anecdote, réelle, illustre bien le danger de ne regarder la réalité qu’au travers de registres, de rapports ou de tableaux de bord. Il arrive à des dirigeants de croire qu’ils savent mieux ce qui se passe que ceux qui sont sur le terrain…