La vie végétale bricole comme elle peut… (3)
Comment
caractériser la vie, et quelles sont ses caractéristiques essentielles qui la
différencient de la matière inerte ?
Pour faire simple,
je dirai… qu’elle est vivante ! C’est-à-dire parce qu’elle peut s’adapter
dynamiquement et rapidement aux conditions du milieu dans lequel elle est
plongée, et parce qu’elle peut se reproduire. Adaptation et reproduction.
L’adaptation implique qu’une cellule vivante ne reste littéralement
jamais en place. Elle n’est que flux et changement. A la différence d’un
morceau de matière inerte, un corps vivant ne peut être ni pensé, ni compris,
immobile et figé. Il est en perpétuelle transformation. Il est dynamiquement
identique à lui-même, c’est-à-dire aux règles qui le définissent, mais si vous
l’arrêtez, il cesse précisément d’être vivant, pour redevenir matière inerte.
La reproduction n’est pas non plus un facteur de stabilité, car elle
n’est pas une photocopie de ce qui préexistait. Au contraire, chaque « enfant »
hérite des codes génétiques de son ou ses « parents », mais avec toujours une
subtile différence. Or qui dit « subtile différence », dit de potentielles
macro-divergences, grâce aux effets du chaos. Il y a de cela cinq ans, j’ai
planté devant ma maison en Provence, cent quarante nouveaux chênes, possible
truffière future. Depuis des mois et des années ont passé. Une goutte d’eau
dans l’épaisseur du temps de l’univers, une virgule imperceptible, et pourtant
ils sont déjà ces cent quarante petits arbres si différents. Les uns ont à
peine grandi, quand d’autres mesurent nettement plus d’un mètre. Aujourd’hui,
je sais lesquels ont le plus profité, mais comment aurais-je pu le savoir au
départ ?
Ainsi va la vie. Grâce à elle, l’univers a acquis un nouveau niveau
d’incertitude : elle se manifeste dans une échelle de temps qui n’a plus rien
n’avoir avec celle de la matière inerte. L’incertitude du vivant bat plus vite,
l’horloge de l’imprévisibilité vient de considérablement accélérer.
(à suivre)