Les matriochkas stratégiques de L’Oréal (1)
Il est indispensable qu’une entreprise vise un point fixe, un « mer » située à l’horizon qui va orienter et guider les actions de tous. Mais si faire un tel choix est indispensable, c’est tout à fait insuffisant, car comment faire que celle-ci ne reste pas lettre morte, un vœu pieux issu des pensées d’un comité stratégique ?
Il ne suffit pas à L’Oréal d’affirmer qu’il vise la beauté pour réussir. Ceci est bien trop vague pour guider les actions quotidiennes. En rester là serait croire que l’on peut diriger par incantation : il ne suffit pas d’affirmer une vision ou une méta-stratégie pour que, par miracle, elle devienne réalité. Si on laisse cohabiter ce point fixe avec les aléas de la vie de tous les jours, chacun continuera à agir comme si de rien n’était, et jamais l’entreprise n’avancera vers cette mer. Elle restera à tout jamais une utopie lointaine et inaccessible.
Si les actions immédiates ne sont pas effectivement mises en œuvre en cohérence avec la méta-stratégie, si rien n’est fait pour s’en rapprocher, ne serait-ce que de quelques mètres, elle restera une vision théorique et fictive : pour qu’une méta-stratégie en soit une, encore faut-il qu’elle se concrétise dans le réel. L’entreprise ne se nourrit pas d’utopies ou d’idéaux, mais bien de chiffres d’affaires tangible !
Comment donc la relier au quotidien de l’entreprise ? Comment passer de cet objectif lointain aux actions immédiates ? Ceci va se faire par une succession d’étapes.
D’abord, préciser quelle portion de mer est visée, car une mer est par construction un territoire vaste et englobant, et elle est donc inatteignable dans sa globalité : la Seine n’atteint pas la Manche globalement, elle la rejoint entre Honfleur et Havre, et ne s’égarera jamais en direction ni du Mont Saint Michel ou ni de Dunkerque. Elle a fait son choix une fois pour toute et s’y tient. Comme la Seine, toute entreprise doit choisir quelle partie de la mer elle vise, et définir les principes des chemins d’accès, ce en assurant qu’ils sont les plus résilients possible, c’est-à-dire les moins susceptibles d’être remis en cause.
Mais une entreprise est aussi d’abord une collectivité humaine, elle n’est pas une entité froide, faite de calculs. Elle n’est ni le résultat de constructions théoriques, ni une formule dans un tableur Excel, ni modélisable dans un business-plan. Donc à côté des chemins stratégiques, il faut esquisser des principes d’action, qui vont encadrer et définir la culture de l’entreprise. Ce sont des sortes de croyances auxquelles tout le monde devra adhérer et qui fédéreront les individus. Ces principes d’action doivent être articulés et compatibles avec les chemins stratégiques. Ils définissent en quelque sorte la façon de les construire et de les parcourir.
(à suivre)