19 juin 2013

ARRÊTONS DE CROIRE LES BALIVERNES DES ÉCONOMISTES, NOS SORCIERS MODERNES

Affirmer à l’avance que l’on va se tromper, n’est pas avoir raison
 A écouter les économistes, il est normal qu’ils se trompent. La plupart revendiquent même ceci comme la preuve de leur sérieux et de leur bonne foi.
Il est vrai que, vu le décalage constant qu’il y a entre leurs prévisions et la réalité, et leur incapacité à construire des théories explicatrices autrement qu’a posteriori, il était vital pour eux, d’intégrer l’erreur comme faisant parti de ce qu’ils appellent encore une science.
Un peu comme si un élève, conscient de son incapacité à fournir les bonnes réponses, avait prévenu son professeur que la plupart de ses devoirs seraient faux, et que, puisqu’il l’avait annoncé à l’avance, il devait avoir à chaque fois la meilleure note : il ne se trompait plus, puisqu’il savait que ses réponses n’étaient pas bonnes. Il avait donc raison, et son évaluateur devait en tenir compte.
Les économistes font de même : les crises sont cycliques et imprévisibles, et donc toutes leurs théories sont fausses… à part celle qui affirme que précisément leurs théories le sont… donc ils ont raison. CQFD !
Et le plus étonnant, c’est que tout le monde, ou presque, continue à les croire et les écouter. Pourtant aucun élève cherchant à appliquer la même tactique n’obtiendrait de bonnes notes, non ?
Alors pourquoi donc n’écoutons-nous donc pas plus quelqu’un comme Daniel Kahneman qui a longuement et en détail, expliqué pourquoi la science économique n’en était pas une, essentiellement parce qu’elle traite d’êtres théoriques les « Econs » alors que nous sommes des « Humans » (1) ? Pourquoi lui avoir donné un prix Nobel d’économie en 2002 ? Pour se donner bonne conscience, et surtout passer aux oubliettes tout ce qu’il dit ?
Et si jamais, vous pensez que j’exagère, pouvez-vous alors m’expliquer pourquoi nous avons encore des crises ? Et comment se fait-il que les économistes parlent sans cesse du taux de croissance, sans remarquer que nous sommes incapables de le connaître, puisqu’il est le taux de variation du PIB, et que nous ne savons pas réellement le mesurer précisément ?  PIB qui d’ailleurs ne mesure pas vraiment l’activité d’un pays…
Arrêtons donc de croire ces grands prêtres modernes qui ne comprennent pas plus ce qui se passe, que les sorciers de l’Antiquité ne connaissaient comment fonctionnait le corps humain.
Comme nous sommes devenus modernes, ne les brûlons pas, ignorons les simplement, et admettons que ce n’est pas par la mathématisation du monde que nous progresserons dans la compréhension de ce qui advient…

(1) Voir notamment son dernier livre « Thinking Fast and Slow » et la série d’articles que je lui ai consacrés

18 juin 2013

POUR UNE VRAIE RELANCE DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Réinventer la DATAR en tenant compte de la décentralisation et de la nouvelle donne économique mondiale 
Au moment de la montée des réseaux numériques, du brassage des populations – tant au sein du territoire national, que de l’Europe ou avec les autres nations – et de la perte de repères qui en est souvent induite, le territoire reste le lieu des cohabitations physiques et de l’incarnation d’un passé notamment culturel.
Il est aussi un des éléments de la compétition internationale pour toutes les implantations structurantes, que ce soit celles de grandes universités, de laboratoires de recherche ou d’unités de production majeures.
Ce n’est pas en menant des politiques sectorielles et verticales, décoordonnées entre elles, que l’on assurera la compétitivité de nos régions françaises, et le maintien des solidarités. Si l’on n’y prête pas garde, nos territoires nationaux peuvent se trouver « non compétitifs » par rapport à des localisations alternatives européennes… et au sein du territoire national, certains peuvent décrocher et se paupériser.
Une politique d’Aménagement du Territoire est donc plus que jamais nécessaire. Pourtant combien il est frappant de constater son absence : nos dirigeants politiques croiraient-ils que le monde est devenu virtuel, et que l’incarnation spatiale de ce qui est entrepris n’est plus un sujet important ?
L’Aménagement du Territoire ne peut évidemment pas se penser sans les Régions, c’est-à-dire que l’État n’est plus légitime à intervenir directement sur le territoire, mais il est le seul à pouvoir :
- assurer une péréquation entre les territoires pour que le succès des plus performants tire en avant ceux qui sont moins favorisés,
- articuler les politiques nationales entre elles,
- peser réellement au niveau européen et international, et défendre les régions françaises.
C’est le rôle d’une administration de mission capable de peser sur les politiques sectorielles de l’État, et s’assurer qu’elles s’articulent pour le mieux physiquement dans l’espace, et tisser des liens avec les Régions. C’est ce qu’a fait la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) de sa création jusqu’au milieu des années 80.
Il est frappant ensuite de voir comme elle n’a jamais su repenser son rôle avec le développement de la décentralisation, et la modification de la donne économique mondiale. Elle s’est transformée petit à petit en une administration gérant les primes d’aménagement du territoire et les crédits européens, sans être capable d’incarner une vision et de peser sur les autres administrations. Pour l’essentiel, tout se passe sans elle… et l’Aménagement du Territoire est absent de toutes les grandes décisions…
La Datar fête cette année le cinquantenaire de sa création, et une renaissance est aujourd’hui indispensable sous la forme d’un retour aux sources : une équipe ramassée pilotée par un Délégué proche du pouvoir politique et porteur de la vision.
La suppression de la terminaison « Action régionale » serait souhaitable pour matérialiser que ce n’est pas à elle d’agir au plan régional : le rôle de la Datar devenue DAT serait d’avoir une vision transverse des politiques de l’État – c’est-à-dire s’assurant des articulations spatiales entre les routes, les universités, la santé… –, d’agir pour un rééquilibrage des ressources financières locales et de soutenir à l’international les champions nationaux. Elle développerait aussi une politique de relations contractuelles avec les Régions, en orientant le contenu des plans État-Région.
Relancer une telle politique est une urgence…

17 juin 2013

PENSER AVEC LES TRIPES

Il n’y a qu’un pas entre la pensée et la panse
Que serions-nous sans la magie et la puissance de notre cerveau ? Celle-ci repose sur la centaine de milliards de neurones qui s’y trouvent, et sur le réseau incroyablement complexe de tous les points de contacts qui les relient, les plus de cent mille milliards de synapses.
À côté de cette machine centrale, en existe une autre, plus petite, plus limitée, mais essentielle : le cerveau abdominal. En effet, les parois de nos intestins sont tapissées d’une centaine de millions de neurones. Mille fois moins donc que notre cerveau principal, cela semble bien peu…
Donnons quelques éléments de comparaison : le cerveau d’un éléphant comprendrait vingt-trois milliards de neurones, celui d’un singe entre cinq à dix milliards de neurones, celui d’un chat un milliard, celui d’une pieuvre trois-cents millions, celui d’un rat une soixantaine de millions, celui d’une grenouille moins de vingt millions, celui d’une abeille un million et celui d’une fourmi deux-cent cinquante mille. (1)
Donc par rapport à cette échelle, notre cerveau abdominal se trouve entre le rat et la pieuvre… ou encore équivalent à cinq grenouilles travaillant en réseau. Peut-être est-ce pour cela que nous avons parfois des gargouillis gastriques : est-ce donc nos neurones intestinaux qui discutent entre eux ?
Ou aussi notre cerveau abdominal a la puissance de cent abeilles là encore mises en réseau, ou de quatre cents fourmis. Ressentons-nous des fourmillements internes ?
Mais la question n’est pas là, et il n’y a évidemment pas de comparaison entre la puissance de ce cerveau local, et celui qui pilote l’ensemble de notre corps, et est la source de nos processus conscients et inconscients.
À quoi donc sert-il, s’il ne contribue pas à nos pensées ?
À gérer localement le processus de digestion, et la complexité des échanges avec le système sanguin : comment digérer, que faut-il laisser passer, de quoi faut-il se protéger. Le fait que la gestion soit assurée localement et sans intervention du cerveau central, permet des actions ultrarapides, comme, par exemple, le déclenchement de vomissements. Cela allège aussi d’autant l’encombrement du système principal.
Les deux cerveaux sont-ils totalement indépendants ? Non, ils sont réunis par un nerf au joli nom, le nerf vague. Son rôle reste encore imprécis, mais, s’il assure une forme de synchronicité entre les deux, il n’entrave pas l’autonomie du cerveau abdominal.
Ce principe d’organisation n’est pas inintéressant pour réfléchir au management des entreprises, et la façon de développer de vrais processus décentralisés…
Décidément plus nous avançons dans la compréhension de nos mécanismes cérébraux, plus on s’écarte de la vision de Descartes, et de son célèbre « Je pense donc je suis »… à moins qu’il faille le réécrire avec un néologisme : « Je panse et je suis » !
(1) Source Wikipedia – List of animals by number of neurons

14 juin 2013

SHOOTÉ À L’ADRÉNALINE

Dans l’effervescence de Calcutta (2010) (1)
Mon séjour à Calcutta a eu lieu avant et après le cocon de Darjeeling (voir les billets publiés les vendredis précédents). En tout, j’ai passé une douzaine de jours dans la folie de l’ancienne capitale des Indes britanniques.
Impossible de résumer tout ce que j’y ai vécu et ressenti. Ce billet, ainsi que celui qui suivra, ne sont que des flashes pour évoquer, bien maladroitement, les émotions d’alors… ou plutôt la trace qu’il m’en reste.
La rue, tout d’abord, y est folie. Les voitures envahissent l’espace, et les quelques policiers perdus au milieu des carrefours, ne sont que les témoins impuissants d’une jungle urbaine.
Mais, autant, à Pékin, j’ai toujours ressenti le flux automobile comme une agression, autant, bizarrement, à Calcutta, je l’ai vu comme une injection d’adrénaline.
J’y ai marché sans fin au hasard de mes bifurcations. Un peu comme à New-York. Calcutta est le New-York du nouveau nouveau monde. Nouveau nouveau monde qui est d’abord la résurgence d’un ancien perdu…
A Darjeeling, je m’endors et plonge au plus profond de mes méandres mentaux. A Calcutta, je vibre et me réveille dans le magma des énergies collectives.
J’aime ces deux photos prises alors.
Ce drive inn, qui mélange vente de voitures d’occasion et restaurant. Vivante concrétisation du double sens du mot restauration… Jeu de mots aussi entre le drive in et le drive inn. Suis-je ici en un endroit dédié à la voiture, où la nourriture des corps n’est que l’accessoire ? Ou l’inverse ? Ou les deux, dans une acceptation, toute bouddhiste des contradictions apparentes ?
Ces forts des halles qui transportent sur leurs têtes ce qui approvisionne le marché de détail voisin. Ils semblent s’être maquillés et vêtus pour être à la hauteur de leur fonction. Suis-je dans un film ou dans la réalité ?  Dans la réalité bien sûr, et il faut mon mental d’occidental repu pour y voir un spectacle… alors qu’ils ne cherchent qu’à gagner les quelques roupies qui leur permettront de faire vivre leur famille…

13 juin 2013

FAIRE DES CHOIX POUR DEVENIR UN FLEUVE, ET NON PAS SEULEMENT UN AFFLUENT

Naissance des entreprises et des idées (7)
Dans mon livre précédent, les Mers de l’incertitude, j’évoquais qu’une entreprise devait avancer comme un fleuve, vers la mer qu’elle s’était choisie, et qu’ainsi, elle devenait chaque jour un peu plus forte. Pour prolonger et enrichir cette métaphore, je dirais que, si une entreprise ne sait pas se focaliser et clarifier sa stratégie, elle ne deviendra pas un fleuve, mais une rivière, c’est-à-dire qu’elle sera vassale d’autres entreprises : jamais elle n’atteindra de mer, et contribuera à ce que d’autres l’atteignent. C’est ce que fait Semco en aidant des multinationales à se développer au Brésil.
Acquérir une position forte et de premier niveau, ne peut pas se faire sans choix stratégiques. Ceux-ci ne se font pas ex nihilo, mais en comprenant ce que l’on a commencé sans avoir procédé à des analyses préalables. 
L’Oréal a pu devenir un leader mondial de la cosmétique qu’en abandonnant Monsavon et en se focalisant sur la beauté ; Georges Claude, avec son associé Paul Delorme a su rapidement lancé mondialement ce qu’il avait trouvé par hasard ; Mark Zuckerberg n’a eu qu’une obsession : comprendre pourquoi Facebook se développait, et l’améliorer chaque jour un peu plus…
Prendre le temps d’observer ce qui se passe, d‘analyser même ce qui nous dépasse sans se perdre dans les détails… et se faire l’apôtre et le prophète de sa vision. Telles sont les conditions requises pour devenir un fleuve.
Voilà tout ce que je vais expliciter en détail dans mon livre, Les radeaux de feu, qui sortira en octobre prochain.

12 juin 2013

SE FOCALISER POUR POUVOIR ÊTRE MONDIAL

Naissance des entreprises et des idées (6)
Peut-on construire une entreprise résiliente sur la seule promotion de la responsabilité individuelle et la capacité à saisir tout ce qui se présente, quitte à l’abandonner dès que cela n’en vaut plus la peine ? Peut-on appliquer ces principes pour construire un leader mondial ?
Je ne crois pas, et d’ailleurs, si Semco est incontestablement une réussite (1), elle n’est pas devenue un leader, et est restée locale. En fait, chacune de ses unités est au service d’une entreprise mondiale dont elle a assurée le succès au Brésil, prenant sa dîme au passage : Rockefeller pour l’immobilier, Johnson Controls pour la gestion des aéroports et des hôpitaux ou Environmental Resources Management pour les services à l’environnement.
Pourquoi donc ce qui est vrai au début, à la naissance d’une entreprise ou d’une innovation, devient insuffisant par la suite ? Pourquoi agir sans bien savoir pourquoi on le fait, sans vision projective, est insuffisant ? Pourquoi, en d’autres mots, la réflexion stratégique, est-elle nécessaire ?
Parce que dans le Neuromonde qui est le nôtre, les leaders sont mondiaux et arrivent à opérer de façon synchrone, tout en tirant parti des spécificités locales. Ceci ne peut pas se faire sans focalisation et adhésion collective à la même vision : Air Liquide a réussi à s’imposer en évitant la dispersion, L’Oréal en se centrant progressivement sur la beauté, 3M en ne sachant mondialiser ses innovations.
Si l’entreprise, à l’instar de Semco, se contente de saisir les opportunités qui se présentent, sans les trier, sans les hiérarchiser, si toutes les initiatives sont jugées bonnes pour peu qu’elles soient autoporteuses, rien n’est consolidé, et l’entreprise ne se renforce pas au fur et mesure de sa progression.
(à suivre)
(1) Mais je reste troublé par l’absence de toute information chiffrée depuis 2003. Semco est-il toujours aussi performant aujourd’hui ?

11 juin 2013

POURQUOI TRAITER LES SALARIÉS COMME DES ENFANTS, ET NON PAS COMME DES ADULTES ?

Naissance des entreprises et des idées (5)
Laissez-moi vous parler d’une autre entreprise étonnante, Semco, une entreprise brésilienne, reprise et développée par Ricardo Semler. Entre 1983 et 2003, son chiffre d’affaires est passé de quatre à deux-cent douze millions de dollars, et ses effectifs de 90 à 3000 personnes. Une des recettes de son succès : aucune décision centralisée, chaque développement est né d’une initiative locale (1). Pour qu’un projet soit autorisé, il suffit à son promoteur de démontrer qu’il est possible et rentable. Pas besoin pour cela de tirer des plans à long terme, ni de prouver que le business correspondant est important. Non, il suffit de montrer qu’il est possible de le lancer sans perdre d’argent. Ensuite tous les ans, il devra prouver à nouveau qu’il est juste de la poursuivre, ce au travers d’une question simple : si Semco n’était pas dans ce métier, se lancerait-elle dedans ? Si la réponse est non, on plie bagage.
Autre remarque de Ricardo Semler : pourquoi traiter les salariés comme des enfants, et non pas comme des adultes. « En dehors de l'usine, les ouvriers sont des hommes et des femmes qui élisent le gouvernement, servent dans l'armée, dirigent des projets communautaires, construisent et élèvent des familles, et prennent des décisions chaque jour au sujet du futur. Des amis sollicitent leurs avis. Des vendeurs les courtisent. Des enfants et des grands-parents les respectent pour leur sagesse et leur expérience. Mais dès qu'ils sont dans l'usine, l'entreprise les transforme en adolescents. Ils doivent porter des badges avec leurs noms, arriver à une heure précise, se mettre en ligne pour pointer ou aller manger, demander la permission pour aller aux toilettes, donner plein d'explications chaque fois qu'ils sont cinq minutes en retard, et suivre des instructions sans poser de questions. » (2)

Évident et troublant, non ? Mais, est-ce si simple ? Peut-on construire une entreprise résiliente sur la seule promotion de la responsabilité individuelle et la capacité à saisir tout ce qui se présente, quitte à l’abandonner dès que cela n’en vaut plus la peine ? Peut-on appliquer ces principes pour construire un leader mondial ?
(à suivre)
(1) How we went digital without a strategy de Ricardo Semler - Harvard Business Review - September-October 2000
(2) Managing without managers - Harvard Business Review - September-October 1989

10 juin 2013

CROIRE AU FUTUR AU-DELÀ DES ANALYSES IMMÉDIATES

Naissance des entreprises et des idées (4)
Savez-vous qu’en 1927, Harry Warner, un des quatre frères Warner à l’origine des studios Warner Bros, affirma : « Qui pourrait bien avoir envie d’entendre les acteurs parler ? », et qu’en 1943, Thomas Watson Président d’IBM dit : « Je pense qu’il y a la place pour peut-être cinq ordinateurs dans le monde entier ». Pourtant quelques années plus tard, leurs entreprises devenaient des leaders mondiaux grâce à ces innovations jugées au départ par eux sans potentiel.
En 1964, Spencer Silver, un chimiste de 3M, invente en s’amusant, une drôle de colle qui ne colle qu’à elle-même. Faute d’applications, elle échoue dans un placard. En 1974, Art Fry, un collègue de Silver, a l’idée d’utiliser cette colle pour fixer les signets qu’il utilise comme marquer les psaumes dans son hymnaire. Non seulement, cela marche, mais il peut même les repositionner. Reste à améliorer le procédé et à trouver comment lancer le produit, ce qui prendra encore quatre ans. Ce n’est qu’en 1978 que le produit est testé avec succès et qu’el 1980 qu’il prend le nom de post-it. Vous connaissez la suite…
A la fin des années soixante-dix, les ingénieurs de Sony Electronics développent le Pressman, un prototype pour permettre aux journalistes d’enregistrer facilement leurs interviews. Mais pas moyen d’arriver à une qualité sonore suffisante pour faire ensuite la transcription, aussi ce prototype est mis au rebut, et ne sert aux ingénieurs qu’à écouter de la musique dans leur bureau. Un peu plus tard, parce que Masaru Ibuka, co-fondateur de Sony, veut pouvoir écouter de la musique dans les avions lors des vols long-courriers, ces ingénieurs reprennent ce prototype, suppriment toute fonction d’enregistrement et le dotent d’un casque. Impressionné par le résultat, Ibuka en parle à son collègue Akio Morita. Celui-ci se tourne vers les équipes marketing qui lui disent que l’idée n’a pas d’avenir : qui pourrait bien avoir envie de marcher dans la rue en écoutant la musique au travers d’un casque ? Les revendeurs ne croient pas non plus à un appareil qui ne sert qu’à écouter. Mais Akio et Masaru s’obstinent et font développer le produit. Le Walkman allait naître…
Ainsi l’émergence de la stratégie n’est pas l’apanage des petites entreprises : elle est aussi le cas des grandes. Est-ce à dire donc qu’il ne sert à rien de réfléchir à long terme et de se fixer un objectif ? Réussit-on simplement quand on a de la chance ? Les entreprises qui gagnent sont-elles juste celles qui ont eu la présence d’esprit d’amplifier et mondialiser ce qui était né par hasard ?
Je ne le crois pas… et même pas du tout.
(à suivre)

7 juin 2013

24 HEURES À BERLIN

On fait comme on peut…
Foutue journée. Vous savez une de ces journées où, rapidement, on se dit : « J’aurais dû rester au lit ! ». Rien de très grave n’arrive, mais rien ne va.
C’est ce qui arrive à Niko. Il commence par quitter sa copine et la laisser en plan, sans claire raison. D’ailleurs nous ne saurons jamais bien pourquoi il fait ceci plutôt que cela, nous ne serons que les témoins impuissants de cette enfilade de mauvaises nouvelles et rebuffades. Rapidement nous comprendrons qu’il n’y est pas pour rien, que la vie lui rend un peu la monnaie de sa pièce, mais aucun doute, nous sommes de son côté, et avec lui, sans les comprendre, ni les anticiper, nous recevons les coups, les uns après les autres.
Le fil rouge de ces vingt-quatre heures d’errance dans Berlin où telle une boule de billard un peu folle, il rebondit sur les bandes, est son incapacité à obtenir un café. Quoi de plus frustrant que de ne pas arriver à assouvir une envie si basique ? Tout se ligue contre lui : un bar où le café est trop cher, un père qui lui dit que ce n’est pas le moment, une machine défectueuse, un bar de nuit qui n’en sert plus…
Je ne vous dirai rien de la nature de ses différents échecs – à quoi bon aller voir le film si vous connaissiez tout à l’avance –, si ce n’est que j’ai été embarqué par ce road movie urbain et nostalgique, une ode à l’impuissance qui m’a laissé un goût doucement amer dans la bouche.
Décidément, notre époque n’est plus celle des cow-boys conquérants ou des shérifs style Clint Eastwood, les héros n’en sont plus… ils ne sont plus qu’un « boy » parmi d’autres, qui fait comme il peut et là où il peut. Oh boy !

6 juin 2013

ATTRAPER LE FUTUR PAR INSTINCT, PLUS QUE PAR LOGIQUE

Naissance des entreprises et des idées (3)
Je pourrais multiplier les exemples à l’infini : à chaque fois, quand un entrepreneur se lance, ce n’est ni au vu d’une stratégie claire, ni d’un business plan détaillé. Non, c’est parce qu’il en ressent le besoin en lui, et qu’il saisit l’idée qui se présente, celle à laquelle il croît. Pourrait-il expliquer pourquoi il agit ainsi ? Très probablement pas. Mû par ses pulsions, poussé par ce qui émerge de ses processus inconscients, il sait qu’il doit le faire. Bien sûr, il n’avance pas tête baissée, et mobilise ses processus conscients pour trouver les moyens d’avancer, mais ce n’est pas ce qui l’a fait démarrer.
Ensuite ce qui fait la différence, c’est la capacité à observer ce qui advient, passer du temps à identifier pourquoi ceci marche et ceci non, savoir s’entourer, trouver les capitaux nécessaires, et avancer le plus vite possible. Et cette alchimie est rare et exceptionnelle : toutes les innovations chimiques involontaires ne donnent pas naissance à des multinationales et des leaders mondiaux dans leur secteur ; toutes les bricolages faits dans des garages ne se transforment en des L’Oréal bis ; toutes les frustrations initiales ne font pas de ceux qui les subissent des milliardaires.
Mais mon propos est de noter que, dans son étape initiale, aucune entreprise naissante n’a une stratégie claire, ou, si elle en a une, ce n’est pas celle qu’elle suivra et qui l’amènera à réussir. Comme pour les radeaux des fourmis de feu, la solution émerge sans qu’elle soit pensée a priori, et si l’on attrape son voisin, c’est plus par instinct et intuition inconsciente, qu’à cause d’une pensée structurée et réfléchie.
D’ailleurs, ce qui est vrai dans ces moments initiaux, l’est encore souvent plus tard.
(à suivre)