Article paru dans la revue PAM – janvier 2014
Les
politiques en appellent régulièrement à la statue du Commandeur, et bien peu
prendraient le risque de ne pas régulièrement se référer aux pensées et actes
du Général de Gaulle. Je ne vais pas à mon tour manquer à cette tradition si
gauloise, et rappeler ce que disait le Général le 14 décembre 1965 : « Alors il
faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de politique
autrement que sur des réalités. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise
comme un cabri, en disant : l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais ça
n'aboutit à rien et ça ne signifie rien. Je répète : il faut prendre les choses
comme elles sont. »
Étonnant
comme cette célèbre sortie tombe à point pour illustrer notre actualité.
D’un
côté, je vois des Cassandre qui ont trouvé leur tête de Turc (ce qui est
paradoxal pour une Europe qui n’a pas franchi les Bosphores !) : ils tombent à
bras raccourcis sur cette pauvre Europe. Elle serait à l’origine de tous nos
maux. Tout y passe : agriculture, industrie, monnaie, chômage, bientôt culture,
langue… Afin de stimuler leur imagination, puis-je compléter leur liste en leur
faisant quelques suggestions : le dérèglement climatique, l’enfoncement du Mont
Saint Michel, les avalanches et les inondations quand il y en a, l’incapacité à
gagner l’Eurovision, l’élimination en coupe de monde du football.
De
l’autre, des anti-Cassandre ont inventé le remède miracle. À tout problème, la
réponse est simple : prenez donc un peu plus d’Europe et tout ira mieux.
Amusant comme la liste est exactement la même (je vous laisse donc la relire…).
Je n’ai pas non plus de raisons de changer mes suggestions complémentaires.
Et si
la classe politique et la cohorte d’experts qui l’alimente (mais qui alimente
le plus l’autre ?) arrêtaient donc de sauter sur sa chaise en disant : l’Europe
! l’Europe ! l’Europe, et comme le Général le disait, il y a presque cinquante
ans, prenaient conscience que cela ne mène à rien, et en venaient aux réalités.
Car
enfin, il est facile de chercher les solutions comme les problèmes, ailleurs.
N’avons-nous pas d’abord à balayer devant notre porte, et nous poser la
question de la modernité de nos institutions et de nos mécanismes ? A moins que
d’aucuns veuillent se voir imposer la solution de l’extérieur…
Une
fois que ceci sera fait, il sera temps de se préoccuper de cette Europe qui
n’est et ne sera finalement que ce que nous en ferons. Et il y a du chemin à
faire à ce niveau là aussi. Car, pour conclure sur un autre rappel d’un mot du
Général, c’est vraiment un « machin »(1) qui reste largement à
construire.
(1)
Expression dans laquelle il visait alors l’ONU