10 févr. 2014

L’EUROPE, L’EUROPE, L’EUROPE !

Article paru dans la revue PAM – janvier 2014
Les politiques en appellent régulièrement à la statue du Commandeur, et bien peu prendraient le risque de ne pas régulièrement se référer aux pensées et actes du Général de Gaulle. Je ne vais pas à mon tour manquer à cette tradition si gauloise, et rappeler ce que disait le Général le 14 décembre 1965 : « Alors il faut prendre les choses comme elles sont, car on ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri, en disant : l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais ça n'aboutit à rien et ça ne signifie rien. Je répète : il faut prendre les choses comme elles sont. »
Étonnant comme cette célèbre sortie tombe à point pour illustrer notre actualité.
D’un côté, je vois des Cassandre qui ont trouvé leur tête de Turc (ce qui est paradoxal pour une Europe qui n’a pas franchi les Bosphores !) : ils tombent à bras raccourcis sur cette pauvre Europe. Elle serait à l’origine de tous nos maux. Tout y passe : agriculture, industrie, monnaie, chômage, bientôt culture, langue… Afin de stimuler leur imagination, puis-je compléter leur liste en leur faisant quelques suggestions : le dérèglement climatique, l’enfoncement du Mont Saint Michel, les avalanches et les inondations quand il y en a, l’incapacité à gagner l’Eurovision, l’élimination en coupe de monde du football.
De l’autre, des anti-Cassandre ont inventé le remède miracle. À tout problème, la réponse est simple : prenez donc un peu plus d’Europe et tout ira mieux. Amusant comme la liste est exactement la même (je vous laisse donc la relire…). Je n’ai pas non plus de raisons de changer mes suggestions complémentaires.
Et si la classe politique et la cohorte d’experts qui l’alimente (mais qui alimente le plus l’autre ?) arrêtaient donc de sauter sur sa chaise en disant : l’Europe ! l’Europe ! l’Europe, et comme le Général le disait, il y a presque cinquante ans, prenaient conscience que cela ne mène à rien, et en venaient aux réalités.
Car enfin, il est facile de chercher les solutions comme les problèmes, ailleurs. N’avons-nous pas d’abord à balayer devant notre porte, et nous poser la question de la modernité de nos institutions et de nos mécanismes ? A moins que d’aucuns veuillent se voir imposer la solution de l’extérieur…
Une fois que ceci sera fait, il sera temps de se préoccuper de cette Europe qui n’est et ne sera finalement que ce que nous en ferons. Et il y a du chemin à faire à ce niveau là aussi. Car, pour conclure sur un autre rappel d’un mot du Général, c’est vraiment un « machin »(1) qui reste largement à construire.

(1) Expression dans laquelle il visait alors l’ONU

7 févr. 2014

LIGNES DE VIE

Jeux de lignes (2)
Le plus souvent les lignes n’ont rien de structuré, ni de précis. Elles se forment au hasard, et ondulent.
Elles sont aiguillages, et font nos mouvements. Vers la gauche ou la droite, c’est selon. Tel un train fou, nous suivons leur chemin. A quand la collision ?
Elles sont aussi empilements, pierres posées les unes sur les autres. Le temps a fait son œuvre, les bords se sont érodées, les pluies ont entaillé celle-là, préservé celle-ci.
Elles sont fils tissés ou non, horizontales ou verticales, colonnes ou grillages.
Nous vivons dans ces toiles d’araignées qui nous entravent ou capturent nos proies, c’est selon.
Ainsi vont nos vies : nous sommes sur le fil de nos lignes …

6 févr. 2014

LE DÉFI FACE À L'INCERTITUDE EST LA STABILITÉ, PLUS QUE L'AGILITÉ́

Les Matriochkas d’une stratégie résiliente – Vidéo 3
Ce n'est pas en allant un coup à droite, puis à gauche, puis en avant, et enfin en arrière que l'on progresse : le défi dans l'incertitude est d'arriver à tenir un cap et d'avancer peu ou prou dans la même direction. Sans cela, l'agilité est vaine et ne construit rien.

5 févr. 2014

LA MER EST L’ADN DE L’ENTREPRISE

Les Matriochkas d’une stratégie résiliente (4)
Cette méta-stratégie apporte la stabilité nécessaire, et évite à l’entreprise d’être désarticulée et détruite par les vagues incessantes de l’incertitude. C’est elle qui permet une agilité positive, au service de l’avancée vers la mer. C’est elle qui ne change jamais.
Pourquoi ? Parce que :
- C’est possible : la mer est un attracteur permanent dans le chaos du monde, un besoin qui, quels que soient les aléas, sera toujours là.
- C’est nécessaire : comme un fleuve se renforce au fur et à mesure qu’il progresse, au début, une entreprise n’a qu’une intuition de sa mer. C’est petit à petit qu’elle développe une compréhension fine, crée des offres de mieux en mieux adaptées, affûte ses savoir-faire internes…
- C’est son identité : c’est elle qui donne le sens à l’action collective et soude les équipes internes. En changer, ce n’est pas seulement changer de finalité, c’est changer d’identité. Changer de mer, c’est risquer de ne pas être compris et suivi, de voir éclater l’entreprise.
(…)
Tout être vivant naît, grandit et se reproduit. Jamais, il ne s’arrête. Jamais il ne change, mais toujours il se transforme. Au cœur de chaque cellule, se trouve l’ADN, la clé qui accompagne cette évolution et donne cohésion et identité à l’ensemble.
Toute entreprise naît, grandit, et se multiplie. Jamais, elle ne s’arrête. Jamais, elle ne change, toujours, elle se transforme…à une condition : que chaque partie et sous partie, que chacun de ses membres aient en tête la mer visée, et que toujours, il veuille s’en rapprocher. La mer est l’ADN de l’entreprise.
(extrait des Radeaux de feu)

4 févr. 2014

TOUJOURS VISER LE MÊME POINT FIXE

Les Matriochkas d’une stratégie résiliante (4)
Qu’il pleuve ou qu’il vente, que l’on modifie ses berges ou que l’on mette en place de nouveaux pompages, tout fleuve continue son cours imperturbablement jusqu’à la mer. Indifférent, ou presque à tout ce qui l’entoure, au fur et à mesure de sa progression, il se renforce. (…)
Comme dans la théorie des mathématiques du chaos, la mer se comporte comme un attracteur qui attire à lui l’eau qui tombe tout autour : peu importe l’incertitude en amont, tout converge vers elle. Le couple fleuve-mer est un système structurellement stable, la mer est un point fixe pour le fleuve. Telle est la logique qui régit notre monde : derrière les aléas immédiats, au-delà des méandres et des hésitations, les structures fondamentales restent inchangées.
Il en est de même pour une entreprise : pour se renforcer tout au long de sa progression, elle doit viser un point fixe, une mer, et allier stabilité et adaptation aux événements et au terrain. Elle a commencé par hasard, intuition et volonté, mais un jour se pose la question du choix : comment trouver cette mer qui sera son point fixe, et fera d’elle un fleuve, celui dont les autres seront les affluents ?
Première question : de tels points fixes existent-ils ? Oui, car les processus chaotiques qui régissent notre monde, le rendent structurellement stable : la physique est toujours faite des mêmes solides, l’énergie est toujours là, et nos écosystèmes sociaux s’articulent toujours autour de la communication, la beauté, l’alimentation ou la sexualité. Ce sont ces déterminants que les entreprises doivent viser, ce sont parmi eux qu’elles doivent choisir leur mer.
Ainsi, quand vous demandez à L’Oréal de définir sa stratégie, il répond la beauté. De même Nestlé avec la nutrition et la santé, Saint-Gobain avec l’habitat, ou Air Liquide avec la gestion des gaz. Quand Steve Jobs explique pourquoi il a choisi le marché de la musique, il dit que c’est un besoin permanent et constant : pas d’inquiétude à avoir, il sera là encore demain. Quant à Google, il ne se définit pas comme le spécialiste des moteurs de recherche sur Internet, ni même comme visant à favoriser l’usage d’Internet. Non, en 2009, son PDG, Éric Schmidt disait : « Nous avons une mission et une stratégie, et la mission est…, vous savez, d’organiser l’information du monde. Et la stratégie est de le faire à travers l’innovation. »
(extrait des Radeaux de feu)

3 févr. 2014

DANS L'INCERTITUDE, LE DÉFI N'EST PAS L'AGILITÉ, MAIS LA STABILITÉ !

Les Matriochkas d’une stratégie résiliante (3)
L’agilité est le mot à la mode du management contemporain. Mais, dans le Neuromonde incertain et tourbillonnant, est-ce, à la moindre brise, changer de cap plus vite que les autres ? Qui peut croire que la création de valeur naîtra de tels mouvements erratiques ?
Au contraire, la performance est dans la stabilité, et la capacité à maintenir son cap : arriver à construire dans la durée, sans être désarçonné par tout ce que l’on n’a pas pu prévoir. Tel un fleuve, modifier son cours en fonction des mouvements de terrain, du volume des pluies, des barrages imprévus, mais sans changer de destination.
Aussi si toutes les entreprises sont nées par hasard, intuition ou volonté, celles qui sont devenues des leaders mondiaux durables ont pris, à un moment, le temps de trouver leur mer : elles sont les fleuves qui attirent et structurent le cours des autres.
Ainsi L’Oréal ne cesse jamais de viser la beauté, reste centrée sur les cheveux, la peau et le parfum, développe des marques mondiales dédiées toujours aux mêmes circuits de distribution, tout en en allongeant sans cesse la liste, ne renonce pas à ses principes d’action, … avec au cœur, une réactivité extraordinaire, celle de l’énergie de la vie : les actes élaborent des produits, produits qui construisent des marques, marques qui rapprochent l’entreprise chaque jour un peu plus de sa mer.
L’entreprise est structurellement stable et changeante au quotidien : le chaos des initiatives apporte la résilience globale.
Attention enfin à s’être préparé au pire et organisé sur les scénarios les plus défavorables, car, dans les tourbillons du Neuromonde, seuls les paranoïaques optimistes survivent !
(extrait des Radeaux de feu)

31 janv. 2014

LA TERRE ET LE CIEL

Jeux de lignes (1)
Notre monde urbain est fait de lignes qui structurent et rythment le paysage de nos villes.
Ceci est singulièrement vrai de Pékin où elles sont omniprésentes.
Elles y sont non seulement limites naturelles, mais symboliques.
Elles relient entre eux les lieux et les monuments. Elles sont la traduction physique du spirituel. Elles sont jonctions entre le sol et le ciel.

Avec elles, la Chine immuable et impériale nous observe à tout jamais…

30 janv. 2014

DEVENIR UN FLEUVE POUR ÊTRE UNE ENTREPRISE LEADER

Les Matriochkas d’une stratégie résiliente – Vidéo 2
Comment devenir une entreprise autour de laquelle se structure les actions des autres, tel un fleuve qui attire ses affluents…

29 janv. 2014

ON COMMENCE PAR HASARD, ON RÉUSSIT PAR CHOIX

Les Matriochkas d’une stratégie résiliente – Vidéo 1
Les débuts de toutes les entreprises - Facebook aussi bien que Air Liquide ou 3M - ne sont ni pensés a priori, ni le fruit d'une réflexion stratégique approfondie. Ce n'est que dans un 2ème temps, que se pose la question d'identifier pourquoi on est en train de réussir. Les bons Dirigeants sont donc ceux qui sont capables d'identifier ce qui est né par hasard, de se focaliser, puis de s'y tenir.

28 janv. 2014

QUI POURRAIT AVOIR ENVIE D’ÉCOUTER DE LA MUSIQUE EN MARCHANT ?

Les Matriochkas d’une stratégie résiliente (2)
Ce qui est vrai dans ces moments initiaux, l’est encore souvent plus tard.
Savez-vous qu’en 1927, Harry Warner, un des quatre frères Warner à l’origine des studios Warner Bros, affirma : « Qui pourrait bien avoir envie d’entendre les acteurs parler ? », et qu’en 1943, Thomas Watson Président d’IBM dit : « Je pense qu’il y a la place pour peut-être cinq ordinateurs dans le monde entier ». Pourtant quelques années plus tard, leurs entreprises devenaient des leaders mondiaux grâce à ces innovations jugées au départ par eux sans potentiel.
En 1964, Spencer Silver, un chimiste de 3M, invente en s’amusant, une drôle de colle qui ne colle qu’à elle-même. Faute d’applications, elle échoue dans un placard. En 1974, Art Fry, un collègue de Silver, a l’idée d’utiliser cette colle pour fixer les signets qu’il utilise comme marquer les psaumes dans son hymnaire. Non seulement, cela marche, mais il peut même les repositionner. Reste à améliorer le procédé et à trouver comment lancer le produit, ce qui prendra encore quatre ans. Ce n’est qu’en 1978 que le produit est testé avec succès et qu’en 1980 qu’il prend le nom de Post-it. Vous connaissez la suite…
A la fin des années soixante-dix, les ingénieurs de Sony Electronics développent le Pressman, un prototype pour permettre aux journalistes d’enregistrer facilement leurs interviews. Mais pas moyen d’arriver à une qualité sonore suffisante pour faire ensuite la transcription, aussi ce prototype est mis au rebut, et ne sert aux ingénieurs qu’à écouter de la musique dans leur bureau. Un peu plus tard, parce que Masaru Ibuka, co-fondateur de Sony, veut pouvoir écouter de la musique dans les avions lors des vols long-courriers, ces ingénieurs reprennent ce prototype, suppriment toute fonction d’enregistrement et le dotent d’un casque. Impressionné par le résultat, Ibuka en parle à son collègue Akio Morita. Celui-ci se tourne vers les équipes marketing qui lui disent que l’idée n’a pas d’avenir : qui pourrait bien avoir envie de marcher dans la rue en écoutant la musique au travers d’un casque ? Les revendeurs ne croient pas non plus à un appareil qui ne sert qu’à écouter. Mais Akio et Masaru s’obstinent et font développer le produit. Le Walkman allait naître…
Ainsi l’émergence n’est-elle pas l’apanage des petites entreprises : elle est aussi le cas des grandes. Est-ce à dire donc qu’il ne sert à rien de réfléchir à long terme et de se fixer un objectif ? Réussit-on simplement quand on a de la chance ? Les entreprises qui gagnent sont-elles juste celles qui ont eu la présence d’esprit d’amplifier et mondialiser ce qui était né par hasard ?
Je ne le crois pas… et même pas du tout.
(extrait des Radeaux de feu)