12 mars 2014

L'IMPORTANCE DE LA FACILITÉ ET DE LA SIMPLICITÉ́ EN SYSTÈME INCERTAIN

Pour une ergonomie des actions émergentes – Vidéo 2
Pour tenir dans la durée et ne pas s'effondrer face aux obstacles, il faut trouver le geste naturel et facile, identifier les solutions les plus simples pour bâtir sur elles, ne pas faire de l'effort une valeur, mais juste une nécessité parfois incontournable, et savoir prendre son temps.

11 mars 2014

CHERCHER LA FACILITÉ EST NÉCESSAIRE, ET CE N’EST PAS SIMPLE !

Pour une ergonomie des actions émergentes (6)
« La grande stratégie est sans coup d’éclat, la grande victoire ne se voit pas. (...) Méditer la poussée des plantes : ni volontarisme, ni passivité ; mais, en secondant dans le processus de poussée, on tire parti des propensions à l’œuvre et les porte à leur plein régime. » (1)
L’action ne doit pas seulement être locale et cohérente avec la stratégie, elle doit aussi être efficace, c’est-à-dire tirer parti des situations, et s’inscrire dans la durée, ce qui suppose de chercher la facilité.
Je conçois que, pour nos esprits habitués à la pensée occidentale, parler de facilité peut sembler une provocation et un contresens : comment vouloir viser la facilité dans un monde incertain ? Mais si nous opposons facilité et incertitude, c’est parce que nous nous méprenons sur la notion de facilité, et que, pour nous, elle veut dire souvent paresse ou passivité, au mieux absence de volonté et d’effort. Nous sommes persuadés que chercher la facilité est facile…
Ce que nous aimons, forts de notre culture, c’est la transpiration et la difficulté : le manager méritant est celui qui part à l’escalade d’une montagne, si possible enneigée et escarpée, c’est le premier de cordée, celui qui apprécie se trouver en avant et aller à l’assaut des obstacles. Mais s’il part pied au plancher, au maximum de ses capacités, à l’assaut d’une falaise, comment fera-t-il quand des aléas et des difficultés imprévues surviendront ? S’il part à contre-courant ou à la limite de ce qu’il peut entreprendre, si, dès le départ, il n’a pas privilégié ce qui était le plus naturel, comment fera-t-il face à la nouveauté, au problème qui surgit sans qu’il l’attende ? Et si c’est toute l’entreprise qui est ainsi aux taquets, à la limite de ce qu’elle peut faire, comment réagira-t-elle face à une attaque non planifiée d’un concurrent, au retard d’un lancement d’un produit critique ou à la perte d’un client majeur ?
(1) François Jullien, Conférence sur l’efficacité
(extrait des Radeaux de feu)

10 mars 2014

AU NOM D’UN « TOUS POURRIS, TOUS INCAPABLES, TOUS COMPLICES », NE REJOIGNONS PAS LES EXTRÊMES DE GAUCHE OU DE DROITE, MAIS AGISSONS ICI ET MAINTENANT

Le temps de l’engagement
Tous pourris, tous incapables, tous complices ?
La France bruisse actuellement d’une triple ritournelle, délétère et destructrice, qui susurre ou hurle suivant les moments : « Tous pourris, tous incapables, tous complices ». 
Tous pourris d’abord. Les affaires se succèdent à un rythme effréné, et il ne s’agit pas de bonnes affaires comme celles que l’on peut faire au temps des soldes, mais d’affaires où le sordide surenchérit sur le nauséabond. Après un PS qui fut un temps englué dans celles-ci, c’est à l’UMP et à Nicolas Sarkozy de se trouver pris dans les nasses de leurs propres filets. Sensation d’avoir une classe politique qui est plus préoccupée de la protection de ses intérêts, de sa réélection ou de son retour au pouvoir, que de servir le pays qu’elle est censée représenter et diriger.
De ce magma de mensonges et trahisons, monte de plus en plus une odeur de pourriture qui envahit tout.
Tous incapables ensuite. Les déficits publics dérivent depuis des dizaines d’années ; le manque français en entreprises de taille moyenne est connu depuis quarante ans, et rien n’est fait ; le crédit interentreprises vient siphonner chaque jour davantage la trésorerie des petites entreprises, les empêchant de précisément grandir et renouveler le tissu industriel ; au lieu de simplifier notre organisation territoriale, on imagine de nouvelles couches pour le millefeuille, en rêvant une simplification miraculeuse… Et voilà notre président actuel, François Hollande, qui parle d’un plan d’économies de 50 Mds €, qui ne représente en fait qu’une économie annuelle réelle de 6 à 7 milliards, alors que notre handicap réel dépasse largement les 100 Milliards annuels.
De cet enchaînement de mensonges et d’incompétences, monte de plus en plus la preuve d’une incapacité qui fait douter tout le monde.

Tous complices enfin. Les hommes politiques ne sont pas les seuls en jeu. Que penser de nos syndicats dont la représentativité est bien faible au regard de celles de leurs homologues des pays voisins ? Comment ne pas voir qu’avec les organisations patronales, ils sont eux aussi partie du problème français, puisque le paritarisme est aux commandes d’une majeure part des dépenses publiques ? Comment croire que l’on pourra s’en sortir par le haut, si la formation professionnelle reste coupée de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur ? Comment imaginer qu’une politique de l’emploi efficace peut rester centralisée ?...
De cet entremêlement de responsabilités, monte de plus en plus la sensation d’une complicité de fait qui semble interdire tout changement.
Fuir ou se jeter dans les bras des extrêmes ?
N’y aurait-il donc qu’à désespérer ? Faut-il donc jeter l’éponge, et quitter la France si l’on en a les moyens ? La France est-elle un Titanic qu’il faut abandonner ?
Non, certainement pas. Il suffit de voyager à l’étranger, puis au sein de notre pays pour redécouvrir ses potentialités, ses richesses accumulées, les intelligences individuelles et collectives. Mais attention ce capital ne sera pas éternel. À ne pas faire face à nos problèmes et à ne pas vouloir les résoudre, nous pourrions décrocher fortement, à l’instar de l’Inde qui a complètement manqué la révolution industrielle faute de s’être remise en cause, et a longtemps sombré dans le sous-développement…
Faut-il alors, au nom du « Tous pourris, tous incapables, tous complices » se jeter dans les bras des extrêmes ?
Non plus ! La réponse ne peut pas venir de ces discours d’exclusion qui nient les différences et ignorent la réalité du monde contemporain. En effet, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon partagent le même archaïsme, rêvent tous deux d’une France forte parce qu’isolée, ne comprennent pas que notre monde est devenu horizontal et transverse, nient que la diversité fait la créativité et le développement, refusent de voir que la richesse de la France est d’être en Europe…
Certes l’euro est à reconsidérer dans ses modalités opératoires, certes l’Europe, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, est inefficace, obscure et bien peu démocratique, certes notre vivre ensemble et les relations de confiance sont à reconstruire… mais ceci ne se fera pas dans une forme réinventée du village gaulois d’Astérix. N’oublions pas que, dans la bande dessinée de Goscinny et Uderzo, sans potion magique, rien n’aurait été possible face aux légions de César. Or d’une telle potion, la France n’est pas dotée !
Que faire alors ?
Puisque la solution ne vient pas des partis et des organisations en place, puisque fuir serait lâche et ignorer le potentiel de notre pays, puisque les extrêmes ne sont que des poisons dangereux, il ne nous reste plus qu’à nous lever et à prendre en main le changement nécessaire.
Est-ce utopique ? Peut-être, mais c’est une utopie positive. Ne rien faire, ce serait accepter le déclin et le risque croissant de l’explosion sociale.
Est-ce que cela peut venir d’un homme miracle ? Non, car notre monde est devenu trop complexe et multiple. Dans mon dernier livre, Les Radeaux de feu, j’explique pourquoi le management d’une grande entreprise en système incertain est celui de l’émergence, et  pourquoi diriger n’est plus seulement décider. Ce qui est vrai pour une entreprise, l’est encore plus pour un pays.
Est-ce que ceci doit rester des initiatives locales et individuelles ? Non, sinon la puissance sera insuffisante pour faire face à celle du système en place et à transformer. Non, car seul le collectif peut dépasser nos faiblesses individuelles. Non, car il faut contribuer à faire émerger de réelles alternatives politiques, nouvelles et originales.
Au cours du quatrième trimestre 2013, deux nouveaux partis sont nés, tous deux affirmant avoir la volonté de transformer notre pays et de réinventer la politique : Nouvelle Donne et Nous Citoyens.
Nouvelle Donne est issu du Mouvement Roosevelt, et assez largement du Parti Socialiste. Tout en voulant sincèrement transformer notre pays et en portant quelques idées justes et nécessaires – comme celle par exemple de limiter le nombre de mandats non seulement à un moment donné, mais successivement dans le temps –, il porte de fait, implicitement ou explicitement, un regard négatif sur les entreprises, et parie insuffisamment sur la force des énergies individuelles. Certes un État est nécessaire et indispensable, mais, à condition qu’il soit régulateur et porteur du droit, car l’énergie de demain viendra de moins en moins de lui, et de plus en plus de la société civile.
Nous Citoyens, créé par Denis Payre, est lui, porteur de ce message. Ce parti regroupe aujourd’hui plus de 7000 adhérents et 15000 sympathisants, et représente déjà largement toutes les composantes de la société civile. Il ne remet pas en cause l’importance et la nécessité d’avoir un État central, mais sait que l’énergie collective sera de plus en plus issue des maillages locaux et interindividuels. Ce n’est pas au temps de l’Internet et des réseaux horizontaux, que le futur pourra être pensé et poussé depuis le sommet.
C’est donc au sein de Nous Citoyens, que j’ai personnellement décidé de m’investir, et ce depuis quelques mois.
Ne laissons pas la vague des « Tous pourris, tous incapables, tous complices », pousser les uns vers la fuite loin de la France, les autres dans les sirènes des extrêmes de gauche ou de droite.
Agissons, ici et maintenant, pour construire une vraie alternative redonnant confiance et incluant au lieu d’exclure.

Voir aussi mes articles récents :

7 mars 2014

PUZZLE

Enfants (1)
Au cours de mes voyages, j’ai toujours aimé saisir des instantanés d’enfants.
Rencontres aléatoires et fortuites, au hasard de mes déambulations.
Aucun de ces enfants ne se ressemble. Chacun a son histoire, sa culture. Aucun ne vient du même village, ni souvent du même pays.
Mais rapprochés ainsi, ils se répondent en écho. Toujours en groupe, ils sont. Une complicité joyeuse les anime, et les bras, volontiers, s’entremêlent.

Rien que pour le plaisir du souvenir et de leur sourire,  ci-joint un kaléidoscope…

6 mars 2014

LA CULTURE EST UN CIMENT QUI ÉMERGE LENTEMENT

Pour une ergonomie des actions émergentes (5)
La culture naît d’un compost, et c’est ce qui fera de l’assemblage hétérogène d’hommes et de femmes d’origines et d’âge différents, une collectivité : ce compost en crée un autre. C’est elle qui permettra au groupe d’acquérir des propriétés nouvelles.
A titre d’exemple, j’aime bien ce que relate Kevin Kelly dans Out of Control. Imaginez le jeu suivant : prenez un groupe de personnes et demandez-leur de se mettre en cercle. Sur votre ordre, chacun doit plier ses jambes et s’asseoir sur les genoux de son prédécesseur. Si le groupe est soudé et synchrone, si chacun a confiance dans l’autre, le groupe devient une chaise collective autoporteuse. Si un seul manque, tout s’effondre. Une sorte de radeau de feu simplissime et primaire. Ainsi que Kelly l’écrit : « Toutes les causes sont des résultats, comme tous les genoux sont des sièges. Contrairement au sens commun, toutes les existences dépendent de l’existence consensuelle de toutes les autres. »
La culture est le point de référence qui permet des émergences synchrones, ces nouvelles propriétés circulaires. Impossible de savoir qui est à l’origine du résultat obtenu, car chacun en est la cause et la conséquence, le commencement et la fin. Comme dans les vols d’étourneaux, pas besoin de contrôleur central pour avoir la puissance du groupe et la capacité à prendre des initiatives individuelles. Simplement, c’est au dirigeant de faire en sorte que cette culture existe et soit vivante.
Alors, si l’entreprise grandit et se transforme sans changer, si les matriochkas stratégiques apportent une référence stable et permanente, si ceci se transforme en une culture diffusée et partagée, les individus feront société, des performances collectives insoupçonnées et imprévues naîtront, et des mouvements autonomes, émergeront la puissance, la souplesse et la résilience. Tel un fleuve, elle captera les eaux tout autour d’elles, fera des autres ses affluents, sortira de son lit s’il le faut, fera peut-être un méandre de plus ou de moins, sera chaque jour plus forte, et toujours se jettera dans sa mer, précisément au même endroit.
(extrait des Radeaux de feu)

5 mars 2014

STRATÉGIE, MOTS ET CULTURE PARTAGÉE

Pour une ergonomie des actions émergentes (4)
L’entreprise, en tant que structure collective émergente, ne voit et n’entend qu’au travers des hommes qui la composent, ne connaît ni les faits bruts, ni le réel, et est tissée des interprétations qui la parcourent.
Ainsi, ce n’est pas parce que la stratégie est clairement définie et stable, qu’elle est comprise et partagée. La diffuser dans toute l’entreprise suppose un effort constamment renouvelé, ne serait-ce qu’à cause des nouvelles recrues. C’est une raison de plus pour ne jamais en changer, et ne procéder qu’à de lentes inflexions, sinon sa diffusion et son intégration en profondeur dans l’entreprise ne seront jamais effectives. C’est la permanence des efforts et leur sédimentation qui donnent naissance à la culture de l’entreprise, c’est-à-dire à des repères communs. Celle-ci est le guide qui oriente les actions individuelles, et facilite la communication.
Pour que la stratégie devienne culture, et soit vécue et partagée, elle doit se retrouver dans les mots de l’entreprise, et être portée avec continuité par ses dirigeants successifs. Ainsi L’Oréal définit encore aujourd’hui ses valeurs et principes éthiques comme : « Nos valeurs sont inscrites dans le code génétique de L’Oréal. Aujourd’hui encore, elles s’expriment dans le quotidien de toutes les équipes à travers le monde. Portrait des six valeurs fondatrices du groupe. (…) Si depuis plus d’un siècle L’Oréal se consacre à un seul métier, la beauté, c’est avant tout par Passion. Passion pour ce que la cosmétique apporte aux femmes et aux hommes. (…) L’Innovation est aussi une de nos valeurs fondatrices. Nous n’oublierons jamais que notre société a été créée par un chercheur. (…) Parce qu’il n’y a pas d’innovation sans audace, sans prise d’initiatives, L’Oréal a de tout temps donné la primauté à l’homme sur les structures. (…) Synonyme d’autonomie, de challenge, d’aventure, le goût d’Entreprendre a toujours été stimulé et élevé en mode de management. (…) Ces quatre valeurs sont indissociables d’une cinquième, la quête de l’Excellence. (…) Enfin, qu’il s’agisse d’innover ou d’entreprendre, le groupe l’a toujours fait avec Responsabilité. »
Ce texte peut sembler banal, mais ce qui fait qu’il ne l’est pas, c’est qu’il correspond à la réalité de l’entreprise et qu’il est stable dans le temps. Je me souviens de mes trois années passées chez L’Oréal, il y a presque trente ans, et déjà alors un tel texte aurait pu être écrit, et était vécu au quotidien. L’essentiel s’y trouve : le fait que le développement des marques doit reposer non pas sur des promesses marketing sans fondements, mais sur des innovations et des performances, ce qui suppose la mise en avant de la recherche-développement ; la remise en cause permanente et la poursuite de l’excellence qui interdisent l’autosatisfaction et l’arrogance ; l’intégrité vis à vis de ses clients et de ses partenaires…

(extrait des Radeaux de feu)

4 mars 2014

INCERTITUDE ET ART MILITAIRE

Pour une ergonomie des actions émergentes – Vidéo 1
Comment l'art militaire a depuis longtemps appris à accepter l'incertitude et à en tirer parti

3 mars 2014

IMPORTANCE DES RÉSERVES ET « ANOREXIC MANAGEMENT »

Pour une ergonomie des actions émergentes (3)
Mais lâcher prise et ne pas agir ne sont pas suffisants. Faut-il encore que ceux qui sont sur le terrain aient les moyens d’agir et de faire face à ce qui n’a été ni prévu, ni planifié. Ceci suppose des réserves disponibles. Redonnons à nouveau la parole aux militaires. Selon le Général Vincent Desportes, sans réserves, toute bataille est perdue : « Quand un chef n’a plus de réserves, il a perdu la bataille (…) Pour affaiblir l’adversaire, le plus efficace est d’attaquer ses réserves, car ce sont la source de sa puissance ». Il complète dans son livre, Décider dans l’incertitude : « Pour Churchill, l’engagement de la réserve représente même la responsabilité majeure du chef ; cette décision prise, ce dernier ne peut plus guère influer sur l’événement : c’est dans l’utilisation et la préservation de leurs réserves que les grands chefs ont généralement fait preuve d’excellence ; après tout, une fois que la dernière réserve a été engagée, leur rôle est achevé … L’événement peut être confié au courage et aux soldats. »
Et un peu plus loin, il prolonge en interpellant les dirigeants d’entreprises : « La question des réserves financières renvoie plus largement à celle de la logistique et des principes de « flux tendus » ou du « juste à temps ». (…) On connaît les effets désastreux produits par les aléas (les grèves en particulier) sur des entreprises ayant abusé de ces principes pour diminuer leurs coûts de revient. »

On ne saurait mieux dire. Ceci rejoint ce que j’appelle le risque de l’anorexie : de plan de productivité en plan de productivité, d’une application sommaire du lean management à la recherche de la rentabilité immédiate, on rend les entreprises de plus en plus ajustées à ce que l’on croît juste, et on les rend cassantes. J’ai parfois l’impression que, comme pour les mannequins qui meublent les magazines de mode, on fait l’éloge de la maigreur excessive : il n’y a qu’un pas du lean management à l’« anorexic management » !
(extrait des Radeaux de feu)

21 févr. 2014

HISTOIRE D’EAU

Manque et comblement
L’eau est flux, cascade,
Jamais immobile, jamais tranquille.
D’une pierre à l’autre, elle rebondit.
D’un arbre à l’autre, elle dégouline.

Elle est la main qui s’arrête,
Sculpte et caresse.
Elle est le fouet qui punit,
Redresse et corrige.

Elle est la sève qui nourrit,
Abreuve et corrompt.
Elle est la mère que je tête,
Admire et ai perdue.

Elle est celui que j’ai cherché,
Elle est celui qui m’a manqué,
Elle est celui que j’ai trouvé.

20 févr. 2014

BROUILLARD DE LA GUERRE ET DANGER DE LA CENTRALISATION

Pour une ergonomie des actions émergentes (2)
Les chefs militaires ont depuis longtemps été confrontés à la nécessité de mener des actions en milieu incertain, aussi est-il intéressant de donner la parole aux théoriciens de l’art militaire.
Clausewitz disait en 1832 : « Il n’existe pas d’autre activité humaine qui soit si continuellement et si universellement contrainte par le hasard et que, en raison de ce dernier, la conjecture et la chance y jouent un rôle essentiel. »
Il illustrait ceci au travers d’une expression : le brouillard de la guerre. Napoléon, lui-même, avait dit : « La guerre n’est faite que d’événements fortuits ; un général devrait toujours conserver l’élément qui lui permettra d’en tirer parti. » Dans ce monde incertain, dans le brouillard généré par la multiplication des aléas, seule, une action décentralisée peut être efficace : seul, celui qui est au combat, face à la réalité des situations peut savoir quelle décision il faut prendre. C’est d’ailleurs l’attitude inverse du commandement français lors de la guerre de 1870, qui, selon le maréchal Foch, serait à l’origine de la défaite : « Un trait caractéristique notable, chez tous les chefs français était leur complète passivité qui attendait constamment l’impulsion du dehors. Les généraux français ne marchaient qu’en vertu d’ordres fermes venus d’en haut ; chacun s’attachait, pour l’exécution de ces ordres, à la lettre, et se trouvait complètement déconcerté quand survenait tout à coup une situation imprévue. »
Certains vont penser qu’il est dangereux de laisser le commandement local choisir ce qui lui apparaît le plus efficace. Mais c’est l’inverse qui est encore plus dangereux : dans le monde de l’incertitude, l’action centralisée est inefficace, car inadaptée et trop peu réactive. Ceci a été clairement résumé, dès 1883, par le maréchal allemand Von der Goltz : « L’initiative rencontre assez d’ennemis puissants pour qu’on ne lui en suscite pas de nouveaux : la paresse d’esprit, le laisser-aller, la routine, la peur des responsabilités, l’instinct des moutons de Panurge, le besoin d’attendre que les événements nous poussent à agir au lieu de nous faire un devoir d’agir spontanément après nous être efforcés de voir clair dans la situation. Toutes ces influences déprimantes paralysent du reste facilement notre action. Si par-dessus le marché on les favorise en rognant l’initiative, en lui coupant les ailes, elles ne tarderont pas à étouffer tout germe de vie. »
(extrait des Radeaux de feu)