1 avr. 2014

SOUS-TRAITER LES CALCULS, MAIS PAS LA COMPRÉHENSION, L’EMPATHIE ET LA VISION

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (6)
Voici donc en résumé les qualités requises pour être un dirigeant capable de piloter par émergence :
- Savoir que, quels que soient ses efforts, ses décisions et ses actes seront conduits majoritairement par ses processus inconscients : il doit l’avoir intégré, et donc se méfier des situations où son expérience et son passé pourraient l’amener à avoir des intuitions fausses. Ceci l’amène à ne pas diriger une entreprise dans laquelle il n’a pas grandi, ou qui est trop éloignée de celle où il a travaillé.
- Avoir compris que l’incertitude n’est pas le témoin d’un déficit de connaissance ou une anomalie, mais le fruit du développement du monde, et croît inévitablement avec le vivant : s’il lutte contre l’incertitude, et pense la réduire par le contrôle et la prévision, il fait fausse route. Renforcer son entreprise, c’est l’accroître, tout en développant une capacité collective à en tirer parti.
- Savoir que les mots et le langage qu’il emploie, ne sont pas seulement ce avec quoi il communique, mais d’abord ce au travers de quoi il pense : parce que l’art du langage est celui de la précision, il prête attention aux mots qu’il utilise, et comment ils conditionnent sa pensée et la compréhension de ceux qui l’entourent. L’art des mots est plus important que celui de la règle de trois, car les calculs peuvent être sous-traités, la pensée non.
- Rechercher la confrontation comme moyen d’ajuster les interprétations : il sait que les points de vue de chacun dépendent de l’endroit où l’on se trouve et de sa propre expérience. Il est donc normal de ne pas être d’accord, c’est l’inverse qui est surprenant et preuve d’évitement.
- Inspirer confiance et la diffuser dans toute l’entreprise : sans confiance, il est impossible d’accepter l’incertitude et de développer une confrontation positive. C’est donc une de ses préoccupations majeures et un de ses objectifs quotidiens : comment accroître la confiance individuelle et collective au sein de son entreprise.
Bref il sait qu’il peut sous-traiter les calculs, mais pas la compréhension, l’empathie et la vision.
(extrait des Radeaux de feu)

31 mars 2014

S’ACCEPTER TEL QUE L’ON EST POUR POUVOIR LÂCHER-PRISE

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (5)
Diriger efficacement, c’est aussi ne pas penser qu’il y a d’un côté celui qui travaille, de l’autre celui qui a des émotions. Les deux sont indissociables, nous ne sommes pas multiples, nous ne sommes qu’un, et toute tentative de division est un déni de soi-même. Celui qui vibre devant un match de football, à la lecture de Marcel Proust ou devant un film de Woody Allen, est aussi celui qui a à choisir quel investissement faire, relire un business plan ou évaluer la performance de ses collaborateurs. Lors de nos formations, on nous a fait croire que le management serait du domaine du rationnel et de la science, alors que l’être privé relèverait lui d’une autre sphère. Cette frontière est fausse et artificielle.
Cette acceptation de soi-même dans toutes ses composantes, toute sa diversité et tous ses mystères est un préalable pour pouvoir lâcher-prise, et avoir confiance en soi et en les autres. C’est un défi, car nous ne pouvons pas nous empêcher de comprendre ou de vouloir le faire : la tension entre cette volonté et l’acceptation du dépassement est réelle et irréductible. On ne peut que vivre avec, chaque jour un peu mieux.
C’est une condition nécessaire pour accepter ses intuitions, et ne pas se réfugier derrière une mathématisation artificielle du monde : on ne peut pas trouver une mer à l’issue d’un cheminement logique, car partir du futur est d’abord affaire d’imagination. Certes, cette imagination se nourrit de faits et d’informations, et il ne s’agit pas de tirer sa mer à la loterie ou chez une cartomancienne. Mais ce n’est pas par un raisonnement rationnel et séquentiel que l’on passe de ces faits à la mer, c’est par un saut créatif. Sans rêve, pas de créativité.
(extrait des Radeaux de feu)

28 mars 2014

RÉBUS

Varkala
Un homme, une corde, la mer, le ciel.
Des traits, des lignes horizontales ou presque. 
Les bleus se répondent, 
Décor, palette d’un artiste absent. 

Un regard tourné au loin, fixé vers une absence. 
L’effort est patent, tout en paraissant facile. 
Les tensions du corps et de la corde s’opposent et s’équilibrent. 
Difficile d’imaginer ce qui se trame là-bas,  
Dans cet ailleurs qui échappe à l’image… 
Un jeu, un rite, une compétition ?

Non, juste un pêcheur, avec ses compères cachés. 
Un filet qu’un bateau au loin a plongé. 
Dans de longues minutes, 
Des sardines prises au piège de la nasse, 
Joncheront le sable de la plage.

Il est 8 heures du matin, à Varkala, au Kerala, dans le sud de l’Inde…

27 mars 2014

SE SENTIR LIBRE TOUT EN ÉTANT GUIDÉ

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (4)
Est-ce qu’une telle façon de procéder va développer des frustrations au sein de l’entreprise ? Mon expérience m’a montré que non : ce qu’attendent ceux qui la composent, ce n’est pas d’être associé à la décision de ces objectifs ultimes, mais que ces choix soient faits, qu’ils soient clairs et connus, et que chacun sente que la Direction Générale est unie et convaincue de leur bien-fondé. Ils attendent aussi d’avoir des espaces de liberté importants dans lesquels s’exprimer.
Or dans les matriochkas stratégiques, ces choix ne sont qu’un cadre : il reste à le transformer en actions, ce qui est riche, difficile et passionnant. À chacun de réfléchir, à partir de ce qu’il connaît de son marché, ses concurrents, ses clients, son potentiel…, comment traduire la stratégie globale en réalités quotidiennes. (…)
Il y a maintenant vingt-cinq ans que j’ai quitté L’Oréal, mais je me souviens encore du jour où le Directeur Général de la filiale dans laquelle je me trouvais, est venu, accompagné du Directeur marketing, me dire : « Robert, nous avons décidé de lancer un nouveau shampooing. Il doit être positionné autour de la vitalité. À vous de jouer ! »
Je ne me suis pas senti frustré de ne pas avoir participé à la décision de lancer un tel shampooing, car comment aurais-je pu apporter quoi que ce soit, moi qui n’étais qu’un chef de groupe marketing débutant ? Je ne suis pas non plus senti bridé, car il me fallait traduire cette idée en réalité : trouver la marque, la formule, le packaging, le niveau de prix, la communication… Le champ était vaste et passionnant, et j’avais quasiment carte blanche et le soutien du groupe pour le faire. Bien sûr chacun élément a été validé, chaque option a été discutée, mais c’est bien moi qui proposait.

Cette expérience reste, aujourd’hui encore, un de mes meilleurs souvenirs.
(extrait des Radeaux de feu)

26 mars 2014

ACCEPTER LE DÉPASSEMENT

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension – Vidéo 2
A vouloir tout comprendre, on est amené à mathématiser ce qui ne peut pas l'être. Le management passe par l'acceptation du dépassement.

25 mars 2014

LES DÉCIDEURS SONT MORTS, VIVE LES DIRIGEANTS

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension – Vidéo 1
Les décisions d'un Dirigeant sont certes importantes et nécessaires, mais face à la masse des décisions qui se prennent constamment au sein de l'entreprise et autour d'elle, elles ne sont que de peu de poids dans ce flot constant. Aussi la question clé n'est plus tant la décision que la capacité à faire émerger une direction à peu près stable de ces mouvements chaotiques : Diriger est donc de plus en plus manager par émergence.

24 mars 2014

QU’EST-CE QUE DIRIGER ?

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (3)
Diriger, ce n’est pas que fixer ce cap, c’est aussi être présent et exemplaire au quotidien. Ce n’est pas seulement dire et montrer, c’est aussi être capable de traduire ses pensées en actes et démontrer leur faisabilité. Le leadership n’est jamais acquis.
Diriger, ce n’est pas non plus avoir peur de décider, c’est avoir compris que ses propres décisions sont parfois nécessaires, mais sont toujours de peu de poids face à toutes les décisions qui se prennent sans cesse et de partout.
Diriger, c’est aussi, dans notre monde de medias, souvent être le porte-drapeau de son entreprise, non pas pour se mettre en avant, mais pour la mettre en avant : être fier du succès de ceux que l’on représente, et que l’on incarne.
Diriger c’est finalement souvent une affaire de courage. Mais pas le courage factice du violent ou de celui qui se croît supérieur. Non, le courage calme de celui qui s’engage : engagement face aux choix stratégiques qu’il a fait et qu’il n’a peur ni d’expliquer, ni de revendiquer, ni d’assumer ; engagement aux côtés de ceux qui, chaque matin, agissent ; engagement le cas échéant pour défendre l’entreprise et le collectif accumulé qu’elle représente.
(extrait des Radeaux de feu)

21 mars 2014

DES PONTS ANCRÉS DANS LE SOL

Escaliers
Nous avons jonché notre monde d’escaliers.
Certains montent, quand d’autres descendent… Mais ceci n’est jamais qu’une affaire de point de vue, et de direction choisie ou imposée.
Certains s’inscrivent subrepticement, comme à regret, effleurant la nature, voulant a minima la perturber, et, au contraire, tirant profit de son inclinaison spontanée. D’autres se font rupture, marque de l’homme qui veut affirmer sa suprématie et son pouvoir de conquête.
Certains sont doux, et on y chemine sans effort, quelque soit le sens parcouru. D’autres sont abrupts, et semblent, par leur relief, vouloir signifier leur importance.
Inutile d’y craindre le vertige latéral, aucun risque à enjamber leur parapet, pas d’à-pics. Rien qu’une succession de pas à faire…. ou ne pas faire.
Tous relient des lieux, assurent des correspondances, invitent à la découverte. Occasions de passages.
Les escaliers sont des ponts ancrés dans le sol…

20 mars 2014

POURQUOI UNE ENTREPRISE A-T-ELLE BESOIN D’UN DIRIGEANT ?

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (2)
Commençons par une question iconoclaste : une entreprise a-t-elle besoin d’un leader ? Peut-elle fonctionner sans dirigeant ? Ou formulé autrement, puisque toutes les entreprises en ont un, les dirigeants sont-ils des parasites inutiles qui ne vivent que du travail des autres ? (…)
Pourquoi donc l’existence d’une entreprise est-elle indissociable de la présence d’un dirigeant ?
D’abord parce que la naissance d’une entreprise est toujours associée à la volonté d’une ou de quelques personnes. Elle n’est jamais née spontanément. Au départ, il y a toujours un projet individuel fait d’intuition et de volonté.
Ensuite, rapidement elle devient une structure collective, et ne perdure que si elle dépasse celui ou ceux qui en étaient à l’origine. Se pose alors la question de son ADN, car l’entreprise n’en est pas dotée naturellement. Prise dans les vagues de l’incertitude, elle a tendance à se désagréger : les hommes ne sont ni des fourmis, ni des abeilles, ils sont des êtres infiniment plus puissants, tous forts de leurs histoires, de leurs volontés et de leurs désirs propres, aussi il n’y a aucune raison qu’ils adhérent spontanément à des règles communes.
C’est au dirigeant de créer un ADN et d’en assurer la diffusion et l’appropriation. Quel est cet ADN ? C’est sa mer et le cadre stratégique, accompagnés des principes d’actions. Voilà pourquoi ils ne doivent pas changer ! Sans la stabilité des matriochkas stratégiques, plus d’ADN. Sans ADN, plus de cohérence, plus d’organisme collectif, plus d’entreprise.
Voilà la première responsabilité du dirigeant : trouver l’ADN, c’est-à- dire fixer la stratégie, qu’il soit ou non à l’origine de l’entreprise qu’il dirige. Le trouver, comme je l’ai indiqué précédemment, est affaire de repérages et découvertes, imagination et projection dans le futur. Ce n’est pas une invention à partir d’une feuille blanche, puisque l’entreprise existe déjà.
(extrait des Radeaux de feu)

19 mars 2014

LES DÉFIS DU DIRIGEANT DANS LE MANAGEMENT PAR ÉMERGENCE

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (1)
Le radeau des fourmis de feu flotte cahin-caha, pris dans les courants tourbillonnants du fleuve gonflé par les pluies diluviennes. Impossible d’éviter cette souche qui vient le percuter, ou ce rocher contre lequel les eaux le télescopent. Qu’importe, il est résilient, et personne ne peut le détruire : les fourmis tiennent bon, et collectivement sont insubmersibles et indestructibles. Rien ne les détourne de leur avancée. Celles qui sont sur la peau du radeau guettent l’opportunité qui permettra d’accoster et de reprendre leur marche en avant terrestre. Tel ce radeau, ainsi va l’entreprise.
Mais les hommes et les femmes qui le composent ne sont pas des fourmis : chacun est riche de sa personnalité, de son histoire, de ses compétences, de ses rêves, de ses envies, de sa compréhension. La cohésion de l’ensemble résulte, comme nous venons de le voir, de processus beaucoup plus subtils, tissés de confiance et confrontation, associant lâcher-prise, vision commune, geste naturel et prise d’initiatives. Aussi pour faire que ce radeau collectif ne soit pas le jouet des événements, et que ce ne soit pas le fleuve et les éléments qui choisissent sa destination, l’art du management doit être également subtil : il ne peut être question pour le dirigeant de se voir ni comme une reine véhiculée et protégée passivement par ses troupes, ni comme un Dieu tout puissant, sachant tout et décidant de tout.
À lui et à son équipe de direction de trouver le cap, de faire que la rivière devienne fleuve, d’apporter confiance et stabilité, de créer les conditions pour que chacun puisse effectivement agir individuellement et collectivement… Pour cela, il doit agir dans le non-agir, décider par exception, accompagner et soutenir, jamais ne cesser de vouloir mieux comprendre et apporter du sens.
Tels sont les défis du dirigeant dans le management par émergence.
(extrait des Radeaux de feu)