7 juil. 2014

D’UNE SOCIÉTÉ DE RENTIERS À UNE SOCIÉTÉ DE CADRES

Le capital du XXIe siècle (16) – Inégalités3
Que s’est-il passé selon Thomas Piketty en matière de réduction des inégalités de revenus ? Beaucoup à cause des guerres, rien à cause d’un processus structurel de compression des inégalités. Telle est une des thèses majeures de son livre : les inégalités perdurent, et même se développent comme nous le verrons plus loin.
« Dans une large mesure, la réduction des inégalités au cours du siècle écoulé est le produit chaotique des guerres, et des chocs économiques et politiques qu’elles ont provoqués, et non le produit d’une évolution graduelle, consensuelle et apaisée. Au XXe siècle, ce sont les guerres qui ont fait table rase du passé, et non la paisible rationalité démocratique ou économique. »
Cette assertion est loin de faire l’unanimité aux seins des économistes. Comme un de mes amis me disait dernièrement : « Au temps des rois, seuls les nobles pouvaient lire la nuit. Au dix-neuvième siècle, toute la bourgeoisie le pouvait. Aujourd’hui tout le monde. Belle réduction des inégalités, non ? »
Il est vrai que l’accès au confort et technologies diverses se diffuse de plus en plus…
Sans entrer dans cette polémique entre experts, force est de constater que la tranche où les revenus du capital dominent les revenus du travail ne représente de nos jours que 0,1% des revenus les plus élevés, soit cinq fois moins qu’en 1930, et dix fois moins qu’en 1910.
Mais si les inégalités liées au capital se sont réduites,  celles liées aux salaires restent, car, comme Thomas Piketty le rappelle, le salariat n’a jamais été un bloc homogène.
Thomas Piketty ramasse cela en une formule adroite : « Dans une large mesure, nous sommes passés d’une société de rentiers à une société de cadres. » Et il précise : « C’est-à-dire d’une société où le centile supérieur est massivement dominé par des rentiers (des personnes détenant un patrimoine suffisamment important pour vivre des rentes annuelles produites par ce capital) à une société où le sommet de la hiérarchie des revenus – y compris le centile supérieur – est composé très majoritairement de salariés à haut salaire, de personnes vivant du revenu de leur travail. »
(à suivre)

4 juil. 2014

TRIANGLE D’OR

Regards
Rencontres insolites en terres thaïes.
D’abord des femmes Karen dont le cou est paré d’anneaux multiples, et qui sont souvent dénommées femmes girafe.
Malaise de se sentir voyeur d’une tradition ancestrale et d’une tribu en fuite. Réfugiées pour avoir dû quitter la Birmanie voisine, les voilà quasiment parquées dans un village aux marges de la Thaïlande du nord. Les touristes – et je me trouve, que je le veuille ou non, en faire partie – défilent devant elles…
Fascination toutefois de leurs sourires et regards perdus dans des passés révolus. Question inévitable quant à comprendre comment vivre dans une telle architecture où le cou s’est glissé dans un tunnel annulaire.
Comment le cou peut-il s’insérer à l’intérieur de ces anneaux ? Souvenir d’enfance quand je me demandais comment une poire ou un bateau avaient pu se glisser dans une bouteille…

Toujours en Thaïlande, mais ambiance toute différente. Place centrale de Mae Salong, au cœur des plantations de thé. Petit village aux marges du triangle d’or, peu de tourisme. Jour de fête, 12 août, célébration de l’anniversaire de la Reine. Autre mélange.
Des enfants des écoles jouent les chants et les danses qu’ils ont appris, ce sous les yeux des parents, qui, comme de partout, sont admiratifs. Simplicité d’une scène campagnarde.
Dans un coin, un homme arbore fièrement un vêtement traditionnel. Régulièrement, Il frappe de ces cymbales, accompagnant les mouvements de la foule. Protégés derrière des lunettes de soleil d’une taille disproportionnée, il me regarde, amusé. A quoi pense-t-il ?
Le voilà dans mon montage, debout sur les côtés de cette vieille femme Karen. 

Ensemble, ils nous dévisagent, nous qui ne comprendrons jamais ce à quoi ils peuvent bien penser, eux les habitants de ces terres perdues aux frontières de la Thaïlande, de la Birmanie et du Laos…

3 juil. 2014

DES POPULATIONS QUI PARTAGENT LE MÊME TERRITOIRE, MAIS N’ONT PAS LES MÊMES PRÉOCCUPATIONS

Le capital du XXIe siècle (15) – Inégalités2
Résumons en simplifiant la structure du capital telle qu’elle se présente dans un pays développé moyen, c’est-à-dire peu ou prou comme la France.
La première moitié de la population est locataire et n’a pour actif que ce qu’elle met dans l’appartement et dans quoi elle roule.
Puis à partir des patrimoines autour de 100 000€, commence le monde des propriétaires immobiliers, et le poids de cet investissement représente d’abord la totalité, et encore l’essentiel de leur patrimoine, ce jusqu’à 1M€, c’est-à-dire quand on atteint les derniers pourcentages de la population.
Au-delà, pour le dernier %, le poids de l’immobilier baisse, et nous entrons dans le monde des actifs financiers et professionnels, actifs qui deviennent dominants quand on dépasse les 2 M€.
Enfin après 20 M€, l’immobilier devient marginal.
Une autre façon de formuler cela, serait de dire :
- La moitié de la population est préoccupée par le niveau des loyers, et épargne pour meubler son appartement et acheter sa voiture. Aucun capital, uniquement des revenus, donc une très grande sensibilité à toute évolution des conditions de travail, ainsi que des loyers qui constituent une part essentielle des dépenses contraintes (plus de 20% aujourd’hui en France).
- 45% sont préoccupés par la valeur de l’immobilier qui constitue l’essentiel de ses actifs. La chute de la bourse et des placements financiers aura un impact sur leur capital, mais de deuxième ordre par rapport à l’évolution de l’immobilier. Une fois les emprunts remboursés, et si aucun nouveau projet d’agrandissement immobilier n’est nécessaire, une variation des revenus peut être amortie.
- 5% sont d’abord préoccupés par la bourse et le développement de leurs propres affaires, l’évolution de l’immobilier devenant de plus en plus indifférente au fur et à mesure que la fortune s’accroît. Pour les plus riches, une chute de l’immobilier n’aura finalement qu’un impact marginal sur le capital, ce qui n’est pas le cas de la bourse et de l’activité économique. Leur revenu direct du travail qui a aussi explosé, garde un impact, mais une variation peut être amortie par le capital accumulé.
Donc des divergences potentielles importantes entre les plus pauvres, les classes moyennes, les classes supérieures, et les dirigeants. Pas très étonnant qu’il soit difficile de diriger un pays et de construire des solidarités collectives.
Ces différences sont-elles différentes de celles des siècles précédents ?
(à suivre)

2 juil. 2014

D’ABORD RIEN OU PRESQUE, PUIS L’IMMOBILIER, LES ACTIFS FINANCIERS TOUT EN HAUT…

Le capital du XXIe siècle (14) – Inégalités1
Nous en arrivons donc au thème des inégalités, celui dont on a le plus parlé au sujet du livre de Thomas Piketty, Le capital du XXIe siècle.
Première observation de Thomas Piketty, les inégalités face au capital sont toujours plus fortes que face au revenu :
« Pour donner un premier ordre de grandeur, la part des 10 % des personnes recevant le revenu du travail le plus élevé est généralement de l’ordre de 25 %-30 % du total des revenus du travail, alors que la part des 10 % des personnes détenant le patrimoine le plus élevé est toujours supérieure à 50 % du total des patrimoines, et monte parfois jusqu’à 90 % dans certaines sociétés.
De façon peut-être plus parlante encore, les 50 % des personnes les moins bien payées reçoivent toujours une part non négligeable du total des revenus du travail (généralement entre un quart et un tiers, approximativement autant que les 10 % les mieux payés), alors que les 50 % des personnes les plus pauvres en patrimoine ne possèdent jamais rien – ou presque rien (toujours moins de 10 % du patrimoine total, et généralement moins de 5 %, soit dix fois moins que les 10 % les plus fortunés). »
Ainsi la moitié inférieure de la société ne posséderait que sa force de travail, et n’aurait accumulé aucun capital.
Une autre différence importante, cette fois à l’intérieur du capital, est la différence de sa composition en fonction de sa taille. Aujourd’hui, dans nos sociétés développées, le patrimoine net moyen est d’environ 200 000 € par adulte, et il est composé pour 2/3 par de l’immobilier, et 1/3 par des actifs financiers et professionnels.
Que devient cette répartition si on analyse par niveau de richesse ?
Les plus pauvres qui représentent 50% de la population ne détiennent que 5% du capital total, et pour eux le patrimoine moyen par adulte n’est que 20 000 €. Le plus souvent, ce sont des locataires, et leur patrimoine est composé de biens durables comme du mobilier ou une automobile. La part supérieure peut être propriétaire de son appartement, mais il est grevé des emprunts restant à rembourser, d’où un actif net modeste.
Les 40% suivants qui détiennent 35% du capital total, ont un actif moyen de 175 000 €. C’est au sein de cette tranche qu’apparaissent les premiers réels actifs financiers et économiques : quand le patrimoine dépasse les 300 000 €, l’immobilier représente encore l’essentiel, mais le patrimoine financier devient significatif, surtout quand les emprunts ont fini d’être remboursés.
Venons en maintenant aux 10% les plus favorisés. Leur patrimoine moyen est de 1,2 M€. Zoomons au sein de cette tranche.
Les premiers 9% ont un patrimoine de 900 000 €, versus 5M€ pour le 1% du haut. Ils sont tous propriétaires de leur appartement. Mais alors que les actifs immobiliers représentent de la moitié aux trois-quarts du patrimoine des premiers 9%, pour le décile supérieur, ce sont les actifs financiers et professionnels qui dominent : « Entre 2 et 5 millions d’euros, la part de l’immobilier est inférieure à un tiers ; au-delà de 5 millions d’euros, elle tombe au-dessous de 20 % ; au-delà de 20 millions d’euros, elle est inférieure à 10 %, et les actions et parts constituent la quasi-totalité du patrimoine. »
(à suivre)

1 juil. 2014

ATTENTION AUX EXTRAPOLATIONS RAPIDES…

Le capital du XXIe siècle (13) – Rentabilité du capital6
Que retenir de cette promenade au sein de l’évolution du capital ?
En premier, et surtout, cette transformation de la structure du capital – l’immobilier à la place des terres agricoles, des échanges internationaux développés mais équilibrés –, et la reconstruction du capital depuis les années 50 qui se retrouve à nouveau représentant 6 années de revenus.
Par contre, – et je ne suis pas le seul ! –, je reste sceptique sur tout approche trop mathématique et simplificatrice des évolutions. D’ailleurs Thomas Piketty lui-même nous alertait là-dessus (voir « Un économiste qui se méfie des mathématiques »). Il me donne l’impression de tomber parfois lui-même dans ce piège… Notamment son application de la formule β = s/ g me semble trop systématique.
De même son affirmation que la rentabilité du capital ne peut pas descendre en-dessous des 3-4% constaté actuellement, ne me convainc pas… mais peut-être ai-je tort !
Ce n’est pas parce qu’un phénomène a été observé dans le passé, qu’il doit continuer nécessairement à perdurer.
Notamment la globalisation des échanges et la convergence mondiale progressive des niveaux de vie moyens changent la donne : il va être de plus en plus difficile de trouver des opportunités de placement dégageant de telles rentabilités, surtout quand la croissance mondiale baisse.
Et quand des ruptures technologiques surgissent, certes elles ouvrent de nouvelles opportunités pour la rentabilité du capital, mais symétriquement elles détruisent la valeur d’anciens placements. Alors…
Donc en résumé, la solidité de sa réflexion prospective sur le rapport capital et revenu est moins forte que celle sur la croissance (cf. mes articles précédents), et que celle sur les inégalités que nous allons aborder maintenant.
(à suivre)

30 juin 2014

LE POIDS DU CAPITAL MONTE QUAND LA CROISSANCE BAISSE

Le capital du XXIe siècle (12) – Rentabilité du capital5
Comment relier le rapport entre capital/revenu et la croissance d’un pays ? Thomas Piketty apporte une réponse simple : avec le taux d’épargne. Si un pays a un taux de croissance constamment égal à 2% et un taux d’épargne à 10%, alors à long terme, le pays aura accumulé 5 années de revenu :
« Dans le long terme, le rapport capital/revenu β est relié de façon simple et transparente au taux d’épargne s du pays considéré et au taux de croissance g de son revenu national, à travers la formule suivante : β = s/g. »
Cette formule n’a pas qu’un intérêt mathématique, car ce qu’elle exprime une réalité essentielle :
« Un pays qui épargne beaucoup et qui croît lentement accumule dans le long terme un énorme stock de capital – ce qui en retour peut avoir des conséquences considérables sur la structure sociale et la répartition des richesses dans le pays en question. »
Une précision : quand Thomas Piketty parle d’un accroissement du stock de capital, il parle en fait d’accumulation relative, c’est-à-dire qu’au fil des années, le capital accumulé représente un très grand nombre d’années de revenu.
Une fois ceci posé, il prend appui sur cette relation pour expliquer l’accroissement du capital privé dans nos pays depuis les années 1970. Selon lui, la première raison de cet accroissement est le ralentissement de la croissance, notamment démographique, qui, couplé avec le maintien d’une épargne élevée, conduirait mécaniquement à cette hausse. Les deux autres facteurs – mouvement de privatisation et rattrapage des prix des actifs immobiliers et boursiers – seraient réels, mais moins importants.
Il résume ceci dans une formule : « Dans des sociétés stagnantes, les patrimoines issus du passé prennent naturellement une importance considérable. »
(à suivre)

27 juin 2014

ENTRE EUX ET MOI

Assis et debout
Assis sur le sol, ils me font face. Debout, je suis celui qu'ils ne voient pas
Entre eux et moi, ce qu’ils proposent aux passants.
Quelques poissons pour celui-ci, des carottes ou des tomates pour ces autres, des couleurs pour le quatrième.
Entre eux et moi, ce qui m’écarte d’eux.
Les kilomètres des mers et des ciels que j’ai franchis pour me retrouver ici, fictivement proches, mais culturellement si loin.
Entre eux et moi, ce regard qu’ils portent sur moi.
Pas de jugement dans les yeux, juste un étonnement, une distance ou une indifférence.
Entre eux et moi, le fait que je ne suis que de passage.
Assis sur le sol, ils sont ancrés, physiquement intégrés dans ce qui n’est pas pour eux un paysage, mais leur pays.
Debout, je suis mobile, physiquement instable dans ce qui n’est pour moi qu’un décor, et non pas mon pays.
(Photos prises en Inde à Calcutta, Puri, Darjeeling)

26 juin 2014

DANS LE PASSÉ, L’ÉTAT FRANÇAIS A APURÉ SES DETTES SANS LES PAYER

Le capital du XXIe siècle (11) – Rentabilité du capital4
Que dire de l’évolution de la richesse publique en France ?
Globalement depuis 1700, elle est restée voisine de zéro. Seule exception : 1950, où le capital public net approche la valeur des revenus annuels.
Pour comprendre cette situation, il faut distinguer les actifs et les dettes publiques, et analyser leur évolution.
Cette fois la photographie est complètement différente.
On constate d’abord deux moments où les dettes publiques baissent rapidement : lors de la Révolution de 1789, et à la suite des deux guerres mondiales. C’est d’ailleurs cette chute en 1920 et 1950 qui conduit à un pic relatif de l’actif net public.
Comme l’indique Thomas Piketty, c’est à cause de la banqueroute des deux tiers de 1797, et de l’inflation à partir de 1913 que c’est fait cet apurement de la dette publique, et avec pour conséquence l’appauvrissement des particuliers qui avaient souscrit des rentes d’État :
« Au XXe siècle, la dette a été noyée dans l’inflation et repayée en monnaie de singe, et a de facto permis de faire financer les déficits par ceux qui avaient prêté leur patrimoine à l’État, sans avoir à augmenter les impôts d’autant. (…) La France a connu entre 1913 et 1950 un taux d’inflation moyen de plus de 13 % par an, soit une multiplication des prix par cent. (…) En 1950, le pouvoir d’achat de ces rentes a été divisé par cent, si bien que les rentiers de 1913 et leurs descendants ne possèdent presque plus rien. (…)
En particulier, les énormes déficits de la Libération ont été presque immédiatement annulés par une inflation supérieure à 50 % par an pendant quatre années consécutives, de 1945 à 1948, dans une atmosphère politique survoltée. C’est en quelque sorte l’équivalent de la banqueroute des deux tiers de 1797. »
Que dire maintenant des quarante dernières années ? Une remarque simple : la montée conjointe, régulière et parallèle des dettes publiques et des actifs publics, avec un léger excès des actifs sur les dettes.
Est-ce à dire qu’en 2010, la part du capital public serait devenue très importante en France ?
Non, en terme d’actif, car dans le même temps, les actifs privés ont cru beaucoup plus rapidement : en 2010, les actifs privés représentent plus de 4 fois ceux publics.
Oui en terme de dettes : en 2010, les dettes publiques une fois et demi les dettes privées, et sont supérieures à une année de revenu national.
Sans vouloir ici rentrer dans le détail, Thomas Piketty montre que cette situation française se retrouve pour l’essentiel tant en Allemagne qu’en Angleterre.
(à suivre)

25 juin 2014

L’IMMOBILIER AU LIEU DE L’AGRICULTURE

Le capital du XXIe siècle (10) – Rentabilité du capital3
Après les actifs étrangers, l'immobilier.
Un autre graphique est intéressant, celui qui montre la progression de la part des loyers dans le revenu national en France : ils ne représentaient que 2% en 1950, contre 10% en 2010.
Chaque Français travaille de plus en plus pour payer son loyer, ou pour posséder son appartement.
Ceci vient d’être confirmé par les statistiques que l’INSEE a publié sur la consommation des ménages : en 2013, les dépenses de logement représentent plus de 20% de la consommation effective des ménages, contre 18% 10 ans plus tôt. Si l’on ramène cela aux dépenses de consommation des ménages (c’est-à-dire en excluant les dépenses de consommation au service des ménages comme la santé, l’éducation ou l’action sociale), elles représentent 27% en 2013 contre 24 % en 2003.
Bien sûr derrière ces évolutions moyennes, se cachent de très grandes dispersions, tant quant à la taille du capital détenu, que sa composition. Thomas Piketty consacre plus de la moitié de son livre à cette analyse, j’y reviendrai dans la troisième partie.
Pour l’instant, continuons à mieux comprendre comment globalement le capital se structure en France, et dans le reste du monde.
Que dire de la répartition entre capital public et capital privé ?

(à suivre)

24 juin 2014

NOUS SOMMES POSSÉDÉS AUTANT QUE NOUS POSSÉDONS

Le capital du XXIe siècle (9) – Rentabilité du capital2
On se retrouve ainsi dans un pays où le poids du capital a sensiblement retrouvé celui de la Belle époque, mais s'est profondément transformé : l'immobilier a remplacé l'agricole, les actifs étrangers nets ont disparu. Cette évolution est exactement la même en Grande Bretagne.
Arrêtons-nous avant de continuer sur ces deux transformations majeures.
D'abord l'effondrement des actifs étrangers nets.
Ne nous trompons pas d'interprétation : cela ne signifie pas que les Français ne détiennent plus d'actifs étrangers, mais que la valeur de leurs avoirs s'équilibre avec celle de ce que les étrangers détiennent en France. La France n'appartient pas plus au reste du monde qu'elle ne le possède. Alors que tel n'était pas le cas avant la guerre de 14.
Les participations croisées internationales sont beaucoup plus importantes dans les pays européens comme la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni (entre un quart et la moitié des actifs domestiques sont détenus par d’autres pays) qu’aux États-Unis ou au Japon (la part est de l’ordre d’un dixième).
Comme l’indique Thomas Piketty : « Cela accroît le sentiment de dépossession, notamment en Europe, parfois de façon excessive (on oublie vite que si les sociétés nationales et la dette publique sont en grande partie détenues par le reste du monde, on détient des actifs équivalents à l’étranger au travers de contrats d’assurance vie et de multiples produits financiers), mais en partie pour de bonnes raisons. »
Une forme de « je te tiens, tu me tiens par la barbichette » international… mais qui a tendance à ne pas faire rire le grand public.

(à suivre)