26 nov. 2014

LA LOI DES GANGS

Reinventing organizations (7)
Il y a environ 10 000 ans, naissent les premiers royaumes et empires. Que s’étaient-ils passés pour autoriser la naissance de premières vraies organisations humaines ?
La perception de soi comme un individu en tant que tel, ce qui n’est pas sans aller vers de nouvelles peurs : « Si je ne suis qu’une petite partie, distincte du tout, je peux souffrir et mourir. ». L’homme vient de se découvrir mortel. Et avec la naissance de l’individu, arrive son pendant : l’autre peut être mon rival et mon ennemi.
Les rapports entre humains ne sont donc que des rapports de force, et seules les récompenses et les punitions sont comprises.
Comme l’individu est né, le division du travail devient possible : apparaissent les chefs, les soldats, les esclaves, ceux que l’on a battus et asservis.
Les tribus peuvent donc s’organiser et se structurer en royaumes et empires qui fédèrent plus dizaines de milliers de personnes.
Dernière remarque essentielle : tout n’est vécu qu’au présent. Pas de passé, pas de futur. Je mange ce que je trouve, je combats celui que je rencontre, je suis soumis à celui qui est plus fort que moi. Tout est immédiat. C’est le temps de l’impulsion.
Trouve-t-on encore aujourd’hui de telles organisations, rouges selon la couleur assignée par Frédéric Laloux ? Oui dans les gangs de rue et la mafia : le crime organisé est une organisation rouge. 
Qu’est-ce qui cimente ce type d’organisation ? C’est la relation interpersonnelle, et son chef en est un loup dominant, un loup alpha. Le point fort de ces organisations : leur capacité à faire face à des milieux hostiles. Leurs points faibles : leur incapacité à élaborer des stratégies, à se développer dans des univers complexes. Dès que l’on est loin du chef, comme il n’existe plus, l’organisation non plus…
(à suivre)

25 nov. 2014

LA MAGIE

Reinventing organizations (6)
Un jour dans ces temps de l’aube de l’humanité, il y a environ 15 000 ans, l’homme a commencé à se percevoir distinct de son environnement et de ses congénères. Mais tout tourne encore autour de lui, et il se croit le centre du monde.
Les causes et les effets sont confondus, et l’univers est plein d’esprits et de magie : « Les nuages bougent pour me suivre ; le mauvais temps, c’est une punition des esprits pour mes mauvaises actions »
A cette étape, on ne peut pas encore parler d’organisation. La seule différentiation possible est celle des aînés qui ont un statut spécial et ont plus d’autorité. Les bandes se sont agrandies, et sont devenues des tribus de quelques centaines d’individus.
Chez l’enfant, ce sont les deux premières années où la différentiation commence : « Quand je mords mon doigt, ce n’est pas pareil que quand je mords la couverture » et « Je ne suis pas ma mère, même si, en sa présence, je me sens magiquement en sécurité. »
(à suivre)

24 nov. 2014

LE TEMPS DE LA RÉACTION

Reinventing organizations (5)
Retour au livre « Reinventing organizations ». Son propos est de dire qu’un mode d’organisation correspond à un état de développement de l’humanité.
Pour argumenter son propos, il retrace l’histoire de l’humanité et des organisations en la structurant en six étapes (1) 
- 1ère étape : le paradigme réactif (infrarouge)
- 2ème étape : le paradigme magique (magenta)
- 3ème étape : le paradigme impulsif (rouge)
- 4ème étape : le paradigme conformiste (ambre)
- 5ème étape : le paradigme accompli (orange)
- 6ème étape : le paradigme pluriel (vert)
Et nous serions en train de franchir une nouvelle : le paradigme dynamique (turquoise).
Arrêtons sur chacune de ces étapes.
D’abord donc le temps du réactif. C’est celui de l’aube de l’humanité de 100 000 à 50 000 ans avant Jésus-Christ. L’homme ne se perçoit pas comme un individu, le « je » n’est pas encore né. Il fait corps avec son environnement, et ne se sent pas vraiment distinct de ce tout ce qui l’entoure, les siens y compris.
L’humanité est clairsemée et vit en petits groupes d’une douzaine de personnes. Comme aucune individualité n’existe, il ne peut être question de partage du travail, et la notion d’organisation n’existe pas vraiment. La seule distinction est le sexe, et l’allaitement qui va avec. Pas de chef, pas d’ancien, juste une bande.
En psychologie, cette étape correspond au stade initial du nouveau-né qui ne se perçoit pas encore réellement distinct ni de sa mère, ni de son environnement.
A ce stade, l’action n’est ni pensée, ni voulue, mais provoquée par l’environnement : c’est le temps de la réaction.
(1) Frédéric Laloux a choisi d’associer une couleur à chaque étape pour pouvoir ensuite en parler facilement. J’ai maintenu cette référence ici, car j’aime aussi la dimension poétique qu’elle apporte…
(à suivre)

21 nov. 2014

SANS VIE

Partis...
Ils ont dû sortir précipitamment, laissant leur vie intacte.
Les casseroles et les poêles, à peine nettoyées, sont accrochées,
Devenues sculptures, témoin d’une agitation passée.
Le fourneau ne ronfle plus, et aucune chaleur ne s’en échappe. 
Une bouteille le coiffe, reste d’une dernière gorgée avant la route.
Que s’est-il passé ? Où sont-ils ?
Aucun fantôme, aucun bruit, aucun souffle.
Rien pour rappeler la vie échappée. Rien à part ces objets.
Le mistral dehors hurle, amenant en ces lieux de mort,
Le bruit du mouvement des choses…

(La photo a été prise en 1999 par Michel Cabot dans ma maison de Grignan)

20 nov. 2014

LA PUISSANCE DU NOUS

Reinventing organizations (4)
Troisième rupture, celle de la naissance de tribu mondiale.
Cette émergence est le fruit d’une triple évolution : 
- L’expansion démographique récente qui vient de multiplier par près de 10 la population mondiale en 100 ans, nous rend chaque jour de plus en plus voisins les uns des autres,
- La naissance d’objets-monde qui nous permettent d’agir à distance – alors que jusqu’à présent nous ne pouvions agir qu’avec nos bras prolongés d’un morceau de bois, ou ne tuer qu’à portée de flèches ou de balles –, fait que nous sommes de plus en plus soumis aux effets des autres, et que nous agissons sur notre planète,
- Internet et des technologies de l’information nous relient tous, et nous passons d’un monde où les hommes n’étaient que juxtaposés et les tribus locales, à un monde global où les tribus deviennent mondiales.
Nous passons ainsi à ce que j’appelle le Neuromonde, un monde connecté où notre puissance collective change de nature. A l’image de l’intelligence de la ruche ou de la fourmilière, nait celle de l’humanité. Tous ensemble nous pouvons donner naissance à une encyclopédie dynamique – Wikipedia –, ou valider le résultat des scans de tous les livres publiés – reCaptcha.
Voilà donc notre nouveau monde : un monde peuplé d’individus qui comprennent chaque jour davantage que leur identité individuelle est le résultat d’un processus dynamique émergent, dont la puissance élémentaire croît exponentiellement, et dont la force collective aussi.
Pas étonnant qu’il faille réinventer les organisations, non ?
(à suivre)

19 nov. 2014

LE « JE ÉLARGI »

Reinventing organizations (3)
Deuxièmement, avec Internet, chacun de nous mute et s’écarte chaque jour davantage de ce qu’a été jusqu’à présent l’être humain. 
En effet qu’est-ce que penser consciemment ?
C’est en résumé, recueillir des données sur une situation présente, ce via nos cinq sens, les enrichir grâce à notre mémoire de ce que nous avons vécus ou appris, et construire avec tout cela des scénarios.
En quoi Internet vient-il tout changer ?
D’abord tuons tout de suite le mythe du virtuel face au réel. Pour le cerveau, le réel n’existe pas. La seule chose qui existe, ce sont les signaux chimiques et électriques qui l’habitent. Les informations apportées par Internet ne sont ni plus, ni moins réelles que les autres. Simplement si elles sont en contradiction ou différentes de celles perçues par nos cinq sens, notre cerveau pourra faire la distinction. Ni plus, ni moins.
Revenons donc sur notre processus de pensée, et voyons comment Internet le modifie.
D’abord il nous donne accès à de nouvelles données : avec Internet, je peux savoir ce qui se passe à distance. Un sixième sens en quelque sorte. Ou une extension géographique de nos cinq sens si vous préférez.
Ensuite, Internet nous apporte une nouvelle mémoire. Avec les moteurs de recherche, avec le développement des tags, avec la multiplication des réseaux sociaux et tous les systèmes experts, j’enrichis ma perception de la réalité de milliards d’informations accumulées par d’autres.
Enfin, toujours grâce à Internet, je dispose de nouvelles puissances de calcul qui m’aident à analyser la situation et à construire des scénarios.
Nous voilà donc des mutants ! Sans nous en rendre compte, nous nous éloignons de plus en plus de celui que nous étions il y a dix ans. Chacun atteint une puissance individuelle jamais atteinte.
Et ce n’est pas fini : l’hybridation entre technologie de l’information et biologie n’a quasiment pas commencé.
(à suivre)

18 nov. 2014

LE « JE » N’EST PLUS VRAIMENT

Reinventing organizations (2)
Arrêtons-nous d’abord sur le sous-titre du livre qui pose bien à la fois le problème et l’ambition : « A guide to creating organizations by the next stage of human consciousness »
Oui nous sommes en train de vivre une rupture majeure : nos consciences individuelle et collective mutent. 
J’ai déjà eu l’occasion ici dans mon blog, ainsi que dans mes livres de détailler cette rupture. Je ne vais donc en reprendre maintenant que trois points qui sont essentiels.
D’abord nous comprenons de mieux en mieux nos mécanismes cérébraux, et les interactions entre le cerveau et le reste de notre corps. 
Nous en avions jusqu’à présent une vision relativement mécaniste. Pour simplifier, nous étions aux commandes de notre corps, avec au sommet notre cerveau et notre conscience. Si je faisais ceci ou cela, c’est parce que je l’avais décidé. Et si je l’avais décidé, c’était à l’issue d’un processus conscient et rationnel. L’éducation avait notamment pour but d’améliorer à la fois le moteur – notre cerveau – et sa capacité à commander vite et bien.
Freud et Jung avec la mise en évidence de l’inconscient et de la portée des rêves ont commencé au début du siècle dernier à ébranler ce bel édifice.
Grâce à l’essor récent des neurosciences et aux progrès multiples dans la compréhension de l’écosystème de notre corps, tout ceci vole en éclats.
La vision d’un cerveau conscient aux commandes cède le pas à une vision beaucoup plus complexe où notre identité et nos décisions émergent dynamiquement des interactions entre : 
- Nos processus conscients et non conscients : l’essentiel de notre énergie cérébrale est consommée par des processus non conscients, c’est-à-dire dont nous ne pouvons percevoir que les effets, sans pouvoir avoir accès à leurs mécanismes, ni les influencer volontairement, 
- Nos différents cerveaux : car oui nous avons bien un cerveau intestinal et il a son mot à dire dans nos processus mentaux !
- Notre corps et les milliards de microorganismes qui l’habitent : la flore intestinal a elle aussi son mot à dire, et selon son type nous ne serons pas exactement les mêmes,
Cerise sur le gâteau, notre mémoire n’est pas un ensemble stable de données auxquelles nous aurions facilement accès. Au contraire, c’est un système éclaté, et à chaque fois que l’on se souvient de quelque chose, le souvenir est incomplet et reconstruit.
Bref notre « je » est en construction constante, et nait d’une émergence collective. Le « Je » ni ne se décide, ni n’est aux commandes, il se vit et se constate.
(à suivre)

17 nov. 2014

UN LIVRE RARE SUR LE MANAGEMENT

Reinventing organizations (1)
Rares sont les livres de management qui apportent à la fois un regard neuf, global, s’appuyant sur des faits et une mise en perspective historique de leurs propos.
Le plus souvent, on n’a droit qu’à l’un des trois : 
- Des livres mettent l’accent sur une rupture, mais sans être capables de la resituer ni dans une perspective d’ensemble, ni dans une logique factuelle et historique. On se trouve alors face à une « anecdote », qui peut être certes intéressante, mais dont la pertinence et la portée sont d’abord affaires de dogme.
- D’autres sont globaux et systémiques, et, s’ils peuvent être une clé de lecture enrichissante, ils n’apportent pas de solutions nouvelles. Plus leurs propos sont documentés, plus l’analyse sera utile pour comprendre le présent. Mais ils restent pauvres pour penser au futur.
- Enfin  ceux qui ne font qu’accumuler des faits et des expériences historiques, laissent aux lecteurs le travail de la réflexion. Ce sont des bases documentaires pertinentes, mais l’essentiel du travail reste à faire.
Le livre de Frédéric Laloux, « Reinventing organizations », appartient à cette race rare qui allie les trois. On peut aussi écouter sa conférence faite en français
Déjà une première raison pour en faire un compte-rendu long sur mon blog.
Un autre intérêt de ce livre est que, même s’il s’adresse d’abord aux entreprises et à ceux qui les dirigent, il est aussi une aide précieuse pour tous ceux qui s’intéressent à la politique et aux modes de pilotage des structures publiques. Un État n’est en effet jamais qu’une collectivité humaine plus large et plus complexe.
Comme c’est une de mes préoccupations majeures est de réfléchir à comment refonder la France et faire émerger un nouveau mode de pilotage des politiques publiques, c’est une deuxième raison pour chroniquer ici ce livre. Je vais donc émailler ma chronique de réflexions et interrogations personnelles qui me viennent en écho.
(à suivre)

14 nov. 2014

LES RENAISSANCES SONT À VENIR…

Les unes avec les autres
En ces jours qui raccourcissent,
En ces moments où le froid est de retour,
Alors que l’hiver s’approche et la nature se referme,
Attendons en confiance le printemps à venir.
Temps magique des télescopages de la vie,
Anarchie des couleurs et des naissances,
Poussées qui bousculent et heurtent leurs voisines,
Harmonie émergente d’une nature hybridée.
Savoir ne pas se racornir, savoir ne pas brider,
Laisser les brises glacées courir sur notre peau,
Ne pas se laisser emportés par un pessimisme ambiant,
Sentir l’énergie des graines qui bientôt germeront…

13 nov. 2014

C’EST MA FAUTE, C’EST MA TRÈS GRANDE FAUTE

Histoire de pomme (4)
Acte 6 : Quand le 29 octobre, la sentence tombe : je n’ai qu’à acheter un nouvel iPhone !
Les jours passèrent. Je ne dirais pas que je m’étais habitué à voir mon iPhone redémarrer plusieurs fois par jour, mais j’endurais, pensant que l’arrivée du nouveau système d’exploitation allait résoudre le problème.
Le jour J, je déclenchai la mise à jour, et attendis l’arrivée du miracle souhaité. En vain ! Passer de la version 8.0 à 8.01, puis 8.02, et enfin 8.1 n’y changea rien. Je dus me rendre à l’évidence, mon nouvel iPhone, donné il y a maintenant presque 3 mois, avait un défaut majeur : il aimait à redémarrer.
Il ne me restait donc plus qu’à retourner au fameux Genius Bar. Tout commença favorablement, car, à ma grande surprise, j’obtins aisément un rendez-vous pour le 29 octobre 15h30 au magasin Apple Opéra.
C’est donc confiant qu’il y a quelques heures j’en ai franchi la porte et me suis approché de la technicienne qui venait de m’appeler.
Une minute plus tard, la sentence tombait, accompagné d’un regard accusateur :
« Mais, Monsieur, l’écran de cet iPhone n’est pas d’origine. Vous avez enfreint les codes émis par Apple, votre garantie n’est plus valable, et je ne peux rien pour vous. »
J’ai failli lui rétorquer que c’était mon iPhone qui était malade, et non pas moi. Mais comprenant que ni le moment, ni le lieu ne se prêtaient à la plaisanterie et à l’humour, je lui expliquai que c’était à cause de l’incapacité d’Apple à me réparer mon écran que j’avais dû aller ailleurs.
Rien n’y fit : me voilà donc dans une impasse. 
A cause de l’incapacité d’Apple à réparer mon écran en septembre, je n’ai pas eu d’autre choix que de trouver un réparateur indépendant… qui m’a certifié que les pièces étaient d’origine. 
A cause de cette réparation, Apple me dit que mon iPhone n’est plus sous garantie.
Bel exemple d’orientation client !
CONCLUSION
Je me trouve donc devant les options suivantes :
- Garder mon iPhone comme il est, c’est-à-dire vivant sa propre vie et décidant de redémarrer quand cela lui chante, de préférence à un moment critique,
- En acheter un nouveau qui, lui, sera sous garantie si, par malheur, il se trouvait déficient (en m’interdisant évidemment de le faire réparer, si jamais Apple est incapable de me recevoir),
- Quitter Apple pour mon téléphone, mais comme je suis aussi équipé d’un MacBook Air et d’un iPad, je perds tout l’intérêt du système global.
Bref je suis piégé. Merci à la pomme et dommage que j’ai croqué dedans.
A moins qu’il ne me faille faire un pèlerinage style Compostelle en direction de Cupertino. Je me vois cheminant pieds nus en robe de bure depuis Paris jusqu’en Californie. 
Peut-être le pardon me serait-il alors accordé. 
A moins que l’on ne me recouvre là-bas de goudron et de plumes dans la plus pure tradition du Far-West américain pour les mécréants de mon espèce.
Pardon, pardon, Mr Apple j’ai péché. Ayez pitié de moi !