3 déc. 2014

UN PLAIDOYER POUR PLUS D’OUVERTURE ET D’ACCEPTATION DE LA DIVERSITÉ

L’Europe et la France ne sont pas construites sur la fermeture
Au moment où une ambiance pour le moins frileuse par rapport à la diversité et à l’immigration se propage en Europe, et singulièrement en France, le discours prononcé par le Pape devant le Parlement européen le 25 novembre 2014 apporte une force et une vision rafraichissantes. Bien loin des thèses du Front National ou de certains milieux ultra-catholiques…
En voici les extraits qui m’ont le plus frappé (les titres sont de mon cru)
Sur l’Europe dans le monde
« A côté d’une Union Européenne plus grande, il y a aussi un monde plus complexe, et ce monde est en pleine évolution. Un monde toujours plus interconnecté et globalisé, et donc de moins en moins « eurocentrique ». A une Union plus étendue, plus influente, semble cependant s’adjoindre l’image d’une Europe un peu vieillie et comprimée, qui tend à se sentir moins protagoniste dans un contexte qui la regarde souvent avec distance, méfiance, et parfois avec suspicion. »
Sur l’individu et le collectif
« Il convient de faire attention pour ne pas tomber dans des équivoques qui peuvent naître d’un malentendu sur le concept de droits humains et de leur abus paradoxal. (…) Par conséquent je considère qu’il est plus que jamais vital d’approfondir aujourd’hui une culture des droits humains qui puisse sagement relier la dimension individuelle, ou mieux, personnelle, à celle de bien commun, de ce « nous-tous » formé d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui s’unissent en communauté sociale. En effet, si le droit de chacun n’est pas harmonieusement ordonné au bien plus grand, il finit par se concevoir comme sans limites et, par conséquent, devenir source de conflits et de violences. »
Sur la diversité et l’immigration
« La devise de l’Union Européenne est unité dans la diversité, mais l’unité ne signifie pas uniformité politique, économique, culturelle ou de pensée. En réalité, toute unité authentique vit de la richesse des diversités qui la composent : comme une famille qui est d’autant plus unie que chacun des siens peut être, sans crainte, davantage soi-même. »
« D’autre part, les particularités de chacun constituent une richesse authentique dans la mesure où elles sont mises au service de tous. Il faut toujours se souvenir de l’architecture propre de l’Union Européenne, basée sur les principes de solidarité et de subsidiarité, de sorte que l’aide mutuelle prévale, et que l’on puisse marcher dans la confiance réciproque. »
« L’Europe sera en mesure de faire face aux problématiques liées à l’immigration si elle sait proposer avec clarté sa propre identité culturelle et mettre en acte des législations adéquates qui sachent en même temps protéger les droits des citoyens européens et garantir l’accueil des migrants ; si elle sait adopter des politiques justes, courageuses et concrètes qui aident leurs pays d’origine dans le développement sociopolitique et dans la résolution des conflits internes – cause principale de ce phénomène – au lieu des politiques d’intérêt qui accroissent et alimentent ces conflits. Il est nécessaire d’agir sur les causes et non seulement sur les effets. 

2 déc. 2014

L’ENTREPRISE RESPONSABLE

Reinventing organizations (10)
Nouvelles questions : n’est-il pas trop simpliste de s’intéresser seulement à ce qui marche et ne marche pas ? Le monde est-il si mathématisable et matérialiste ? Est-ce qu’il n’y a pas d’autres dimensions importantes, comme la communauté, l’harmonie, la coopération ?
A ces interrogations, le monde du marché ne sait pas quoi répondre. Naît alors progressivement un nouveau monde, le monde du pluriel, du complexe et des interactions, celui que Frédéric Laloux habille de vert. Les relations n’y sont plus seulement verticales, top-down, mais horizontales et bottom-up. Les dirigeants y deviennent des leaders au service de leur organisation.
Quelles sont les ruptures qui apparaissent ?
D’abord le transfert de pouvoir à ceux qui font face aux problèmes au jour le jour, c’est « l’empowerment » : décentraliser, partager le pouvoir le plus près possible du terrain, diriger avec humilité.
Ensuite accorder une grande importance au partage d’une culture orientée vers des valeurs communes et à la fixation d’objectifs qui constituent une vraie source d’inspiration : la culture est la glu de l’organisation, et les objectifs permettent à chacun de vouloir se dépasser.
Enfin, ne pas être focalisé seulement sur la création de valeur pour l’actionnaire, mais aussi pour le management, les salariés, les partenaires, et plus largement toute la société. L’entreprise devient socialement responsable, et considère que c’est une part importante de son activité et de sa raison d’être. Alors que précédemment la métaphore de l’organisation était celle de la machine, elle devient celle de la famille.
Quand on regarde notre monde, nous avons l’impression que ce mode d’organisation n’a pas supplanté les autres, mais qu’il cohabite avec les précédents. Est-ce exact ?
(à suivre)

1 déc. 2014

LES LOIS DU SUCCÈS ET DU MARCHÉ

Reinventing organizations (9)
Et si ? Si jamais je faisais ceci plutôt que cela qu’adviendrait-il ? Si jamais je ne respectais plus les règles immuables depuis toujours, est-ce que j’aboutirais à une meilleure solution ?
Voilà le grand changement mental qui conduit à une nouvelle mue : l’individu a le droit de remettre en cause les normes… à condition bien sûr de montrer qu’il aboutit ainsi à un meilleur système.
Et si la Terre n’était pas plate ? Et si le soleil ne tournait pas autour d’elle ? Et si le soleil était lui-même en mouvement ? Pourquoi donc une pomme tombe-t-elle toujours vers le sol, et pourquoi ne tombons-nous pas quand la Terre tourne ?...
Se poser des questions, c’est risquer d’ébranler le bel édifice des pyramides sociales, mais c’est aussi ouvrir la porte au progrès et à l’innovation. Le monde des castes bureaucratiques n’aime pas le changement, il ne connaît que les certitudes. Pour lui, l’incertitude n’est pas seulement un problème, c’est le mal à combattre !
Vive donc l’émergence du monde des remises en cause où les individus deviennent autorisés à poursuivre leurs propres objectifs.
C’est aussi un monde matérialiste puisqu’il ne connaît que ce qu'il voit et touche. La religion, Dieu, la spiritualité, et toutes les équations où 1+1 est différent de 2 sont niés, si ce n’est ridiculisés. Ce qui est sérieux est mathématisable, le reste n’est que baliverne, scorie des temps anciens.
En terme d’organisation, après le temps des gangs et de la mafia, puis celui des églises et de l’armée, arrive maintenant le temps des grandes entreprises mondiales. Il apporte  une triple rupture : l’innovation, la responsabilité et la méritocratie.
Innovation, parce que poser des questions et remettre en cause sont possibles. Responsabilité, parce que des objectifs sont fixés avec des récompenses à la clé. Méritocratie parce que l’on n'est plus bloqué par la caste à laquelle on appartient. 
Évidemment en réalité le système est loin d’être parfait… 
Quel en est le côté sombre ? Le dogme de la mathématisation et de la croissance sans fin. Peu importe que tel ou tel produit soit utile ou non, du moment qu’il peut être conçu, fabriqué, et acheté, il est souhaitable. C’est le temps béni de l’argent roi, de la consommation et de son valet, le marketing. Inutile de dire que nous vivons encore très largement dans cette étape…
(à suivre)

28 nov. 2014

OÙ ?

Partis… (suite)
La fuite fut brutale, et pourtant tout est en ordre.
Les chevaux ne sont plus là, mais les licols sont rangés.
Le cycliste est parti, mais son vélo est appuyé contre le mur.
Le temps a évité le lieu, pour ne rien dégrader.
Assis, immobile, je regarde respectueusement ce musée caché.
Un objectif claque pour immortaliser ce qui, demain, va disparaître.
Sur la gauche, cachées dans une cave obscure,
Des chauves-souris, les seuls hôtes permanents, me narguent.
Souvent je reviendrai, longtemps je rêverai.
Face à ces témoins abandonnés, je reconstruirai ces vies que je n’ai pas croisées,
Comblant les vides, je dessinerai des moments oubliés à tout jamais.
Jardinier du passé, je maçonnerai de chair ce qui n’est plus que mort.
(Les photos ont été prises en 1999 par Michel Cabot dans ma maison de Grignan)

27 nov. 2014

LES CASTES OU LA LOI BUREAUCRATIQUE

Reinventing organizations (8)
Qu’est-ce qui différencie cette nouvelle étape de la précédente : essentiellement l’existence de règles qui s’imposent à tous. La relation interindividuelle n’est plus régie par le rapport de force direct et immédiat, mais des lois et des règlements. Si j’ai de l’autorité sur untel ou si je suis soumis à l’autorité d’un autre, c’est parce que ma position le permet ou me l’impose. Si je fais ceci plutôt que cela, c’est parce que j’applique une réglementation.
Rien qu’à l’énoncé de ce qui structure cette étape, on perçoit tout de suite que, même si depuis d’autres évolutions ont eu lieu, bon nombre des systèmes en place sont encore aujourd’hui régis de cette façon. Ceci est singulièrement vrai dans les organisations publiques,  c’est ce qu’on peut résumer d’un mot : la loi bureaucratique.
Qu’est-ce qui a permis de passer du monde des gangs à celui de la bureaucratie ?
D’abord la capacité d’un individu à se projeter dans le futur. L’étape précédente était celle de l’instant présent ; avec celle-là, chacun commence à intégrer les conséquences de ses actes. C’est par exemple le début de l’agriculture et des semences : je jette des graines dans le sol, parce que je sais que, dans quelques mois, j’en récolterai davantage. Une sorte de contrat de confiance temporel.
Une autre donnée nouvelle est la capacité à penser à travers le regard de l’autre : je peux non seulement comprendre que je suis différent des autres, mais que les autres voient le monde différemment de moi. Du coup, des règles morales deviennent possibles, et comprenant que mon point de vue n’est pas unique, je peux accepter de les respecter.
Ceci permet deux changements majeurs dans les organisations : elles peuvent planifier à moyen et long terme, et créer des structures stables et de grande taille. Si je voulais résumer ceci d’une phrase : c’est le temps des cathédrales. C’’est-à-dire à la fois des grandes structures religieuses, et des grands projets. Ou encore celui des pyramides ou de la grande muraille de Chine.
Qu’est-ce qui permet aux organisations de grandir ? C’est la formalisation des structures, le partage des tâches, et l’élaboration d’organigrammes hiérarchiques de plus en plus sophistiqués.
Certes ceci se fait au préjudice de la liberté individuelle, puisque chacun est contraint par les murs de la boîte dans laquelle il se trouve. Mais par rapport aux temps de gangs, c’est un progrès : je sais que, si je respecte les règles, je n’ai rien à craindre. L’humanité quitte la loi de la jungle.
Simplement cette protection ne s’exerce qu’au sein de l’organisation à laquelle j’appartiens, le dehors est le dehors. Pas de sentiment, ni d’appartenance collectifs.
Le meilleur exemple de ce type d’organisation est le système des castes en Inde : j’appartiens à ma famille qui me rend membre d’une caste. Et c’est pour la vie, pour le meilleur et pour le pire. Impossible d’en sortir… 
(à suivre)

26 nov. 2014

LA LOI DES GANGS

Reinventing organizations (7)
Il y a environ 10 000 ans, naissent les premiers royaumes et empires. Que s’étaient-ils passés pour autoriser la naissance de premières vraies organisations humaines ?
La perception de soi comme un individu en tant que tel, ce qui n’est pas sans aller vers de nouvelles peurs : « Si je ne suis qu’une petite partie, distincte du tout, je peux souffrir et mourir. ». L’homme vient de se découvrir mortel. Et avec la naissance de l’individu, arrive son pendant : l’autre peut être mon rival et mon ennemi.
Les rapports entre humains ne sont donc que des rapports de force, et seules les récompenses et les punitions sont comprises.
Comme l’individu est né, le division du travail devient possible : apparaissent les chefs, les soldats, les esclaves, ceux que l’on a battus et asservis.
Les tribus peuvent donc s’organiser et se structurer en royaumes et empires qui fédèrent plus dizaines de milliers de personnes.
Dernière remarque essentielle : tout n’est vécu qu’au présent. Pas de passé, pas de futur. Je mange ce que je trouve, je combats celui que je rencontre, je suis soumis à celui qui est plus fort que moi. Tout est immédiat. C’est le temps de l’impulsion.
Trouve-t-on encore aujourd’hui de telles organisations, rouges selon la couleur assignée par Frédéric Laloux ? Oui dans les gangs de rue et la mafia : le crime organisé est une organisation rouge. 
Qu’est-ce qui cimente ce type d’organisation ? C’est la relation interpersonnelle, et son chef en est un loup dominant, un loup alpha. Le point fort de ces organisations : leur capacité à faire face à des milieux hostiles. Leurs points faibles : leur incapacité à élaborer des stratégies, à se développer dans des univers complexes. Dès que l’on est loin du chef, comme il n’existe plus, l’organisation non plus…
(à suivre)

25 nov. 2014

LA MAGIE

Reinventing organizations (6)
Un jour dans ces temps de l’aube de l’humanité, il y a environ 15 000 ans, l’homme a commencé à se percevoir distinct de son environnement et de ses congénères. Mais tout tourne encore autour de lui, et il se croit le centre du monde.
Les causes et les effets sont confondus, et l’univers est plein d’esprits et de magie : « Les nuages bougent pour me suivre ; le mauvais temps, c’est une punition des esprits pour mes mauvaises actions »
A cette étape, on ne peut pas encore parler d’organisation. La seule différentiation possible est celle des aînés qui ont un statut spécial et ont plus d’autorité. Les bandes se sont agrandies, et sont devenues des tribus de quelques centaines d’individus.
Chez l’enfant, ce sont les deux premières années où la différentiation commence : « Quand je mords mon doigt, ce n’est pas pareil que quand je mords la couverture » et « Je ne suis pas ma mère, même si, en sa présence, je me sens magiquement en sécurité. »
(à suivre)

24 nov. 2014

LE TEMPS DE LA RÉACTION

Reinventing organizations (5)
Retour au livre « Reinventing organizations ». Son propos est de dire qu’un mode d’organisation correspond à un état de développement de l’humanité.
Pour argumenter son propos, il retrace l’histoire de l’humanité et des organisations en la structurant en six étapes (1) 
- 1ère étape : le paradigme réactif (infrarouge)
- 2ème étape : le paradigme magique (magenta)
- 3ème étape : le paradigme impulsif (rouge)
- 4ème étape : le paradigme conformiste (ambre)
- 5ème étape : le paradigme accompli (orange)
- 6ème étape : le paradigme pluriel (vert)
Et nous serions en train de franchir une nouvelle : le paradigme dynamique (turquoise).
Arrêtons sur chacune de ces étapes.
D’abord donc le temps du réactif. C’est celui de l’aube de l’humanité de 100 000 à 50 000 ans avant Jésus-Christ. L’homme ne se perçoit pas comme un individu, le « je » n’est pas encore né. Il fait corps avec son environnement, et ne se sent pas vraiment distinct de ce tout ce qui l’entoure, les siens y compris.
L’humanité est clairsemée et vit en petits groupes d’une douzaine de personnes. Comme aucune individualité n’existe, il ne peut être question de partage du travail, et la notion d’organisation n’existe pas vraiment. La seule distinction est le sexe, et l’allaitement qui va avec. Pas de chef, pas d’ancien, juste une bande.
En psychologie, cette étape correspond au stade initial du nouveau-né qui ne se perçoit pas encore réellement distinct ni de sa mère, ni de son environnement.
A ce stade, l’action n’est ni pensée, ni voulue, mais provoquée par l’environnement : c’est le temps de la réaction.
(1) Frédéric Laloux a choisi d’associer une couleur à chaque étape pour pouvoir ensuite en parler facilement. J’ai maintenu cette référence ici, car j’aime aussi la dimension poétique qu’elle apporte…
(à suivre)

21 nov. 2014

SANS VIE

Partis...
Ils ont dû sortir précipitamment, laissant leur vie intacte.
Les casseroles et les poêles, à peine nettoyées, sont accrochées,
Devenues sculptures, témoin d’une agitation passée.
Le fourneau ne ronfle plus, et aucune chaleur ne s’en échappe. 
Une bouteille le coiffe, reste d’une dernière gorgée avant la route.
Que s’est-il passé ? Où sont-ils ?
Aucun fantôme, aucun bruit, aucun souffle.
Rien pour rappeler la vie échappée. Rien à part ces objets.
Le mistral dehors hurle, amenant en ces lieux de mort,
Le bruit du mouvement des choses…

(La photo a été prise en 1999 par Michel Cabot dans ma maison de Grignan)

20 nov. 2014

LA PUISSANCE DU NOUS

Reinventing organizations (4)
Troisième rupture, celle de la naissance de tribu mondiale.
Cette émergence est le fruit d’une triple évolution : 
- L’expansion démographique récente qui vient de multiplier par près de 10 la population mondiale en 100 ans, nous rend chaque jour de plus en plus voisins les uns des autres,
- La naissance d’objets-monde qui nous permettent d’agir à distance – alors que jusqu’à présent nous ne pouvions agir qu’avec nos bras prolongés d’un morceau de bois, ou ne tuer qu’à portée de flèches ou de balles –, fait que nous sommes de plus en plus soumis aux effets des autres, et que nous agissons sur notre planète,
- Internet et des technologies de l’information nous relient tous, et nous passons d’un monde où les hommes n’étaient que juxtaposés et les tribus locales, à un monde global où les tribus deviennent mondiales.
Nous passons ainsi à ce que j’appelle le Neuromonde, un monde connecté où notre puissance collective change de nature. A l’image de l’intelligence de la ruche ou de la fourmilière, nait celle de l’humanité. Tous ensemble nous pouvons donner naissance à une encyclopédie dynamique – Wikipedia –, ou valider le résultat des scans de tous les livres publiés – reCaptcha.
Voilà donc notre nouveau monde : un monde peuplé d’individus qui comprennent chaque jour davantage que leur identité individuelle est le résultat d’un processus dynamique émergent, dont la puissance élémentaire croît exponentiellement, et dont la force collective aussi.
Pas étonnant qu’il faille réinventer les organisations, non ?
(à suivre)