A Pékin
La cité interdite ne l’est plus guère de nos jours, et n'est qu'un parc d’attraction touristique. Continûment peuplée d’une foule de Chinois et Chinoises partis à la recherche d’un passé révolu, elle est vide de la cour qui l'habitait autrefois. Dommage…
Aussi, plutôt que de suivre un flux qui m’est doublement étranger, je me laisse perdre non plus dans ce lieu ceint et clos, mais le long des murs qui le définissent. Membranes figées et impénétrables, ils dessinent la cellule dans laquelle battait le cœur de l’empire.
Peints du rouge impérial, ils dressent des perspectives qui poussent le regard à l’infini. Presque aucun détail ne vient freiner cette fuite, juste quelques pics qui surgissent inutilement.
Alors la cité redevient interdite, et je rêve des bruissements anciens faits par les dizaines de milliers d’eunuques qui, en silence, se pressaient de toutes parts, et d'un empereur condamné à régner sur des terres immenses sans pouvoir quitter sa cellule de 9999 pièces…
Difficilement, je m’extrais de ma rêverie pour rejoindre les abords du parc Beihai.
Là sur le vaste trottoir qui le cerne, un groupe de vieillards devise. L’un assis sur une chaise joue d’un instrument qui m’est inconnu, et dont il tire des sons qui viennent d’un autre monde.
Un autre, avec l’aide d'un grand pinceau et d'un peu d'eau, dessine des idéogrammes. Son ballet est lent et méthodique. Religieusement, il écrit de l’éphémère, qui, grâce à l’absence de soleil, durera un peu plus longtemps : « Seul, celui qui ne cherche ni gloire ni richesse, peut avoir de grands idéaux ; seul, celui est en paix dans son cœur, peut penser et voir loin devant »