8 avr. 2009

NOTRE LIBERTÉ EST GRAVÉE DANS LA TABLE DES LOIS DU VIVANT

Conditionnement, parole, complexité, liberté… et Dieu

Dimanche matin, comme très souvent, je regardais sur France 2, la série des émissions religieuses. Moment le plus souvent très intéressant de découverte ou approfondissement de religions que je connais peu ou pas. Je recommande particulièrement les émissions sur le bouddhisme, le judaïsme et la religion musulmane. Une bonne façon de se réveiller en douceur le dimanche matin – surtout si on a une télévision dans sa chambre ! –.

Dimanche dernier donc, Judaïca était consacrée à une discussion, à l'occasion de la Pâques juive, sur Moïse, et plus particulièrement sur « la parole et la liberté ». Au cours de cet échange entre deux rabbins – Josy Eisenberg et Raphael Sadin -, les propos suivant ont été tenus :

« La matière n'existe que parce qu'elle a une finalité, elle n'est pas en soi productrice de la vie. Quelqu'un qui vit dans une vision du monde matérialiste, il est forcément le produit de quoi ? De sa famille, de la parole sociale, il ne peut pas être libre dans la mesure où il n'est que le résultat de pressions, il est conditionné. Alors que si on croit qu'il y a une partie dans l'homme, une partie dans la destinée de l'homme qui est plus originelle que ses parents même ou que la société dans lequel il vit, il y a donc quelque chose à dévoiler qui est plus originel que tout et qui le rend libre, absolument libre…

C'est cela, la source de la liberté. La source de la liberté est dans la parole…

La liberté est très liée aux commandements de Dieu… La loi serait donnée comme liberté. Comment cela se fait ? La loi d'acier « Tu ne tueras point, tu ne voleras point », où est la liberté ici ? La notion même de gravure est quelque chose qui ne va pas bien avec l'idée de liberté. Donc l'idée de liberté est tout à fait étrange, donner comme idée de la liberté des lois d'acier gravées dans le marbre… La gravure, le texte et le corps ne font qu'un. La liberté donnée par la loi, c'est quand le peuple juif a compris que la loi, c'était l'essence de la vie, que la loi n'était pas une loi imposée comme Paul pouvait le penser, que c'est une loi extérieure qui nous est imposée, le fardeau de la loi, le joug de la loi… Quand il y a écrit « Tu ne tueras point », ce n'est pas un ordre « Tu ne tueras point », un homme digne d'être homme est incapable de tuer. Je suis un homme constitué par l'incapacité de tuer.»

On retrouve là un des débats-clé que j'ai eu suite à mes articles « Ciel, je suis né par hasard et pour rien » et « Apprenons à vivre sans Dieu(x) » : bon nombre font de l'existence de Dieu le préalable à l'existence d'une liberté individuelle de l'homme. Ils considèrent en effet, comme dans Judaïca, que, si nous sommes nés « par hasard », nous sommes prisonniers de notre histoire et sans liberté.

Sans entrer dans une polémique sans fin sur l'existence ou non de Dieu – elle est « par construction » indécidable –, je voudrais simplement m'arrêter sur ce point précis de la liberté individuelle.

Tout d'abord, je trouve quand même quelque peu paradoxal, et pour tout dire un brin dialectique, cette « utilisation » de Dieu comme source de la liberté individuelle. Car enfin, comment pourrions-nous en tant qu'hommes être plus libres avec un Dieu que sans ? Comment l'existence d'un Dieu pourrait-elle être source de liberté ? Est-ce que cela ne revient-il pas à faire de cette « croyance en la liberté » un autre acte de foi ? Car elle restera impossible à prouver ou à démontrer. En effet, « spontanément », l'existence de Dieu et donc d'une volonté transcendantale ayant un projet pour la matière et la vie est d'abord perçue comme venant restreindre le champ des possibles, et donc nos libertés. Il faut un « saut de foi » comme celui exprimé dans Judaïca – et que l'on retrouve dans d'autres religions –, pour inclure dans le projet divin celui de la liberté de l'homme. Double acte de foi donc.

Venons maintenant au lien fait entre « vision matérialiste » et conditionnement, donc absence de libertés. La réponse pour moi est à nouveau de façon involontaire dans ce même Judaïca. En effet, c'est bien la parole qui est la source de liberté et du libre arbitre pour l'homme. En effet cette parole humaine n'est possible que parce que notre cerveau a un niveau de complexité jamais atteint précédemment : c'est l'existence de plus de dix milliards de cellules dans le cerveau reliées et enchevêtrées via des réseaux de neurones qui a permis à la parole, au langage et par là à la capacité interprétative d'émerger.

Ce niveau d'hypercomplexité, pour reprendre l'expression d'Edgar Morin, fait de l'homme un système ouvert dont il est impossible à l'avance de prévoir l'évolution et les choix : nous sommes capables, à la différence des machines, de travailler à partir du flou et de l'imprécis, c'est-à-dire que nous agissons bien avant que notre comportement puisse être déduit de notre environnement et notre histoire. Ainsi le conditionnement, dans lequel nous inscrivons nos actes, n'est qu'une donnée parmi d'autres. En fait il ne s'agit pas d'un conditionnement, mais plus d'un faisceau de circonstances dans lesquelles viennent s'inscrire notre vie.

Ainsi, oui, sans parole, il ne peut y avoir de liberté. Mais cette parole n'a pas besoin d'être issue du souffle de Dieu pour nous apporter cette liberté.

Et cette caractéristique du vivant humain – l'imprévisibilité de nos choix – est inhérente à notre constitution, car elle est le fruit même de notre complexité. Cette « loi de la possibilité au libre-arbitre » n'est donc pas une loi extérieure, ou fournie par un Dieu. Elle est consubstantielle à la vie.

Eh donc, oui, notre liberté est gravée dans la table des lois du vivant !

7 avr. 2009

NOUS SOMMES TOUS DES GAZ CHAOTIQUES

Tous connectés, nous flottons et nous nous entrechoquons.

Chacun de mes pas, chacun de mes mouvements viennent de plus en plus télescoper mon voisin, cet autre que je ne connais pas.

Souvenir d'une discussion dans la campagne provençale, dans les années 80, où le chef de famille local trouvait que sa fille s'était « exilée » en s'éloignant de dix kilomètres. Alors il pouvait choisir celui qu'il ou elle rencontrait. Chacun était dans sa bulle, dans sa « caverne ». On pouvait vivre en oubliant les autres.

Aujourd'hui rien de tel. Nous sommes trop nombreux sur cette planète, nous sommes trop itinérants, nous voyageons trop pour nous penser les uns sans les autres. Que nous le voulions ou pas, nos villes sont devenues multiraciales, notre impact collectif dérègle le climat, la question des ressources en eau et en aliments de base se posent ou se reposent.

Et cet étranger – celui que je ne connais pas –, même s'il est physiquement distant de moi, je peux être connecté à lui au travers de mon organisation professionnelle – les entreprises sont des réseaux vivants qui créent et structurent des liens entre territoires et communautés –, ou au travers de réseaux privés grâce à Internet.

Finalement, si je voulais illustrer mon propos au travers d'une image, je dirai que nos sociétés sont passées d'un état solide à un état gazeux.

Je m'explique.

Par « état solide », je me réfère à ces structures anciennes où la place de chacun était, sauf exception, spatialement figée : j'allais mourir là où j'étais né. De plus les relations étaient des relations de proximité : comme dans un cristal, une molécule est contrainte par sa localisation et n'est en relation qu'avec celles qui lui sont contigües.

Par « état gazeux », je pense à ces nouveaux modes d'organisation et de relation beaucoup plus flous et incertains. Et aussi à ces relations aléatoires, faites des hasards des rencontres, des chocs entre des molécules libérées et flottantes. Cet état gazeux s'accompagne d'une sensation de chaos et d'incertitude, d'une forme d'entropie collective.

Mais n'est-ce pas le signe d'une forme de maturité où la forme – c'est-à-dire l'organisation et la structure – n'est plus le fruit d'une pensée a priori, mais le résultat des interactions collectives ?

Bien sûr, cela vient prendre de travers bon nombre de pensées politiques : classiquement, on imagine que c'est le centre – le président, le gouvernement, les institutions – qui doit définir le droit et les structures. Et si, dans le monde qui devient le nôtre, le rôle du politique était de plus en plus de trier parmi les structures émergentes, et non plus de les définir…

6 avr. 2009

SACHONS ÉVITER LE « CE N’EST PAS MOI, C’EST L’AUTRE » !

Savoir comprendre et respecter l'apport de l'autre

« Dans cette entreprise industrielle, il y avait une rivalité latente et classique entre la Direction Industrielle et les usines. Le rôle des membres de la Direction Industrielle était mal compris : ils étaient perçus comme imposant une politique technique sans tenir compte des contraintes opérationnelles. En simplifiant, l'usine avait tendance à penser que les demandes émanant des membres de la Direction Industrielle venaient perturber inutilement le bon fonctionnement local, dégradant ainsi sa performance. Symétriquement les membres de la Direction Industrielle pensaient que, lorsqu'une usine soulevait une objection, celle-ci n'était qu'une perte de temps et témoignait de sa mauvaise volonté : ils entraient alors en relation avec l'usine non pas pour comprendre l'origine de l'objection, mais pour, sans l'écouter, chercher à la convaincre de son erreur. Personne ne comprenait, ni ne respectait le rôle de l'autre. Ceci ne tournait pas au conflit car tout le monde était conscient de l'importance de la survie de l'entreprise et les usines savaient détenir le pouvoir in fine. Périodiquement, si le siège était jugé comme allant trop loin, les directeurs d'usine faisaient bloc et obtenaient un départ. Il était dans ce contexte impossible de lancer une confrontation efficace : une explicitation des rôles de chacun devait être faite au préalable.

Souvenir d'un plan qualité lancé dans une entreprise de transport. J'avais mené des réunions dans tous les services, et, chaque fois, j'entendais les mêmes messages : « Ah, si untel faisait mieux son travail, nous n'aurions pas tous ces problèmes. ». C'était le sport national : ne jamais parler de ce que l'on faisait soi, mais de ce que l'on aurait fait si on avait été à la place des autres. Dans un tel contexte, impossible aussi de développer une confrontation positive !

Aussi un préalable, complémentaire à celui d'avoir un objectif commun, est que chacun ait une vision claire de son rôle et de sa contribution propres, ainsi que le respect et la compréhension de ceux des autres : si l'un a un doute sur la compétence de son interlocuteur, alors la confrontation soit ne s'amorcera pas, soit tournera au conflit avec mise en cause de l'autre personne.

L'arrogance aussi est interdite. Elle peut signifier le mépris non seulement de l'autre, mais plus généralement de toute information venant contredire sa propre conviction : on ne discute plus pour comprendre mais pour convaincre. Or c'est bien pour comprendre et non pas pour convaincre que l'on doit se confronter, car c'est de la compréhension commune que naîtra la conviction commune. À nouveau, il est normal que les positions initiales divergent : le vrai consensus est le résultat du processus, non pas le point de départ.

L'attitude positive pour entrer en confrontation est d'être convaincu de ses arguments, sinon cela montrerait que l'on a mal mené son propre travail, mais tout en étant conscient des hypothèses que l'on a faites et en étant prêt à accepter leur remise en cause ou simplement leur enrichissement. »

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

5 avr. 2009

ET SI DARK VADOR AVAIT ETE RATTRAPE PAR L'AMOUR

Pour les amateurs de Star Wars, une vidéo incontournable où l'on voit Dark Vador perdre tout contrôle face à une "Dark Vadorette" !

4 avr. 2009

POURQUOI ENSEIGNER ?

Eveiller ou formater ?

Témognage musical du Pink Floyd : Another brick in the wall

3 avr. 2009

PAUSE DEMENAGEMENT...

Changer d'endroit aide à changer de point de vue, et à maintenir "frais" son œil.

Fort de cette conviction, je viens de déménager. Rien de bien spectaculaire, un glissement du Marais vers la Bastille.
Occasion de jouer au jeu en deux temps du carton : le remplir et le vider. Mais alors que garder, où ranger, tiens ce truc-là, mais pourquoi j'ai cela, je le jette, et puis non, au fonds de ce tiroir, il ne gênera personne.

Aussi le jeu du "je démonte", "je remonte", avec dans les rôles-clés le tournevis et la perceuse.

Avec tout cela, pas facile de trouver le temps d'écrire un article... à part ces quelques lignes...

2 avr. 2009

NOUS ENTRONS DANS LE NEUROMONDE

Histoires de télescopages

« Un dimanche soir, gare de Montélimar, dans le Sud de la France, il est 17 h 10 et j'attends un TGV pour Paris qui doit arriver dans une dizaine de minutes. Je ne pense à rien de précis, et mon esprit surfe sur les conversations voisines. Mon attention est attirée par l'une d'elles : un petit groupe parle de l'évolution du parti communiste et de la montée en puissance des mouvements d'extrême gauche. Je comprends que ce sont des sympathisants. Brutalement, sans transition réelle, l'un d'eux change de sujet et dit d'une voix assurée : « Pour l'éducation de mes enfants, la seule chose que je leur demande à l'école, c'est d'apprendre l'anglais. Le reste pour moi n'est pas important : le français, les mathématiques, cela ne leur servira pas pour parler plus tard. Avec l'anglais, ils pourront voyager partout et se faire comprendre. Vraiment, c'est l'anglais qui compte ». Étonnante affirmation, surtout vu ses convictions politiques : plus besoin d'avoir quelque chose à dire, il suffirait de pouvoir parler. L'échange ne serait plus un moyen, mais une fin en soi…

Quelques jours plus tard, je déjeune à Paris avec un client. Il est de retour de deux semaines de vacances en Iran et me relate une soirée au cours de laquelle il a pu passer quelques heures avec des Iraniens.

« Mais comment avez-vous communiqué, lui demandai-je ? Ils parlaient anglais, français ?

– Non, ils ne parlaient ni français ni anglais, me répondit-il. Mais étrangement, on a réussi à se comprendre avec des gestes et des expressions ! »

Étonnant télescopage de ces deux anecdotes. Deux extrêmes : l'un qui privilégie le contenant au contenu et pense que, demain, l'important ne sera plus le fond ; l'autre qui, en l'absence de tout langage, suffisamment avide de comprendre les différences, arrive à échanger…

En repensant à cela, j'écoute la radio. Le débat porte sur le sujet récurrent de l'assimilation de nouvelles cultures en France : est-il normal ou non par exemple que des musulmans ne se conforment pas aux habitudes culturelles historiques françaises ? Témoignage d'une auditrice qui parle de la France comme si elle en était propriétaire, comme si le fait d'y être né lui donnait le droit d'en définir les conditions d'accès. L'animateur lui rappelle que certains musulmans sont nés en France comme elle. Elle n'en démord pas et fait appel à une sorte de droit de propriété historique : ceux qui sont arrivés récemment seraient moins légitimes qu'elle…

Voilà notre neuromonde : un monde fait de télescopages et parfois d'incompréhensions, un monde où les frontières s'abolissent, un monde dont certains voudraient lisser les différences, un monde face auquel les structures politiques géographiques sont souvent inadaptées.

Pourquoi neuromonde ? Parce que, grâce ou à cause des technologies de l'information, nous sommes de plus en plus interconnectés et que la neurobiologie est, me semble-t-il, une clé de lecture pertinente pour comprendre le fonctionnement nouveau de nos sociétés et de nos relations interpersonnelles. Ce n'est finalement que la prolongation et l'extension de l'analyse que je viens de faire au niveau des entreprises.

L'ampleur du sujet mériterait un livre à lui seul. Ce ne sera ici qu'une digression avec l'amorce de quelques questions… »

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

1 avr. 2009

MANGÉS DE L’INTÉRIEUR

Ces statues sont des miroirs de nos sociétés

Un dimanche, je marchais Place des Vosges quand, dans la galerie de Medicis, j'ai aperçu les statues de Catalano.

Des statues étranges mangées de l'intérieur. Impression d'un effacement progressif.

Ces personnages sont aussi toujours en mouvement, un bagage ou un sac à la main.

Pourquoi marchent-ils ? Que fuient-ils ? Cherchent-ils à échapper à un cancer qui les ronge ? Y a-i-il un espoir dans ce mouvement ?

Je n'ai pas vraiment l'impression. Sensation plutôt d'une tension supplémentaire qui viendrait accélérer le processus de destruction. Peut-être en est-il même à l'origine. Peut-être ces personnages se vident d'un mouvement incessant.

Je vois dans tout cela comme une métaphore douloureuse de notre société d'aujourd'hui.

Nos sociétés sont comme mangées de l'intérieur par des évolutions qui leur échappent et dont elles sont en même temps à l'origine. Nous sommes pris dans un tourbillon chaotique qui nous emporte…

31 mars 2009

ON PEUT AUSSI S’AMUSER EN LISANT LE POINT !

Poursuite de ma promenade aléatoire dans la presse française : arrêt du jour sur le Point du 30 mars

« François Fillon décrète la fin des comportements irresponsables » : Me voila rassuré. Notre Premier Ministre s'attèle à une tâche essentielle. Telle fut ma réaction immédiate. Puis rapidement, j'ai repensé à la réponse célèbre de de Gaulle qui, suite au cri de « Mort aux cons », avait répondu « Vaste programme ! ».

Il y a un peu de cela dans les propos de Fillon. Est-ce bien raisonnable de vouloir s'attaquer à la « fin des comportements irresponsables », surtout sans mettre aucune limite ou définition ?

Une question parmi d'autres : est-ce que les hommes politiques sont visés ? Si oui, comment compte-t-il définir l'irresponsabilité en politique ? Est-ce ne pas être aux responsabilités, c'est-à-dire dans l'opposition ? Je ne pense pas, car alors Fillon voudrait nous voir basculer dans un régime autoritaire, sans opposition. Non, cela doit être autre chose. Peut-être pense-t-il aux hommes politiques qui ont fait des promesses et ne les ont pas tenus ? Mais là c'est son propre parti qui va se trouver aussi visé, et même son président !

Décidément, vaste programme !


« Jean-François Copié » : Selon cette confidence – comme j'aime le concept des confidences dans la presse …–, les enfants de Sarkozy appelleraient Jean-François Copé, Jean-François Copié, car il emploierait la même stratégie vis-à-vis de leur père que celui-ci avec Chirac.

Tout d'abord bravo pour l'humour. Je ne dis pas que Nicolas Canteloup, Laurent Baffie ou le regretté Pierre Desproges risquent quoique ce soit. Mais quand même, je n'imaginais la famille Sarkozy se permettre des blagues sur un sujet pareil.

Ensuite, n'y a-t-il pas un autre message subliminal ? Dans la famille Sarkozy, la trahison est une valeur que l'on apprend dès l'enfance et que l'on a pris l'habitude de détecter et d'en comprendre toutes les subtilités et toutes les variantes. Belle précocité donc.


« Le chiffre de Jacques Marseille » : Où l'on apprend que 31 932 emplois (dont 21092 dabs l'industrie) ont été créés en 2008 par des entreprises étrangères, pour 541 projets d'investissements. J'aime la précision quasi mystique de ces chiffres, le sens de la précision à l'unité près. Le goût du vrai et de l'authentique.

Manque de chances, il y a un peu plus de 20 ans, je me trouvais alors à la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale (la DATAR) et ai eu à fournir ces mêmes données aux « Jacques Marseille » d'alors. Je sais le côté « fantaisiste » des calculs (de quelle période parle-t-on ? Emplois nouveaux ou reconvertis ? Annoncés ? Réalisés ? …), sans parler des erreurs possibles d'addition (tous ces calculs sont faits au coin d'un bureau et j'ai moi-même le souvenir d'une des mes erreurs de calcul qui avait in fine permis de « créer » 100 emplois de plus !).

Monsieur Jacques Marseille ferait mieux de se méfier un peu plus des chiffres qu'il relaie…

Il est vrai qu'avec la crise, il n'est plus à une erreur près…


« Le thé brulant favorise les cancers de l'œsophage » : Comme la communication est souvent le résultat visible de la guerre des lobbies, je me demande si, derrière cet article, on ne trouverait pas les associations viticoles.

En effet, fatiguées de se voir attaquées de toutes parts – on ne parle plus du vin que comme une source de problèmes –, elles chercheraient à déplacer le tir en direction des anglais et de leur cher « tea time ». En effet, comment imaginer un tea time avec un thé tiède ! Donc subrepticement, c'est toute l'identité culturelle anglaise qui est prise à partie.

Bravo au vin français si il est l'origine de ce combat !

30 mars 2009

SANS DÉSORDRE, AUCUNE DÉMOCRATIE NE PEUT SURVIVRE

Une trop grande primauté accordée à l'ordre conduit à déstabiliser en profondeur l'équilibre d'un système

Dans son livre « Introduction à la pensée complexe », Edgar Morin aborde notamment la question du fonctionnement des organisations et leur capacité à « vivre et traiter avec le désordre » :

« Le facteur « Jeu » est un facteur de désordre mais aussi de souplesse : la volonté d'imposer à l'intérieur d'une entreprise un ordre implacable est non efficiente…

Autrement dit, l'économie de l'URSS a fonctionné grâce à cette réponse de l'anarchie spontanée de chacun aux ordres anonymes d'en haut et, bien entendu, il faut qu'il y ait des éléments de coercition pour que cela marche. Mais ça ne marche pas seulement parce qu'il y a la police, etc. ça marche aussi parce qu'il y a une tolérance de fait à ce qui se passe à la base et cette tolérance de fait assure à la marche d'une machine absurde qui, autrement, ne pourrait pas fonctionner…

C'est la résistance à l'intérieur de la machine qui a fait marcher la machine…

On peut dire grossièrement que plus une organisation est complexe, plus elle tolère le désordre…

A la limite, une organisation qui n'aurait que des libertés, et très peu d'ordre, se désintégrerait à moins qu'il y ait en complément de cette liberté une solidarité profonde entre ses membres. La solidarité vécue est la seule chose qui permette l'accroissement de complexité. »

Ce texte vient pour moi comme en résonance avec le fonctionnement actuel de notre démocratie et de pas mal de débats d'aujourd'hui.

Par exemple, c'est un des thèmes abordés par le film Welcome et les discussions qui en ont suivi : Est-ce que l'application brutale et sans faille de la loi ne conduit pas à une attitude inhumaine face à la détresse des sans-papiers en transit à Calais ? Est-ce que l'humanité ne vient de ce facteur de désordre local où des individus vont décider d'enfreindre la loi pour apporter assistance ? Est-ce que, si l'on refuse d'accepter ce « désordre » local, on ne va pas aboutir à un rejet complet de la loi et donc à l'éclatement de tout le système ?

Plus généralement, la volonté de Sarkozy de contrôler au maximum la mise en œuvre et de viser à une stricte application revient à ramener au minimum tout désordre. Or, pour reprendre l'expression d'Edgar Morin, le désordre est le « facteur jeu » qui apporte la souplesse nécessaire. Du coup, Sarkozy déstabilise en profondeur tout le fonctionnement de notre démocratie : ne pouvant plus « jouer » dans le système, bon nombre d'acteurs sont poussés à s'y opposer globalement. Les tensions montent, au fur et à mesure que se réduisent les marges de manœuvre.

Est-ce parce que Sarkozy pense que la solidarité entre français – quelle que soient leurs origines et leurs positions – n'est pas assez profonde pour une organisation avec beaucoup de libertés, qu'il développe une organisation fondée sur l'ordre ? Je ne suis pas sûr que ce soit le fruit d'une réflexion consciente, mais c'est une réalité.

On voit que la question de l'accroissement des solidarités est au centre de toute réflexion sur la mise en place d'une nouvelle politique plus ouverte et plus désordonnée…

29 mars 2009

À LA PRÉADOLESCENCE ON N'EST PAS FORCÉMENT CONDAMNÉ À LA STAR AC !

Parfois le goût du journalisme politique et du blog citoyen commence jeune.
Dans le cas d'Alex Joubert, on peut vraiment parler de précocité, car il n'a que 13 ans...

28 mars 2009

27 mars 2009

CE N’EST PAS PARCE QUE L’ON COURT VITE QUE L’ON AVANCE VRAIMENT

Ou beaucoup de bruit pour rien !

Souvenir d'une anecdote qui m'est arrivée, il y a quelques années. J'étais alors l'un de ces cadres dirigeants vibrionnaires et habitués à sauter d'un train à un avion, et à vivre toujours entre deux localisations. A ce moment-là, ma maison en Provence, je ne faisais qu'y passer.

Un week-end, j'ai réussi à m'extirper de la capitale pour m'y rendre : 3h de TGV, une voiture de location à l'arrivée du train et 30 mn plus tard, j'étais arrivé. Ce samedi après-midi, j'avais prévu une partie de tennis avec un ami qui, lui, habitait sur place. Je suis arrivé sur le court, tout content d'être enfin là, et naïvement, je lui ai dit : « Finalement, c'est facile de venir jouer au tennis ici : grâce au TGV et à une location de voiture, cela ne m'a pris que 3h 30 en tout et me voici sur le court avec toi. »

Il m'a regardé avec un sourire amusé : « Tu sais, il y a plus simple. Il suffit d'habiter ici comme moi ! ».

Eh oui, j'étais une victime de ce que j'ai coutume d'appeler « le syndrome de la course en rond ». Comme la plupart des dirigeants, j'avais confondu vitesse de déplacement avec efficacité. Certes, dans la plupart des entreprises, tout le monde court – et singulièrement l'encadrement–. Mais est-ce réellement pour créer de la valeur ? Quel est le résultat concret de cette agitation ? Et ce surtout, si on laisse un peu de temps passé et la poussière retomber.

Souvent finalement, on constate avec un peu de recul, que nous sommes comme des coureurs sur un stade : nous courons en rond en repassant régulièrement au même endroit…

26 mars 2009

APPRENONS À VIVRE SANS DIEU(X)

A-t-on besoin de "sous-traiter" la morale et la responsabilité à un Dieu ?

Le nombre des commentaires suscités par mes articles « Ciel, Dieu me parle ! » et « Ciel, je suis né par hasard et pour rien » m'incite à prolonger encore un peu mon propos.

Tout d'abord je vais vous demander de retourner pour un moment dans le corps de ce jeune devin que vous aviez abandonné au milieu du deuxième article. Que mes lectrices m'excusent par avance de leur demander de façon aussi peu cavalière de rejoindre la peau d'un homme – l'une d'elles, à juste titre, m'en a fait le reproche dans un commentaire –, mais qu'elles le prennent comme une expérience provisoire, et finalement toujours enrichissante. Je leur promets que, à l'occasion d'un prochain article, j'inciterai tous mes lecteurs à se mettre dans la peau d'une femme.

Nous voilà donc redevenu ce jeune devin. Rappel rapide (pour ceux qui ont perdu le fil, le plus simple serait d'aller relire l'article précédent) : nous sommes au temps des hommes préhistoriques, et, suite à la réception d'images mentales, tout le monde est persuadé que Dieu existe. Comme vous êtes plus malin que les autres, vous avez rapidement compris qu'il y avait une opportunité pour vous : vous vous êtes installé devin, c'est-à-dire comme le grand interprète de toutes ces images mentales.

Rapidement vous êtes débordé : l'ensemble de la tribu n'arrête pas de défiler devant vous, pour oui ou pour un non, ou plutôt pour la moindre image mentale qui surgit. Vous comprenez qu'il faut émettre des règles, des codes, un système prêt à l'emploi : une sorte de « do it yourself » qui va faire un pré-tri et ne vous laisser que les cas hors normes. Vous édictez donc ce vadémécum de l'image mentale, une sorte de pré-bible, un avant-avant testament. Pas question de perdre le revenu de votre expertise : vous « vendez » ce vadémécum au prix d'un sanglier, prix jugé astronomique, mais comme vous parlez au nom de Dieu, personne n'ose trop rien dire.

Pourtant vos efforts pour rationnaliser votre rôle de devin sont insuffisants : votre réputation se propage et de nouveaux « clients » viennent de tous les villages voisins. Vous voilà obligé de former des disciples qui vont vous représenter tout autour…

Bon j'arrête là, au moins pour aujourd'hui. Laissons donc ce devin à la mise en place de cette religion qui n'a pas encore de nom…

Retour à nous et à vous. Nous qui sommes nés par hasard et pour rien.

Tout d'abord un double commentaire sur le sens des mots « hasard » et « pour rien ».

J'emploie le mot hasard pour dire que notre existence – la vôtre, la mienne – n'est pas le résultat d'une volonté, ni d'un dessein. Nous existons simplement parce que nous étions une des évolutions possibles du vivant, et que c'est celle-là qui est advenue. Ni plus, ni moins. Donc oui, bien sûr, a posteriori, on peut reconstruire la chaîne de causalité qui nous a amené à exister. Mais a priori, on n'aurait pas pu la dessiner, ou plutôt dire que c'était celle-là qui allait se produire. Ce n'était qu'une parmi une quasi-infinité d'autres possibles.

J'ai vu à la lecture des commentaires suscités par mes articles précédents que vous êtes nombreux à ne pas accepter cette existence due au hasard. Comment un monde aussi sophistiqué pourrait-il exister sans un architecte, sans un plan ? Mais justement c'est parce qu'il est si compliqué qu'aucun architecte – même un dieu ou plusieurs dieux – n'auraient a priori pu le définir. Par contre, grâce aux nouvelles approches de l'auto-organisation et du chaos, nous pouvons imaginer comment il a pu émerger… de lui-même et par hasard…

Pour rien, maintenant. Cette fois, c'est le couplet de l'irresponsabilité qui ressort des commentaires. Comment, si nous sommes là pour rien, si personne n'attend rien de nous, pourrions-nous nous intéresser à notre prochain ? Si nous sommes nés par hasard et pour rien, alors c'est la loi du chacun pour soi, la loi de la jungle ?

Permettez-moi de retourner ce propos. Avez-vous besoin d'un Dieu qui vous dit ce qui est bien et mal ? Avez-vous besoin d'une loi du talion qui va venir punir celui qui s'écarte du bon chemin ? Avez-vous besoin ainsi de sous-traiter la morale à une autorité externe et immanente ?

Finalement, selon vous, heureusement qu'il y a ces devins avec leurs vadémécum qui nous disent ce que nous devons faire !

Non, mille fois non ! Je ne peux pas adhérer à cette morale de l'irresponsabilité. L'engagement au profit de mon voisin, au profit de celui qui est différent de moi, au profit de la vie, ne doit pas être un choix imposé ou prescrit, mais un choix gratuit et voulu.

A nouveau, le fait d'être né pour rien et pour personne n'est pas un fardeau, mais l'occasion d'un choix libre.

Maintenant sur l'existence de Dieu(x), je voudrais leur poser une simple question : qu'est ce que c'est que ce ou ces Dieux capables de concevoir un monde aussi compliqué que le nôtre et laisser se faire autant de meurtres, de massacres – parfois en leur(s) nom(s) –, d'épidémies ? Ces dieux ne m'intéressent pas. Ou ils sont tout puissants et ils sont incompétents. Ou ils ne le sont pas, et alors sont-ce des dieux ? Dans les deux cas, je n'ai qu'une recommandation, laissons-les tranquilles et vivons notre vie d'humains … sans eux…

Que chacun de nous soit simplement conscient qu'il est là parce que la vie lui a permis d'exister, et qu'il est une forme de maillon dans ce relais sans fin et sans but. Nous avons reçu la vie. A nous de la transmettre dans les meilleures conditions.

Comme Clint Eastwood dans Gran Torino (voir « le Tao de la force du creux »), faisons chacun la découverte que la force et la solidarité sont dans l'acceptation de notre faiblesse et non pas dans une arme quelconque … divine ou pas. Acceptons de vivre sans Dieu(x). Apprenons à vivre de ce manque de ce sens.

Nous serons alors forts parce que vulnérables.

Nous serons alors libres parce qu'inutiles.

Nous deviendrons alors vraiment solidaires parce que chacun se sentira simplement partie prenante de la vie.

25 mars 2009

PAS FACILE NON PLUS DE LIRE LA UNE DU « GRAND QUOTIDIEN » DU SOIR

Un survol partiel et partial de la une internet du Monde le 24 mars

« Sarkozy fait le bilan de la relance et esquisse de nouvelles pistes » : Voilà un titre très prometteur. Mais au fait comment peut-il faire le bilan de la relance ? Elle est où la relance ? Je croyais que l'on était toujours en récession et que cela allait durer un temps incertain mais réel. Même que tout le monde – Premier ministre, ministre de l'économie, économistes, experts, chefs d'États étrangers, …- le dit et l'écrit. Et voilà que non, la relance est déjà là. Et non seulement, elle est là, mais depuis un bon moment, puisque Sarkozy peut en faire le bilan. Quel scoop ! Quel Président ! Quelle chance pour nous tous !

Et ce n'est pas fini. On a donc d'une part la relance dont on va nous faire le bilan, et en plus, Monsieur, Madame, nous avons pour vous des esquisses de nouvelles pistes. Analysons bien le propos. Premièrement, il y a déjà des pistes, sinon il ne nous parlerait pas de nouvelles. Ces pistes où sont-elles ? Je ne sais pas. Et des pistes de quoi, au fait ? Pas de la relance, puisqu'il sait parfaitement où elle est, il en fait le bilan. Il faudrait lire l'article pour avoir la réponse à cette double interrogation angoissante. Deuxièmement, une esquisse. Bon, là, c'est vague, Monsieur le Président. Déjà une nouvelle piste, ce n'est pas très clair, voire pas très engageant. Mais une esquisse de nouvelle piste, c'est trop flou. Surtout en face d'un vrai bilan de la croissance.

Arrêtons-nous un instant sur les petites lignes du début de l'article (désolé, la photo est petite pour vous, mais faites-moi confiance, je ne triche pas !) : il y est écrit « le chef de l'État a laissé la porte ouverte à de nouvelles mesures ». Est-ce que ce serait cette porte qui conduirait aux nouvelles pistes ? Est-ce que ces nouvelles mesures sont celles de ces nouvelles pistes ? En km ? En mètres ?

Décidément je ne comprendrai jamais rien au discours politique

« Le parachute doré du PDG de Valeo fait l'unanimité contre lui » : Sans m'arrêter sur le caractère paradoxal de l'expression « parachute doré » - car enfin, pourquoi voulez-vous dorer quelque chose qui a pour but de ralentir votre chute ? -, je pose une seule question : si tout le monde est contre ce parachute doré, comment l'a-t-il obtenu ? Cela m'échappe. Ce parachute a dû naître spontanément. Une nouvelle forme d'apparition…

« Le recyclage fragilisé par la crise » : Mais non, il n'y a pas de crise. Sarkozy, juste quelques lignes plus haut, fait le bilan de la relance. Qu'est ce que cette incohérence ? Où est la proverbiale intelligence du Monde et la clarté de sa ligne éditoriale ?

« Et aussi : A Austin, les acteurs du WEB imaginent l'Internet de demain » : Tiens maintenant Hollywood vient au secours du WEB. Bon, pas la peine de se fatiguer à lire cet article. Je me connecterai demain et j'aurai ainsi en direct la réponse…

« Et aussi : le PS songe à des primaires pour la présidentielle. » : Avec les primaires, c'est le succès assuré d'un socialiste. On retrouve là un concept bien mis au point dans le sport. Prenez par exemple le football. Une des intérêts essentiels du championnat de France est que vous êtes sûr d'avoir alors une équipe française qui va le gagner. Alors que, dès que la compétition est européenne, c'est beaucoup plus aléatoire, et pour tout dire improbable. Pour le PS, c'est pareil. Comme pour les prochaines présidentielles, ce n'est vraiment gagné, ils se sont peut-être dits qu'avec un primaire avant, il aurait au moins une victoire assurée…

« Et aussi : Début de consensus sur un encadrement accru de la finance » : Pour ceux qui, naïfs, croyaient que le système financier avait été mis sous contrôle, c'est la douche froide. Pour tous les autres, rien de bien nouveau. Quand on parle de début de consensus, c'est qu'en général, personne n'est d'accord…

« 21.06 : Le groupe Total mis en examen pour une pollution de la Loire » : Est-ce une dépêche sur les suites de la diminution d'emplois maladroitement annoncée par Total – quasiment naïvement – ? Non, je ne peux pas croire que les emplois supprimés sont jetés dans la Loire. Cela doit parler d'autre chose…

« 20.34 : Nicolas Sarkozy appelle à l'unité du pays face à la crise » : Cette fois, je suis carrément perdu. Juste à gauche, en grand, avec la photo à l'appui, il annonce que l'on est en pleine relance. Et là en petit, la crise est de retour. D'un seul coup, je comprends : la dépêche vient de l'agence Reuters. C'est encore un coup du grand capitalisme étranger qui vient saper la relance française. Mais vraiment le Monde devrait faire un peu plus attention. D'autant plus, que cette information est reprise en bas à droite avec une photo qui ressemble à l'autre : on ne recule devant rien pour jeter le trouble…

« Obama et le G20 : L'Amérique est prête à assumer son leadership » : Ouf ! Obama est bien le Président des États-Unis. A un moment, j'ai vraiment cru qu'il était sincèrement préoccupé de la situation mondiale et qu'il était prêt à parler sur un plan d'égalité. Il y a déjà assez de pagaille comme cela…


24 mars 2009

CIEL, JE SUIS NÉ PAR HASARD ET POUR RIEN

Accepter que l'on est né par hasard et pour rien est le vrai chemin pour la liberté et la responsabilité

Mon article d'hier « Ciel, Dieu me parle ! » qui reprenait des extraits de « A tort et à raison » de Henri Atlan a été mis en ligne sur Agoravox et a déclenché à ma grande surprise de très nombreux commentaires. Je ne pensais pas qu'un tel sujet intéresserait autant. Rassurant, je trouve !

Tout ceci m'amène à repréciser mon propos.

Imaginez-vous comme un homme d'il y a très très longtemps. Je sais, ce n'est pas facile, mais essayez !

Votre cerveau ne sait que réagir aux informations transmises par vos cinq sens. Vous avez en plus des réflexes issus de vos gènes, complétés par votre expérience personnelle. Avec cela, vous avez l'habitude de vous débrouiller. Manger et boire quand il le faut, même si trouver de la nourriture n'est pas toujours si aisé ; éviter les dangers qui peuvent menacer votre survie ; vous reproduire pour prolonger votre espèce. Tout va bien quoi.

Un matin, vous êtes assis, tranquille, dans votre caverne, repu, quand arrive un truc improbable et impossible. Alors que rien ne se passe de nouveau autour de vous – vos yeux n'ont rien vu de spécial, vos oreilles rien entendu, votre odorat rien senti -, il vous vient une « image mentale », une pensée quoi. Oh, rien de bien structuré, rien de bien concret, mais, pour sûr, vous avez eu un flash. Bon, rapidement, vous revenez à votre activité normale, manger, courir, vous reproduire, vivre en un mot. Mais voilà que cela recommence. Et de plus en plus… Bizarre quand même. Un sixième sens ? Pratique en plus, car vous venez de vous rendre compte que ces « pensées » informes ne le sont pas tant que cela, mais peuvent vous aider à survivre, à construire des nouvelles approches, à innover. Incroyable. Vous voilà, grâce à ces pensées, de plus en plus performant.

Et pour vos congénères, c'est pareil. Dingue, comme ce « sixième sens » peut être utile. Mais d'où cela peut-il bien venir cette « voix intérieure » ? Qui vous souffle des idées, qui vous guide face au danger ? Cela doit bien venir de quelqu'un ou quelque chose. Quand vous voyez, c'est bien que quelque chose ou quelqu'un est devant vous. Idem pour l'ouïe : si vous entendez un bruit, il existe vraiment… Donc là aussi, il doit exister quelque chose qui vous « parle », qui est capable de venir entrer en vous. Une chose pour la chasse, une pour la reproduction, une pour votre voisin… Des choses toutes puissantes, qui savent tout, qui peuvent tout.

Comme vous êtes un malin, vous comprenez avant les autres qu'il y a là un moyen d'éviter d'aller chercher vous-mêmes de la nourriture. Vous vous installez devin, c'est-à-dire comme un spécialiste dans l'interprétation du discours de ces choses. Comment faites-vous ? Un peu de baratin bien tourné, quelques herbes qui ; bien mâchouillées ; viennent renforcer la sensation d'entendre des voix, et c'est parti.

Vous connaissez la suite de l'histoire…

Bon, c'est vrai, tout ceci ne parait pas très scientifique, mais j'ai comme dans l'idée que, d'une certaine façon, cela a pu se passer ainsi…

Maintenant, je vais vous demander un nouvel effort. Ne dites pas non, s'il vous plaît. Il n'y en a vraiment pas pour longtemps. Merci.

Donc cette fois, vous êtes vous-mêmes, aujourd'hui. Ne changez rien. Posez-vous simplement une question : pourquoi suis-je là ?

La première réponse est simple : parce que mes parents m'ont procréé et, comme vous êtes chanceux, parce qu'ils l'ont voulu. Certes. Mais si l'on prolonge un peu plus le raisonnement, la suite logique dans le passé, avez-vous vraiment l'impression que vous existez parce que cela a été décidé, voulu ? Vraiment ? Vous croyez qu'un méga Gosplan, génial et parfait, a tout organisé, tout prévu ? Vous vous rendez compte que garantir que vous allez exister est extrêmement difficile : pensez à tous les risques que, pour une raison ou une autre, un des paramètres nécessaires à votre existence ne soit pas satisfait. Et en plus vous pensez que ceci est vrai pour chacun de nous ? Sérieux ? Vous ne plaisantez pas ? Non ?

Et si nous étions tous là par hasard, simplement parce que nous sommes le résultat non prévu de l'évolution du monde. Pénible pour votre ego de vous imaginer le fruit du hasard, plus que d'une volonté ?

Je vous sens sur le point d'accepter cette existence née du hasard, mais vous restez persuadé que vous êtes né pour quelque chose, pour une mission secrète, pour mettre en œuvre une volonté immanente. Votre existence doit bien avoir un sens, quand même !

Je ne crois pas. Nous sommes nés pour rien. Nous sommes juste là, comme cela, un maillon possible et provisoire du vivant.

Est-ce désespérant ? Non je ne trouve pas. Je me sens plus léger, sans fardeau préalable sur mes épaules. Personne n'attend rien de moi.

Suis-je du coup irresponsable ? Non, je me sens porteur du vivant et de sa prolongation. Et je ne dresse pas de limites a priori à l'intérieur du vivant. C'est un tout.

Suis sans liberté, le jouet de l'évolution ? Non, je suis né par hasard, mais je peux agir. Plus je comprendrai dans quelle logiques, dans quels courants s'inscrivent ma vie et ma possibilité d'action, plus je serai libre…

23 mars 2009

CIEL, DIEU ME PARLE !


Et si Dieu était né au moment de l'émergence des premières pensées…

Voici un florilège commenté de « A tort et à raison » de Henri Atlan
« On voit mal comment des interactions neuronales pourraient être considérées comme responsables d'un crime ou d'un bienfait, apprécié comme tel et jugé par d'autres interactions neuronales. À l'autre extrême, si un observateur extérieur observe le comportement d'un réseau d'automates probabilistes avec auto-organisation fonctionnelle sans en connaître la structure, il sera tenté de lui attribuer une intentionnalité… Et pourtant nous n'attribuons pas une intention à ce comportement finalisé... Entre ces comportements de cellules isolées et ceux du chien, nous mettons une barrière quelque part qui nous interdit de parler en termes d'intention pour les cellules et pas pour le chien… Les raisons qui nous font placer la barrière de l'intention et de la signification – sans lesquels la créativité et la responsabilité n'existent pas – ici ou là ne peuvent pas être des raisons objectives… L'intentionnalité au même titre que d'autres phénomènes psychiques serait traitée comme une propriété émergente. Celle-ci serait le propre d'un niveau d'organisation où un tel comportement intentionnel ne pourrait pas ne pas être décrit sans que ce niveau ne perde sa spécificité... Il s'agit là d'un postulat encore plus fort que celui d'une intelligibilité rationnelle de la nature, celui d'une rationalité intentionnelle dans la nature. »
Je ne sais pas pour vous, mais moi, je ressens comme un vertige à la lecture de ces quelques lignes : si l'on réfléchit effectivement à l'emboîtement qui sous-tend tout être humain, où commence la responsabilité, et où finit la seule signification ? Revisiter ce qui fait la conscience de soi et l'identité individuelle…
« Une pensée inhabituelle mais intelligente et profonde sera souvent vue comme irrationnelle ; tandis qu'une pensée banale, dogmatique et appauvrissante voire fausse, mais rassurante par son caractère habituel et familier, sera parfois vue comme rationnelle. »
Prenez un journal au hasard ou un discours d'un expert à une quelconque émission, repensez à cette phrase, et… No comment !
« Comment réagissaient la plupart des individus à qui il arrivait de recevoir, impromptu, des décharges d'électricité statique avant que l'électricité ait été découverte ? Sans aucun doute, en invoquant l'action des démons… Prouver l'impossibilité d'un phénomène lui dénie à la fois une existence logique et une existence réelle. Mais prouver la possibilité d'un phénomène ne lui accorde pas pour autant et du même coup qu'il soit réel : c'est seulement prouver que la possibilité de son existence existe logiquement. »
Comment faire exister les démons ? Facile, leur attribuer le pouvoir d'être l'origine de tout ce que nous ne comprenons pas. Tiens, et la crise actuelle ? N'y-a-t-il pas derrière un grand méchant démon qui nous veut du mal ?
« La fonction du langage, tout comme celle du système nerveux, du système digestif, du système cardio-vasculaire, etc., dans les organismes humains, est de contribuer à l'auto-organisation d'un organisme doué de ses facultés de digestion, de traitement d'information, de circulation et de respiration,… et aussi de parler et écrire… Le langage acquis de l'enfant limite son pouvoir de création. Il est limité par le champ des possibles à l'intérieur du langage lui-même. En effet, tout n'y est plus possible, car n'importe quoi n'y a pas (ou n'y a plus), a priori, un sens. »
Et dire qu'il semble que bon nombre de jeunes français sortent du système scolaire sans maîtriser le français. Et si précisément c'était une des causes de la dégradation du fonctionnement de notre société, par perte de sa capacité auto-organisatrice…
« Avant, il y avait une absence de conscience de soi capable de dialoguer intérieurement avec soi-même... L'intériorisation de ces voix, donnant la possibilité d'une conscience de soi susceptible de discours intérieur et de dialogue avec soi-même ne serait survenue que progressivement à une date relativement récente qui signe la fin de l'époque mythologique... Dans cette société, les individus de plus en plus rares continuant à vivre de plain-pied dans la réalité hallucinatoire antérieure recevaient le statut particulier de devins et de prophètes. »
Selon cette hypothèse, Dieu serait né au moment où l'homme se serait mis à penser. Comme il ne comprenait pas d'où lui venaient ses idées, comme il n'avait pas réalisé que c'était son propre cerveau qui en était à l'origine, il est allé inventer un Être tout puissant, lui insufflant cette vie interne. Comme depuis nous avons compris que nous étions capables de penser par nous-mêmes, et quand on voit les dégâts multiples faits par les différents Dieux et leurs représentants, il serait peut-être temps de reprendre notre liberté, non ?


21 mars 2009

PAUSE MUSICALE...

Juste pour le plaisir (au moins le mien... en espérant que ce sera le vôtre aussi !), un retour dans les 70'S avec "Smoke in the water" de Deep Purple

20 mars 2009

EN CHINE, NOTRE CULTURE NOUS TROMPE

Se confronter pour rester connecté au réel

« Un mardi 17 heures à Pékin, j'étais dans un taxi avec mon ami chinois Hai. Pour une fois, la circulation était plutôt fluide et le taxi se déplaçait rapidement sur l'avenue. Brutalement il tourna à droite, et le vélo qui se trouvait à côté manqua de nous percuter.

– Il est fou, ce chauffeur de taxi, m'exclamais-je ! Il pourrait regarder avant de tourner : il a failli renverser le vélo.

– Mais non, il n'est pas fou, me répondit Hai. Pourquoi dis-tu cela ? »

Je le regardais interloqué, ne comprenant pas pourquoi il n'était pas scandalisé comme moi par la brutalité de la conduite du taxi.

– Le vélo n'a qu'à faire attention, prolongea-t-il. Il sait bien que c'est lui le plus faible, et qu'en cas d'accident, c'est le taxi qui gagnera. »

Choc culturel : pour nous, occidentaux, c'est au fort de faire attention ; dans la culture chinoise, c'est au faible, et, s'il lui arrive quelque chose, c'est d'abord un « mauvais faible », c'est-à-dire quelqu'un qui n'est suffisamment conscient de sa situation réelle. Cela n'empêchera pas de l'aider ensuite s'il en a besoin…

Qui a raison, qui a tort ? Personne. Ce n'est pas une question de raison ou de tort, c'est simplement une différence culturelle : la Chine est un continent qui s'est construit et a vécu des millénaires quasiment sans interactions avec le dehors. Elle a donc une histoire propre, une culture propre, des références propres. Le fait qu'elles soient différentes ne les rend pas moins respectables… comme les nôtres : ni plus, ni moins. Il n'y a pas de raisons morales à privilégier a priori un point de vue ou l'autre : en Chine, le faible ne se sent pas plus opprimé ou moins respecté que chez nous.

Si l'on ne connaît pas cette différence culturelle, on ne pourra pas comprendre correctement ce qui se passe en Chine : toutes nos interprétations seront fausses. Symétriquement, si les Chinois n'intègrent pas de leur côté cette différence, ils ne peuvent pas nous comprendre.

Un peu plus tard, toujours à Pékin, je suis assis devant la télévision et essaie de suivre au travers des images ce qui est raconté. La quasi-totalité des émissions sont sous-titrées en idéogrammes chinois et je ne vois pas pourquoi : quel est l'intérêt de sous-titrer, ce d'autant qu'il y a beaucoup plus qu'une centaine de langues en Chine ? Je pose donc la question à Hai.

« Oui, nous avons bien plus d'une centaine de langues. Mais si à l'oral elles sont toutes différentes, elles s'écrivent presque toutes de la même façon, me dit-il. »

Quelle information ! Imaginez un instant l'Europe si nous parlions toujours des langues différentes mais si elles étaient identiques à l'écrit. D'un coup, je comprends mieux comment la Chine a pu mettre en place un système centralisé et hiérarchique couvrant l'ensemble du pays. Je perçois aussi immédiatement pourquoi l'écriture y occupe à ce point un rôle majeur : la calligraphie s'est développée comme un art, parce que c'était d'abord une nécessité. Chez nous, l'écrit est d'abord le moyen d'archiver et de sécuriser une information ; chez eux, c'est d'abord le moyen de communiquer tous ensemble.

La méconnaissance de cette donnée avait faussé mes raisonnements jusqu'à présent : je ne pouvais pas bâtir des interprétations exactes, car je n'étais pas suffisamment connecté au réel, une donnée essentielle me manquant. D'une certaine façon, j'étais un « malade mental » : mon cerveau me trompait…

L'entreprise, elle aussi, agit à partir des interprétations qu'elle construit, interprétations qui doivent être constamment reliées au réel, c'est-à-dire à ce qui se passe à l'intérieur et autour d'elle. Dans le cas contraire, elles vont dériver et une « maladie mentale » va s'installer : comme le patient héminégligent, l'entreprise va nier que cette main soit la sienne et construire un homme à trois bras et trois mains.

Plus l'entreprise est grande, puissante et bureaucratique, plus ce risque de déconnexion du réel est important. Or le réel est bien là, dans et autour de l'entreprise. À un moment ou un autre, il se rappellera aux bons soins de ceux qui l'ont oublié.

Si une telle déconnexion se produit, c'est souvent parce que, par peur du conflit ou par arrogance, l'évitement domine : peur de dire à son supérieur hiérarchique que les objectifs fixés ne seront pas atteints, incapacité à voir les signaux montrant le retournement d'un marché, difficulté à accepter un point de vue divergent, déficit de communication entre les activités opérationnelles et le siège…

Rester connecté au réel, c'est savoir se confronter à l'intérieur de l'entreprise et avec le dehors. »

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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)