A la découverte de « Thinking, Fast and Slow » de Daniel Kahneman
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Poursuivons l’analyse de notre
problème avec le hasard et l’incertitude, avec les propriétés de la régression vers
la moyenne.
De quoi s’agit-il ? L’idée
est toute simple – comme la plupart des bonnes idées… –, mais lourde de
conséquences : puisque, dans la plupart des cas, le niveau de performance
est d’abord lié au hasard, et secondairement aux actions entreprises, le plus
probable est que la meilleure performance se dégrade et la moins bonne
s’améliore, ce sans que l’on puisse attribuer cette évolution aux acteurs en cause.
La tendance naturelle est donc une convergence vers la moyenne… Dérangeant,
non ?
Je laisse la parole à Daniel
Kahneman, pour une série de citations sur ce thème :
« Une mauvaise performance était suivie
d'une amélioration, et une bonne d'une détérioration, sans intervention ni de
félicitations, ni de réprimandes. (…) Comme nous avons tendance à être
gentils avec les autres quand ils nous font plaisir et agressifs quand ils nous
déplaisent, nous sommes statistiquement punis pour notre gentillesse et
récompensés pour notre méchanceté. »
« Le golfeur qui a bien joué le premier jour
réussira aussi sans doute le deuxième jour, mais moins que la veille, parce que
la chance inhabituelle dont il a probablement bénéficié ne va manifestement pas
durer. Le golfeur qui a mal joué le premier jour sera probablement en dessous
de la moyenne le lendemain, mais il s'améliorera, parce que sa malchance ne
durera sans doute pas. »
« Notre esprit est profondément biaisé en
faveur d'explications causales et gère mal les « simples statistiques. »
(…) Des explications causales seront évoquées quand une régression est
détectée, mais elles seront fausses parce que la vérité, c'est que la
régression vers la moyenne a une explication, mais elle n'a pas de
cause. »
Appliquons
ceci maintenant, comme il nous le suggère, au pilotage d’une chaîne de
boutiques qui sont toutes de même taille, avec le même assortiment. Quel est alors
le premier facteur explicatif d’un écart de performance ? Les aléas liés aux
différences induites par ce qui s’est passé localement, tant du point de vue de
la clientèle que de la concurrence, voire de la météo.
Comment
construire la prévision des ventes de l’année prochaine quand on connaît les
ventes de l’année en cours, et que la progression globale visée est de
10% ? Notre tendance naturelle va être de prendre comme base, pour chaque
boutique, le chiffre d’affaires fait dans celle-ci cette année, et ensuite de
l’augmenter de 10%. Peut-être même allons-nous augmenter davantage les
boutiques qui viennent de faire la meilleure performance, pensant qu’elles ont
plus de potentiel que les autres, n’est-ce pas ?
La
recommandation tirée de la régression vers la moyenne et présentée par Daniel
Kahneman est tout autre : comme la performance d’une boutique est d’abord
liée aux aléas, il y a très peu de chances que les aléas soient les mêmes d’une
année sur l’autre. Il faut donc d’abord calculer quel a été le chiffre
d’affaires d’une boutique moyenne, l’augmenter ensuite des 10% visé. Ensuite
pour chaque boutique, partir non pas de sa réalisation spécifique, mais de
cette moyenne, en l’augmentant pour les boutiques qui ont été les plus
performantes et en les diminuant pour les moins performantes. On tient ainsi
compte de la qualité du management local et des données intrinsèques, mais on
annule l’effet des aléas.
Par
cette méthode, les boutiques qui avaient le plus progressé vont de fait avoir
des progressions moins importantes, et symétriquement. Cette recommandation me
semble frapper au coin du bon sens… et pourtant mon expérience me montre que ce
n’est pas ce qui est fait quotidiennement dans les entreprises.
(à suivre)