1 oct. 2018

HALTE AUX GASPIS : VIVE LA STRATÉGIE DURABLE

Pour ne plus jeter son argent, son temps… et ses salariés par la fenêtre
Et si on arrêtait de payer des études des centaines de milliers d’euros, quand ce ne sont pas des millions, pour qu’elles finissent dans des placards.
Oui, le monde est incertain et turbulent, mais ce n’est pas en le mettant en équation à coup de tableurs excel et de simulations multicritères que l’on pourra trouver la martingale magique. Et inutile de croire que l’on peut sous-traiter la pensée stratégique à des gurus externes : la pensée hors-sol ne produit de la valeur que dans l’imaginaire, mais pas dans la réalité.
Et si on arrêtait de réserver la pensée stratégique à l’équipe de direction en lui faisant passer des heures en séminaires pour concevoir des stratégies impossibles à mettre en œuvre ou caduques avant que l’on ait pu commencer à les mettre en œuvre.
Oui, elle doit participer à la construction de la stratégie, mais pas au cours de séminaires clos. La pensée stratégique suppose de trouver des points fixes qui pourront guider l’action immédiate. Ce n’est possible qu’au travers d’un processus structuré, et non pas dans des conclaves dont on doit sortir à tous prix avec la bonne réponse. Ne rêvons plus d’une fumée blanche annonçant : « Habemus strategia ! ». On parle d’open innovation, pourquoi pas une open stratégie ?
Et si on arrêtait de ne pas tirer les leçons de sa propre histoire, en s’étonnant ensuite qu’il soit impossible de faire ce qui avait été imaginé dans la théorie de bureaux perchés au sommet de tours confortables.
Oui, on ne doit pas être prisonnier de son histoire, et il faut partir du futur pour y trouver ces points fixes auxquels on pourra arrimer solidement sa stratégie. Mais s’ils ne peuvent pas être reliés à son passé et son présent, ce ne sont que des mirages, de dangereuses illusions. Se fixer pour horizon ce qui ne pourra jamais être atteint, revient à gaspiller ses ressources en temps, argent et ressources humaines.
Et si on arrêtait de faire de ceux qui composent l’entreprise des spectateurs désengagés et désimpliqués, en se privant de leurs savoir-faire et de leurs connaissances.
Oui, un processus stratégique ne peut pas être complètement ascendant et il est illusoire de croire que l’on peut concevoir une stratégie au travers d’une immense agora, genre « Nuit debout » en version entreprise. Mais faut-il pour cela passer en pertes et profits tous les savoir-faire, toutes les expériences, et s’interdire de tirer parti de l’énergie collective ? N’est-ce pas aussi augmenter les risques de voir la stratégie retenue rejetée par ceux qui auront à la faire vivre ?
En résumé, stop aux stratégies jetables et hors-sol, et passons à une stratégie durable, doublement enracinée, à la fois dans le futur et dans le présent :
- Une stratégie résiliente ancrée sur des points fixes pour ne pas être remise en cause chaque matin :
Elle aura ainsi le temps d’être mise en œuvre et de créer de la valeur. Car agir avec ambition prend des années : on ne devient pas un leader mondial rapidement et facilement. Par exemple, L’Oréal n’était au départ qu’une entreprise moyenne ; sans la stabilité de sa stratégie – devenir un leader dans l’univers de la Beauté dans les domaines du cheveu, de la peau et du parfum –, rien aurait été possible. Ce n’est pas en allant un jour à gauche et le lendemain à droite que l’on avance vraiment.
- Une stratégie conçue et pensée par l’équipe de direction, et non pas par des sous-traitants externes :
Des experts, fussent-ils les meilleurs, ne peuvent pas connaître intimement la réalité de l’entreprise, de son histoire, de ses contraintes, et ne seront pas les porteurs de sa mise en œuvre. L’apport externe doit se limiter à des supports méthodologiques – comment mieux travailler ensemble, comment séquencer le travail, comment ne pas manquer une étape, comment identifier des points fixes, … –, ou à des éclairages ponctuels sur une technologie nouvelle, un concurrent, ou une réglementation.
- Une stratégie enrichie et challengée dès sa conception par des membres de l’entreprise issus de tous les départements et pays :
Indispensable pour ne pas se priver des connaissances accumulées par tous, pour mesurer le plus tôt possible l’écart entre le présent et ce que l’on commence à imaginer, pour disposer demain de relais facilitant l’explication des choix faits et l’implication de tous dans la mise en œuvre. Contribuer, c’est faire soi un objectif : engager chaque ligne de management, c’est démultiplier la puissance d’action du terrain.
Pour sauver notre planète et mettre fin au gaspillage collectif de nos ressources limitées, nous sommes en train de prendre conscience qu’il nous faut quitter le culte du jetable pour passer à l’économie durable : mort à l’obsolescence programmée, vive les circuits courts et l’économie circulaire.
Pourquoi ne pas en faire de même pour les entreprises et arrêter le gâchis stratégique ?

Florence Cathala (Présidente d’Overthemoon) et Robert Branche

2 août 2018

MA MAMAN, C'EST LA PLUS GRANDE DES MAMANS


Pour les fêtes de Noël, je suis allé chez mon papa et ma maman. Les fêtes de Noël c'est important de les passer en famille et spécialement avec son papa et sa maman. En plus de mon papa et de ma maman, il y aura mes sœurs et leurs enfants, ceux qui sont mes neveux et nièces – à vrai dire j'ai comme l'impression qu'il n'y en a pas d'autres, car je ne les ai toujours pas vus -.
Je ne suis pas venu en train, parce que j'avais tout plein de paquets à porter : j'ai toujours du mal à choisir ce que je dois apporter, alors je finis par avoir beaucoup de valises à prendre. Il y avait du monde sur la route, mais j'étais content parce que j'étais en route pour aller chez mon papa et ma maman.
Quand je suis arrivé, ma maman à moi elle m'a proposé quelque chose à boire. Ma maman elle est toujours gentille et elle cherche toujours à me faire plaisir. Ma maman à moi, c'est la plus grande des mamans. Bon c'est vrai, je suis sûr qu'il y en a qui diront que ma maman à moi, elle est petite. C'est rien que des pas gentils, d'abord parce que ma maman elle est pas si petite que cela, et puis c'est dans la tête qu'elle est grande.
Et pour ceux qui ne sont pas convaincus – ils n'ont pas intérêt à me rencontrer, parce que, même je leur casserais bien la figure -, ils n'avaient qu'à être là pour le jour de Noël chez mon papa et ma maman à moi. Vous allez me dire que, puisque c'était chez mon papa et ma maman à moi, ils n'étaient pas invités. Et bien, même si c'est vrai, je m'en fous !
Bon donc s'ils étaient là, ils auraient vu comme ma maman à moi elle est grande : elle avait fait plein de bonnes choses et même que, à la fin de l'après-midi, toutes les assiettes étaient vides. Et même qu'en plus qu'Elton – c'est le chien de ma sœur, une de celles qui ont la même maman que moi – il a mangé tout plein de truffes que ma maman à moi elle avait faites. Après il a été malade, pas parce que les truffes elles étaient pas bonnes – c'était ma maman à moi qui les avait faites -, mais parce qu'il en avait mangé trop. Alors vraiment, ma maman à moi c'est la plus grande des mamans.
La veille au soir, pour le réveillon de Noël nous étions allés chez ma sœur aînée – c'est-à-dire celle qui est la plus grande, mais pas aussi grande que ma maman à moi - : c'est moi qui ai conduit à l'aller et au retour. Nous avons bien mangé et j'ai essayé d'être très sage. Je n'ai pas pleuré, ni mis le doigt dans mon nez, ni pris la main de ma maman dans ma main – quand j'étais petit je le faisais toujours, mais je sais que ma maman elle ne veut plus que je le fasse -, alors ma maman elle a été très contente. Dans la voiture au retour, elle m'a félicité en me disant que j'étais devenu un vrai grand. Elle est gentille, mais je sais bien que je ne serai vraiment jamais grand, du moins pas aussi grand qu'elle, parce qu'elle, elle est la plus grande des mamans.

MON PAPA, C'EST LE PLUS FORT DES PAPAS



Ce week-end, je suis allé dans ma famille : j'ai vu mon papa, ma maman, ma grande sœur et ses enfants.
Le samedi matin, j'ai pris le train pour Lyon. Je suis arrivé à 9h40. Mon papa et ma maman m'attendaient à la gare. Tous les trois, dans la voiture de mon papa, nous sommes allés à Roanne pour les fiançailles du dernier fils de ma sœur aînée. C'est mon filleul : c'est pour cela que j'étais invité. C'est un bien gentil garçon, bien comme il faut, hétérosexuel et tout. Il a bien de la chance, PACS ou pas, son avenir, heureux et responsable, est assuré.
Il y a eu beaucoup de pluie sur la route, mais je n'avais pas peur, car mon papa il conduit très bien. Mon papa, c'est le plus fort des papas. Une fois arrivé, j'ai essayé de me tenir bien comme il faut à table, de dire bonjour aux messieurs et aux dames, même ceux que je ne connaissais pas. On a bien mangé et en fin d'après-midi, toujours avec mon papa et ma maman, on est revenu à Lyon. Quelle belle journée !
Le dimanche matin, il ne faisait toujours pas beau, mais il ne pleuvait plus. Alors j'ai pu aller courir un peu dans un parc. C'est bon et c'est important de faire de l'exercice. C'est mon papa qui me l'a dit, donc c'est forcément vrai. Mon papa il a toujours raison, c'est le plus fort des papas !
Pour le déjeuner, mon papa avait fait la cuisine. Mon papa, quand il travaillait, il était cuisinier alors la cuisine il sait bien la faire. C'était des côtes de veau à la crème. C'est bon les côtes de veau, surtout quand c'est mon papa qui les a cuisinées. Mon papa, c'est le plus fort des papas.
Ma maman, elle était là aussi. J'aime bien aussi ma maman, mais ce n'est pas un papa, puisque c'est une maman.
Ensuite avec mon papa et ma maman, on a regardé une émission sur les gays qu'ils avaient enregistrée. Je ne l'avais pas vue quand elle était passée, alors j'étais content. C'était très bien et très intéressant : je comprends mieux qui je suis grâce à la télévision française. C'est bien la télévision française. Et puisque c'était mon papa qui avait enregistré cette émission et décidé que je devais la voir, cela ne pouvait que me faire du bien. Mon papa, il sait toujours ce qui est bien pour moi. Mon papa, c'est le plus fort des papas.
En fin d'après-midi, j'ai dit au revoir à ma maman parce qu'il était temps que je parte pour la gare : c'était mon papa qui l'avait dit ; mon papa il sait toujours quand c'est l'heure de partir. Ensuite, il m'a emmené dans sa voiture. Il est gentil mon papa. Une fois arrivé à la gare, je suis descendu de la voiture et j'ai embrassé mon papa. J'étais un peu triste, mais je sais que je vais le revoir bientôt.
 Il me dira quand je pourrai revenir. Il sait toujours tout mon papa.
Mon papa, c'est le plus fort des papas.

4 juil. 2018

ON NE PEUT PAS GAGNER UN MARATHON EN PARTANT SUR LE RYTHME D’UN CENT MÈTRES

Il faut choisir la voie la plus facile
Le discours actuel dominant – fortement relié à la pensée judéo-chrétienne – met en avant la noblesse et l'importance de l'effort et de la souffrance : une victoire facile n'est pas une vraie victoire ; les vraies victoires doivent être obtenues au prix d'un combat long et difficile.
Métaphoriquement, nous ne croyons pas que le paradis puisse être atteint si l'on n'a pas souffert préalablement sur terre.
Ceci colore aussi le management et la façon d'aborder la réflexion stratégique : on n'a pas peur de la difficulté, du combat, on craint la facilité et le confort.
Or, comme nous vivons dans le monde de l'incertitude, comme le pire peut survenir à tout moment, comment y faire face si l'on est déjà parti à bloc dès le départ ?
Si nous choisissons la voie la plus difficile, la plus risquée, celle qui donc nous paraîtra la plus noble, comment réussir alors que, très probablement, rien ne va se passer comme prévu ?
A l'opposé, les stratèges chinois ont développé une apologie de la facilité.
Ne nous trompons pas : cela ne veut pas dire qu'aucun effort, aucun travail ne seront nécessaires. Non, cela signifie que toute action pour être efficace doit prendre appui sur le potentiel de situation et la configuration du terrain, qu'elle doit être amplifiée et relayée par les forces naturelles. A l'inverse, il est inutile et illusoire de penser que l'on peut lutter contre le cours des choses.
Comme un fleuve, la mise en œuvre doit « couler de source », c'est-à-dire prendre appui sur la géographie de l'entreprise : les tendances de fonds de la situation actuelle ; les savoir-faire de l'entreprise, sa position, son histoire, ses hommes ; ceux de la concurrence actuelle et potentielle…
C'est ce qui permettra de résister au mieux aux aléas du trajet et aux « cygnes noirs » qui peuvent survenir.

30 juin 2018

TENTATION ULTIME

Ennui
Le vide devant moi,
Le regarder,
Le laisser venir,
L'accompagner peut-être.
Tentation d’un saut ultime.
Pourquoi ?
Un geste,
Juste un geste à faire,
Un coup de volant,
Un pas de plus,
Et ne plus rien avoir à penser, ni à faire.
Pourquoi pas ?
Continuer ou finir ?
À gauche ou à droite ?
Fatigue, lassitude,
Ennui, séduction du vide.
Faut-il une raison
Pour me laisser glisser ?

27 juin 2018

LE CHANGEMENT DÉTRUIT, LA TRANSFORMATION ÉNERGISE

Qui voudrait changer d’enfants ? 
Parfois, pour une désobéissance de trop, une remarque de plus ou un moment de fatigue, nous pouvons avoir envie de changer nos enfants. 
Mais bien vite, au contraire, pour rien au monde, nous ne voudrions les perdre. Ils sont ce qui nous est le plus cher, la chair de notre chair comme on a l’habitude de le dire. 
Donc pas question d’en changer : qui accepterait une forme de loterie qui viendrait tous les ans ou à des échéances plus espacées, nous proposer une nouvelle progéniture ?
Non, ces enfants, nous les avons vu naître, apprendre à parler et à marcher, passer au travers de leur adolescence, émerger petit à petit en tant qu’adultes, prenant progressivement leur autonomie. Nous les connaissons, ils nous connaissent, et le temps de la vie a tissé entre eux et nous, mille liens qui, bien au-delà du seul lien biologique, nous articulent les uns avec les autres.
Cette codépendance est née d’une transformation permanente et continue : nous ne sommes plus les adultes qui les avons mis au monde, ils ne sont plus les nouveaux-nés qui étaient apparus un jour. Tout au long des minutes, des heures, des jours et des années qui se sont écoulées, nous avons évolué ensemble et séparément. Et si l’un et l’autre, nous sommes attachés ensemble, ce n’est pas au souvenir de celui qui n’est plus que nous sommes attachés, mais bien à cet être présent, si différent de celui qui était, que nous le sommes.
Ainsi l’amour filial et paternel est-il le fruit d’un mouvement, d’une transformation permanente et continue, et en même temps le refus d’un changement : nous n’accepterions pas l’idée d’avoir d’autres enfants, mais non plus qu’ils soient restées les bébés qu’ils étaient. 
Goût de la transformation, refus du changement. Force de la vie, crainte de la perte.
Faut-il dès lors s’étonner que, dans notre vie professionnelle, nous rencontrions une telle opposition au changement ? N’est-il pas logique là aussi de constater que les changements sont vécus comme des pertes et des abandons ? Pourquoi vouloir imposer comme critère de performance, ce que nous fuyons dans notre vie quotidienne ? 
Ne faudrait-il pas éviter le changement, c’est-à-dire la rupture, pour privilégier la transformation, c’est-à-dire l’évolution lente et imperceptible ?
Je crois donc que l’on a fait fausse route – et qu’on le fait encore trop souvent –, quand on promeut le changement permanent dans les entreprises.
Comme je l’ai déjà souvent écrit, le bon fonctionnement des organisations et des relations entre les hommes et les femmes qui les composent, suppose :
-        une connaissance intime du rôle de chacun, de celui des autres et de ce qui est visé,
-        une complexité croissante des processus et des systèmes qui sous-tendent et facilitent les actions humaines,
-        une reconnaissance par les tiers extérieurs à l’entreprise, qu’ils soient clients, fournisseurs ou compétiteurs.
Si l’on change souvent les organisations ou les objectifs poursuivis – les mers visées pour reprendre ma terminologie –, on ne pourra pas construire une réelle efficacité, et les hommes ou les femmes ne pourront adhérer, ni comprendre à ce qui n’est pour eux qu’une perte ou un abandon, celle des enfants qu’ils avaient adoptés et dont ils se souviennent.
A l’inverse, si chaque jour, l’entreprise ciselle son organisation, affine sa stratégie, et optimise un peu plus chacun de ses actes, si elle se transforme continûment, les hommes et les femmes qui la composent s’investiront progressivement davantage dans ce qu’ils vivront comme un processus vivant et enrichissant.

23 juin 2018

RESSOURCEMENT

Tapi
Lisse, si lisse.
Ne pas bouger, ne pas nager,
Surtout pas, me fondre dans le silence.
Lisse, si lisse.
Le ciel et l’eau ne sont que points de vue.
Les arbres regardent leurs reflets,
A moins que ce ne soit l’inverse.
Le ciel et l’eau ne sont que points de vue.
Les minutes se font heures.
Tel un crocodile qui, des jours durant,
Guette sa proie, j’attends.
Les minutes se font heures.
Je bois l’énergie de la vie qui m’entoure.
Perdu au cœur de la jungle thaïe,
Lové dans la couette de la chaleur de l’eau,
Je bois l’énergie de la vie qui m’entoure.
(Photos prises en août 2009 dans le Nord de la Thaïlande, à l’hôtel Phu Chusai)

20 juin 2018

OÙ SONT LES FAITS ?

Un fait sorti de son contexte n’est plus le même fait

Un fait est indissociable de son contexte… ou plus exactement en est dépendant : mis dans un contexte différent, il n’est plus le même. Aussi doit-il être défini non pas indépendamment du cadre dans lequel il existe, mais avec ce cadre. Ou autrement dit, sortir un fait de son contexte est dangereux, car il cesse d’en être un !
« Sony vient de lancer un nouveau téléviseur ultra-plat. »
Levant la tête du dossier que j’étais en train de lire, je regardai le consultant qui venait de faire irruption dans mon bureau.
« Oui, et d’où tiens-tu cette information ?
- Je viens de le lire dans les Échos.
- Dans ce cas, la prochaine fois, dis-moi "Je viens de lire dans les Échos que Sony lancerait un nouveau téléviseur", et non pas "Sony vient de lancer...". Ce n’est pas pareil, car maintenant, il faut que tu te renseignes pour savoir si l’information des Échos est exacte. »
Peut-être, me trouvez-vous trop pointilleux, mais ce n’est pas la même information, le même "fait". 
Quelle est la différence entre les deux expressions ? La définition du contexte dans lequel s’inscrit l’information, ici en l’occurrence un journal.
Dans son livre, Le spectateur émancipé, Jacques Rancière reprend le commentaire de Barthes sur la photographie d'un jeune homme menotté (cf. photo jointe). Cette photo est celle de Lewis Payne, condamné à mort en 1865 pour tentative d'assassinat du secrétaire d'État américain. Il y est menotté dans la prison, peu de temps avant son exécution. 
Comment lire cette photo sans savoir de qui il s’agit ? Ou plus exactement avec ou sans ces éléments de contexte, la photo n’est pas là-même. Sans, on peut voir un jeune homme, au look plutôt contemporain, sombre et romantique. Avec, c’est celle d’un homme depuis longtemps disparu, pris au moment où il défiait la mort.
Dans son Abécédaire, à la lettre D comme Désir, Gilles Deleuze dit : « Vous parlez abstraitement du désir, car vous extrayez un objet supposé être l’objet de votre désir. (…) Je ne désire pas une femme, je désire aussi un paysage qui est enveloppé dans une femme. (…)  Elle ne désire pas telle robe, tel chemisier dans l’abstrait. Elle le désire dans tout un contexte, qui est un contexte de vie, qu’elle va organiser. (…) Je ne désire jamais quelque chose tout seul, je ne désire pas non plus un ensemble, je désire dans un ensemble. (…)  Il n’y a pas de désir qui ne coule dans un agencement. (…) Désirer, c’est construire un agencement. »
Il en est des faits comme du désir, ils deviennent abstraits si on les extrait de leur contexte, si on ne les considère pas dans leur agencement.
Un fait est aussi lié à un ou des référentiels explicites ou implicites.
Ludwig Wittgenstein dans Recherches Philosophiques, après avoir longuement expliqué pourquoi il est difficile d’être certain de quoi que ce soit et que rien n’est indépendant de celui qui fait l’observation et de celui qui la reçoit, conclut en écrivant : « Il serait étrange de dire : « La hauteur du Mont Blanc dépend de la manière dont on le gravit. » ».
Ouf ! Il y aurait donc des faits absolus et certains… comme la hauteur du Mont Blanc qui est de 4807 m ou la date de la bataille de Marignan qui est 1515. Certes, certes…
Mais ne voilà-t-il pas que des géomètres expert nous annoncent une nouvelle hauteur de 4810,90 m. Il grandirait, car la glace y serait plus épaisse. Tiens, il y avait donc un élément de contexte oublié, un agencement, celui de la présence de la glace et donc de la variation possible de son épaisseur.
Donc une fois, la hauteur de la glace fixée, plus de problèmes ? Oui, mais quand on parle de 4807 m, il s’agit de 4807 m par rapport à quoi ? Par rapport au niveau de la mer. Donc si le niveau de la mer monte ou baisse, le Mont Blanc va être plus ou moins haut. Pourtant le Mont Blanc reste le même. Il n’y est pour rien si la mer monte ou descend – ou si peu ! –, donc le "fait Mont Blanc" reste le même fait. Par contre sa hauteur change, car une hauteur n’a aucun sens dans l’absolu. Elle doit toujours se mesurer par rapport à quelque chose. Donc, quand on dit que la hauteur du Mont Blanc est de 4807 m, on sous-entend par rapport au niveau de la mer. 
Il y a une autre hypothèse qui est elle explicite : c’est l’unité de mesure, le mètre. Heureusement car en miles, le nombre qui exprime la hauteur du Mont Blanc est différent. Et pourtant le Mont Blanc n’est pas plus petit pour les Anglais que pour les Français ou les Italiens…
Pour la bataille de Marignan, il y a aussi une référence, celle de la date de la naissance de Jésus Christ : la bataille a eu lieu en 1515 après Jésus Christ. Là encore comme pour la référence au niveau de la mer, elle est évidente pour tout le monde, donc on ne pense pas à la préciser. Oui, mais si nous nous rendions compte que Jésus Christ était né un an plus tard – il suffirait qu’il soit né avec une semaine de retard… –, alors on devrait dire Marignan 1514. Perturbant, non ? Même les dates ne sont plus des faits absolus…
Heureusement, il nous reste quelques certitudes intangibles comme 4+4 = 8. 
Mais non, car 4+4 peut aussi être égal à 13… en base 5. Derrière toute addition, il y a une référence implicite : le calcul est fait en base 10, c’est-à-dire que tout nombre s’exprime comme décomposé selon les puissances de 10 (ABC=Ax102+ Bx101+ Cx100…). Si maintenant j’exprime un nombre en base 5, la façon de l’écrire change et 8 devient 13 (= 1x5 + 3x50). 
Tout cela est bien compliqué, surtout si l’on n’a pas fait beaucoup de mathématiques… c’est-à-dire si l’on ne maitrise pas le référentiel implicite.
Un peu désespérant : plus on avance, plus les faits nous échappent !