16 mai 2018

VIVE LES PARANOÏAQUES OPTIMISTES !

Apprendre à marcher malgré les risques
Cet enfant de neuf mois, très mature intellectuellement, est face à une décision clé : doit-il oui ou non se mettre à marcher. Aussi plutôt que de se décider à la va-vite, il mène une réflexion approfondie.
Celle-ci l’amène aux conclusions suivantes :
- Les premières semaines seront très éprouvantes : comme il ne maîtrisera pas son équilibre, il tombera sans cesse. Or tomber fait mal, il le sait, car, enfant pragmatique, il a essayé et ses fesses en gardent un souvenir cuisant.
- Ce qui le passionne le plus lui restera interdit : il lorgne depuis longtemps, c’est-à-dire neuf mois, l’installation informatique de son père, le tableau de commande de la chaîne hifi, ainsi que celui de la machine à laver le linge. Or il a vu son grand-frère se faire systématiquement rabrouer à chacune de ses tentatives. A quoi bon se lancer alors ?
- Le monde extérieur est hostile : grâce à la télévision – il l’observe discrètement – et lors de ses promenades en landau, il a vu que, dehors, il fait, tour à tour, froid ou chaud, que les rues sont encombrées de voitures qui sont autant de menaces, et que des écoles et des maîtres rébarbatifs l’attendent.
Fort de cette analyse, il prend la seule décision raisonnable, la seule qui le protège de tous ces risques : il ne marchera pas, et passera sa vie dans son landau. Rassuré, il s’enfonce doucement dans le confort de sa couette.
C’est de cet enfant qu’Amélie Nothomb parlait dans la Métaphysique des tubes : « Il se met à marcher, à parler, à adopter cent attitudes inutiles par lesquelles il espère s’en sortir. Non seulement il ne s’en sort pas, mais il empire son cas. Plus, il parle, moins il comprend, et plus il marche, plus il fait du surplace. Très vite, il regrettera sa vie larvaire, sans oser se l’avouer. (…) C’est la vie qui devrait être tenue pour un mauvais fonctionnement.» 
Cet enfant fait-il le bon choix ? Est-ce pertinent ? Évidemment non, et Dieu merci, nos enfants ne sont pas aptes à mener de telles analyses…
De même, devenus adultes, nous acceptons de traverser les rues malgré les voitures, ou simplement de sortir malgré les météorites. Pourtant les accidents arrivent, et personne ne peut affirmer que jamais une météorite ne tombera sur ce morceau de trottoir…
Il doit en être ainsi pour les entreprises : au nom de l’analyse des risques, elles ne doivent pas rester immobiles et tétanisées. Mais comme pour le nouveau-né intellectuellement surdoué, et physiquement inhibé, il m’arrive de voir des directions choisissant de ne pas se mettre à marcher. Elles se condamnent à coup sûr.
L’incertitude appelle une attitude qui, tout en ne négligeant aucun risque, notamment les cygnes noirs1, se tourne vers l’action. 
Soyons tous des paranoïaques optimistes : imaginons le pire, préparons-nous à y faire face, et agissons pour qu’il ne se produise pas ! 

(1) Voir "Le cygne noir"de Nassim Nicholas Taleb

12 mai 2018

DE HASARD ET DE LIBERTÉ

Né pour rien
Il est des cris dans la nuit 
Qui sont des cris impossibles. 
Il est des cris dans la nuit 
Qui sont des cris inutiles.
Et il faut pourtant au matin, 
Sans raison ni évidente, ni valable, 
Se lever pour poursuivre le chemin de sa vie.

Un jour, parfois, on comprend,
La question ne sert à rien, 
Et il ne sert à rien de vivre. 
Personne n’a jamais décidé, 
Voulu, ni  attendu celui que l’on est, 
Construit au hasard, chocs des rencontres, 
Là, juste parce qu'on l'est devenu.

Alors fort de cette incertitude totale,
Vide de sa propre existence, 
On peut enfin, 
Sans pression, sans attente, 
Se lever le matin,
Et poursuivre son chemin
De hasard et de liberté.

9 mai 2018

JOUER SUR LES MOTS EST UNE AFFAIRE SÉRIEUSE

Histoire de jeux de mots
À y bien réfléchir le management comme la vie, est d’abord une affaire de jeux de mots.
Sans les mots, en effet, impossible de penser, de dessiner des plans, d’échafauder des hypothèses… bref de réfléchir. Sans ces jeux de lettres assemblées, sans les images qu’ils projettent en nous dans le mystère de nos neurones, sans les souvenirs qu’ils rappellent ou qu’ils expriment – Marcel Proust avait certes d’abord besoin de la sensation de la madeleine, mais comment aurait-il pu comprendre ce qu’elle évoquait en lui, sans la médiation des mots qui se dessinèrent en lui, avant de s’écrire sur une feuille de papier ? –, nous ne serions qu’un animal de plus, bien incapable de se démarquer de ses congénères…
Sans les mots, aussi, impossible de communiquer, d’exprimer auprès des autres ce qui s’est construit en nous, d’obtenir un accord, un soutien ou un enrichissement, d’apprendre ce que l’on n’a pas vu, pas lu, pas pensé… bref de collaborer. Sans ces jeux de lettres assemblées, sans ces concepts projetés à l’extérieur de nos neurones, sans ces expériences reçues du dehors, sans ces ponts lancés vers ceux qui ne sont pas nous, nous n’aurions pas pu tisser la société humaine, et surpasser ainsi largement la puissance des fourmilières ou des ruches : l’émotion ressentie par Marcel Proust de se retrouver pour un moment dans la maison de tante Léonie serait restée à tout jamais une affaire privée et personne n’en aurait rien su…
Ainsi grandir, que ce soit en tant que personnalité individuelle ou collectivité, c’est largement apprendre à mieux se servir des mots. 
Bref, les mots, c’est du sérieux, et on ne doit laisser aux seuls humoristes l’art de jouer avec.
Alors jouer sur les mots est tout, sauf une plaisanterie !

5 mai 2018

KLEENEX

Jeté
Tu m’as jeté,
Un plan d’un soir, 
Juste un plan.

Téléphone muet,
Internet muet,
Juste un plan.

Souvenir de ta sueur,
De ta peau,
De ton sexe.

Tu t’es mouché dans mon corps,
Juste un kleenex,
Juste un plan.

30 avr. 2018

COMMENT UN ASCENSEUR PEUT-IL DESCENDRE

Au secours !
La pagaille commence souvent dans les détails. Parfois au travers d'un objet qui fait le contraire de ce que veut dire son nom.
Entrez dans un immeuble quelconque. La plupart du temps, vous allez y trouver un ascenseur. S'il est déjà là, ouvrez la porte et pénétrez à l'intérieur ; sinon, appuyez sur le bouton, attendez-le et pénétrez ensuite dedans. Choisissez l'étage que vous voulez et allez-y. Jusque là tout va bien : vous avez pris un ascenseur, vous êtes monté, c'est normal.
Maintenant que vous êtes en haut, vous voulez redescendre. Comment allez-vous faire ? Reprendre le même ascenseur et, cette fois, vous en servir pour descendre. Et effectivement c'est ce que quotidiennement nous faisons. Même moi, je le confesse.
Mais là, rien ne va plus : comment un ascenseur peut-il descendre ? C'est nier sa propre dénomination : ascenseur vient de « ascendere » qui, en latin, veut dire monter. Nous devrions prendre un « descenseur » pour faire le chemin en sens inverse.
Je vous entends déjà me dire qu'une telle spécialisation – des ascenseurs pour monter, des descenseurs pour descendre – serait contreproductive, et pour tout dire compliquée : en effet, on aurait vite tous les ascenseurs en haut et tous les descenseurs en bas. Il faudrait donc alors un système qui remonterait les descenseurs et descendrait les ascenseurs.
Probablement faudrait-il avoir des ascenseurs plus grands pour remonter les descenseurs, et symétriquement de grands descenseurs pour descendre les ascenseurs montés. Oui, mais alors comment faire avec ces grands ascenseurs et descenseurs ? Ce problème est sans fin.
Donc notre organisation actuelle avec des objets qui fonctionnent aussi bien à la montée qu'à la descente est probablement la meilleure.
Mais pourquoi les avoir appeler des ascenseurs ? Par optimisme, en ne retenant que la partie montante et en voulant oublier qu'in fine, la vocation d'un ascenseur n'est pas de monter, mais d'osciller. 
Alors des censeurs ? Non, déjà pris pour les lycées. Pourquoi pas des oscillateurs ? Une autre suggestion ?
Je sais, je complique. Mais si je ne peux pas me servir de ce blog pour partager avec vous mes interrogations, pourquoi en avoir un ?

23 avr. 2018

HALTE AUX MBA, VIVE LES MBU !

L'art du management est-il d'administrer ou de comprendre ?
Dans le nirvana des diplômes internationaux, les MBA, ces "Master of Business Administration", planent au-dessus du lot. Ils sont devenus la référence absolue, une sorte de Saint Graal pour tout cadre voulant passer à la catégorie dirigeant.
Sans entrer dans l'analyse du contenu de ces MBA, ni vouloir remettre en cause la pertinence de ces formations, je trouve très symptomatique cette appellation « Administration ».
Entendue depuis le sens du mot en français, elle renvoie à des références pour le moins surprenantes : est-ce à dire que le management moderne cherche ses références dans l'Administration ? Ou alors que l'art du management est celui d'administrer des médicaments ou des suppositoires ?

Entendue depuis le sens du mot en anglais, elle renvoie à la gestion de ce qui existe : diriger serait alors celui de simplement gérer au mieux, le bon manager étant un bon administrateur ? Cela suppose-t-il que l'entreprise doit être mathématisée pour pouvoir être comptée et additionnée ?
Je sais bien sûr que les MBA ne tombent pas dans ces caricatures, mais il n'est pas innocent d'avoir choisi ce nom. Ne serait-il pas préférable de les appeler des MBU, « Master of Business Understanding » ?
Car, dans ce monde de l'incertitude et de la complexité, être un bon dirigeant, c'est sentir les mers qui attirent les évolutions, imaginer les chemins pouvant réunir le présent et ce futur, trier parmi les activités actuelles celles qui concourent à se rapprocher de cette mer, développer une culture alliant confiance et confrontation, permettre à l'entreprise de décider et évoluer efficacement…
Réussir repose alors d'abord sur la capacité à comprendre en profondeur, et bien peu sur celle d'administrer…