5 juil. 2011

DIFFICILE D'ATTRAPER UN VERRE SI LES JAMBES BOUGENT AU MAUVAIS MOMENT !

Comment une grande entreprise peut-elle agir de façon coordonnée ? (1)
Pour faire face à des concurrents à bas coût, la Direction Générale d’une compagnie aérienne a lancé un vaste plan de réduction des dépenses dans l’ensemble de l’entreprise. Une équipe ad hoc est constituée. Sont notamment revues toutes les dépenses dans l’aéroport principal. Un audit met en évidence que le nombre de personnes affectées à la réception des bagages est excessif, le calcul reposant sur le nombre total de bagages traités par jour. La décision de diminuer le nombre de bagagistes est prise et est rapidement mise en œuvre.
En parallèle, une autre partie de cette grande entreprise qui a en charge de développer les ventes en Asie, et singulièrement au Japon, décide de promouvoir dans ce même aéroport une logique de hub : des correspondances très rapides vont permettre à des voyageurs venant du Japon de transiter efficacement et repartir vers une destination quelconque en Europe. Le temps de correspondance visé est de 30 minutes.
Or les vols depuis le Japon sont effectués dans des Boeing 747 et l’arrivée de ces vols a lieu à l’heure de pointe de l’aéroport : il y a donc à ce moment-là un très grand nombre de bagages à traiter. Aussi, compte tenu de la diminution du nombre de bagagistes, le temps moyen pour traiter un bagage monte à 45 minutes : en effet, le calcul d’optimisation fait pour la réduction des coûts a raisonné en moyenne journalière et n’a pas tenu compte de l’effet de pointe.
Ainsi la juxtaposition des deux décisions, optimisation du traitement des bagages et mise en place du hub, a fait que la plupart des voyageurs venant du Japon repartaient vers leurs destinations finales sans leurs bagages !
Le coût direct lié au traitement de tous les bagages en retard (intervention manuelle hors processus, frais d’acheminement jusqu’au client final incluant des taxis, indemnités, …) a été nettement supérieur à l’économie faite par la réduction du nombre de bagagistes : une estimation rapide de ce surcoût l’a évalué à dix fois l’économie initiale. Et ce sans parler des dégâts faits à l’image de la compagnie auprès des clients mécontents, dégâts toujours difficilement chiffrables : l’incident a été tellement important que l’entreprise a failli être déréférencée par toutes les agences de voyages japonaises.
Un peu comme si, au moment d’attraper un verre, nos jambes s’étaient mises en mouvement d’elles-mêmes. Difficile alors de réussir à attraper le verre…

4 juil. 2011

UNE CRÉATION DE VALEUR QUI N’EN EST PAS UNE

Je te tiens, tu me tiens par la barbichette
Fin de journée, dans un bar quelque part dans le monde. John, assis à une table du fonds, attend, comme tous les soirs, son ami Paul.
Un coup d'œil à sa montre. Bizarre, Paul est vraiment en retard. Le voilà qui rentre, essoufflé, une toile sous le bras :
« Regarde cette toile, dit Paul à John.
- Tu l’as payée combien ?
- Cinq mille euros. »
Deux heures plus tard, John repense au tableau : « S’il l’a payé cinq mille, c’est qu’il vaut nettement plus. »
John pianote un email : « Dix mille pour ton tableau »
Réponse : « OK pour 100 % de plus-value ! »
Au milieu de la nuit, Paul se réveille : « Quand John découvre mon tableau, il ne dit rien. Deux heures après, il me propose le double : il a appris quelque chose ! »
Il envoie à son tour : « Ai réfléchi. Te le rachète quinze mille. »
Un mois plus tard, Paul qui, la veille, a repris le tableau pour cent cinquante mille euros, retrouve John :
« Combien pour le tableau ?
- Rien, je suis passé à la sculpture.
- Dommage, juste au moment où on commençait à vraiment gagner de l’argent. »
Bien sûr tout ceci n’est qu’une histoire imaginaire…

1 juil. 2011

SE CROIRE INVULNÉRABLE TUE !

Plus une entreprise est grande et puissante, plus elle risque de se déconnecter du réel et se croire invulnérable. Or le réel est bien là, dans et autour de l'entreprise. A un moment ou à un autre, il se rappellera aux bons soins de ceux qui l'ont oublié...

Certains succès montent à la tête
Cette entreprise était allée de succès en succès. Créée il y a maintenant plus de cinquante ans, elle avait rapidement pris une position de leader sur ses marchés et avait réussi à s’imposer mondialement.
Après cette phase initiale d’expansion, pour accroître son efficacité, elle avait progressivement automatisé tout ce qui pouvait l’être. Parallèlement, elle avait mis en place un plan de formation interne pour accueillir les nouveaux et accélérer l’apprentissage de ses recettes de succès. Tout ceci facilitait l’action quotidienne et permettait de se concentrer sur ce qui était nouveau.
Aujourd’hui, un sentiment de puissance s’est diffusée et elle se sent invulnérable aux évolutions de la conjoncture et des exigences des clients : elle a oublié tous les efforts faits dans le passé, et est convaincue d’être « naturellement » plus forte que ses concurrents.
Résultat, elle ignore de plus en plus sa concurrence, et étant experte, croit savoir mieux que ses clients ce dont ils ont besoin. Elle est de moins en moins capable de repérer les signaux faibles venant de son environnement et a tendance à oublier les points qui sont à l’origine de son propre succès.
L’entreprise continue à être dirigée de façon consciente, mais n’intègre plus les informations qui pourraient contredire ses interprétations, interprétations qui sont devenues des certitudes. 
Sans le savoir, sans s’en rendre compte, l’entreprise agit peut-être à contre-courant : elle est devenue insensible à son environnement, et donc vulnérable à toute rupture…
On est tellement bien chez nous...
Grâce à sa position dominante, la profitabilité de cette entreprise est largement supérieure à la moyenne du marché. Elle est assise à la fois sur des positions industrielles clés, sur le contrôle de quelques ressources essentielles et sur un savoir-faire industriel et marketing. Bref tout va bien…
Pour récompenser tout le monde, des avantages ont été accordés, année après année, aux salariés et à la Direction. Le sentiment d’appartenance à l’entreprise s’est renforcé au fur et à mesure du cumul de ces avantages.
Un accord tacite entre Direction, syndicats et personnel amène, à l’occasion de chaque négociation, à les renforcer, quitte à externaliser davantage de fonctions pour ne pas dégrader la compétitivité de leur entreprise : il y a de moins en moins de monde à l’intérieur et ceux qui s’y trouvent sont de plus en plus en décalage avec le « monde extérieur ».
S’est ainsi développé petit à petit un confort interne croissant qui n’incite plus à la vigilance. Finalement, tout le monde, Direction comme salariés, privilégie le développement de ce confort : le corps social de l’entreprise se coupe progressivement de l’extérieur. À la limite, on manage alors pour manager, on pense qu’une réunion est bonne parce qu’elle s’est simplement bien passée, et on oublie que tout ceci n’a de sens que si la performance réelle, celle vue par les clients et l’extérieur, s’améliore effectivement.
Devenue autiste, l’entreprise a tendance à protéger jusqu’au bout les avantages acquis, éventuellement même en mettant en péril sa survie…
Je n'ai pas besoin des autres
Créée initialement autour d’un produit unique qu’elle a mondialisé, cette entreprise a ensuite grandi rapidement en multipliant ses lignes de produits. Elle est experte dans la transformation d’une innovation en marché : identification des savoir-faire clés, industrialisation des processus, marketing et commercial ad-hoc, gestion de la marge et du profit…
Ce développement s’est accompagné de la mise en place de structures ad-hoc, d’une spécialisation croissante et d’une multiplication des interlocuteurs internes. Le système global est devenu de plus en plus complexe et l’atteinte de la performance suppose une collaboration efficace entre un nombre croissant d’acteurs.
L’intégration transverse est maintenant difficile à piloter et est de moins en moins maîtrisée. Une partie des acteurs en place se fait sa propre interprétation de la mission qui lui est allouée et de ce que peuvent attendre ou fournir les autres acteurs. Certains vont même jusqu’à se poser la question de la pertinence des structures  communes et de l’existence de l’entreprise en tant que telle.
Pourtant ces structures communes sont celles qui fournissent les ressources et les innovations. Finalement les délais de lancement des nouveaux produits s’allongent…
Et comme la multiplication des lignes de produit s’était faite selon un logique client et qu’elles s’adressent toujours le plus souvent aux mêmes clients, ceux-ci sont contactés en désordre et ne comprennent plus la logique de l’entreprise…
Finalement, plus personne n’a confiance en personne, et les processus internes deviennent redondants…
La performance globale se dégrade, mais personne ne s’en rend vraiment compte, car chacun est focalisé sur son périmètre. L’entreprise se fissure doucement et sûrement…

Des entreprises font des calculs qui ne veulent rien dire
Cette entreprise allait de la chimie de base à la chimie de spécialités, chaque ligne de produit étant centralement pilotée par une structure ad-hoc. En France, les organisations commerciales étaient dédiées à ces lignes de produits, mais, partout ailleurs, existait un responsable pays qui exerçait une supervision de toutes les activités locales.
Aussi « logiquement », ce responsable calculait la part de marché du groupe dans le pays. Cette part de marché était l’agglomération des parts de marché de chaque produit, et faisait une moyenne entre des produits n’ayant aucun rapport entre eux : quel sens pouvait avoir de mélanger des produits aussi dissemblables que les dérivés chlorés ou sulfurés avec des silicones, voire même des terres rares ?
La part de marché résultante n’avait donc aucun sens métier : ce n’était que le résultat d’un calcul et rien de plus.
Or comme le responsable pays avait un rôle historique important dans le groupe, elle était suivie au niveau de la Direction Générale et toute évolution de cette part de marché déclenchait analyse et questions.
Le système central construisait ses interprétations sur une donnée qui n’avait aucun sens réel et n’avait aucun lien avec les logiques de développement des activités dans les pays…

SE CROIRE INVULNÉRABLE, C'EST ÊTRE MALADE !

Je suis malade en musique 
Bon nombre d'entreprises sont malades sans trop s'en rendre compte, notamment quand elles se croient invulnérables... Quoi donc de plus normal que de finir cette semaine avec trois versions de "Je suis malade" ?



30 juin 2011

DES ENTREPRISES FONT DES CALCULS QUI NE VEULENT RIEN DIRE

Se croire invulnérable tue (4)
Cette entreprise allait de la chimie de base à la chimie de spécialités, chaque ligne de produit étant centralement pilotée par une structure ad-hoc. En France, les organisations commerciales étaient dédiées à ces lignes de produits, mais, partout ailleurs, existait un responsable pays qui exerçait une supervision de toutes les activités locales.
Aussi « logiquement », ce responsable calculait la part de marché du groupe dans le pays. Cette part de marché était l’agglomération des parts de marché de chaque produit, et faisait une moyenne entre des produits n’ayant aucun rapport entre eux : quel sens pouvait avoir de mélanger des produits aussi dissemblables que les dérivés chlorés ou sulfurés avec des silicones, voire même des terres rares ?
La part de marché résultante n’avait donc aucun sens métier : ce n’était que le résultat d’un calcul et rien de plus.
Or comme le responsable pays avait un rôle historique important dans le groupe, elle était suivie au niveau de la Direction Générale et toute évolution de cette part de marché déclenchait analyse et questions.
Le système central construisait ses interprétations sur une donnée qui n’avait aucun sens réel et n’avait aucun lien avec les logiques de développement des activités dans les pays…

29 juin 2011

JE N’AI PAS BESOIN DES AUTRES

Se croire invulnérable tue (3)
Créée initialement autour d’un produit unique qu’elle a mondialisé, cette entreprise a ensuite grandi rapidement en multipliant ses lignes de produits. Elle est experte dans la transformation d’une innovation en marché : identification des savoir-faire clés, industrialisation des processus, marketing et commercial ad-hoc, gestion de la marge et du profit…
Ce développement s’est accompagné de la mise en place de structures ad-hoc, d’une spécialisation croissante et d’une multiplication des interlocuteurs internes. Le système global est devenu de plus en plus complexe et l’atteinte de la performance suppose une collaboration efficace entre un nombre croissant d’acteurs.
L’intégration transverse est maintenant difficile à piloter et est de moins en moins maîtrisée. Une partie des acteurs en place se fait sa propre interprétation de la mission qui lui est allouée et de ce que peuvent attendre ou fournir les autres acteurs. Certains vont même jusqu’à se poser la question de la pertinence des structures  communes et de l’existence de l’entreprise en tant que telle.
Pourtant ces structures communes sont celles qui fournissent les ressources et les innovations. Finalement les délais de lancement des nouveaux produits s’allongent…
Et comme la multiplication des lignes de produit s’était faite selon un logique client et qu’elles s’adressent toujours le plus souvent aux mêmes clients, ceux-ci sont contactés en désordre et ne comprennent plus la logique de l’entreprise…
Finalement, plus personne n’a confiance en personne, et les processus internes deviennent redondants…
La performance globale se dégrade, mais personne ne s’en rend vraiment compte, car chacun est focalisé sur son périmètre. L’entreprise se fissure doucement et sûrement…

28 juin 2011

ON EST TELLEMENT BIEN CHEZ NOUS

Se croire invulnérable tue (2)
Grâce à sa position dominante, la profitabilité de cette entreprise est largement supérieure à la moyenne du marché. Elle est assise à la fois sur des positions industrielles clés, sur le contrôle de quelques ressources essentielles et sur un savoir-faire industriel et marketing. Bref tout va bien…
Pour récompenser tout le monde, des avantages ont été accordés, année après année, aux salariés et à la Direction. Le sentiment d’appartenance à l’entreprise s’est renforcé au fur et à mesure du cumul de ces avantages.
Un accord tacite entre Direction, syndicats et personnel amène, à l’occasion de chaque négociation, à les renforcer, quitte à externaliser davantage de fonctions pour ne pas dégrader la compétitivité de leur entreprise : il y a de moins en moins de monde à l’intérieur et ceux qui s’y trouvent sont de plus en plus en décalage avec le « monde extérieur ».
S’est ainsi développé petit à petit un confort interne croissant qui n’incite plus à la vigilance. Finalement, tout le monde, Direction comme salariés, privilégie le développement de ce confort : le corps social de l’entreprise se coupe progressivement de l’extérieur. À la limite, on manage alors pour manager, on pense qu’une réunion est bonne parce qu’elle s’est simplement bien passée, et on oublie que tout ceci n’a de sens que si la performance réelle, celle vue par les clients et l’extérieur, s’améliore effectivement.
Devenue autiste, l’entreprise a tendance à protéger jusqu’au bout les avantages acquis, éventuellement même en mettant en péril sa survie…

27 juin 2011

CERTAINS SUCCÈS MONTENT À LA TÊTE

Se croire invulnérable tue (1)
Cette entreprise était allée de succès en succès. Créée il y a maintenant plus de cinquante ans, elle avait rapidement pris une position de leader sur ses marchés et avait réussi à s’imposer mondialement.
Après cette phase initiale d’expansion, pour accroître son efficacité, elle avait progressivement automatisé tout ce qui pouvait l’être. Parallèlement, elle avait mis en place un plan de formation interne pour accueillir les nouveaux et accélérer l’apprentissage de ses recettes de succès. Tout ceci facilitait l’action quotidienne et permettait de se concentrer sur ce qui était nouveau.
Aujourd’hui, un sentiment de puissance s’est diffusée et elle se sent invulnérable aux évolutions de la conjoncture et des exigences des clients : elle a oublié tous les efforts faits dans le passé, et est convaincue d’être « naturellement » plus forte que ses concurrents.
Résultat, elle ignore de plus en plus sa concurrence, et étant experte, croit savoir mieux que ses clients ce dont ils ont besoin. Elle est de moins en moins capable de repérer les signaux faibles venant de son environnement et a tendance à oublier les points qui sont à l’origine de son propre succès.
L’entreprise continue à être dirigée de façon consciente, mais n’intègre plus les informations qui pourraient contredire ses interprétations, interprétations qui sont devenues des certitudes. 
Sans le savoir, sans s’en rendre compte, l’entreprise agit peut-être à contre-courant : elle est devenue insensible à son environnement, et donc vulnérable à toute rupture…

24 juin 2011

DES CHANSONS QUI SE REGARDENT AUTANT QU'ELLES S’ÉCOUTENT

Des sons et des mots mis en image 
La musique est maintenant une interprétation mettant en jeu de plus en plus des créations visuelles. En voici quatre exemplaires que je trouve emblématique de deux styles très différents. Plutôt que de vous les commenter, je vous les laisse les découvrir...
Occasion aussi de faire écouter Kery James qui mériterait un peu plus de présence sur les ondes françaises...






23 juin 2011

QUI SAIT CE QUI SE PASSE : CELUI QUI EST FACE À LA SITUATION OU CELUI QUI LIT DES RAPPORTS ?

La porte est-elle ouverte ou fermée ?

Dans le cadre d’une mission menée pour une grande banque française, j’avais organisé une réunion à son siège. Afin de m’assurer que tout était en ordre, j’étais arrivé, comme d’habitude, trente minutes en avance. L’accueil m’avait confirmé qu’une salle avait bien été réservée, et m’avait donné son numéro.
Arrivé devant la porte, j’avais constaté que celle-ci était fermée. Comme un téléphone se trouvait là, j’avais alors appelé l’accueil pour leur demander de faire le nécessaire pour ouvrir la salle. S’était alors enclenché une discussion quasiment surréaliste :
« Pouvez-vous m’ouvrir la salle n°4, avais-je demandé,
- Ce n’est pas la peine, m’avait-on répondu. Elle est déjà ouverte.
- Mais non, elle est fermée.
- Je vous dis qu’elle est ouverte. J’ai sous les yeux mon cahier sur laquelle il est indiqué qu’elle a été ouverte.
- Peut-être, mais moi, je suis devant la porte, et elle est fermée.
- Êtes-vous sûr d’avoir correctement essayé de l’ouvrir ? »
Bref, finalement j’étais arrivé à les convaincre que celui qui avait la meilleure information était celui qui était devant la porte, mais cela n’avait pas été facile…
Cette anecdote, réelle, illustre bien le danger de ne regarder la réalité qu’au travers de registres, de rapports ou de tableaux de bord. Il arrive à des dirigeants de croire qu’ils savent mieux ce qui se passe que ceux qui sont sur le terrain…

22 juin 2011

QUAND UNE ENTREPRISE FAIT L’INVERSE DE CE QU’ELLE VOULAIT FAIRE

Livrer l'ancien produit en croyant diffuser le nouveau
Milieu des années 80, j’étais responsable marketing d’un shampooing qui était en position de challenger sur son marché et souffrait d‘un packaging inadapté. Résultat : quasiment aucunes ventes et mon produit dormait tranquillement sur les étagères.
L’entreprise voulant à tout prix déloger le leader, une relance forte venait d’être décidée : elle s’appuyait notamment sur une refonte complète du packaging. Il restait en usine un stock important de l’ancien packaging, cependant, au vu de la faiblesse des rotations, il avait été décidé de lancer immédiatement le nouveau. En conséquence, j’avais dit à l’usine de classer le stock restant en obsolète.
Mais, les linéaires des magasins étant encore remplis avec l’ancien, il n’y avait pas de commandes pour mon produit et le nouveau packaging ne se diffusait pas. Pour accélérer le changement, le Directeur Général a alors décidé d’offrir pour toute commande passée - quelque soit le produit - une couche gratuite de ce shampooing : comme tout magasin recevait des livraisons au moins une fois par mois, le nouveau packaging serait ainsi partout présent rapidement.
Quelques jours après le lancement de l’opération, le Directeur Général m’appelle et me dit : « Je viens de faire un tour dans quelques magasins et je suis allé dans les réserves : la couche gratuite de votre shampooing, ce n’est pas le nouveau, c’est l’ancien packaging ! Bravo, c’est exactement l’inverse de ce que nous voulons faire. Vérifiez ce qui se passe ».
J’appelle immédiatement l’usine qui me répond : « Eh bien oui ! Nous avons compris que tu avais lancé cette action pour nous débarrasser du stock de l’ancien packaging. Le fait d’avoir classé en obsolète l’ancien ne bloque que les livraisons réellement vendues. Comment voulais-tu que l’on pense que vous puissiez donner gratuitement les nouveaux produits ! ».
Pour le marketing, il était évident que livrer l’ancien c’était gaspiller de l’argent ; pour l’usine, c’était l’inverse. Abîme qui séparait nos interprétations et qui nous conduisait à faire le contraire de ce que l’on voulait…

21 juin 2011

LES CINQ CLÉS DU DOCTEUR HOUSE POUR RÉUSSIR SES DIAGNOSTICS

Confrontation, ouverture, test…
Au détour d’une série, la télévision apporte parfois des réponses pertinentes et synthétiques. Ainsi le célèbre Docteur House présente une méthode en cinq points pour réussir ses diagnostics.
En effet, comment procède-t-il pour résoudre les cas impossibles qui lui sont à chaque fois présentés ?
1. Une confrontation constante au sein de l'équipe : Chacun est tenu de formuler à haute voix ses hypothèses, d'expliquer ce qui les sous-tend et d'accepter l'exercice de démolition venant du reste de l'équipe, et souvent de House lui-même.
2. Un recueil large des faits qui va bien au-delà du classique questionnaire médical : Tous les éléments de contexte, y compris via une fouille de l'appartement du malade, sont collectés.
3. Des tests successifs : Toute hypothèse, même incertaine, à condition d’être envisageable, c’est-à-dire possible, est immédiatement testée, et donc vérifiée.
4. Du temps passé à « ne rien faire » : L'essentiel de l'activité de House n'est pas planifiée, ni affectée à une recherche opérationnelle. Il passe son temps à discuter, critiquer les personnes qui l'environnent, jouer avec un balle, regarder une émission de télévision.
5. Une solution qui vient d'ailleurs : La solution émerge toujours à partir d'une analogie externe. Confronté à une situation de la vie courante, House va y trouver la clé qui lui permet de relier les faits et comprendre ce qui lui échappait. De plus, pendant tout l'épisode, House va veiller à s'impliquer au minimum dans la relation au patient. Il est intensément au courant des faits, mais il reste ailleurs, à distance.
A quand des séminaires de formation à la méthode House ?
Attention par contre à ne pas prendre le Docteur House comme un modèle en matière de management : c'est  son point faible et ses méthodes de management House n'en sont pas !
Reste enfin bien sûr que l'on peut employer sa méthode de diagnostic, sans être obligé d'avoir un comportement aussi pénible que le sien !

20 juin 2011

ÉTAIT-CE HISTORIQUEMENT INÉVITABLE, DANS SA NATURE OU ACCIDENTEL ?

Pourquoi le poulet a-t-il traversé la route ?
Souvent il n'est pas si facile d'apporter des réponses à des questions simples. Par exemple, quand vous voyez un poulet traverser une route, est-il si évident de savoir pourquoi il l'a traversée ?
Bon nombre de penseurs majeurs se sont penchés sur cette question. Voici leurs réponses...

Aristote : C'est dans la nature du poulet de traverser les routes.
Platon : Pour son bien. De l'autre côté est le Vrai.
Descartes : Pour aller de l'autre côté.
Moise : Et Dieu descendit du Paradis et Il dit au poulet "Tu dois traverser la route". Et le poulet traversa la route et il jubila.
Bouddha : Poser cette question renie votre propre nature de poulet.
Hippocrate : A cause d'un excès de sécrétion de son pancréas.
Machiavel : L'élément important c'est que le poulet ait traversé la route. Qui se fiche de savoir pourquoi ? La fin en soi de traverser la route justifie tout motif quel qu'il soit.
Darwin : Les poulets, au travers de longues périodes, ont été naturellement sélectionnés de telle sorte qu'ils soient génétiquement enclins à traverser les routes.
Martin Luther King : J'ai la vision d'un monde où tous les poulets seraient libres de traverser la route sans avoir à justifier leur acte.
Freud : Le fait que vous vous préoccupiez tous du fait que le poulet ait traversé la route révèle votre fort sentiment d'insécurité sexuelle latente.
Karl Marx : C'était historiquement inévitable.
Ernest Hemingway : Pour mourir. Sous la pluie.
Albert Einstein : Le fait que le poulet traverse la route ou que la route se déplace sous le poulet dépend de votre référentiel.
Consulting & Co : Deregulation of the chicken's side of the road was threatening its dominant market position. The chicken was faced with significant challenges to create and develop the competencies required for the newly competitive market. Consulting&Co, in a partnering relationship with the client, helped the chicken by rethinking its physical distribution strategy and implementation processes. Using the new Poultry Integration Model (PIM), AA helped the chicken use its skills, methodologies, knowledge, capital and experiences to align the chicken's people, processes and technology in support of its overall strategy within a Program Management framework. Consulting&Co drove a diverse cross-spectrum of road analysts and best chickens along with AA consultants with deep skills in the transportation industry to engage in a two-day itinerary of meetings in order to leverage their personal knowledge capital, both tacit and explicit, and to enable them to synergize with each other in order to achieve the implicit goals of delivering and successfully architecting and implementing an enterprise-wide value framework across the continuum of poultry cross-median processes. The meeting was held in a park-like setting, enabling and creating an impactful environment which was strategically based, industry-focused, and built upon a consistent, clear, and unified market message and aligned with the chicken's mission, vision, and core values. This was conducive towards the creation of a total business integration solution. Consulting&Co helped the chicken change to become more successful. Thanks for your attention.

17 juin 2011

TROIS INTERPRÉTATIONS DÉCALÉES DE JACKY

"Beau et con" trois fois en anglais ! 
Poursuite des promenades musicales et interprétatives du vendredi avec,  cette fois, trois versions "surprenantes" et décalées de Jacky de Jacques Brel, pop, rock and jazz...




COMMENT MATÉRIALISER LES DÉCALAGES A L’INTÉRIEUR DE L'ENTREPRISE

Le Miroir Management, un outil pour évaluer les décalages internes
(reprise des 3 articles parus cette semaine et présentant le Miroir Management)

Le Miroir Client, présenté la semaine dernière, cherchait à matérialiser les écarts entre ce que pensent les clients, et ce que l'entreprise croit qu'ils pensent.
Et pour le management, ne serait-il pas aussi intéressant de matérialiser les écarts éventuels à l'intérieur de l'entreprise quand on passe d'un service à l'autre, ou quand on se déplace au sein de la chaîne hiérarchique ? Comment évoluent la compréhension des objectifs, le niveau d'engagement… ?
Il y a quelques années, pour mettre en lumière ces décalages éventuels, j'avais mis au point pour une grande banque un Miroir Management. 

Comment avait-été structurée la démarche ?
Au travers d'un questionnaire, on s'était intéressé à trois paramètres :
  • La compréhension des objectifs de l'entreprise et la perception des enjeux,
  • Le niveau de support et d'équipement,
  • L'engagement et la volonté d'agir
Quel est le sens de chacun de ces trois points et pourquoi avoir choisis ceux-là plutôt que d'autres ?
  1. Comme j'ai eu souvent l'occasion de l'expliquer sur ce blog ou dans mes livres, la compréhension partagée des enjeux et des objectifs est essentielle pour assurer la cohésion de l'entreprise et la synchronisation des initiatives individuelles. Ces enjeux et objectifs sont le plus souvent exprimés par la direction de l'entreprise, parfois comme résultat d'un processus impliquant largement l'entreprise, mais malheureusement rarement.
    Que se passe-t-il quand on circule dans l'entreprise ? Constate-t-on une rupture ou au contraire ils sont largement partagés par tous ?
  2. Pourquoi parler ensuite de niveau de support et d'équipement ? Puis-je vous poser une question simple : même si vous avez compris que l'on attend de vous que vous sautiez d'un avion, allez-vous le faire si vous n'avez pas de parachute, ni appris à vous en servir ? Non, n'est-ce pas…
    Eh bien, il en est de même au sein d'une entreprise : il est utile de mesurer comment les membres de l'entreprise se sentent « outillés » pour atteindre les objectifs fixés. Il s'agit de mesurer là non le niveau d'équipement réel, mais la perception qu'ils en ont, car c'est elle qui va soutenir ou entraver leur action personnelle.
  3. Engagement et volonté d'agir sont clairement essentiels. Mais pourquoi les évaluer en tant que tels ? Ne sont-ils pas naturellement la résultante des deux précédents ? Non l'expérience montre que l'on peut tout à fait avoir compris ce que l'on attend de vous, se sentir équipé et ne pas vouloir agir, par exemple parce que l'on n'adhère pas réellement aux objectifs, ou parce que l'on a d'autres priorités personnelles.
    Analyser comment évolue cette volonté de passer à l'acte tout au sein de l'entreprise va matérialiser la capacité réelle de l'entreprise à agir localement.
Dans son mode de déroulement, la démarche Miroir Management relève de la même logique que celle du Miroir Client :
  • Un questionnaire structuré autour des trois thèmes (compréhension, équipement, engagement) : le questionnaire est construit à partir des objectifs poursuivis de l'entreprise et déclinés en items simples sur lesquels on demande de se positionner. Toutes les questions sont mélangées, c'est-à-dire que l'on ne pose pas de façon séquentielle pour un même item, les questions portant sur la compréhension, puis l'équipement, enfin l'engagement.
  • Une mise en forme simple (voire photo ci-jointe) où l'on regroupe tous les questions appartenant au même item et en faisant apparaître le niveau pour les trois paramètres. Sur un même tableau, sont agrégées toutes les réponses d'une population donnée (un service, une fonction, un niveau hiérarchique, …).
  • Lors de la restitution, on laisse l'équipe analyser les résultats et bâtir son propre plan d'actions.
Afin de faciliter l'animation et la compréhension de l'outil, on s'était « amusé » à caricaturer quelques situations (voir les graphes correspondants dans l'illustration) :
  • Le Kamikaze : il a tellement adhéré aux objectifs que, même sans aucun équipement, il s'engage. Il n'a peur de rien, même pas du saut sans parachute.
  • Le Parasite : il consomme des ressources, mais ne comprend pas ce qu'on attend de lui, et ne s'engage pas. Il consomme pour rien, ou plutôt pour son seul plaisir.
  • Le Touriste : il ne comprend pas ce que l'on attend de lui, ne consomme pas de ressources et ne s'engage pas. Il est de passage. A noter que, si l'on arrive à transformer un Parasite en Touriste, on n'améliore pas le niveau d'engagement, mais on diminue la consommation des ressources…
  • L'Utilitaire : il ne comprend pas bien ce que l'on attend de lui, mais se sentant équipé, il s'engage. S'il a un tournevis, il dévisse ; s'il a un marteau, il enfonce des clous…
  • L'Opposant : il comprend ce que l'on attend de lui et se sent équipé, mais il ne s'engage pas. Plus il a de ressources, plus il est content de les détourner…
  • Le Démuni : il comprend ce que l'on attend de lui, mais ne se sent pas équipé et ne s'engage pas. Il aimerait bien, mais il ne peut pas…
Notons bien que ces situations type ne sont que des caricatures, et que la relation entre compréhension, équipement et engagement est beaucoup plus complexe.

Et concrètement, en quoi ceci a-t-il été utile pour cette banque ? …

La démarche Miroir Management a été déployée dans toutes les activités françaises de banque de détail de ce grand établissement bancaire. Ceci a été fait au moment de la mise en œuvre d'une organisation spécialisée par marché (séparant les marchés entreprises, professionnels et particuliers). La Direction Générale voulait :
  • Vérifier la bonne compréhension des objectifs poursuivis par ce changement d'organisation, 
  • Définir les modes de fonctionnement à mettre en place 
  • Préciser le rôle de chacun.
Elle a permis de mettre en évidence une bonne compréhension globale des objectifs, mais l'existence d'une rupture se situant au niveau de l'encadrement intermédiaire : en deçà de ce niveau, l'intensité de l'engagement chutait. Ceci était directement corrélé avec un déficit perçu en « niveau d'équipement » : le personnel en agence avait en effet bien compris ce que l'on attendait de lui et était bien prêt à s'engager, mais il se sentait démuni face aux clients et en attente de soutien pour l'aider à atteindre ses objectifs commerciaux.

En conséquence, la mission principale du management intermédiaire, celui situé entre le directeur d'agence et le directeur régional, a été recentrée sur le soutien et le support aux agences :
  • Évaluation des savoir-faire, 
  • Définition du plan de formation et suivi,
  • Déclinaison des outils et méthodes de l'entreprise auprès des agences.
De plus, comme la démarche se déroulait Direction régionale par Direction Régionale, elle était décentralisée et pilotée par le Directeur Régional. Ceci a permis une adaptation fine aux situations locales et une implication de toute la hiérarchie locale.
Les plans d'actions n'ont pas été imposés, ni définis uniformément : lors de la restitution, chaque unité était mis face à la photographie prise et aux écarts éventuels, chacun les analysant, les explicitant et bâtissant un plan d'action. L'équipe en charge du projet n'avait qu'un rôle de support et d'animation pour aider à cette réflexion, mais ne menait pas l'analyse à la place des acteurs de l'entreprise : chaque unité prenait ainsi conscience par elle-même de la situation.

16 juin 2011

LE MANAGEMENT INTERMÉDIAIRE MOBILISÉ POUR NE PLUS LAISSER LES AGENTS DÉMUNIS FACE AUX CLIENTS

Le Miroir Management, un outil pour évaluer les décalages internes (3)

La démarche Miroir Management a été déployée dans toutes les activités françaises de banque de détail de ce grand établissement bancaire. Ceci a été fait au moment de la mise en œuvre d'une organisation spécialisée par marché (séparant les marchés entreprises, professionnels et particuliers). La Direction Générale voulait :
  • Vérifier la bonne compréhension des objectifs poursuivis par ce changement d'organisation,
  • Définir les modes de fonctionnement à mettre en place
  • Préciser le rôle de chacun.
Elle a permis de mettre en évidence une bonne compréhension globale des objectifs, mais l'existence d'une rupture se situant au niveau de l'encadrement intermédiaire : en deçà de ce niveau, l'intensité de l'engagement chutait. Ceci était directement corrélé avec un déficit perçu en « niveau d'équipement » : le personnel en agence avait en effet bien compris ce que l'on attendait de lui et était bien prêt à s'engager, mais il se sentait démuni face aux clients et en attente de soutien pour l'aider à atteindre ses objectifs commerciaux.

En conséquence, la mission principale du management intermédiaire, celui situé entre le directeur d'agence et le directeur régional, a été recentrée sur le soutien et le support aux agences :
  • Évaluation des savoir-faire,
  • Définition du plan de formation et suivi,
  • Déclinaison des outils et méthodes de l'entreprise auprès des agences.
De plus, comme la démarche se déroulait Direction régionale par Direction Régionale, elle était décentralisée et pilotée par le Directeur Régional. Ceci a permis une adaptation fine aux situations locales et une implication de toute la hiérarchie locale.
Les plans d'actions n'ont pas été imposés, ni définis uniformément : lors de la restitution, chaque unité était mis face à la photographie prise et aux écarts éventuels, chacun les analysant, les explicitant et bâtissant un plan d'action. L'équipe en charge du projet n'avait qu'un rôle de support et d'animation pour aider à cette réflexion, mais ne menait pas l'analyse à la place des acteurs de l'entreprise : chaque unité prenait ainsi conscience par elle-même de la situation.