22 sept. 2014

PARLER SANS ABORDER LES VRAIES SOLUTIONS

« Quelle France dans 10 ans », un rapport qui parle des problèmes, mais peu des solutions – Propositions2 (6)
2. UNE RÉFORME TERRITORIALE QUI OUBLIE UN POINT ESSENTIEL : LE CONTRÔLE DE LA DÉPENSE
Passer à 1700 communes et une dizaine de régions, en supprimant les départements
« Selon l’Insee, la France compte aujourd’hui environ 1 700 « bassins de vie » au sein desquels s’organise la vie quotidienne des habitants. (…) L’approfondissement des intercommunalités devra se prolonger par la fusion des communes dans ces nouveaux cadres afin de donner aux intercommunalités une pleine identité démocratique. »
« À cette aune, on peut donc considérer qu’une structuration du territoire autour de dix à quinze régions est une cible pertinente. »
« Dépasser le cadre départemental : Dans les grandes agglomérations, ceux-ci devront, à l’instar du conseil général du Rhône, se dissoudre dans les métropoles et les grandes agglomérations. Toutefois, il est probable que, dans certaines zones rurales ou faiblement urbanisées, les collectivités locales issues des intercommunalités ne seront pas en mesure d’exercer dans des conditions satisfaisantes toutes les compétences aujourd’hui dévolues au département. Celles-ci auront vocation à être prises en charge prioritairement par la région. »
… mais sans aucune proposition pour enrayer le dérapage des dépenses publiques locales
Si rien n’est changé, la progression des dépenses locales, et l’accroissement des impôts locaux n’ont aucune raison de ne pas se poursuivre. Or rien n’est proposé en la matière.
3. UNE REFORME DE LA FONCTION PUBLIQUE QUI N’ABORDE PAS LES VRAIS PROBLÈMES
Parler d’une ouverture de la fonction publique et du service de l’État
« Dans une société de compétences plutôt que de statuts, la direction de l’État par des grands corps d’excellence encore trop fermés sur eux-mêmes est désormais aussi souvent un handicap qu’un atout. (…) Pour s’en tenir aux seuls postes d’emplois de direction d’administration centrale, seuls 5 sur 149 ne sont à ce stade pas occupés par des fonctionnaires. »
« La gestion des carrières et des compétences doit s’abstraire de la logique des corps et aller vers une harmonisation des régimes de rémunération fondée sur les fonctions et les performances.(…) Il conviendra de réviser le statut de la fonction publique pour garantir une gestion des ressources humaines faisant plus de place à l’expérience, aux compétences acquises, aux responsabilités et aux performances, et moins au niveau de recrutement initial. »
… mais ne rien dire d’une réelle transformation du management public et de la fonction publique
Rien n’est dit sur la remise en cause du management public. Évoquer la réforme de la direction de l’État est certes nécessaire, mais quid de l’évolution de l’effectif de la fonction publique ? Quid de leur mode d’évaluation ? De l’avancement à l’ancienneté ? Du fameux GVT ? Du rôle des syndicats qui ont un rôle prépondérant souvent dans les promotions et les mutations ? Du temps de travail et de l’absentéisme ?...
 (à suivre)

19 sept. 2014

JEU DANS LES AIRS

Rêverie
Étrange télescopage. Est-ce une photo montage ou l’expression d’une relation cachée ?
Peut-être ce cerisier a-t-il voulu sortir des sentiers battus, et se lancer dans une innovation créative. Était-il las de pousser droit, de fleurir mécaniquement avant de se garnir de fruits écarlates ?
Souvent nous voyons dans les nuages des visages, alors pourquoi ce visage ne serait-il pas tissé des branches de cet arbre ?

18 sept. 2014

VOIR L’AMPLEUR DES DÉFICITS, MAIS NE PAS S’Y ATTELER RÉELLEMENT

« Quelle France dans 10 ans », un rapport qui parle des problèmes, mais peu des solutions – Propositions1 (5)
Après un constat sans complaisance, je m’attendais à des propositions qui soient à la hauteur de l’urgence. Mais il n’en est rien : la refondation nécessaire n’est pas au rendez-vous !
1. UN OBJECTIF DE RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES INSUFFISANT
Proposer 6% d’abaissement des dépenses publiques en comptant en partie sur la croissance pour l’atteindre
« Dans cette perspective, il est raisonnable de viser que d’ici dix ans, la sphère publique contribue à l’efficacité et à la compétitivité de l’économie en abaissant de deux points supplémentaires la part de la dépense publique primaire dans le PIB. Celle-ci passerait donc de 54,8 % en 2013 à 50,8 % en 2017 et à 48,8 % en 2025. (…) Sous des hypothèses économiques prudentes, réduire de 6 points le ratio de dépenses publiques primaires entre 2013 et 2025 : Une réduction de 6 points des dépenses primaires, de 54,8 % à 48,8 % du PIB, permettrait de stabiliser la dette à 75 % du PIB d’ici 2025, tout en gardant des marges de manœuvre pour réduire les prélèvements obligatoires de près de 1,5 point de PIB. »
« Dans le cadre de ce scénario, l’ampleur des économies structurelles nettes à dégager par ces différents moyens peut être chiffrée à 3 points de PIB, au-delà des mesures assurant le respect des normes d’évolution des dépenses de l’État qui permettent d’effectuer environ la moitié du chemin. Il faudra bien entendu envisager des économies structurelles supplémentaires pour financer les priorités de l’action publique, dont les dépenses nouvelles en faveur de la petite enfance et de l’enseignement primaire proposées dans ce rapport. »
… alors que l’objectif visé doit être de 10% et que d’autres pays y sont arrivés
« Les dépenses publiques primaires (hors intérêt de la dette) ont atteint 54,8 % du PIB en 2013. C’est au moins 12 points de plus qu’en Allemagne, 7 points de plus qu’en moyenne dans la zone euro. L’objectif est de diminuer ce taux de 6 points d’ici 2025. (…) À ce niveau, (la dépense publique) resterait certainement une des plus élevées au sein des pays avancés. »
 « En moins de dix ans, d’autres pays ont su se redresser et recueillir les fruits de leurs efforts : il n’a pas fallu aussi longtemps pour que la Suède s’extirpe des conséquences d’une violente crise financière ou que le Canada réduise sa dépense publique de plus de 10 points de PIB ; il y a dix ans encore, l’Allemagne faisait figure d’homme malade de l’Europe. Depuis, elle a divisé son taux de chômage par deux. En une décennie, un pays peut se transformer. »
(à suivre)

17 sept. 2014

NOTRE SYSTÈME SOCIAL L’EST DE MOINS EN MOINS

« Quelle France dans 10 ans », un rapport qui parle des problèmes, mais peu des solutions – Constat3 (4)
Les Français font de moins en moins société… et doutent de plus en plus de leurs dirigeants politiques
« Les piliers de notre modèle souffrent d’un désamour inquiétant : un quart seulement des citoyens pensent que l’école diminue les inégalités sociales ; à force de déceptions, beaucoup de jeunes ont perdu confiance dans l’intégration par le travail ; le cumul des mandats, considéré comme un privilège scandaleux, nourrit un ressentiment aigu à l’égard des responsables politiques ; et le recouvrement des responsabilités entre niveaux d’administration est perçu comme source de gabegie. Les administrations publiques sont de grandes machines opaques dont on se sert, et éventuellement où l’on se sert. »
« La fermeture de l’élite politique sur elle-même, la distance entre sa composition sociologique et celle de la population française, le cumul des mandats, le sentiment que les manquements à la loi et à l’éthique ne sont que rarement sanctionnés entretiennent un climat délétère. »
« Enchevêtrement des compétences et limitation des capacités de chacun des acteurs de la décision publique contribuent à ce que la politique soit de moins en moins vue comme la modalité centrale de construction de l’intérêt général, et de plus en plus comme une forme particulière de défense des intérêts catégoriels, sectoriels ou régionaux. »
Éducation, social, logement, santé ou comment dépenser de plus en plus… avec de moins en moins de résultats
« La protection sociale reste dominée par une logique curative, au détriment de l’action préventive : notre dépense publique est proche des niveaux scandinaves, mais la part des dépenses d’éducation et de prévention des risques sociaux, qui agissent en amont des risques pour prévenir plutôt que réparer, reste relativement faible. »
« Les recettes de la protection sociale sont peu ou prou indexées sur la croissance, mais les dépenses comportent beaucoup d’inertie (retraite), suivent une tendance autonome (santé hors indemnités journalières), ou ont par nature un caractère contracyclique (chômage). Il en résulte un désajustement qui est en partie à l’origine de la dette sociale et n’a jamais été approché de manière systémique. »
« Le logement et l’emploi sont emblématiques de cette approche : l’un et l’autre mobilisent des moyens considérables (respectivement 45 milliards et entre 64 et 85 milliards, selon qu’on inclut ou non les allégements de cotisations sociales), pour des résultats insatisfaisants. (…) Les aides publiques (au logement) mobilisent 45 milliards d’euros, soit plus de 2 points de PIB, pour un résultat économiquement inefficace et socialement inéquitable. Pour une part, ce soutien public rend solvable la demande résidentielle et, compte tenu des contraintes sur l’offre, contribue à la hausse du prix. Pour une autre part, il est consacré à contourner les obstacles structurels au développement de la construction, en la soutenant artificiellement. Insuffisamment ciblée, la politique de l’habitat social ne parvient à assurer ni la mixité sociale urbaine ni l’accès au logement des plus défavorisés. »
(à suivre)

16 sept. 2014

LA FRANCE DÉCROCHE PAR RAPPORT À SES VOISINS

« Quelle France dans 10 ans », un rapport qui parle des problèmes, mais peu des solutions – Constat2 (3)
Chez nous, croissance et emploi industriel sont en panne… à la différence de certains de ses voisins européens :
« Il serait donc erroné de considérer que la croissance est à l’arrêt partout, ou même dans l’ensemble des pays avancés. Le niveau de PIB par tête de la Suède est de 15 % supérieur au nôtre ; c’est par ailleurs un pays particulièrement attentif à la qualité de vie. Néanmoins la croissance y a vigoureusement redémarré après le choc de la Grande Récession de 2008- 2009. Il n’y a aucune fatalité de la stagnation. »
En prenant l’année 2007 comme référence, le PIB allemand est à 104, et la Suède à 106, alors que la France est moins de 101 :


« Depuis une décennie, la France se distingue cependant par l’ampleur de la désindustrialisation qui la frappe et par la rapidité de la dégradation de ses positions dans l’échange international. Nous ne partions pas de haut, nous sommes descendus vite et nous sommes arrivés très bas. Dans plusieurs domaines, nous sommes dangereusement proches du seuil critique en dessous duquel l’écosystème industriel est menacé dans son existence. »

« Ces enjeux ne concernent d’ailleurs pas la seule sphère des entreprises. Le rapport coût-efficacité des services publics est un ressort essentiel de la compétitivité d’une économie. Or comme nous l’avons vu, l’écart de dépense publique entre la France et ses principaux partenaires n’est généralement pas la contrepartie de services de meilleure qualité. Toute inefficacité dans la sphère publique se paie soit d’un moindre pouvoir d’achat des salariés de la sphère des entreprises, soit d’une moindre compétitivité de celles-ci. »
Des réformes multiples… mais locales et inefficaces :
« Une séquence de réformes partielles permet rarement d’améliorer la situation autant que le ferait un effort plus concentré et plus soucieux de cohérence. Bien souvent en effet, le problème à résoudre ne relève pas d’un seul levier mais d’un grand nombre d’instruments qu’il importe de mobiliser conjointement pour « faire système ». (…) La cohérence des initiatives sectorielles entre elles et leur capacité à faire système seront d’autant mieux assurées que les finalités seront claires et qu’elles auront été délibérées, dans le cadre d’une stratégie d’ensemble. »
« L’unité de commandement est en outre moins forte aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a encore quelques décennies. De fait, la décentralisation, la place faite à la négociation sociale, l’importance de la délibération au sein d’une société civile plus fragmentée, la complexité même des dispositifs en jeu et la diversité de leurs effets individuels font que toute réforme est plus ardue à définir et plus longue à conduire. »
(à suivre)

15 sept. 2014

NOUS NE POUVONS PLUS CONTINUER À COMPENSER NOS HANDICAPS STRUCTURELS PAR NOS DÉPENSES PUBLIQUES

« Quelle France dans 10 ans », un rapport qui parle des problèmes, mais peu des solutions – Constat1 (2)
Ce rapport « Quelle France dans 10 ans », dresse un constat sans concession : la France ne peut plus continuer à compenser ses handicaps structurels en accroissant les dépenses publiques
La France a décroché par rapport à ses voisins
« Notre pays a reculé économiquement, en comparaison de ceux qui, il y a vingt-cinq ans, avaient un niveau de vie comparable au nôtre ; mais il a aussi reculé socialement, avec un chômage qui s’est installé jusqu’à finir par sembler inéluctable, alors qu’un coup d’œil au-delà de nos frontières suffit à rappeler qu’il n’en est rien ; l’État français, qui était jadis pris pour modèle de par le monde, n’est hélas plus guère considéré comme un exemple à suivre ; et quant à la pléthore de pouvoirs sectoriels ou locaux que nous entretenons, ils font de nous les meilleurs lauréats des concours de complexité administrative. »
Le manque de performance économique a été comblé jusqu’à présent par les dépenses publiques… ce qui n’est pas soutenable dans la durée
« Notre revenu par tête a sensiblement décroché depuis le début des années 2000. Il était (par construction) proche de la moyenne des pays de l’échantillon en 1988, il lui est en 2012 inférieur de 6 %.. (…) Ce décrochage est dû à une lente érosion de la productivité et à la progression limitée de notre taux d’emploi. »
« Notre dépense publique était dès les années 1990 un peu supérieure à la moyenne ; elle est maintenant nettement plus élevée. Notre ratio de dette publique était sensiblement inférieur à la moyenne ; il lui est aujourd’hui un peu supérieur. (…) À défaut d’un redressement structurel de sa performance économique, ce qui menace la France est d’une part de perdre la place qui est la sienne parmi les pays les plus avancés, d’autre part de devoir ramener ses ambitions sociales à l’étiage qu’autorise l’état de son système productif. »
« Pour l’État, la tenaille entre responsabilités et moyens peut être mortelle : s’il ne sélectionne pas ses priorités, ne modifie pas ses routines et ne gagne pas en efficacité, il ne pourra que constater un écart croissant entre ses devoirs et ses capacités. (…) À l’horizon de dix ans, maîtrise de la dépense et économies structurelles conditionnent ainsi tant le désendettement public que la création de marges de manœuvre pour une réforme de la fiscalité et une baisse des prélèvements, elles-mêmes ingrédients nécessaires de la croissance. »
« Malgré les efforts engagés depuis 2010, la dette publique dépassera 95 % du PIB en 2014, alors qu’elle n’atteignait que 64 % du PIB en 2006. Cette progression n’est pas soutenable : elle induit un risque de refinancement dans les années à venir, elle menace notre souveraineté, elle nous exposerait à un risque accru pour l’emploi, la croissance et l’innovation en cas de choc récessif. La stratégie de finances publiques doit être cohérente avec une réduction du ratio de dette publique à 75 % du PIB en 2025. »
(à suivre)

12 sept. 2014

NAISSANCES

Émergence
Magie de la fragilité des débuts,
Surgissement insolite, rupture.
Là un bourgeon qui déchire une écorce,
Ici des fleurs qui éclosent,
Ailleurs une excroissance en lévitation.
Enracinement naissant,
Qui met la vie en émergence.
Demain un chêne qui défiera le temps,
Aujourd’hui juste un commencement…

11 sept. 2014

UN RAPPORT DE PLUS… ET POUR RIEN ?

« Quelle France dans 10 ans », un rapport qui parle des problèmes, mais peu des solutions (1) 
Après ma série d'article sur le livre de Thomas Piketty, retour sur le rapport, « Quelle France dans 10 ans », que Jean Pisani-Ferry, Commissaire Général à la Stratégie et à la Prospective, remis fin juin au Président de la République. 
Il y démontre la gravité de la situation française, mais ne propose pas une transformation à la hauteur de l’urgence :
- Alors qu’il montre que l’excès de dépenses publiques met en péril le modèle social, il ne propose que de les réduire de 6 points en 10 ans, et encore en comptant pour moitié sur une croissance revenue, tout en rappelant que d’autres pays ont réussi à les réduire de 10 points.
- Alors qu’il insiste sur le déficit de démocratie citoyenne et l’inefficacité des processus publics actuels, il n’évoque pas réellement comment doter les citoyens des outils pour peser sur les choix, et évite la remise en cause du statut de la fonction publique et de son mode de management.
- Quant aux organisations territoriales, s’il est ambitieux en recommandant d’aller vers 1700 communes et 10 régions et de supprimer les départements, il s’arrête à mi-chemin en ne remettant pas en cause le financement des collectivités locales. Comment croire que miraculeusement la France pourra contrôler globalement le niveau de ses dépenses publiques, sans cela ?
À quand un vrai programme qui ne sera pas seulement un diagnostic pertinent, mais une démarche cohérente et courageuse pour refonder la France, et libérer les énergies qui sont entravées de partout ? Il est urgent de ne pas seulement parler, mais d’agir. Faute de cela, dans 10 ans, la France aura définitivement décroché.

(à suivre)

10 sept. 2014

UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS MON ENGAGEMENT AU SEIN DE NOUS CITOYENS

Contribuer directement à la Direction collégiale pour se donner une chance de réellement refonder la France
Depuis novembre 2013, je me suis engagé aux côtés de Denis Payre, au sein de Nous Citoyens. J’y ai pris la responsabilité de la commission Efficacité de la Dépense Publique.
Ceci s’est concrétisé par des premières propositions mises en débat sur le site de Nous Citoyens, et un article cosigné avec Denis, le 18 juillet, dans les Échos, « Redressement, mode d’emploi ».
Aujourd’hui après un succès qui a conduit Nous Citoyens à regrouper 12 000 membres, à être implanté dans toutes les régions françaises, à avoir présenté des listes dans toutes les régions aux européennes, Denis Payre a annoncé hier dans un message personnel la mise en place d’une nouvelle gouvernance et l’arrivée de Jean-Marie Cavada.
Il était en effet nécessaire, comme il l’a écrit, de « passer à une nouvelle étape plus collégiale pour asseoir la solidité de la mobilisation citoyenne, (…) renforcer sa différence et faire évoluer son organisation en misant sur l’intelligence collective et l’initiative citoyenne. »
La France a plus que jamais besoin d’une refondation pour lui permettre de sortir de notre défiance collective et de tous nos blocages.
Les luttes intestinales qui gangrènent la vie politique, les témoignages constants de confusion entre intérêts privé et collectif, l’incapacité des partis en place à comprendre les nouvelles règles du jeu économique et social, notamment liées à la globalisation des activités et des échanges, font qu’il n’y a rien à en attendre… à part de faire le lit des pensées extrêmes !
Tel est le sens de mon engagement et de ma présence au sein du nouveau comité exécutif en tant que Vice Président.
Aux côtés de Jean-Marie Cavada qui vient de décider de quitter la Vice-Présidence de l’UDI pour nous rejoindre et prendre la Présidence de Nous Citoyens, des cinq autres Vice-Présidents composant le Comité Exécutif, et plus largement de tous les animateurs et responsables du mouvement, je vais consacrer dans les mois une part l’essentielle de mon temps à cette tâche.
Aussi ce blog va-t-il évoluer dans son contenu et être le reflet de mon engagement.
Il n’y a évidemment aucune rupture entre mon approche du management et celle de la politique. Il s’agit seulement d’un changement de perspective et de degré de dimension dans le niveau de complexité. Aucune rupture donc à attendre quant au contenu de mon blog !
Je serai plus que jamais à l’écoute de tous les commentaires ou observations que vous voudrez bien me transmettre ici ou par email.

9 sept. 2014

LA SOLUTION FACE À L'INCERTITUDE N'EST PAS DANS L'ACCROISSEMENT DES CONTRÔLES, MAIS DE LA CONFIANCE

Le management par émergence : Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (5)
Pourtant, souvent je vois encore des dirigeants qui tombent dans l'illusion du contrôle par la centralisation, et croient piloter parce qu’ils décident. Ils sont dans l’erreur du « Decido, ergo sum » !
Il est vrai que les forces qui luttent contre la décentralisation et le lâcher-prise sont fortes, et malheureusement de plus en plus en action :
- Le déficit de confiance se propage sans cesse : celui qui détient les rênes du pouvoir se croît supérieur, et pense que les abandonner aux autres est une prise de risque. Il ne voit pas que sa compréhension de la situation est faussée par la distance, et que la vraie prise de risque est de décider lui-même les modalités d’action.
– Fort de la puissance des systèmes d’information, il est dans l’illusion de la connaissance totale : connecté en temps réel avec tout ce qui se passe, il imagine qu’il peut voir et comprendre tout ce qui advient. Mais ces informations ne sont toujours que partielles, froides, et surabondantes.
– Pris dans la lumière constante des médias, il se sent vulnérable : plus rien n’est loin du centre, et tout peut l’atteindre immédiatement. Une erreur même mineure, commise dans une filiale lointaine, peut avoir des effets catastrophiques en terme d’image pour l’entreprise. Par peur d’être mis en cause, le dirigeant veut tout savoir.
– Sa responsabilité personnelle est accrue par la judiciarisation du monde : le dirigeant sait qu’il peut être juridiquement responsable de tout ce qui advient dans son entreprise, y compris pour des actes qu’il n’a pas personnellement décidés. Ce n’est vraiment de nature ni à la détendre, ni à faciliter la décentralisation.
Mais, malgré ces obstacles réels, et singulièrement les deux derniers, je reste convaincu que la pire des décisions est de vouloir décider de tout et de ne pas décentraliser.
Car, pour avancer dans le brouillard de l’incertitude, l'important c'est la confiance : sans l’abandon que représente la confiance, on est tétanisé dans une recherche de réassurance sans fin, et agir devient impossible.
Elle est multiforme : confiance en soi et en sa capacité individuelle à faire face aux situations ; confiance dans les autres, et les institutions, notamment dans l’entreprise où l’on se trouve. Elle est celle du paysan qui sème des graines, et sait, par expérience, qu’il devrait l’année prochaine avoir une récolte ; elle est celle du fabricant qui prévoit que tel bien devrait être vendu une fois fabriqué et mis en vente; elle est celle du client qui croît la promesse qui lui est faite…
Au dirigeant d'être le créateur de cette confiance. Sans confiance individuelle, il n’y a que des peurs, et aucune anticipation positive. Sans confiance collective, il n’y a ni cohésion, ni création de valeur globale durable.
Ainsi les qualités requises pour diriger sont-elles davantage celles d’un visionnaire philosophe et historien que d'un expert en mathématiques : avec la philosophie, il apprend l’importance de la quête du sens et la difficulté de l’atteindre ; avec l’histoire, la partialité et la vulnérabilité des interprétations. Il sait qu'il peut sous-traiter les calculs, jamais ni la compréhension, ni l’empathie, ni la vision !

8 sept. 2014

UN DIRIGEANT CONSCIENT DE SES LIMITES

Le management par émergence : Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (4)
Tout homme, dirigeant compris, n'a accès qu'à la partie émergée de son identité : le "je" qu'il connait, la conscience qu'il a de lui-même ne sont que la surface de ce qu'il est. Quels que soient ses efforts, ses décisions et ses actes seront conduits majoritairement par ses processus inconscients : il doit l’avoir intégré, et donc se méfier des situations où son expérience et son passé pourraient l’amener à avoir des intuitions fausses. Ceci devrait l’amener à ne pas diriger une entreprise dans laquelle il n’a pas grandi, ou qui est trop éloignée de celle où il a travaillé.
Il doit aussi avoir compris que, dans notre "Neuromonde", ce monde de l'hyperconnectivité, ce monde où le moindre événement fait vibrer la toile collective, l’incertitude n’est pas le témoin d’un déficit de connaissance ou une anomalie, mais le fruit du développement, et croît inévitablement avec le vivant : s’il lutte contre elle, et pense la réduire par le contrôle et la prévision, il fait fausse route. Renforcer son entreprise, c’est l’accroître, tout en développant une capacité collective à en tirer parti.
Acceptation de ses émotions, compréhension de l’importance des processus inconscients, stabilité personnelle, on est bien loin de l’image d’un dirigeant qui serait performant pour avoir une tête bien faite, garnie d’équations, de mathématiques et de business plans en tous genres !
(à suivre)

5 sept. 2014

CAPTURÉ

Silhouettes
Le monde est peuplé de silhouettes figées, immobiles qui nous observent, nous les mobiles qui ne faisons que jouer à nous croire vivants.
D’aucuns les prennent pour des statues, des créations de mains d’hommes.
Peut-être ou peut-être pas... 
Comme je n’étais pas là lors de leurs naissances supputées, je préfère ne pas prendre le risque de les considérer secondes.
Je les vois primales, essentielles, occupant de tout temps, cet espace où je débouche.
Elles peuvent être petites ou majestueuses, à la tête penchée ou raides, en métal ou en terre, rieuses ou sinistres. Qu’importe !
Je m’arrête, me synchronise à leur fixité, me fige face à elles.
Alors parfois, au bout d’un moment, une minute, une heure, ce sont elles qui s’échappent.
A moi alors d’attendre un autre mobile qui aura la patience suffisante pour me libérer et prendre ma place...

4 sept. 2014

UN DIRIGEANT DOIT S'ENGAGER

Le management par émergence : Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (3)
Il ne suffit pas de fixer le cap, il faut être présent et exemplaire au quotidien : diriger, ce n’est pas seulement dire et montrer, c’est savoir traduire ses pensées en actes et démontrer leur faisabilité.
Diriger, ce n’est pas non plus avoir peur de décider, c’est avoir compris que, si ses propres décisions sont parfois nécessaires, elles sont souvent de peu de poids face à toutes celles qui se prennent sans cesse et de partout.
Diriger, c’est aussi, dans notre monde de médias, être le porte-drapeau de son entreprise, non pas pour se mettre en avant, mais pour la mettre en avant : être fier du succès de ceux que l’on représente, et que l’on incarne.
Diriger c’est finalement souvent une affaire de courage. Mais pas le courage factice du violent ou de celui qui se croît supérieur. Non, le courage calme de celui qui s’engage, qui n’a peur ni d’expliquer, ni de revendiquer, ni d’assumer, qui est aux côtés de ceux qui agissent, qui, le cas échéant, défend l’entreprise et le collectif accumulé qu’elle représente.
(à suivre)

3 sept. 2014

UNE ENTREPRISE PEUT-ELLE SE PASSER DE DIRIGEANT ?

Le management par émergence : Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (2)
Fascinant de regarder des étourneaux voler groupés tout en pouvant se scinder en cas d'attaque, des fourmis de feu se transformer en radeau vivant quand l'inondation surgit, ou des abeilles voter pour choisir un emplacement pour une nouvelle ruche... Aucun chef ne leur est nécessaire, aucun leader n'est là, et pourtant la collectivité avance et progresse.
Alors pourquoi n'en est-il pas de même pour les entreprises ? Pourquoi donc leur existence et leur développement sont-ils indissociables de la présence d’un dirigeant ?
D’abord parce qu'elles ne naissent pas d'elles-mêmes : pas d'émergence spontanée, pas d'auto-création ! Au départ, il y a toujours un projet individuel fait d’intuition et de volonté.
Ensuite, parce qu'à la différence d'un être vivant, une entreprise n'est pas dotée naturellement d'ADN : sans lui, prise dans les vagues de l’incertitude, la structure collective se désagrège. Sans un dirigeant pour fixer la stratégie et la transformer en culture partagée et vécue, pas d'ADN, et rapidement plus d'entreprise.
Or,  concevoir une stratégie et faire vivre une culture sont un art difficile et complexe qui allie :
- Vision : s’abstraire des bruits ambiants et des idées reçues pour penser à partir du futur, percevoir les points fixes, et imaginer ce qui n’existe pas encore, une mer à viser à tout jamais.
- Réalisme : s’assurer que cette vision n’est pas un rêve inaccessible, qu’elle est compatible avec ce que peut faire l’entreprise, et la transformer en culture quotidienne.
 (à suivre)

2 sept. 2014

LES DÉCIDEURS SONT MORTS, VIVE LES DIRIGEANTS !

Le management par émergence : Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (1)
Article paru dans la revue PAM n°4 de l’Association Ponts Alliance
La plupart des livres de management, des colloques ou des propos d’experts tournent autour de la décision : comment décider dans l’incertitude ? Les actionnaires, comme les salariés ou les pouvoirs publics semblent rêver d’un gourou charismatique qui saurait trouver le cap et sauver son entreprise du chaos environnant.
Mais comment dans un Neuromonde tissé d’incertitudes croissantes, du foisonnement de matriochkas s’emboîtant et se chevauchant, d’émergences multiples et imprévues de propriétés rendant obsolètes ce qui était pensé comme certain la veille, un dirigeant, seul ou avec une équipe rapprochée, pourrait-il sauver une collectivité ?
Daniel Kahneman est un de ceux qui a le mieux montré les limites de l’homme miracle. Dans son dernier livre, Thinking fast and slow, il s’en prend au mythe tant de la « main magique » dans le basket professionnel que du PDG sauveur de son entreprise : « Bien sûr, certains joueurs sont plus précis que d’autres, mais la séquence de tirs ratés et réussis satisfait tous les tests du hasard. La main magique n’est vraiment qu’une vue de l’esprit, les spectateurs étant toujours trop prompts à vouloir déceler ordre et causalité au cœur du hasard. »
Si l’impact direct du leader est réel, n’est-il pas évident qu’au fur et à mesure du déploiement du Neuromonde et des méga-entreprises, il est de plus en plus limité, et que tout dirigeant est de moins en moins légitime à clamer que c’est d’abord grâce à lui seul que le succès est arrivé ?
Car, si l’on réfléchit bien, dès que l’entreprise atteint une certaine taille, la plupart des décisions sont prises quotidiennement sans lui et loin de lui : à l’occasion d’un rendez-vous avec des clients, face à une panne imprévue dans une usine, lors de la découverte des spécificités d’un pays à l’autre bout de monde, pour faire face à l’attaque d’un concurrent,… Si tout remontait à lui, non seulement l’entreprise mourrait d’asphyxie, mais, comme il ne peut être ni omniscient, ni omnicompétent, le plus souvent la pire des décisions serait prise.
Mais si les Décideurs tout puissants sont morts, les entreprises, prises dans les vagues turbulentes de l’incertitude, ont plus que jamais besoin de Dirigeants, car sans eux, elles ne seront que ballotées et détruites.
Mais des Dirigeants qui ont compris que diriger, ce n’est réduire ni l’incertitude, ni la complexité, c’est savoir vivre avec et en tirer parti. Ce n’est ni facile, ni immédiat, car la tentation spontanée est de faire l’inverse.
Savoir faire face et accepter le vertige de l’émergence de la décision qui naît, plus qu’elle n’est voulue…

(à suivre)

1 sept. 2014

SO ?

Pour la reprise du live de mon blog, dernier retour sur le livre Thomas Piketty : qu'est-ce j'en retiens personnellement ?
Le capital du XXIe siècle (23)
Tout d’abord et essentiellement, l’intérêt des séries longues et des remises en perspective. Comment en effet réfléchir dans l’instantané ? Comment distinguer ce qui est courant de fond ou rupture réelle, de ce qui n’est qu’évènementiel ou écume provisoire autrement ? Chaque méandre fait par la Seine ne veut pas dire qu’elle change de destination !
Deuxièmement une forme de contradiction interne quand il prône à la fois la méfiance par rapport à la mathématisation du monde, et qu’il n’hésite pas à dire que telle ou telle équation est incontournable – comme par exemple β = s/g. Il tombe lui-même dans le piège qu’il dénonce à juste titre : le monde est trop complexe, et les phénomènes humains ne suivent pas des équations – pour reprendre l’expression de Daniel Kahneman, nous ne sommes pas des « Econs », mais « Humans » –, aussi les mathématiques doivent être utilisées avec circonspection, en la matière.
Troisième limite, le peu de poids qu’il donne à l’innovation technologique et aux ruptures techniques. Il est vrai que dans le passé – celui qu’il a observé dans ses séries longues –, les grandes ruptures ont d’abord été celles provoquées par les conquêtes et les guerres, mais, depuis les dernières décennies, nous vivons une accélération des mutations techniques, tant dans le rythme de leur succession que dans la vitesse de propagation. Elles sont et seront, j’en suis persuadé, une source croissante de décomposition et de recomposition du capital, et donc des inégalités. Il suffit par exemple d’avoir en tête les évolutions de valeurs des entreprises comme IBM, Microsoft, Motorola, Nokia, Apple, et plus récemment Google et Facebook pour s’en persuader.
Ces limites posées, il n’en reste pas moins que Thomas Piketty met l’accent sur quelques données majeures que tout responsable politique doit garder en tête :
- Imaginer que nous pourrions revenir à un taux de croissance très élevé comme pendant la période des Trente Glorieuses, est très probablement une illusion dangereuse.
- Les inégalités en capital comme en revenu, atteignent un niveau qui risque de faire exploser le consensus social sur lequel repose toute société.
- Le maintien d’un équilibre entre volonté de transmettre à ses descendants – et donc la nécessité de maintenir un droit à l’héritage – et capacité au renouvellement par les nouvelles générations est essentiel.
- L’importance prise par les finances internationales et la sophistication des outils employés conduisent à un enrichissement des plus riches, déconnecté d’une réelle prise de risque et d’un engagement entrepreneurial.

28 août 2014

AU PAYS DES INÉGALITÉS

Le capital du XXIe siècle (18) – Inégalités (Best of - Billets parus entre 2 et 17/7/14)
Poursuite de ma promenade au sein du livre de Thomas Piketty après la croissance et le capital, parlons des inégalités.
Nous en arrivons donc au thème des inégalités, celui dont on a le plus parlé au sujet du livre de Thomas Piketty, Le capital du XXIe siècle.
D’abord rien ou presque, puis l’immobilier, les actifs financiers tout en haut…
Première observation de Thomas Piketty, les inégalités face au capital sont toujours plus fortes que face au revenu :



« Pour donner un premier ordre de grandeur, la part des 10 % des personnes recevant le revenu du travail le plus élevé est généralement de l’ordre de 25 %-30 % du total des revenus du travail, alors que la part des 10 % des personnes détenant le patrimoine le plus élevé est toujours supérieure à 50 % du total des patrimoines, et monte parfois jusqu’à 90 % dans certaines sociétés.
De façon peut-être plus parlante encore, les 50 % des personnes les moins bien payées reçoivent toujours une part non négligeable du total des revenus du travail (généralement entre un quart et un tiers, approximativement autant que les 10 % les mieux payés), alors que les 50 % des personnes les plus pauvres en patrimoine ne possèdent jamais rien – ou presque rien (toujours moins de 10 % du patrimoine total, et généralement moins de 5 %, soit dix fois moins que les 10 % les plus fortunés).  »
Ainsi la moitié inférieure de la société ne posséderait que sa force de travail, et n’aurait accumulé aucun capital.
Une autre différence importante, cette fois à l’intérieur du capital, est la différence de sa composition en fonction de sa taille. Aujourd’hui, dans nos sociétés développées, le patrimoine net moyen est d’environ 200 000 € par adulte, et il est composé pour 2/3 par de l’immobilier, et 1/3 par des actifs financiers et professionnels.
Que devient cette répartition si on analyse par niveau de richesse ?
Les plus pauvres qui représentent 50% de la population ne détiennent que 5% du capital total, et pour eux le patrimoine moyen par adulte n’est que 20 000 €. Le plus souvent, ce sont des locataires, et leur patrimoine est composé de biens durables comme du mobilier ou une automobile. La part supérieure peut être propriétaire de son appartement, mais il est grevé des emprunts restant à rembourser, d’où un actif net modeste.
Les 40% suivants qui détiennent 35% du capital total, ont un actif moyen de 175 000 €. C’est au sein de cette tranche qu’apparaissent les premiers réels actifs financiers et économiques : quand le patrimoine dépasse les 300 000 €, l’immobilier représente encore l’essentiel, mais le patrimoine financier devient significatif, surtout quand les emprunts ont fini d’être remboursés.
Venons en maintenant aux 10% les plus favorisés. Leur patrimoine moyen est de 1,2 M€. Zoomons au sein de cette tranche.
Les premiers 9% ont un patrimoine de 900 000 €, versus 5M€ pour le 1% du haut. Ils sont tous propriétaires de leur appartement. Mais alors que les actifs immobiliers représentent de la moitié aux trois-quarts du patrimoine des premiers 9%, pour le décile supérieur, ce sont les actifs financiers et professionnels qui dominent : « Entre 2 et 5 millions d’euros, la part de l’immobilier est inférieure à un tiers ; au-delà de 5 millions d’euros, elle tombe au-dessous de 20 % ; au-delà de 20 millions d’euros, elle est inférieure à 10 %, et les actions et parts constituent la quasi-totalité du patrimoine.  »
Des populations qui partagent le même territoire, mais n’ont pas les mêmes préoccupations
Résumons en simplifiant la structure du capital telle qu’elle se présente dans un pays développé moyen, c’est-à-dire peu ou prou comme la France.
La première moitié de la population est locataire et n’a pour actif que ce qu’elle met dans l’appartement et dans quoi elle roule.
Puis à partir des patrimoines autour de 100 000€, commence le monde des propriétaires immobiliers, et le poids de cet investissement représente d’abord la totalité, et encore l’essentiel de leur patrimoine, ce jusqu’à 1M€, c’est-à-dire quand on atteint les derniers pourcentages de la population.
Au-delà, pour le dernier %, le poids de l’immobilier baisse, et nous entrons dans le monde des actifs financiers et professionnels, actifs qui deviennent dominants quand on dépasse les 2 M€.
Enfin après 20 M€, l’immobilier devient marginal.
Une autre façon de formuler cela, serait de dire :
- La moitié de la population est préoccupée par le niveau des loyers, et épargne pour meubler son appartement et acheter sa voiture. Aucun capital, uniquement des revenus, donc une très grande sensibilité à toute évolution des conditions de travail, ainsi que des loyers qui constituent une part essentielle des dépenses contraintes (plus de 20% aujourd’hui en France).
- 45% sont préoccupés par la valeur de l’immobilier qui constitue l’essentiel de ses actifs. La chute de la bourse et des placements financiers aura un impact sur leur capital, mais de deuxième ordre par rapport à l’évolution de l’immobilier. Une fois les emprunts remboursés, et si aucun nouveau projet d’agrandissement immobilier n’est nécessaire, une variation des revenus peut être amortie.
D’une société de rentiers à une société de cadres




Que s’est-il passé selon Thomas Piketty en matière de réduction des inégalités de revenus ? Beaucoup à cause des guerres, rien à cause d’un processus structurel de compression des inégalités. Telle est une des thèses majeures de son livre : les inégalités perdurent, et même se développent comme nous le verrons plus loin.
« Dans une large mesure, la réduction des inégalités au cours du siècle écoulé est le produit chaotique des guerres, et des chocs économiques et politiques qu’elles ont provoqués, et non le produit d’une évolution graduelle, consensuelle et apaisée. Au XXe siècle, ce sont les guerres qui ont fait table rase du passé, et non la paisible rationalité démocratique ou économique.  »
Cette assertion est loin de faire l’unanimité aux seins des économistes. Comme un de mes amis me disait dernièrement : « Au temps des rois, seuls les nobles pouvaient lire la nuit. Au dix-neuvième siècle, toute la bourgeoisie le pouvait. Aujourd’hui tout le monde. Belle réduction des inégalités, non ? »
Il est vrai que l’accès au confort et technologies diverses se diffuse de plus en plus…
Sans entrer dans cette polémique entre experts, force est de constater que la tranche où les revenus du capital dominent les revenus du travail ne représente de nos jours que 0,1% des revenus les plus élevés, soit cinq fois moins qu’en 1930, et dix fois moins qu’en 1910.
Mais si les inégalités liées au capital se sont réduites, celles liées aux salaires restent, car, comme Thomas Piketty le rappelle, le salariat n’a jamais été un bloc homogène.
Thomas Piketty ramasse cela en une formule adroite : « Dans une large mesure, nous sommes passés d’une société de rentiers à une société de cadres. » Et il précise : « C’est-à-dire d’une société où le centile supérieur est massivement dominé par des rentiers (des personnes détenant un patrimoine suffisamment important pour vivre des rentes annuelles produites par ce capital) à une société où le sommet de la hiérarchie des revenus – y compris le centile supérieur – est composé très majoritairement de salariés à haut salaire, de personnes vivant du revenu de leur travail.  »
Le monde des super-cadres anglo-saxons




Arrêtons-nous maintenant sur une comparaison au sein des pays développés entre les pays anglo-saxons versus les autres, car depuis les années 70, nous vivons une évolution divergente.
Du côté des pays anglo-saxons, les inégalités de revenus se creusent.
Ainsi selon les calculs de Thomas Piketty, « si l’on cumule la croissance totale de l’économie américaine au cours des trente années précédant la crise, c’est-à-dire de 1977 à 2007, alors on constate que les 10 % les plus riches se sont approprié les trois quarts de cette croissance ; à eux seuls, les 1 % les plus riches ont absorbé près de 60 % de la croissance totale du revenu national américain sur cette période ; pour les 90 % restants, le taux de croissance du revenu moyen a été ainsi réduit à moins de 0,5 % par an. »
Bien plus, c’est le millième supérieur qui a capté l’essentiel : à eux seuls, ils ont absorbé plus de 30% cette croissance. Qui sont-ils ? D’abord des cadres dirigeants, et seulement pour moins de 5%, des sportifs, acteurs ou artistes. D’où une nouvelle formule de Piketty, concernant les USA : « Les nouvelles inégalités américaines correspondent bien plus à l’avènement des « super-cadres » qu’à une société de « superstars ». »
Cette évolution, on la retrouve dans les autres pays anglo-saxons, mais deux à trois fois moins forte.
A l’inverse dans les autres pays développés, aussi bien en Europe qu’au Japon, on ne retrouve pas cette évolution : la part du centile supérieur est sensiblement stable depuis les années 70, ce qui signifie que la captation des revenus s’est fait à due proportion de sa situation antérieure. Les inégalités ne diminuent, ni se creusent.
Même remarque pour le millime supérieur. Ainsi les salaires extrêmement élevés de quelques cadres dirigeants y sont suffisamment rares pour que ceci ne se traduise pas dans les indicateurs macroéconomiques.
En résumé, dans les pays anglo-saxons, l’inégalité des revenus a retrouvé ou est en passe de retrouver les niveaux records des années 1910-1920, alors qu’en Europe continentale et au Japon, elle est beaucoup plus faible et a peu changé depuis 1945.
Ceci est bien résumé par la comparaison entre les États-Unis et l’Europe : la part du décile supérieur évolue de façon synchrone jusqu’en 1970, puis diverge. En 2010, le décile supérieur représente près de 50% des revenus aux USA, contre 35% en Europe.
Une Europe devenue moins inégalitaire en terme de patrimoine que les États-Unis
Passons maintenant aux inégalités de patrimoine.
Là encore, on constate en France, et plus généralement en Europe, que la période des deux guerres mondiales a fortement réduit les inégalités de patrimoine, et que depuis, peu ou prou, la situation est stable, mais toujours avec un fort niveau de concentration :
- 65% du patrimoine est détenu en 2010 par le décile supérieur, contre près de 90% en 1910 et autour de 80% pendant tout le 19ème siècle.
- 25% par le centile supérieur en 2010, contre 60% en 1910, et 45 à 50% pendant le 19ème siècle.



Une autre façon de formuler cette évolution est de dire qu’il faut dix fois plus de personnes pour obtenir le niveau de détention : 10% de la population au lieu de 1% un siècle plus tôt.
Que dire de la comparaison entre Europe et États-Unis ?
D’abord une inversion des positions : l’Europe de 1910 était nettement plus inégalitaire que les États-Unis, le décile supérieur y détenant plus de 60% des biens contre 45%. Cent ans plus tard, de partout les inégalités ont diminué, mais nettement moins aux USA qui se retrouvent plus inégalitaires, avec 35% détenu par le décile supérieur contre 25% en Europe.
Selon Thomas Piketty, c’est cette forte réduction des inégalités, couplée avec la forte croissance qui est à l’origine de l’image si positive des Trente Glorieuses sur le vieux continent : « On a l’impression d’avoir dépassé le capitalisme, les inégalités et la société de classes du passé ». 
Et comme depuis la croissance s’est enrayée et que les inégalités ne régressent plus, nous serions en train de vivre le temps de désillusion. Thèse intéressante et probablement pertinente…
Le retour de l’héritage
Autre angle d’analyse concernant le patrimoine : celui de l’héritage. Quel est son poids ?
Je ne vais pas reprendre ici le détail des calculs de Thomas Piketty qui portent sur l’impact de l’allongement de la durée de vie, de la mortalité due aux deux guerres, du baby-boom qui en a suivi, puis du développement récent des donations.
Je vais me contenter de la synthèse qu’il en fait, c’est-à-dire de la part des patrimoines hérités dans le patrimoine total en France, et dans les ressources totales :
- Avant 1910, ils représentaient 85 à 90 % du patrimoine total, et 24% des ressources totales,
- Entre 1910 et 1970, chute rapide jusqu’à ne plus représenter que 45% du patrimoine, et 10% des ressources,
- Remontée depuis 1970 pour atteindre en 2010, 65% du patrimoine et 22% des ressources.


Ainsi la destruction engendrée par les deux guerres avait fait de la France un pays largement à reconstruire, et donc neuf en quelque sorte. Mais la reconstruction une fois faite, le poids de l’héritage est de retour.
Est-ce à dire que, comme Thomas Piketty le propose, cette part va continuer à croître dans les décennies à venir et que nous allons retrouver le pic de 1910 ? Cela dépendra des ruptures technologiques à venir et de la solidité des patrimoines actuels. Donc difficile d’être aussi affirmatif sur le futur.
Mais ce qui semble clair, est que le poids des héritages est aujourd’hui redevenu important. Ceci ne serait pas gênant si l’on pouvait compenser un handicap en patrimoine, par un avantage en revenu salarial. Malheureusement, et c’est bien un des problèmes de la société française contemporaine, l’un et l’autre ont tendance à se renforcer, l’importance des donations et le fonctionnement de l’Éducation nationale jouant de concert.
Poursuivons l’analyse de cette relation entre héritage et revenu…
Hériter ou travailler ?
Une autre façon d’analyser la relation entre héritage et revenu est de comparer le niveau de vie atteint par les personnes qui ont bénéficié du 1% des héritages les plus élevés, versus par les personnes qui ont atteint les 1% des emplois les mieux payés. Ou formulé plus simplement : pour être riche, vaut-il mieux hériter ou travailler ? C’est ce que Thomas Piketty appelle le dilemme de Rastignac : faut-il faire un bon mariage ou réussir professionnellement ?


Jusqu’en 1870, la réponse est sans appel : le niveau des héritiers favorisés est 2,5 fois plus élevé que celui des salariés favorisés. Donc pas de dilemme : si vous n’êtes pas un héritier et que vous êtes ambitieux, chercher la meilleure dot. Inutile de vous épuiser à faire des études.
Dès 1870, l’écart diminue et s’inverse en 1890, c’est-à-dire avant les deux guerres mondiales. Probablement l’impact de la révolution industrielle. Ainsi pendant plus de 60 ans, la réponse s’inverse : priorité à la réussite professionnelle.
A partir de 1930, et surtout de 1950, le niveau de vie des héritiers se redresse, et finalement à partir de 1970, les deux sont équilibrés : l’inégalité héritée équivaut à l’inégalité professionnelle. Thomas Piketty projette que les héritiers dans les années à venir vont dépasser les professionnels, mais à nouveau ses projections ne sont que spéculatives, et de plus l’écart est modeste.
Retenons donc en tout cas qu’en 2010, si vous êtes bien nés ou avez fait le bon mariage, cela équivaut à la meilleure réussite professionnelle.
Or comme Thomas Piketty l’indique : « Nos sociétés démocratiques s’appuient en effet sur une vision méritocratique du monde, ou tout du moins sur un espoir méritocratique, c’est-à-dire une croyance en une société où les inégalités seraient davantage fondées sur le mérite et le travail que sur la filiation et la rente. Cette croyance et cet espoir jouent un rôle tout à fait central dans la société moderne. Pour une raison simple : en démocratie, l’égalité proclamée des droits du citoyen contraste singulièrement avec l’inégalité bien réelle des conditions de vie, et pour sortir de cette contradiction il est vital de faire en sorte que les inégalités sociales découlent de principes rationnels et universels, et non de contingences arbitraires. »
Voilà bien un des défis actuels français : défendre une culture de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Comment arriver à ne pas retomber dans une forme d’inégalité héritée ? A sa façon, le livre de Piketty apporte des éléments montrant qu’en France, pour reprendre une expression populaire, « c’est pas gagné ! ».
 La force des placements des plus grandes fortunes
Dernier volet de cette promenade au pays des inégalités guidé par Thomas Piketty, celui qui a trait aux plus grandes fortunes.


Premier mode d’analyse proposé, celui qui part du classement du magazine Forbes. Selon ce magazine, la part détenu par les milliardaires en dollar est passée de 0,4% du patrimoine privé mondial en 1987 à 1,5 % en 2013.
Autre façon proposée par Piketty : examiner l’évolution du patrimoine détenu par un pourcentage fixe de la population mondiale, par exemple le un vingt millionième le plus riche ou le un cent millionième. Dans le premier cas, le patrimoine moyen est passé de 1,5 Milliards $ en 1987 à 15 en 2013, soit une progression moyenne annuelle de 6,4% au-dessus de l’inflation. Dans le deuxième cas, le patrimoine moyen est passé de 3 à près 35 Milliards $, soit 6,8% au-dessus de l’inflation. Soit dans les deux cas, nettement plus que la progression annuelle du patrimoine moyen qui n’a été que 2,1%, ou encore le revenu mondial qui a été 1,4%.
Selon ses calculs, il y aurait donc bien une concentration croissante du capital : plus on est riche, plus son capital s’accroît rapidement.


Pour appuyer son étude, Thomas Piketty analyse alors les performances relatives des dotations en capital des universités américaines. C’est en effet une source homogène, avec un accès à toutes leurs performances, et de taille très variée (le capital géré par les plus grandes dépasse les 10 Milliards $ et s’apparentent donc aux plus grandes fortunes, alors que celui des plus petites est en dizaines de millions).
Première conclusion : elles ont toutes globalement surperformées, puisque le rendement moyen obtenu a été de 8,2% par an entre 1980 et 2010.
Deuxième conclusion : la performance s’accroît avec la taille puisqu’elle passe de 6,2 % pour les plus petites à 10,2% pour, Harvard (30 Milliards $ de capital géré), Yale (20 Milliards $) et Princeton (plus de 15 Milliards $), et cette croissance est systématique.
Un écart de 1% peut sembler modeste, mais comme il est renouvelé chaque année, il conduit à un écart de 22% en 20 ans, et 64% en 50 ans. L’écart annuel de 4% entre les deux extrêmes revient à multiplier par plus de 2 en 20 ans, et plus de 7 en 50 ans.
D’où vient cette divergence croissante ? D’abord, de l’effet de taille qui permet d’une part de mieux amortir les frais de gestion ;
Mais surtout selon Piketty, les très grandes fortunes bénéficient des meilleurs conseils et accèdent aux meilleurs placements. Ainsi plus le capital géré par l’Université est important, plus sa stratégie de placement est diversifiée, et plus elle a accès à des placements à très haut rendement tels que les actions non cotées (private equity), fonds spéculatifs (hedge funds), produits dérivés… : « On constate qu’ils (les placements alternatifs) représentent à peine plus de 10 % des portefeuilles pour les dotations inférieures à 50 millions d’euros, puis atteignent rapidement 25 % entre 50 et 100 millions d’euros, 35 % entre 100 et 500 millions d’euros, 45 % entre 500 millions et 1 milliard, pour finalement culminer à plus de 60 % des portefeuilles pour les dotations supérieures à 1 milliard d’euros. »
Tel est pour Piketty un des risques majeurs : voir les plus grandes fortunes progresser quasiment inexorablement à cause de cet accès réservé aux meilleurs produits financiers.
« Si l’on ajoute à cela l’inégalité du rendement du capital suivant la taille du capital initial, que la complexité croissante des marchés financiers globalisés peut avoir tendance à renforcer, on voit que tous les ingrédients sont réunis pour que la part détenue par le centile et le millime supérieurs de la hiérarchie mondiale des patrimoines dans le capital de la planète atteigne des niveaux inconnus. Il est certes difficile de dire à quel rythme se fera cette divergence.  »
Dernière remarque tirée de son livre avant de conclure : la somme des actifs nets détenus par les ménages européens représentent 70 000 milliards €, soit plus de 20 fois la somme de tous les fonds souverains chinois et des réserves de la Banque de Chine. Donc pas d’inquiétude à avoir : nous ne sommes pas prêts d’être détenus par la Chine. Donc selon lui, le seul vrai risque est bien la divergence oligarchique