29 mai 2015

FRANCHIR DES PORTES POUR SE VOIR DU DEHORS

Des portes…
Voyager, c’est franchir sans cesse des portes… ou essayer.
Les portes délimitent et dessinent des espaces. Elles sont les trous des peaux de mondes successifs.
Fermées, elles interdisent l’accès, et cachent ce qui restera inconnu. Le mystère restera entier. Qu’y a-t-il derrière ? Occasion de découvertes futures.
Fermées, elles laissent place à l’imagination. Faut-il voir pour savoir ? Pourquoi ne pas laisser mon esprit voguer, et construire ce que je ne vois pas et ne connais pas…

Entrouvertes, elles appellent mes pas et me poussent à me glisser le long d’elles. Avancer vite de peur qu’elles ne se referment.
Souvent en Chine, elles sont garnies de petits plots. Sont-ce des pitons pour pouvoir ralentir cette glissade ? Dois-je m’encorder et freiner mon avancée ? 
Va-t-elle pivoter dès que je l’aurai franchie ? L’appel qu’elle émet vers moi est le chant des sirènes. Le jardin qui se dessine après elle sera ma prison…

D’autres, ne sont que trou. Pas de porte, pas de charnières. Aucun risque de me voir interdit le chemin de retour.
Entre porte et fenêtre, elles laissent à voir ce dehors qui peut devenir dedans à tout moment. Jeu de passe-passe. Le monde s’inverse à chaque franchissement.
Dès que je serai de l’autre côté, je sais que je me retournerai pour découvrir sous un angle nouveau, là où je suis.

Tel est le jeu du voyage. Franchir des portes pour regarder du dehors le pays qui est le mien, et ainsi le redécouvrir…

26 mai 2015

CONNEXION GLOBALE ET ACCÉLÉRATION DE L'INCERTITUDE

Soumis à toutes les incertitudes !
Pourquoi notre Neuromonde, c’est-à-dire un monde connecté et où "nous nous touchons" tous, génère-t-il une accélération de l'incertitude.

22 mai 2015

DANS LE FLOU DES APPARENCES ET DU SOUVENIR

Noël à Pékin (2004)
L’année 2004 se termine, et Pékin est doublement nappé de blanc : l’opacité moite de la brume répond à la neige qui tapisse tout.
La Cité Interdite ne l’est plus guère, devenue carrefour où les Chinois en mal de souvenirs s’y télescopent. 
Depuis la colline voisine, elle est une immensité figée. Les frontières entre ciel et sol, entre constructions et nuages s’estompent.
Face à la porte principale de cette Cité largement ouverte, vu de loin, le portrait de Mao sous lequel chacun doit passer, n’est plus qu'une vignette. 
Est-ce qu’avec l'érosion de temps, la Chine finira par s’éloigner de son dernier empereur ? Les statues de Staline ont, elles, été depuis longtemps déboulonnées.
Noyées dans l’immensité de la place Tiananmen, les silhouettes sont dérisoires, miroir de la petitesse des individus pris dans la masse des foules chinoises. 
Chacun marche en ignorant son voisin, et ce qui l’entoure…
Fin de nuit dans un cabaret. Le froid et la nuit ont disparu pour faire place à la chaleur des lumières.
La neige extérieure s’est fait perruque, et les apparences restent masquées, incertaines et trompeuses.
Jeu des apparences et des dissemblances, contraste dans cette Chine qui retrouve ce qu'elle a toujours été.
La bouche se tend vers cette bière – une Tsingtao bien sûr ! –, mais n’est-ce pas pour peut-être nous tromper ? 

20 mai 2015

LES ENCHEVÊTREMENTS QUI TISSENT NOTRE MONDE

L’entreprise au cœur de l’incertitude et des émergences
En marchant dans les rues de Paris ou de toute autre grande ville du monde, je suis frappé par la complexité sous-jacente qui permet à notre société de fonctionner : un enchevêtrement d’entreprises est nécessaire à son existence, et la production cahin-caha, au moins jusqu’à ces dernières années, de la croissance. C’est une toile finement tissée faite de sous-traitants et donneurs d’ordre, fournisseurs et clients, partenaires et compétiteurs, qui font que tout un chacun trouve les produits qu’il cherche. Regardez autour de vous et essayez donc de compter le nombre d’entreprises qui ont dû intervenir pour faire exister ce qui vous entoure et vous le rendre accessible : une voiture, un immeuble, un téléphone, un yaourt, un légume… Impossibles identification et comptage.
Il y a quelques siècles, c’était simple : nos villes étaient nées des mains de ceux qui les habitaient, et personne n’était bien éloigné de l’origine de ce qu’il trouvait dans son assiette, de l’objet qu’il saisissait ou du mur qui l’entourait. Encore à la fin du dix-neuvième siècle, il n’était pas difficile de démêler les enchevêtrements qui étaient sous-jacents à notre existence personnelle : les biens industriels étaient rares, et souvent complètement conçus et construits en un lieu unique ; l’industrie agro-alimentaire n’existait pas, ou presque ; les produits agricoles, sauf des exceptions comme le café ou le poivre, voyageaient peu. (…)
Parallèlement à l’élaboration progressive de ce tissu économique fait de codépendances et de coproductions, la notion même d’entreprise s’est compliquée au fur et à mesure de l’accroissement de leurs tailles et de l’apparition d’expertises internes : nées initialement autour d’un leader ou d’une équipe, à partir d’une idée ou d’un premier client, sur un territoire donné, à l’instar d’un corps vivant qui se démultiplie, elles sont parties à la conquête de nouveaux territoires, articulant petit à petit chaque jour davantage de ressources techniques, financières et humaines, internes comme externes, associant fournisseurs, autorités publiques et clients.
Leurs intérieurs sont devenus habités par une multitude de matriochkas qui se chevauchent et s’emboîtent, constituant autant d’unités d’appartenance : des équipes dans des ateliers, dans des usines, dans des filiales, dans des divisions ; des organisations marketing, à côté des structures industrielles, de recherche, financières,… ; des syndicats, des comités d’établissement, des comités d’entreprises, des comités de groupe ; des clubs sportifs, des réseaux d’anciens de la même école…

(extrait des Radeaux de feu)

18 mai 2015

LE LOINTAIN EST DEVENU NOTRE PROCHAIN

Vers la connexion globale
Il y a dix ou vingt ans, nous n’étions, chacun de nous, soumis qu’à l’incertitude de ce qui était autour de nous, à portée de notre vue et notre toucher. Nous savions que nous pouvions subir le décès imprévu d’un de nos proches, que le ticket de loterie que nous venions d’acheter pouvait être gagnant ou pas, qu’un client pouvait nous faire défaut, qu’une machine pouvait brutalement se casser, qu’il était imprudent d’affirmer qu’il ferait beau demain, etc.
Par contre, ce qui se passait dans le lointain, dans une autre ville, un autre pays, un autre continent, cela ne nous concernait pas. Nous pouvions regarder serein les informations, sans nous sentir impliqués, car cela n’avait pas de conséquences directes sur notre vie quotidienne, sur notre famille, sur notre emploi, sur notre entreprise, sur notre pays. Et si jamais des conséquences étaient possibles, puisque la vitesse de propagation des effets était suffisamment lente, nous avions le temps de mettre en place les actions correctives nécessaires.
Aussi, ce qui était lointain n’était pas incertain pour nous : il était prévisible, parce que distant. Le monde était partitionné, cloisonné, et nous en avions l’habitude. Nous étions protégés des incertitudes des autres. Certes le champ géographique de propagation des incertitudes s’était étendu au rythme du développement de l’énergie et des transports, mais jusqu’à ces dernières années, la vitesse de propagation restait limitée.
Trois phénomènes majeurs ont changé la donne :
- La croissance de la population humaine s’est brutalement accélérée : en moins de quarante ans, nous venons de passer de quatre milliards d’hommes à sept milliards, alors que nous n’étions qu’un milliard, il y a deux cents ans, et deux cent cinquante millions, il y a mille ans. Demain, en 2050, nous serons probablement neuf milliards. Nous sommes de plus en plus voisins, les uns des autres.

- L’impact de chacun de nous est démultiplié par tous les outils mis à notre disposition : avant, nos outils ne prolongeaient nos bras que de la longueur d’un morceau de bois – un marteau, une pelle, une pioche… Maintenant (…) nous sommes pris dans les mailles de l’effet de nos propres actes, et de ceux des autres : il y a de plus en plus une interaction dynamique entre l’objet sur lequel nous agissons et nous-mêmes. (…)
- Avec le déferlement des technologies de l’information, la partition du monde a volé en éclat : grâce à l’informatique, aux télécommunications et à l’internet tout se propage instantanément, et nous sommes directement et immédiatement exposés à toutes les incertitudes. S’appuyant sur ces réseaux, les entreprises ont globalisé leurs modalités d’actions, et bon nombre de produits sont le résultat d’un processus de fabrication faisant intervenir plusieurs pays, et souvent plusieurs continents.
(extrait des Radeaux de feu)

15 mai 2015

À HAMPI, ON DÉTRUIT LE PRÉSENT ET LA VIE POUR RETROUVER LE PASSÉ

 Effondrement
Sous les coups répétés des bulldozers, les murs s’effondraient. De nouvelles perspectives se dégageaient, des colonnades anciennes réapparaissaient, le vieux bazar renaissait de la destruction du nouveau. Hampi remontait le temps. On enlevait méthodiquement les peaux successivement accumulées pendant plus de cinq siècles. Comme un oignon, on le pelait. A la différence essentielle, que les peaux desséchées étaient à l’intérieur, et que c’était la vie qui était retirée. Petit à petit, la mort apparaissait. Les briques tombaient, les fresques étaient arrachées, le sang refluait. In fine, ressurgissait l’ossature du bazar depuis longtemps disparue : des colonnes brutes, des dalles à vif, des bouts de sculptures. Le travail de dizaines de générations était ôté sans considération.
Année après année, décennie après décennie, siècle après siècle, la sueur des commerçants avait fait vivre le village et le marché. Certes, on était loin de la splendeur des années quinze-cents, pourtant ils s’étaient tenus droit : contre toutes les adversités, malgré l’effondrement de leur royaume, ils avaient fait front et vécu debout. Avec honneur et détermination, tout au long des années, Hampi avait fait de la résistance : le bazar en était resté un. Chaque matin, il riait des cris des marchands, il hurlait des enfants tentant d’arrêter les chalands, il vibrait de discussions infinies. Tel coin était connu pour ses épices, tel autre pour ses tissus. Les étalages de légumes et fruits rivalisaient entre eux. Les yeux ne savaient pas sur quoi se poser.
C’était cette histoire et cette lutte qui se trouvaient balayées d’un revers de bulldozer. Chacune des maisons détruites était imprégnée d’une sueur légitime, aujourd’hui bafouée et méprisée. Chaque mur abattu était un membre arraché. Chaque portique retrouvé l’était au prix du sang et du meurtre.
Demain que verrait-on ? Une galerie froide et esthétique mimant un passé révolu. Des allées redevenues anciennes, et à ce titre perçues authentiques, réservées à des touristes en mal de photographies. Une beauté théorique, probablement sublime, mais glaciale comme les couloirs d’un musée.
Les habitants regardaient, figés, leur vie disparaître. Pour eux, ce n’était pas leur passé que l’on retrouvait, c’était leur présent et leurs racines que l’on détruisait. Ils n’avaient cure de voir revenir les fantômes d’ancêtres trop lointains pour être aimés et connus. Non, le retour au bazar des origines ne signifiait rien pour eux, à part souffrance et douleur.
Le bulldozer voisin réussit à ébranler le toit, qui s’affaissa dans un nuage de poussières. Sur le côté, des Indiens s’affairaient à récupérer ce qui pouvait l’être : les uns empilaient dans une remorque, des briques ; d’autres s’étaient spécialisés dans le tri des pierres ; plus loin, on en voyait qui finissaient de détruire à la masse des armatures en béton pour en extraire les ferrures.
Le soleil baissait à l’horizon, donnant à la scène des allures de fin du monde. Tels les rats d’un festin abandonné, ils cherchaient à en extirper un morceau suffisant pour survivre, ne serait-ce qu’un moment de plus. Sauf qu’il ne s’agissait pas de rats, mais d’hommes, et que de festin, il n’en avait jamais été question, juste de la démolition de leurs vies et de leurs modestes richesses.
(Ces photos ont été prises à Hampi en août 2012)

13 mai 2015

PRIS DANS LES MAILLES DE NOS INTERDÉPENDANCES

Notre monde : le Neuromonde
Au printemps 2010, une nouvelle défraya la chronique et fit la une de tous les journaux : un volcan au nom quasiment imprononçable – du moins pour ceux qui n’étaient pas islandais –, l'Eyjafjöll était entré en éruption. Était-ce à cause du nombre de morts qu’il avait provoqué ? Non, rien de tel. Juste des coulées de lave dans une zone quasiment désertique. Était-ce parce que cette éruption présentait des caractéristiques exceptionnelles ? Non plus, juste une éruption volcanique banale dans son déroulement.
Simplement ensuite un enchaînement malheureux et lourd de conséquences : un peu de fonte des glaces, quelques gaz volcaniques, et beaucoup de cendres expédiées dans les cieux. Là, ces dernières, poussées par des vents malicieux, deviennent un nuage qui dérive vers l’Europe continentale et se met juste sur le chemin des vols aériens internationaux. Résultat : une congestion massive du transport aérien au cœur du commerce mondial. Nous avons frisé l’embolie économique à cause de ce caillot volcanique.
Cet accident est dans son déroulement un bel exemple de l’aspect devenu réticulaire de notre monde : nous sommes pris dans nos interdépendances collectives. Le moindre phénomène peut avoir des répercussions d’un bout à l’autre de la planète. Un peu comme si nous étions pris dans une immense toile d’araignée : une vibration sur l’une des parties de la toile se propage de partout.
Interdépendance, toile, connexions. Jamais le collectif n’avait atteint cette dimension. Cette propagation peut être physique comme dans le cas du nuage de cendres islandais, mais le plus souvent, elle est informationnelle. Alors, la transmission est instantanée, car elle s’effectue à la vitesse de la lumière.
À croire que la planète est dotée d’un réseau de neurones qui soudent tous les pays. Finalement, l’image qui me vient est celle d’un Neuromonde, c’est-à-dire d’un monde parcouru constamment par des impulsions se propageant sans cesse dans ce réseau.
À côté de celui-ci, les fourmilières ne représentent rien : quelle est la puissance de trois cents millions de fourmis occupant leur super-colonie à Hokkaido au Japon, face aux milliards d’hommes en train d’être connectés ?
Au cœur de l’explosion de ces réseaux, les entreprises. À la fois moteurs de cette évolution et portées par elles, elles sont en pleine mutation : nées au temps où le monde était partitionné, où, au-delà d’une certaine taille, les coûts de pilotage et de gestion administrative étaient supérieurs aux gains, elles deviennent globales, et sont parcourues par les courants du Neuromonde. D’une certaine façon, elles en constituent l’ossature.
Avec cette intrication entre Neuromonde et méga-entreprises, les mailles des émergences, des matriochkas et de l’accroissement de l’incertitude se tricotent de plus en plus vite, de plus en plus finement, et nos radeaux de feu deviennent d’immenses vaisseaux numériques …
(extrait des Radeaux de feu)

11 mai 2015

LE MANAGEMENT EST UNE AFFAIRE DE JEUX DE MOTS

Vidéo « Les Radeaux de feu »
Nous pensons au travers de nos langages. Aussi les mots ne sont-ils pas seulement un enjeu pour la communication.

7 mai 2015

RUPTURE

Nouveau départ
Je ne sais que te dire, 
Ni par quoi commencer.
À quoi bon,
Au moment de partir,
T’assener un pourquoi ?
Le temps a glissé, 
La vie nous a écartés,
L’eau a coulé et nous a fissurés.
Je te regarde et ne te connais plus,
Tu me regardes et ne me comprends plus.
Ni larme, ni tension, 
Juste l’amertume d’un possible achevé.
Demain, tu ne seras plus là.
Demain, je ne serai plus là.
Le temps va glisser, 
Un peu plus.
La vie va éloigner,
Un peu plus,
Nous qui n’étions plus unis,
Et rapprocher d’autres qui s’ignorent encore.
Ainsi va la vie…

5 mai 2015

RÊVERIES…

Rencontres indiennes
Voilà ce que voyaient les femmes prisonnières du harem du palais de Amber. 
Cachées derrière la dentelle de pierre, elles ne pouvaient apercevoir que de loin l’effervescence de la cour.
La vie y devenait tableau, mise à distance, théorique et fictive. 
Deux mondes parallèles que des escaliers rejoignaient.
Aujourd’hui, Amber a dû abandonner ses prérogatives, et n’est plus qu’un musée que l’on visite. 
Aujourd’hui, tout un chacun peut passer de l’un à l’autre impunément. 
Nul besoin de se draper en femme pour y déambuler, ni d’être un prince.
Au loin, à une dizaine de kilomètres, bruisse la ville de Jaipur. 
Mais ici, rien de tel. Juste le calme, le passé perdu, et la rêverie…