2 févr. 2009

POUR SORTIR DE LA CRISE, NOUS N'AVONS PAS BESOIN DE ZORROS - QUELS QU'ILS SOIENT -, BIEN AU CONTRAIRE !

J’entends de plus en plus se développer un discours dominant : la sortie de la crise va dépendre de la qualité de nos dirigeants et de la capacité de quelques uns à reprendre les manettes en main.
Ce discours est vrai en politique. Pour preuve, le niveau des attentes liées à l’arrivée de Barack Obama comme nouveau Président des États-Unis. Ou encore l’exacerbation des réactions vis-à-vis de Nicolas Sarkozy : il est tour à tour le démon ou le sauveur suivant le bord politique de l’observateur.
Ce discours est vrai dans les entreprises. L’hyper-crise actuelle provoque le plus souvent une recentralisation des décisions et un renforcement du pouvoir des PDG et de leurs équipes rapprochées. Ceci est encouragé par bon nombre de cabinets de conseil qui prônent ceci comme un levier nécessaire.
Cette raréfaction de la sphère dirigeante s’accompagne d’une diminution du nombre des experts reconnus et patentés. On assiste maintenant à un ballet bien huilé de quelques « spécialistes » – en économie, culture, politique, philosophie, … – Les plus « performants » deviennent même des « multicartes de l’expertise » capables d’apporter le bon éclairage sur à peu près tout thème ou tout sujet. Ils deviennent, en quelque sorte, le conseil d’administration de la holding de l’expertise.
Or je voudrais faire deux observations simples :
1. Nous avons vu, ces dernières années, monter en puissance la sphère financière, sphère que j’appelais dans mon livre Neuromanagement, la Neurofinance : « Le système financier, dopé par sa connectivité globale et tous les systèmes experts qui s’y rajoutent, prend une importance chaque jour croissante et capte de plus en plus de revenus à son profit… Ainsi, sans contre-pouvoir face à lui, à force de renforcer sa puissance, à force d’élargir son étendue, à force de complexifier sa structure, le système financier risque de dériver du réel, c’est-à-dire de se décarreler de la production effective de richesse. ». La crise financière actuelle est largement due à cet excès de pouvoir de quelques personnes. Comme toujours, le pouvoir absolu corrompt…absolument.
Comment, dès lors, ne pas voir comme le renforcement du pouvoir de quelques personnes – quelles que soient leurs qualités – est dangereux et inquiétant ?

2. L’accroissement de la population mondiale, la gestion des impacts sur les équilibres écologiques, le développement rapide de toutes les connexions entre individus et organisations – connexions physiques par les transports, immatérielles par Internet -, et la sophistication croissante du fonctionnement de nos sociétés – multiplication des associations, spécialisation des entreprises, … – viennent accroître de façon exponentielle la complexité du fonctionnement de nos systèmes. Il est de moins en moins possible à un petit nombre d’individus d’intégrer cette complexité et de trouver le bon chemin. Prévoir, anticiper devient de plus en plus une gageure (cliquer pour voir ma série d’articles sur ce thème).
Comment imaginer que la solution va venir d’un renforcement de la centralisation, c’est-à-dire par une diminution de la capacité auto-adaptative ?

Ainsi, je suis convaincu que, plus nous allons confier la sortie de la crise à un club restreint de dirigeants politiques et économiques, s’appuyant sur une poignée de gurus, plus nous allons en amplifier la profondeur. Et ceci n’est pas dû à la compétence de ces « élus ». Non, ce n’est pas simplement pas la bonne approche : la crise est précisément venue d‘un excès de concentration.

Nous ferions mieux de nous inspirer du mode de fonctionnement des organismes vivants et du moteur de l’évolution : il repose sur un principe d’auto-organisation (voir notamment les travaux d’Henri Atlan ou Francisco Varela). La forme, le sens, la direction ne sont pas « pensés » ou « décidés » a priori, mais sont la résultante des actes et des interactions entre des agents multiples et codépendants : ils « émergent »…

Ainsi que l’écrit Francisco Varela dans L’inscription corporelle : « Le système entier ressemble à un patchwork de sous-réseaux assemblés par un processus complexe de bricolage bien plus qu'un système résultant d'une conception unifiée, claire, nette et précise... Les esprits consistent en un grand nombre « d'agents » dont les aptitudes sont fortement circonscrites : chaque agent pris individuellement n’opère que dans un micromonde de problèmes de petite échelle ou problèmes « jouet »... Ce faisant, l’esprit émerge comme une sorte de « société ». »

Vaste programme à appliquer pour repenser nos modes de management de nos entreprises, nos sociétés, et, par là, notre monde…

En liaison avec cet article, lire mes articles sur :
- Comment distinguer les faits et les opinions
- Pourquoi prévoir est un art paradoxal et "impossible"



2 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi j'ai l'impression qu'on entre seulement dans la crise !

Robert Branche a dit…

Effectivement tout ne fait que commencer : mais c'est la logique des "zorros" qui l'a amené... Et ce ne sont pas avec des zorros que l'on en sortira. Voir mon dernier article "Arrêtons de faire un déni de grossesse...) :http://robertbranche.blogspot.com/2009/02/arretons-de-faire-un-deni-de-grossesse.html