Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 10)
Tout avait été réglé entre Johnny et moi. Nos affaires prospéraient et celles de Jojo et Paulo
aussi. Le grand cartel fonctionnait à merveille.
C'est Damien qu'il la rencontra le premier. Il était parti pour une livraison tout au Nord, tout au bout du monde. Au-delà du bout du monde, il ne pouvait pas y avoir quoique ce soit. Ce bout du monde, c'était la ligne de montagnes, là où le soleil se cachait tous les soirs pour dormir. Chaque matin, un nouveau soleil sortait à l'autre bout du monde, celui qui était limité par l'eau. Personne n'y avait jamais rien compris, même pas le Devin ou le Magicien. Mais il y avait plein de choses que l'on ne comprenait pas.
Alors…
Donc à l'issue d'une tournée tout au Nord, Damien vit l'invraisemblable, l'impossible : une femme arrivant du Nord, c'est-à-dire venant d'au-delà du bout du monde. Elle ressemblait aux femmes de chez nous. Un peu plus grande peut-être, plus sure d'elle-même certainement, fatiguée enfin par le voyage, mais apparemment normale. Une femme quoi ! Et qui venait d'ailleurs. Et qui n'était pas seule : elle était à la tête d'un groupe composé de 5 hommes.
La surprise de Damien ne s'arrêta pas là : la femme et les cinq hommes étaient assis sur des planchers en bois reposant sur des arbres dotés de roues – jusque là rien du classique – mais tiré par d'étranges animaux. Ils étaient beaucoup plus petits que les mammouths, mais semblaient plus rapides et surtout beaucoup plus agiles. Ils arrivaient à avancer sur le chemin, là où un mammouth n'aurait jamais pu passer.
Elle le regarda avec un sourire, ne semblant pas, elle, surprise de la rencontre.
« Mignon, ce petit, dit-elle en se retournant vers ses compagnons. J'en ferai bien mon quatre heures ! »
Tout le groupe éclata de rire.
N'ayant absolument pas l'intention de savoir de quel « quatre heures » , elle parlait, Damien prit ses jambes à son cou, ou, plus exactement, sauta sur son plancher à roues, donna une tape à son mammouth et s'enfuit sans demander son reste.
Deux jours plus tard – un record toujours jamais égalé -, il arrivait à la caverne de son père Hector.
« J'ai vu une femme, hurla-t-il !
- Oui, moi aussi. Jeannette vient de passer me voir tout à l'heure.
- Non pas une femme comme cela. Une femme qui vient d'au-delà du bout du monde.
- Une femme d'au-delà du bout du monde ? Tu as eu un accident de mammouth en venant me voir, mon fils ? »
Alors que Damien allait répondre à son père, la femme arriva à son tour, toujours avec ses cinq compagnons.
Elle regarda Damien
« Alors, jeune homme, on a peur de moi, dit-elle en souriant ».
Puis se tournant vers son père :
« Bonjour, je m'appelle Jordana. Je représente le peuple de l'autre côté. Je viens ouvrir un comptoir commercial.
- Un comptoir commercial, bafouilla Hector qui encore sous le coup de la surprise omit de se présenter. Mais de quoi s'agit-il ?
- Je viens vous vendre des produits de chez nous et voir ce que nous pourrions acheter localement. »
En disant cela, elle montra à Hector tous les produits accumulés sur le plancher à roues.
C'est ainsi que nous apprîmes que le monde ne s'arrêtait pas à la ligne de montagnes et que des femmes pouvaient diriger des affaires.
Et subsidiairement, le marché local fut envahi de produits nouveaux et moins chers.
Le cartel local que Johnny, Jojo, Paulo et moi avions eu tant de mal à construire, voyait apparaître un concurrent venu de l'au-delà. Nos profits allaient en pâtir, mais les habitants des cavernes allaient voir leur pouvoir d'achat augmenter.
Le temps de la mondialisation avait commencé.
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