Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 6)
Johnny développe avec succès son offre roue-disque. Mais de nombreuses roues cassent, ou plutôt l'arbre qui les réunit. Comment tirer parti de ce problème ?
Pour aller en avant dans mon idée, j'avais besoin de deux choses : d'abord plus d'information sur le nombre d'arbres de roues qui cassaient ; il faudrait aussi rencontrer Paulo, le nouveau magicien, celui qui savait faire parler le futur encore mieux que Jojo, le Devin.
Pour le premier, c'était facile, Thomas allait s'en charger. Pour le deuxième, cela allait être plus compliqué, car je ne connaissais pas ce Paulo, et il ne fallait pas me mettre à dos le Devin.
Quelques jours plus tard, Thomas était de retour, les poches pleines de pierres plates, toutes striées en de multiples endroits.
« Alors, lui dis-je ?
- Attends, il faut d'abord que je sorte toutes mes pierres.
- Quoi ? Tu as besoin de pierres pour parler maintenant ?
- Pour parler, non. Mais pour prendre des notes et te dire précisément combien d'arbres ont cassé, oui.
- C'est quoi ce charabia ?
- Facile, regarde. C'est une nouvelle méthode mise au point par Paulo, le nouveau magicien.
- Celui que je vais aller voir dès que tu m'auras donné tous les éléments que j'attends ?
- Oui, lui-même. Le principe est super simple. A chaque trait vertical correspond un arbre qui a cassé ; à chaque trait horizontal, un arbre qui n'a pas cassé. Chaque pierre représente une zone de cavernes. Par contre, je ne sais plus quelle pierre correspond à quelle zone. Je n'ai pas fait de signe distinctif et maintenant, elles sont toutes mélangées.
- Pas grave. Je ne m'intéresse pas à la répartition des accidents, mais juste au nombre. C'est astucieux ce système de traits. Donne-moi toutes les pierres et je vais aller voir Paulo. »
J'ai toujours été du genre pressé. Une heure plus tard, j'étais devant la caverne de Paulo. A ma grande surprise, tous les murs étaient couverts de traits dans tous les sens. Au moment de mon arrivée, un grand homme barbu, certainement Paulo lui-même, était en train d'en rajouter quelques-uns de plus.
Mais que faisait-il ?
« Je calcule, si vous voulez savoir, dit-il en se tournant vers moi comme s'il avait deviné mon interrogation.
- Calculer ? Qu'est ce que cela veut dire ?
- Pas facile à expliquer. Disons que je sais jouer avec des traits qui représentent des nombres pour prévoir le futur. J'ai inventé un mot pour cela : je fais des prévisions mathématiques. Ce mot « mathématiques » ne veut rien dire, mais je trouve que cela sonne bien. Qu'est-ce qui amène le puissant roi des billes à venir s'intéresser au sort d'un modeste magicien ? Le Devin et ses notes de conjoncture ne vous suffisent-elles plus ?
- Si bien sûr, répondis-je, gêné par le caractère direct de son propos. Mais je fais face à une situation compliquée pour laquelle votre nouvelle approche m'a semblé plus appropriée.
- Ah oui ?
- Voilà. Vous avez certainement été au courant du développement des roues de Johnny. J'en vois d'ailleurs une le long de votre caverne. J'ai appris que régulièrement des arbres qui les soutiennent cassaient. Mon fils Thomas a, en suivant votre méthode, noté sur ces pierres combien de fois cela arrivait. J'aimerais à partir de ces informations vous me fassiez une prévision du nombre d'arbres qui devraient casser dans l'année qui vient, ainsi que du nombre de roues qui devraient être mises en circulation. Je paierai ce qu'il faut.
- Facile ! »
Il se mit alors à regarder toutes les pierres, puis se lança dans ce qu'il appelait un calcul, c'est–à-dire qu'il se mit à tracer de nouveaux traits dans tous les sens sur les murs de sa caverne. Au bout de dix minutes, il s'arrêta :
« Voilà le résultat. Le nombre de roues va progresser dans les 12 mois qui viennent au rythme de + 10% par mois, avec une incertitude de +/- 2,5 %. Le pourcentage d'accident est actuellement de 9,7%. Il va diminuer chaque mois de 5%, ce pendant 6 mois, puis se stabilisera. Content ?
Je le regardais, estomaqué par tant de prévision.
« Vous êtes sûr de ce que vous avancez, lui demandai-je ?
- Vous me prenez pour un charlatan, me répondit-il avec un regard courroucé.
- Non, bien sûr. Mais moi, je vais risquer mes billes à partir de ces nombres.
- Comment cela ?
- Je vais m'engager à garantir tout achat de roue sous réserve qu'il me soit réglé en billes et moyennant une prime qui couvrira mon risque. Je vais me servir de votre prévision pour calculer cette prime. C'est Thomas qui le fera. Comme la prime sera répartie sur plusieurs personnes, cela revient à créer une forme de solidarité entre tous les acheteurs de roue : ceux qui n'ont pas d'accident participeront au remboursement de ceux qui cassent… Une solidarité sur laquelle je prélèverais une petite commission. Il faut bien que je vive et que je paie vos prévisions. »
C'était mon idée.
« Vous ne manquez pas d'assurance, me dit Paulo.
- Mais vous venez de trouver un excellent nom pour mon idée : je vais l'appeler « l'assurance ». Et ainsi nous aurons face à l'offre intégrée de Johnny disque-roue, une offre intégrée bille-assurance. »
Une nouvelle bataille allait pouvoir commencer !
(à suivre)
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