Histoire de caverne (Saison 2 – Épisode 7)
Avec l'aide de Paulo, le nouveau magicien, j'ai pu « calculer » le nombre de roues qui allaient casser : je me suis lancé dans l'assurance
« Vraiment pas facile de lancer un nouveau concept, dis-je à mon fils Thomas. Personne n'a l'air de s'intéresser à mon offre d'assurance. A part bien sûr ceux qui conduisent comme des fous. Du coup, je ne récupère que les mauvais risques et le montant payé pour la prime est insuffisant. Si cela continue comme cela, nous courrons à la catastrophe. Il faudrait toucher plus largement tous les clients potentiels. Comment faire ?
- Il faudrait pouvoir leur expliquer ton idée et sans avoir besoin de tous les rencontrer.
- Oui, mais je ne vois pas comment. En plus le Devin est vexé comme un pou que j'ai pu faire appel à Paulo. Il se répand maintenant en disant que cette idée d'assurance est un leurre, que les billes, ce n'est plus aussi sûr, et que finalement, les disques avec les roues, c'est une affaire qui roule. Dans sa note de conjoncture de la semaine dernière, il a même été jusqu'à prévoir une baisse de la valeur des billes face aux disques. Tout va bien quoi.
- Heureusement que sa note de conjoncture est uniquement gravée sur la falaise en pierre en face de sa caverne. Finalement, il n'y a pas tant de monde qu'il la lit.
- Oui, imagine qu'elle soit gravée à un endroit où tout le monde passe se serait une catastrophe. »
L'œil de Thomas s'alluma alors brutalement. Il se leva et dit presque en criant :
« Mais voilà la solution ! Tout d'abord nous achetons un peu partout des murs en pierre – de préférence des pierres tendres faciles à graver –et couvrant toutes les zones de cavernes. Ensuite nous embauchons une équipe de graveurs. Ce sera facile : il y a plein de jeunes qui sont tellement fous de cette mode de l'écriture qu'ils ne savent plus chasser. Enfin chaque semaine, nous gravons partout les dernières informations sur ce qui vient de se passer.
- Oui, mais cela suppose que nous sachions ce qui vient de se passer.
- Certes, mais nous pourrons demander à notre équipe de graveurs de se renseigner aussi sur ce qui se passe. Et puis, personne ne sait réellement ce qui se passe. Donc on doit pouvoir inventer un peu sans grand risque. Et dans tout cela, on pourra faire passer nos idées. Écrire que Paulo se trompe moins souvent que le Devin. Que les arbres de roue cassent plus souvent qu'on ne le dit. Raconter comment la famille X a tout perdu suite à une rupture d'arbre de roue. Parler de notre assurance…
- Pas bête du tout. Et tu crois que cela va intéresser les gens ? Tu crois vraiment qu'ils vont venir lire tout cela ?
- Je n'en suis pas sûr, mais, oui, je crois. De toute façon, nous n'allons pas rester les bras croisés à regarder notre perte arriver, non, Papa ?
- Tu as raison, nous n'avons pas grand-chose à perdre. Ce serait bien de trouver un nom à ces murs gravés. Cela aide toujours au succès d'une idée, un bon nom.
- Pas d'idée.
- Pas grave, démarrons comme cela. »
Après examen, le projet était plus compliqué à mettre en œuvre que prévu : les cavernes couvraient maintenant une zone de plus en plus étendue, et il fallait bien compter cinq jours de marche du Nord au Sud et sept en largeur pour toutes les atteindre. Résultat, si l'on voulait une couverture suffisante, il nous fallait environ une cinquantaine de murs. Allait ensuite se poser le problème de l'équipe de graveurs et du temps pour graver chaque mise à jour. Si on établissait bien le centre des opérations au milieu des cavernes, il allait falloir environ trois à quatre jours pour atteindre les zones les plus éloignées. Soit une semaine pour aller et revenir.
Si l'on tenait compte du temps pour graver le nouveau journal, plus celle de recueillir des informations pour construire l'édition suivante et enfin le temps de concevoir la nouvelle édition, il était impossible de prévoir plus de deux éditions par mois. Afin de garder de la sécurité et de pouvoir améliorer dans un deuxième temps, nous avons décidé de ne lancer qu'une édition par mois.
Six mois après avoir trouvé l'idée, tout était en place : nous avions acheté les 50 emplacements, nous avions une équipe de 15 graveurs, nous avions rédigé la première édition. Elle avait un titre simple : « Encore un accident d'arbre de roue ! Le petit Arthur échappe de peu à la mort. Cela ne peut plus durer ! »
Une semaine plus tard, notre nouveau concept d'assurance décollait.
La deuxième édition titrait : « Sauvé par une assurance, la famille Magnon évite la faillite. »
Le concept explosa. Ce fut la ruée. Tout le monde en voulait.
La troisième édition titra : « Une nouvelle façon de penser au futur : Paulo nous explique comment calculer. »
Le Devin vint alors me trouver.
« Tu sais, je ne t'en veux pas pour avoir fait appel à Paulo. Je comprends, à ta place, j'aurais fait pareil. Je te propose que nous fassions la paix. Au fait, est-ce que, dans la prochaine édition de ton journal, tu ne pourrais pas dire deux mots au sujet de ma nouvelle approche de la prédiction : j'ai inventé une nouvelle approche de l'éviscération des poulets et la lecture dans la fumée par grand vent.
- Mais bien sûr, le Devin.
- Allons, appelle-moi Jojo. Au fait, ton journal, pourquoi tu ne l’appellerais pas « Ici, la Caverne » ? »
J'exultais. Je gagnais à nouveau. Johnny allait devoir aussi passer par mes conditions…
(à suivre)
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