Jacques et Johnny, J&J, en avaient assez de la domination de mes billes. Johnny venait d'avoir une idée.
« Les disques, ce n'est pas simplement une monnaie concurrente des billes, dit Johnny. Voilà l'idée ! »
Jacques le regarda, interloqué. Mais qu'est-ce qu'il pouvait bien vouloir dire ? Toujours aussi incompréhensible ce Johnny !
Cela avait commencé alors qu'il n'avait que 5 ans. Jacques qui connaissait bien ses parents les avait entendus mille fois raconter la première invention de Johnny.
Ce soir-là, la famille était tranquillement réunie dans sa caverne, - une confortable 3 pièces avec 2 chambres et un living-room -. Le père de Johnny était tailleur de silex, la troisième génération de tailleur, et avait une clientèle bien installée, donc la famille vivait dans l'aisance. Johnny n'avait jamais manqué de rien. Assis dans un coin, il écoutait son père raconter l'histoire du chasseur de mammouth.
« A ce moment, il se dressa, face à l'énorme bête, et poussa un cri terrible. Le mammouth, loin d'être effrayé, continua d'avancer, imperturbable. Il en avait vu d'autres et avait déjà embroché une bonne centaine de chasseurs. Alors ce n'était pas ce petit minus, coléreux et hystérique qui allait lui faire peur. Avec son petit bout de pierre dans la main, il se prenait pour qui !
- Mais pourquoi il ne met pas la pierre au bout d'un morceau de bois, s'exclama Johnny.
- Quoi ? Qu'est ce que tu dis ?
- Eh bien, pourquoi il ne prend pas un long morceau de bois sur lequel il attacherait le silex taillé ? Comme cela il pourrait blesser le mammouth sans s'approcher de lui. »
Un silence se fit dans la caverne.
« Mais d'où tu sors cette idée, dit son père ?
- De nulle part ! C'est juste du bon sens, non ? Comme nos bras sont courts et vulnérables, mieux vaut les prolonger avec des morceaux de bois. C'est d'ailleurs ce que je fais quand je joue avec mes copains.
- Peut-être, mais là on n'est pas en train de jouer avec tes copains. C'est du sérieux : une chasse au mammouth. Alors, merci de ne pas m'interrompre avec tes idioties, et laisse-moi reprendre mon histoire. »
Furieux, Johnny sortit en courant de la caverne, laissant le reste de la famille écouter l'histoire.
Trente minutes plus tard, il était de retour avec une pique en bois à laquelle il avait attaché un silex taillé emprunté au stock de son père.
« Et cela, c'est n'importe quoi, hurla-t-il ? Tu ne crois pas que ton chasseur aurait eu plus de chance face au mammouth s'il était en possession de ça ! »
Son père le regarda sans un mot. La première lance était née. Elle fit la fortune de la famille car son père lança un atelier de fabrication de lances. La carrière de Johnny l'inventeur venait de commencer.
Il ne s'arrêta pas là.
A 10 ans, il inventa le lit de sable : vous prenez un lit normal, c'est-à-dire une pierre à peu près plane, sur laquelle vous répandez une couche de sable fin venant du bord du lac, et vous obtenez une merveille de confort.
A 15 ans, le feu sans fin : vous démarrez normalement un feu avec de la paille, du bois et des silex. Puis vous versez dessus la pâte noire et nauséabonde que l'on trouve à côté de la source de fumée brulante. Et cela durera tant que vous aurez de la pâte noire.
A 20 ans, la peinture murale : vous prenez une caverne normale, un morceau de bois tiré d'un feu – avec ou sans pâte noire, cela n'a pas d'importance – et avec la partie noire du bois, vous faites de drôles de trucs sur les murs.
C'est alors qu'il quitta la caverne familiale pour se lancer directement dans les affaires. Il disparut alors pendant 3 ans. Nul ne sût où il était allé, ni ce qu'il avait fait. Mais à son retour, il avait avec lui des sacs de graines à cuire. Et la recette pour en fabriquer. Une méthode apparemment absurde et pourtant efficace : il suffisait de mettre quelques graines dans le sol et plein de nuits plus tard – un nombre tellement grand que personne n'avait jamais pu les compter -, une grande herbe sortait de terre et le nombre de graines était multiplié. Un miracle, quoi !
Il fit un malheur avec ses graines. Il m'en vendit d'ailleurs, ce qui me donna l'idée de lancer mes pierres (voir les épisodes 1 à 3 de la saison 1). Ensuite, il lança ses disques. Il n'avait que 25 ans.
« Oui, les disques ce n'est pas seulement de la monnaie : cela roule, continua Johnny. »
Évidemment que cela roule puisque ce sont des disques, pensa Jacques…
(à suivre)
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