Quand je me trouve dans des lieux comme des services administratifs ou des centres d'appel, je ne peux m'empêcher de penser au film de Charlie Chaplin, les Temps modernes.
Dans ce film, on voyait Charlot être prisonnier du rythme des machines qui l'entouraient et l'asservissaient : le développement de la mécanisation et la mise en place du travail à la chaîne grâce au taylorisme avaient abouti à cette déshumanisation du travail en usine. L'insertion de l'électronique et de l'informatique dans les machines couplée avec la formation et l'enrichissement des tâches, ont permis progressivement de donner de la souplesse et de supprimer ces chaînes asservissantes. Plus personne ne pense aux Temps modernes qu'il regarde une usine actuelle : l'homme a été remis au cœur du processus de production.
L'arrivée des technologies de l'information dans les bureaux est un peu de même nature que la mécanisation initiale dans les usines : on a taylorisé le travail administratif, la machine – ici le système d'information – étant au cœur et les hommes à son service. L'exemple le plus criant est celui des centres d'appel : le système choisit vers qui envoyer l'appel, le système propose en temps réel un script que l'agent doit suivre dans sa discussion avec l'appelant, le système surveille tous les paramètres et établit automatiquement rapport et alertes…
Dans les Temps modernes, c'était le corps de Charlot qui était mis à mal : soumis au rythme inexorable des machines, il pouvait penser à autre chose, car le système ne lui demandait pas de penser – surtout pas ! –, mais juste de suivre mécaniquement ce que lui imposait la machine. Dans les bureaux d'aujourd'hui, on ne peut plus penser à autre chose, car c'est l'activité cérébrale qui est prise dans l'étau de cette taylorisation intellectuelle.
Dans les usines du siècle dernier, c'étaient les corps qui avaient des accidents. Dans les bureaux d'aujourd'hui, ce sont les cerveaux qui en ont de plus en plus. Tout témoigne de cette dégradation.
« Heureusement », cette mécanisation administrative montre ses limites, même par rapport à son objectif initial : plus elle se développe, plus la relation client devient mécanique et de moindre qualité. Les derniers développements des technologies de l'information permettent aussi de remettre les hommes au cœur du système, pour peu qu'on le veuille vraiment.
Il y a urgence…
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