1 mars 2010

LA VIE N’APPORTE JAMAIS CE QUE L’ON CHERCHE

Télescopage entre Tetro et le Prophète ou quand Coppola répond à Audiard…


Deux jeunes hommes, sortis depuis peu du monde de l'adolescence, poussent une porte qui fera que leur vie ne sera plus jamais la même.

L'un la pousse volontairement : Bennie, échappé du domicile paternel, tout habillé du blanc de son uniforme de marin, pénétrant dans l'appartement de son frère. Ce frère, nettement plus âgé que lui, l'a abandonné brutalement, sans un mot, sans une explication, le laissant désemparé. Il le retrouve ici à Buenos Aires, au milieu des jeux du théâtre et de la musique. Est là aussi celle qui a recueilli son frère et peu à peu aider à se reconstruire.

L'autre la pousse involontairement : Malik, condamné à six ans de prison, habillé d'un jogging gris, propulsé dans un univers qu'il n'a pas choisi et qui lui est étranger. Muré dans son incapacité à lire ou écrire, il n'est que le jouet des événements et la victime de ceux qui, tout puissants, règnent. Il n'a d'autre choix que de se plier à cette loi, et de devenir une sorte de bonne du chef de clan corse.

Petit à petit, Bennie va se rapprocher de ce frère qui cherche à le garder à distance. Il était venu pour fuir son père et retrouver son frère. Entremêlé dans les fils de son passé, prisonnier d'une histoire qui est bien la sienne, mais à laquelle il ne peut rien, le voilà qui finira par trouver ce qu'il n'aurait jamais pouvoir imaginer trouver. Celui qui était son père au début en sera pour une deuxième mort…

Petit à petit, Malik va faire son chemin, décryptant instinctivement les règles de ce monde qui n'était pas le sien. Se fondant dans le paysage, retournant à son profit ce que les autres prennent pour sa faiblesse, le voilà qui finira par devenir le caïd. Celui qui était son protecteur au début sera sa victime.

Drôle de parallélisme entre deux résurrections : l'une en forme de rédemption, l'autre de damnation. L'un croyait savoir ce qu'il cherchait, l'autre ne cherchait rien. L'un perd définitivement le frère qu'il voulait pour y gagner un père auquel il ne croyait plus, l'autre s'insère dans la société au moment où celle-ci a voulu l'enfermer. Les deux en viennent à tuer leur père d'origine. Et à chaque fois, la vie vient apporter des réponses à des questions que l'on ne se posait pas…


PS : Sur Tetro, allez lire  "Garde le fil qui te lie à ton âme", et sur le Prophète "Un film initiatique total", deux excellents textes de la philosophe Paule Orsoni



4 commentaires:

Le Blog de Paule Orsoni a dit…

Ces deux films s'inscrivent ,en effet,dans vos "mers d'incertitude" même s'ils portent en eux la trace d'un déterminisme évident.Merci d'avoir réuni ces destins de fiction pour les éclairer à votre manière,selon votre lecture.Il y aurait tant à dire de ces deux films si riches...J'ai tenté de mon côté d'en dire ce qui m'a touchée.Merci d'avoir publié cette référence à ma contribution..Continuons...

Robert Branche a dit…

L'incertitude est le résultat entremêlé de déterminismes contradictoires parmi lesquels la vie taille son chemin aléatoire.

Unknown a dit…

Bonjour,

Vos deux derniers articles m'ont rappelé un épisode de l'histoire de France. En 1670 Colbert décide la création de la futaie de chêne de Tronçais afin de doter dans 200 ans! le
royaume de France d'une marine puissante

Résultat : les chênes de Tronçais sont aujourd'hui réputés pour la fabrication de tonneaux destinés au cognac et aux grands vins, de Bordeaux, de Bourgogne, du Languedoc, de Californie, ...

L'avenir était déjà certes imprévisible mais les politiques agissaient dans une optique long terme.

Robert Branche a dit…

Excellente anecdote tout à fait en ligne avec mon propos : on peut donc remercier Colbert chaque fois un grand vin ou un cognac !