Nouvel extrait des « Mers de l'incertitude », toujours dans la première partie, cette fois issue de celle qui porte sur les mathématiques et le chaos
« Un cylindre peut être défini simplement : si, en coupant un objet selon un plan, vous obtenez un rectangle, et qu'en le coupant selon le plan perpendiculaire, vous obtenez un cercle, c'est un cylindre. Maintenant si vous avez devant vous un rectangle et un cercle, et que vous savez seulement que chacun est le résultat d'une coupe faite sur un objet, vous ne pouvez rien conclure sur l'objet lui-même : rien ne vous dit que les deux coupes viennent du même objet et que ces deux coupes sont orthogonales.
Dans la vie quotidienne, nous sommes constamment devant ce dilemme : est-ce que les différentes informations qui m'arrivent simultanément proviennent oui ou non du même objet ? Comment puis-je être certain que ce que je vois et ce que j'entends proviennent de la même source ? Parfois, nous avons la possibilité de « passer derrière l'écran » et de nous assurer que, oui, c'est bien le même objet et que, donc, nous avons le droit de réunir les informations. Mais souvent, ce n'est pas possible : pour nous qui ne lisons le monde qu'à partir de ce que nous voyons, comme savoir ce qui se passe vraiment ? Peut-on réunir des données et considérer qu'elles décrivent des aspects différents de la même réalité ? Ou qu'à l'inverse ce sont des données qui correspondent à des réalités disjointes ? Comment savoir ?
La réponse est malheureusement assez claire : on ne sait pas. Nous n'avons accès qu'aux apparences et nous n'avons pas accès à la « chose en soi ». Il faut faire avec. Attention donc à tous les raisonnements menés hâtivement…
(…) Dès qu'il fait noir, au fond de leurs lits, les enfants ont peur des monstres qui se blottissent dans les placards et qui n'attendent que la première occasion pour leur sauter dessus. Les Écossais ont eux des fantômes qui peuplent leurs manoirs et leurs châteaux, sans parler du monstre du Loch Ness. En tête des best-sellers, on trouve bon nombre de livres ou de films qui jouent à nous faire peur. Bref, nous aimons et craignons en même temps ce qui est caché, ce qui peut surgir à tout instant et ce qui peut venir perturber notre tranquillité.
La science moderne, comme par opportunisme marketing, s'est ingéniée depuis un siècle à peupler notre univers d'êtres étranges, car difficilement accessibles à notre compréhension et soigneusement cachés. Est-ce pour nous faire peur ? Ou à l'inverse pour stimuler notre envie d'aller à leur découverte ? Ni l'un, ni l'autre. Ils sont simplement là et nous apprennent à penser à dépasser les apparences !
Ainsi, l'incertitude des comportements des acteurs élémentaires, individus et entreprises, loin de déboucher, au niveau macro, sur un monde lissé et prévisible, se voit amplifiée : notre monde est hautement imprévisible. »1
(1) Extraits des Mers de l'incertitude p.50 et 55
4 commentaires:
C'est peut être là qu'intervient l'intuition: capacité d'évaluer la probabilité que ce cercle et ce rectangle remplissent, ou non, les critères du cylindre.
Question: de quoi se nourrit cette "intuition"? Si l'on en a, alors il y a de l'espoir, sinon, le désespoir nous guette.
Et notre culture nous pousse volontiers à rejeter cette faculté au même rang que les phénomènes paranormaux....
Richard
Bien sûr que l'intuition a un rôle à jouer (elle recouvre très largement l'action de nos processus inconscients - voir là dessus mes billets liés au thème de l'inconscient et mon livre Neuromanagement).
Mais faisons attention à ne pas réunir trop vite des faits qui ne sont pas nécessairement reliés entre eux : l'observation de faits simultanés n'implique pas nécessairement un lien de causalité entre eux...
Les stats regorgent de ce genre d'exemple. Un me vient à l'esprit : savez-vous pourquoi, si on projette sur une carte les lieux où ont été gagné les jackpots au loto en France, on obtient un superbe gradient ouest-est (plus à l'ouest, moins à l'est) ?
Le hasard, tout simplement...
Quant à l'intuition, vous avez raison, c'est souvent une affaire de hasard et de connectivité entre les choses conceptualisées du monde.
Autre anecdote statistique que j'aime bien (raisonnement sur un ensemble vide) : selon les statistiques, les enfants de moins de deux ans sont les meilleurs conducteurs, car ils ne commettent aucun accident de voiture en étant au volant...
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