Mieux comprendre les faits pour moins changer
Dans la conclusion de mon livre Neuromanagement, je mettais l’accent sur une qualité qui est indispensable pour diriger : Mesurer constamment la quantité de faits qui sous-tend les interprétations. J’y écrivais :
« Dès qu’un individu se déconnecte du réel, dès qu’il n’intègre plus les faits nouveaux, ses interprétations dérivent. En l’absence de système sensoriel naturel, le risque de se déconnecter est encore plus grand pour une entreprise. Au dirigeant donc de challenger les interprétations, pousser chacun à préciser sur quelles hypothèses elles reposent, interdire de discuter des conclusions tant que l’analyse n’a pas été partagée. »
Pourquoi insistai-je alors sur ce point, pourquoi en reparler maintenant et le prolonger dans les jours qui viennent ?
Parce qu’il m’apparaît de plus en plus essentiel dans le monde de l’incertitude qui nous entoure : savoir revisiter constamment et dynamiquement tout ce qui sous-tend nos raisonnements.
Non pas pour faire du zapping, jeter son passé aux oubliettes et saisir le premier nouveau courant qui jaillit. Ce serait alors aller à l’encontre de tout ce que je recommande et sur lequel je suis revenu les jours derniers(1).
Non, c’est exactement le contraire :
- C’est quand on ne passe pas assez de temps à trier entre faits et opinions, entre effets de mode et courants de fonds, que l’on construit des stratégies sur du sable, qui, bien loin de viser des mers, engagent l’entreprise dans une impasse… dont il va bien falloir sortir…
- C’est quand on ne suit pas en permanence la vie des produits existants, quand on ne les actualise pas continûment en intégrant les modifications significatives issus de l’environnement, qu’on les laisse s’étioler et finalement disparaître…
- C’est quand on se laisse guider par des humeurs, des points de vue ou des certitudes, que l’on est incapable de développer une confrontation constructive(2), et des convictions communes et que, du coup, les choix sont individuels, circonstanciels et donc constamment remis en cause…
Donc il faut revisiter constamment ce qui sous-tend nos raisonnements et, pour cela, « mesurer constamment la quantité de faits qui sous-tend les interprétations ».
Certes, mais qu’est-ce que c’est qu’un « fait » au juste ? Est-ce si évident à définir et donc à suivre ?
(à suivre)
(1) Voir notamment « J’INNOVE, DONC JE SUIS » et « AGIR SANS DÉTRUIRE SON PASSÉ »
(2) Sur la confrontation, j’ai écrit de nombreux articles. Pour tous les voir, suivez ce lien.
2 commentaires:
Je reprends au vol ,cher Robert,le projet d'une réflexion sur le "fait"..Qu'est-ce qu'un fait?Sinon ce qui est "construit" et qui suppose donc une interprétation.Car peut-il y avoir identification d'évènements comme faits s'il n'y avait pas application à l'évènement, de schémas d'interprétations?On pourrait également envisager à partir de là ce que recouvre de complexité ,la distinction entre objectivité et subjectivité.
Oui,"à suivre" comme tu dis,puisqu'ici je ne fais qu'ébaucher quelques rudiments d'explication...
Ce que je lis aussi dans ton article est un appel à une véritable ascèse du manager...Mais il devrait en être de même pour chacun,au quotidien...ne serait-ce que pour trier les "informations" qui nous envahissent...
Effectivement un fait n'existe pas dans l'absolu et est toujours plus ou moins construit.
Je vais revenir sur ce point dans les jours qui suivent...
Et comme tu l'as noté, ceci concerne aussi notre vie quotidienne, et pas seulement celle des managers... dont il serait d'ailleurs temps de ne plus dissocier personne privée et personne professionnelle
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