Emboîtements et émergences (3)
Depuis
quinze milliards d’années, le monde joue aux poupées russes, aux emboîtements
qui tissent la matière et la vie.
Qu’est-ce
qui fait qu’un emboîtement en est un bien un, et pas seulement une collection
d’éléments ? Quelle est la « glu » qui le cimente ?
Dans
les Mers de l’incertitude, j’écrivais à ce sujet : « Qu’est-ce qui fait qu’une collection
d’éléments n’est pas seulement une juxtaposition, mais crée un niveau ? C’est
l’existence d’au moins une règle commune et nouvelle qui fait que c’est bien un
niveau et non pas une collection d’éléments : une collection de stylos ne
devient pas un niveau et reste un ensemble d’objets ; une collection de
personnes devient un groupe et donc un niveau, si elles suivent des règles
communes (des lois, des us et coutumes,…). C’est l’existence de ces règles qui
lui apporte ses propriétés spécifiques. »
À ces
règles communes, correspondent des propriétés nouvelles qui émergent. Ces
propriétés n'existaient pas au niveau précédent, ni partiellement, ni même
comme esquisse. Comment en effet dire que les propriétés d'un atome sont
inscrites dans celles d'une particule, celle de l'oxygène dans un électron ou
d'une chaîne carbonée dans le carbone ? Comment relier notre identité et notre
conscience individuelle à partir de ce que nous comprenons des cellules qui
nous composent ?
Ou
comme l’écrivait Yongey Mingyour Rinpotché dans le Bonheur de la méditation, « Ma main n’est pas mon moi, mais elle est à moi. Bien, mais elle est
faite d’une paume et de doigts, elle a une face supérieure et une face
inférieure, et chacun de ces éléments peut être décomposé en d’autres éléments
comme les ongles, la peau, les os, etc. Lequel de ces éléments peut être appelé
« ma main » ? »
Ainsi
ces propriétés émergentes, si elles sont rendues possibles par ce qui les
composent, et lui sont indissolublement liées, sont à chaque fois une
innovation profonde et révolutionnaire.
Oui,
ces deux mots d'émergence et de révolution sont bien au cœur de l'élaboration
de notre monde : émergence, car ce qui nait se produit sans être inscrit dans
ce qui le précède; révolution, car chaque étape vient comme faire table rase de
ce qui existait avant.
Ainsi
est né notre monde, et ainsi il a continué. Le meccano a construit la matière
inerte qui a, au moins sur notre planète, "inventé" la vie.
Émergences
et révolutions perpétuelles, révolurgences si vous me permettez ce néologisme
pour décrire ce couple inséparable.
(à suivre)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire