12 oct. 2015

LE CERVEAU INTESTINAL EST LE PREMIER

Décider sans savoir pourquoi (1)
Nous sommes persuadés d’être aux commandes de notre corps. Est-ce si sûr ? De quoi sommes-nous vraiment conscients ? De nous vraiment ? Oui et non. Nous ne sommes conscients que de ce que nous percevons de nous-mêmes, c’est-à-dire la pointe de l’iceberg. Haruki Murakami y a mis toute sa poésie pour l’expliquer : « L'homme est comme un immeuble : dans les étages, il y a sa vie, et au premier sous-sol, les débris de sa mémoire. Au second sous-sol, ce sont des amas épars, les arcanes de l'âme dont il faut déchiffrer les énigmes. La plupart des écrivains s'arrêtent au premier sous-sol, mais c'est en entrant dans le second que l'on peut essayer de retrouver la trame d'un récit. Tout se joue là. » (1)
Vous êtes surpris ? C’est un des apports essentiel des neurosciences, ce nouveau tissu de connaissances qui se construit depuis les années 80. 
Commençons par l’histoire de notre cerveau intestinal.
Notre intestin est tapissé d’une centaine de millions de neurones, soit près du double du cerveau d’un rat : c’est une intelligence décentralisée qui permet un traitement rapide du processus clé et complexe de la digestion, ce sans solliciter notre cerveau principal. Les deux cerveaux sont-ils totalement indépendants ? Non, car ils sont réunis par un nerf au joli nom, le nerf vague, dont le rôle reste encore imprécis : il assure une forme de synchronicité entre les deux, sans entraver l’autonomie de chacun.
Nous avons donc un cerveau dans notre intestin. Étrange sensation, non ? Mais il serait encore plus exact de dire que nous étions un intestin intelligent qui s’est progressivement doté d’un cortex pour mieux survivre. Encore plus étrange, non ? C’est pourtant bien dans cet ordre que la vie a déroulé le ruban de son évolution.
Tout a commencé au début par la digestion : savoir se nourrir du dehors, c’est-à-dire arriver à capter ce qui peut être transformé en énergie, tout en se protégeant de ce qui peut détruire. Je digère donc je vis. Si le propre de l’homme est le rire, celui de la vie est la digestion, c’est-à-dire la capacité à manger l’autre. Et ce n’est pas facile : comment trier dynamiquement dans le bain qui entoure ce qui est bon, et rejeter le reste ? Petit à petit, au fur et à mesure du développement, les cellules primaires ont donné naissance à un système digestif : des neurones sont venus tapisser les parois et l’intelligence est née. Voilà l’origine des neurones : savoir digérer. Aussi notre cerveau entérique – appellation scientifique du cerveau intestinal – est-il celui qui a précédé l’autre.
(1) Conférence à l'université de Kyoto, le 6 mai 2013
(à suivre)

1 commentaire:

Le Blog de Paule Orsoni a dit…

Merci pour ce billet.
L'Occident découvre ce que l'Extrême -Orient avait déjà ,me semble-t-il déjà promulgué.
Ce qui ,au demeurant , est intéressant est tout même que tout commence par le ventre!