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10 avr. 2019

DANS LA CITE INTERDITE

Pékin, cité impériale
2
Me voilà au cœur de l’Empire. Un cœur qui bat : la Cité Interdite est un organisme vivant constitué de dix mille cellules moins une. À une unité du nombre divin. L’Empereur a eu la sagesse de rester un pas en arrière de Dieu. Loin de tous les humains, ils devisent de concert. 
Chaque cellule est dessinée par des murs teints de rouge impérial. Entre elles, des portes délimitent sans clore, laissant libre de franchir ou s’abstenir. A chacun de faire son choix. Il n’y a ni garde, ni guide. 
Délicatement, je passe de l’une à l’autre, m’insinuant dans chaque recoin. Je me glisse de cour en cour. Emboîtée ou contiguë. Déambulation dans une apparente similitude : les différences sont subtiles et la rapidité interdite.
L’Empereur hante les lieux. Qu’il soit communiste ou non n’a aucune importance, il est ici le maître. Du plus profond des pierres, remonte le bruissement des frôlements des eunuques et des intrigues de la cour impériale. 
Au milieu de chaque escalier, son couloir réservé que personne n’oserait l’emprunter ; sur les côtés, des escaliers pour les porteurs de la chaise impériale, les membres de la cour, les simples employés, et la foule actuelle des badauds. Dans les peintures et les bas-reliefs, des dragons veillent, prêts à bondir sur tout visiteur irrespectueux.

8 avr. 2019

AUX PORTES DE LA CITE INTERDITE

Pékin, cité impériale
1
La Cité interdite porte bien son nom : avant d’y pénétrer, il faut avoir été accepté. Aussi doit-on éviter la force et la brutalité. Privilégier les étapes. Ne pas risquer d’être vu comme un intrus. Un envahisseur. Savoir se faire adouber. Tendre la main progressivement non pas pour caresser – ce serait manquer de respect –, mais pour l’être. Peut-être. J’espère que oui. A cette fin, je décide d’aborder l’Empereur par le Nord, via les deux parcs où il aimait à se promener.
D’abord le parc Beihai. Cheminer lentement, sans bruit, au milieu du flux des touristes chinois, me rendre compte que je suis le seul occidental, me fondre dans la masse, me faire oublier, longer le lac, me dissimuler sous les longues chevelures de saules fraichement habillées de vert, saisir discrètement l’instant avec mon Pentax pour penser à faire plus tard pleurer des traits sur une aquarelle, ne pas franchir le pont et me contenter d’observer à distance la pagode blanche qui surplombe le parc. M’échapper par la porte latérale.
Le parc Jingshan. Voisin, juste une rue à traverser, rapidement, pour sortir de l’entre-deux et des voitures. Regarder la colline artificielle et penser à la fourmilière humaine qui, il y a plus de mille ans, l’a élaborée, commencer l’escalade, aimer le rose délicat des fleurs qui m’accompagnent, en découvrir d’autres inconnues, hésiter à les prendre ou non en photographie, finalement continuer l’avancée sans nouvel arrêt, glisser sur une marche et me rattraper de justesse, apercevoir le pavillon, franchir les derniers mètres. Une pagode solidement ancrée dans le sol de la colline, tressaillant de son envie de s’en échapper, ceinte d’une rambarde fine et d’une petite terrasse, et surplombant Pékin à trois-cent soixante degrés.
En bas, légèrement habillée de la brume de la pollution, la mosaïque de la Cité Interdite. L’infériorité géographique de sa position ne l’empêche pas de dominer le lieu. De me dominer. Tel un Bouddha agenouillé, elle habite tout l’espace. Son labyrinthe illisible ceinturé d’eau m’appelle. Je comprends que, oui, je suis accepté, et que d’urgence, je dois me présenter à elle. Redescendre vite. Le plus vite possible. Dévaler les escaliers. Pour gagner du temps, choisir d’entrer par l’arrière, par la porte Nord. Garder la place Tian’anmen pour plus tard.

6 févr. 2018

DANS LE VENT GLACÉ DES CIMES DE L’EMPIRE CÉLESTE

Sur le dos du serpent légendaire
Un air glacial, au moins dix degrés en dessous de zéro. Le vent vif vient creuser les morsures. Sur les montagnes qui m’entourent, la neige offre un miroir aux rayons du soleil. 
Pékin, pourtant à seulement cent kilomètres, est à l’infini. Ici aucun bruit, aucune pollution, aucune vie. 
Juste Haï et moi. 
Et le froid. Et le vent. Et la neige.
Et, sur le sommet de la montagne, un immense serpent qui dort, immensément immobile. Caméléon protecteur, habillé des pierres tirées des cimes sur lesquelles il repose, il veille depuis deux mille ans, sentinelle de l’Empire céleste.
Doucement, nous montons sur son dos. Les pas de Haï glissent en prenant garde à ne pas la réveiller. J’essaie de me hisser au niveau de son art. La glace recouvre les aspérités qui font office de marches. Progression lente, religieuse, difficile.
Un souffle dans mon cou me fait me retourner. Je vois couler le serpent sur lequel nous avons progressé. Au loin, je l’aperçois dormant sur les crêtes. Tapi, il attend ceux qui voudraient s’attaquer aux forces de l’Empire du Milieu.
A quelques pas de moi, un peu plus bas, Haï me regarde. Il est chez lui et sait qu’il n’a rien à craindre. Ces terres sont les siennes. Ce serpent aussi.
Ses bras se lèvent. Veut-il que je le rejoigne ? Pour qu’ensemble, étroitement joints, nous nous envolions ?
Me reviennent alors les mots de Dominique A : « On imagine pourtant très bien voir un jour les raisons d'aimer, perdues quelque part dans le temps. Mille tristesses découlent de l'instant. Alors qui sait ce qui nous passe en tête ? Peut-être finissons-nous par nous lasser. Si seulement nous avions le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé ! »1

(1) Dominique A, Le Courage des Oiseaux

17 juil. 2015

HISTOIRE DE TRAVESTISSEMENT

Une nuit à Pékin (juillet 2005)
La nuit est tombée depuis longtemps, pourtant l’air est toujours aussi moite et chaud. Difficile de respirer parmi les rues étroites dans lesquelles je circule à pied. Encore une heure à attendre avant que le spectacle ne commence, un spectacle de travesti dans un petit bar perdu dans les méandres de la mégapole.
Alors c'st lentement que j’avance, au hasard des ouvertures et des rencontres. Pas mal de monde malgré l’heure tardive, mais bien peu par rapport à la foule de la journée. Douceur de l’ambiance, feutrée par le manque de lumière et la lourdeur de l’atmosphère. Peu de bruits, juste les bruissements des conversations et des cliquetis des baguettes

Petit à petit, il se transforme. Tout à l’heure, il sera toujours lui-même, mais avec l’apparence d’une autre. Magie du travestissement et du jeu des apparences. Il pourra alors laisser place à sa fantaisie pour le plaisir des spectateurs réunis.
Petit à petit, j’oublie où je suis et ce que je vois : c’est la Chine qui est en train de se travestir. N’est-elle pas en train de perdre son âme en se lançant tête perdue dans une mondialisation qui n’a jamais été son histoire, ni sa culture ?
Comment elle qui a toujours vécu coupée du reste du monde, protégée par des successions d’enceintes - le mur de la Grande muraille, le mur de la Cité Interdite - va-t-elle résister au flux de tous ces étudiants qui, après avoir séjourné plusieurs années en Occident, reviennent dans leur mère patrie ? Flux continu qui fait monter la puissance de l’hybridation.
Beaucoup en Europe ont peur du métissage du monde, mais nous nous sommes construits de métissages successifs. Notre histoire est faite de mouvements, de mélanges et de fusions. La Chine non.
Alors oui, c'est la Chine, en cette nuit pékinoise, qui se prépare à se transformer et à renaître nouvelle et différente. Que deviendra-t-elle ? Impossible à prévoir… 

10 juil. 2015

SUR LE DOS DU MONSTRE QUI DORT

Sur la muraille de Chine (2003)
L’air est glacial, environ une dizaine de degrés en dessous de zéro. Le vent vif vient en souligner les morsures. Le neige, tombée il y a quelques jours, recouvre le paysage et fournit un miroir aux rayons du soleil.
Tout autour de nous, un paysage de montagnes qui se chevauchent à l’infini. Pékin, qui n’est pourtant qu’à un peu plus de cent kilomètres, est bien loin. Aucun bruit, aucune pollution, quasiment personne.
Sur le sommet de la montagne, une énorme chenille dort, immensément immobile. Caméléon de l’histoire, elle a su, pour se dissimuler, s’habiller des tons des pierres sur lesquelles elle repose. Un regard rapide ne prêterait guère attention à ses aspérités. Elle est pourtant bien là, sentinelle qui veille depuis deux mille ans, sur la tranquillité de l’Empire céleste.

Doucement, nous montons sur son dos, en prenant garde à ne pas la réveiller. La glace recouvre ses aspérités qui se font marches. La progression est lente et difficile.

Au bout de quelques minutes, je me retourne. 
Au loin sur certaines montagnes, je la vois qui se poursuit, animal mythique et infini. Les autres, nues, boudent, en regardant jalousement leurs sœurs habillées de la ceinture impériale.
Chacun ici sait qu'il n'a rien à craindre de ce qui, depuis presque toujours, protège les siens.

3 juil. 2015

PERSPECTIVES CHINOISES

A Pékin
La cité interdite ne l’est plus guère de nos jours, et n'est qu'un parc d’attraction touristique. Continûment peuplée d’une foule de Chinois et Chinoises partis à la recherche d’un passé révolu, elle est vide de la cour qui l'habitait autrefois. Dommage…
Aussi, plutôt que de suivre un flux qui m’est doublement étranger, je me laisse perdre non plus dans ce lieu ceint et clos, mais le long des murs qui le définissent. Membranes figées et impénétrables, ils dessinent la cellule dans laquelle battait le cœur de l’empire.
Peints du rouge impérial, ils dressent des perspectives qui poussent le regard à l’infini. Presque aucun détail ne vient freiner cette fuite, juste quelques pics qui surgissent inutilement.
Alors la cité redevient interdite, et je rêve des bruissements anciens faits par les dizaines de milliers d’eunuques qui, en silence, se pressaient de toutes parts, et d'un empereur condamné à régner sur des terres immenses sans pouvoir quitter sa cellule de 9999 pièces…


Difficilement, je m’extrais de ma rêverie pour rejoindre les abords du parc Beihai.
Là sur le vaste trottoir qui le cerne, un groupe de vieillards devise. L’un assis sur une chaise joue d’un instrument qui m’est inconnu, et dont il tire des sons qui viennent d’un autre monde.
Un autre, avec l’aide d'un grand pinceau et d'un peu d'eau, dessine des idéogrammes. Son ballet est lent et méthodique. Religieusement, il écrit de l’éphémère, qui, grâce à l’absence de soleil, durera un peu plus longtemps : « Seul, celui qui ne cherche ni gloire ni richesse, peut avoir de grands idéaux ; seul, celui est en paix dans son cœur, peut penser et voir loin devant »

29 mai 2015

FRANCHIR DES PORTES POUR SE VOIR DU DEHORS

Des portes…
Voyager, c’est franchir sans cesse des portes… ou essayer.
Les portes délimitent et dessinent des espaces. Elles sont les trous des peaux de mondes successifs.
Fermées, elles interdisent l’accès, et cachent ce qui restera inconnu. Le mystère restera entier. Qu’y a-t-il derrière ? Occasion de découvertes futures.
Fermées, elles laissent place à l’imagination. Faut-il voir pour savoir ? Pourquoi ne pas laisser mon esprit voguer, et construire ce que je ne vois pas et ne connais pas…

Entrouvertes, elles appellent mes pas et me poussent à me glisser le long d’elles. Avancer vite de peur qu’elles ne se referment.
Souvent en Chine, elles sont garnies de petits plots. Sont-ce des pitons pour pouvoir ralentir cette glissade ? Dois-je m’encorder et freiner mon avancée ? 
Va-t-elle pivoter dès que je l’aurai franchie ? L’appel qu’elle émet vers moi est le chant des sirènes. Le jardin qui se dessine après elle sera ma prison…

D’autres, ne sont que trou. Pas de porte, pas de charnières. Aucun risque de me voir interdit le chemin de retour.
Entre porte et fenêtre, elles laissent à voir ce dehors qui peut devenir dedans à tout moment. Jeu de passe-passe. Le monde s’inverse à chaque franchissement.
Dès que je serai de l’autre côté, je sais que je me retournerai pour découvrir sous un angle nouveau, là où je suis.

Tel est le jeu du voyage. Franchir des portes pour regarder du dehors le pays qui est le mien, et ainsi le redécouvrir…

22 mai 2015

DANS LE FLOU DES APPARENCES ET DU SOUVENIR

Noël à Pékin (2004)
L’année 2004 se termine, et Pékin est doublement nappé de blanc : l’opacité moite de la brume répond à la neige qui tapisse tout.
La Cité Interdite ne l’est plus guère, devenue carrefour où les Chinois en mal de souvenirs s’y télescopent. 
Depuis la colline voisine, elle est une immensité figée. Les frontières entre ciel et sol, entre constructions et nuages s’estompent.
Face à la porte principale de cette Cité largement ouverte, vu de loin, le portrait de Mao sous lequel chacun doit passer, n’est plus qu'une vignette. 
Est-ce qu’avec l'érosion de temps, la Chine finira par s’éloigner de son dernier empereur ? Les statues de Staline ont, elles, été depuis longtemps déboulonnées.
Noyées dans l’immensité de la place Tiananmen, les silhouettes sont dérisoires, miroir de la petitesse des individus pris dans la masse des foules chinoises. 
Chacun marche en ignorant son voisin, et ce qui l’entoure…
Fin de nuit dans un cabaret. Le froid et la nuit ont disparu pour faire place à la chaleur des lumières.
La neige extérieure s’est fait perruque, et les apparences restent masquées, incertaines et trompeuses.
Jeu des apparences et des dissemblances, contraste dans cette Chine qui retrouve ce qu'elle a toujours été.
La bouche se tend vers cette bière – une Tsingtao bien sûr ! –, mais n’est-ce pas pour peut-être nous tromper ? 

3 avr. 2015

LA TERRE ET LE CIEL

Jeux de lignes
Notre monde urbain est fait de lignes qui structurent et rythment le paysage de nos villes.
Ceci est singulièrement vrai de Pékin où elles sont omniprésentes.

Elles y sont non seulement limites naturelles, mais symboliques. 
Elles relient entre eux les lieux et les monuments. Elles sont la traduction physique du spirituel. Elles sont jonctions entre le sol et le ciel.

Avec elles, la Chine immuable et impériale nous observe à tout jamais…

31 janv. 2014

LA TERRE ET LE CIEL

Jeux de lignes (1)
Notre monde urbain est fait de lignes qui structurent et rythment le paysage de nos villes.
Ceci est singulièrement vrai de Pékin où elles sont omniprésentes.
Elles y sont non seulement limites naturelles, mais symboliques.
Elles relient entre eux les lieux et les monuments. Elles sont la traduction physique du spirituel. Elles sont jonctions entre le sol et le ciel.

Avec elles, la Chine immuable et impériale nous observe à tout jamais…