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27 nov. 2015

LIBRES ET SAUVAGES

Histoire de chiens
Chez nous, les chiens sont rangés, parqués, lissés. Pas des hommes bien sûr, mais plus vraiment des bêtes. Tellement loin des loups. Ils font partie de la famille, partent en vacances avec nous ou dans une colonie estivale, ont leurs produits diététiques et cosmétiques, leurs cliniques vétérinaires. Ils sont ordonnés. Pas de pagaille, pas d’aléas. Ils ne vont chercher la balle que si nous leur lançons, et ne la ramène qu’à celui qui l’a envoyée. Il ne manquerait plus qu’ils prennent l’initiative. Il n’y a que dans le sketch de Raymond Devos que le chien est le maître. Mais il faut dire qu’il parle. Alors…
Bref, nos chiens sont pris en charge. Et il y a une chose qu’ils ne font pas, c’est être ensemble : ai-je déjà vu un groupe de chiens sillonner les rues d’une quelconque ville ? Comme une bande de copains partis en goguette. Non. Ou dans un parc, un chien demander à son maître d’aller jouer un moment avec un camarade rencontré opinément ? Non plus. Snoopy, à part Charlie Brown et ses amis, n’a pour compagnon qu’un oiseau. Nos chiens vivent séparément les uns des autres, chacun dans sa niche, chacun avec son propriétaire.
A Darjeeling, c’est l’inverse. Aucun chien ne vit avec un humain. Il est avec les siens. Le jour, ils se tiennent cois, car ils savent qu’une pierre peut être lancée contre eux à tout moment. Aussi paressent-ils sur les toits des maisons, ou dans des terrains vagues, attendant sagement la nuit. Dès qu’il est passé onze heures du soir, plus aucune âme humaine n’est à l’extérieur. Alors la ville devient canine. En bandes rivales, ils sillonnent les rues à toute vitesse en aboyant. Chacune son territoire, et si jamais l’une s’aventure sur celui d’une autre, la bataille fait rage. Un remake de West side story version Himalaya.
Ce partage de la ville suivant l’heure de la journée est-il le fruit d’un pacte entre les hommes et les chiens ? Mais si tel est le cas, qui a pu mener la négociation, côté chien ? Ont-ils un chef de meute qu’ils auraient mandaté pour discuter avec les autorités locales ? Ont-ils fait valoir leur tranquillité diurne pour obtenir toute liberté la nuit ? Mais, pourquoi alors aboient-ils la nuit ? Pour rappeler aux hommes leur possession nocturne ? Pour se venger des pierres reçues dans la journée ? Allez savoir…
La nuit, debout contre la fenêtre, j’observe leurs folles cavalcades. Je me sens courant avec mes congénères, libre et puissant. Je suis sauvage, solidaire uniquement avec les miens, méfiant avec les autres. Jamais, je ne pourrais être chien en France. Jamais, je ne marcherai tenu en laisse. Jamais, je ne suivrai docilement les pas d’un qui ne serait pas mon égal. Jamais, je ne ramènerai une balle qui m’aurait été lancée. Jamais, je ne me ferai acheter par une gamelle toujours remplie ou par une niche douillette et confortable. Jamais quiconque ne décidera pour moi.

6 nov. 2015

BALLET DE DOIGTS

Communiquer
A quelques mètres de moi, un petit groupe ne fait aucun bruit. Seules, leurs mains bougent. Ils sont là et ailleurs. Physiquement présents, mais dans une autre dimension. Un monde parallèle, un nouveau continent commence. Leur différence est évidente : des sourds-muets et leur langage des signes. 
Mais ne dire que cela, c’est ne rien comprendre. Comme quelqu’un qui croirait qu’il suffit de dire des mots à voix haute pour en connaître le sens, de parler une langue étrangère pour en saisir la signification. Je regarde leur ballet de doigts, chorégraphie sans cesse renouvelée, où se combinent des figures de base que, petit à petit, j’essaie d’identifier. 
Leur conversation s’anime, les gestes se font plus rapides. Est-ce leur façon d’élever la voix ? Peut-on couper la parole en signant ? A-t-on le droit de saisir les doigts de celui qui s’exprime, pour accaparer la parole ? J’assiste à une cacophonie gestuelle.
Manifestement, tous viennent de banlieue. Au mouvement de leurs épaules et au choix de leurs vêtements, c’est évident. Est-ce qu’ils signent d’une façon différente ? Ont-ils un accent avec des gestes ? Savent-ils rapper en signant ? Je suis le témoin de la langue muette du Neuf Trois. 
Je rêve du défi de reproduire la sophistication de la prose de Proust avec des doigts qui dansent. Qui pourrait en faire partager la magie en la mimant ? La subtilité du récit de ses terreurs nocturnes, ses craintes concernant Albertine, ou les fastes du bal chez la Princesse de Guermantes, sont incompatibles avec toute simplification. 
Simplifier, c’est trahir. Parler aussi. Signer encore plus. Chacun communique comme il peut…

16 oct. 2015

PARFOIS, QUAND ON PREND UN VERRE EN CORSE, ON VIT DANGEREUSEMENT !

Au bord de la chute
En haut d’un escalier, deux tables trônent. Rien que de très normal.
Sauf que, sur chacune d’elles, une chaise se trouve juste à la limite de la dernière marche.
Aussi si jamais vous décidiez de vous arrêter pour un verre au bar « Au Bon accueil » de Cargèse, ne vous laissez pas emporter lors d’une discussion à vous reculer, ne serait-ce que de quelques centimètres, car la chute serait certaine, à défaut d’être fatale.
Étrange conception du « bon accueil », et témoignage qu’en Corse, on aime vivre dangereusement !

9 oct. 2015

ENFIN !

Si près, si loin…
Encore un peu plus de deux mois à attendre… 
L’attente peut sembler courte au regard des années passées à rêver d’une suite qui ne venait pas, mais il n’en est rien : c’est dans les derniers moments, quand on sent venir la fin du manque, que le temps s’écoule le plus lentement. Les jours se font mois, les heures années, les minutes siècles et les secondes millénaires…
Heureusement dans ma maison en Provence, j’ai pour compagnon Yoda qui, avec sa sagesse légendaire, m’aide à endurer l’insupportable. Doucement il me murmure à l’oreille de lâcher-prise, de sentir la force couler en moi, de ne pas lutter contre le courant de la vie. Mais rien n’y fait. Il est vrai que je suis perdu dans les brumes parisiennes, bien loin donc de ses conseils.
Enfin, un jour prochain, le 18 décembre 2015, retentira la musique magique avec ses mots partant vers l’infini : « A long time ago, in a galaxy far, far away… » et toute la salle applaudira… comme il se doit.

18 sept. 2015

RENCONTRES AVEC DES VACHES CORSES

Vache sacrée et vache salée
Un point commun entre toutes les vaches corses que j’ai croisées cet été : leur calme, leur sérénité… et leur sportivité. Car même si cela n’apparaît sur les photos jointes, le plus souvent, elles arpentent les montagnes corses de l’arrière-pays.
Si je me suis arrêté sur ces deux-là, c’est en commençant par celle du bas, parce qu’elle semble se prendre pour ses congénères indiennes : elle me toise avec le regard déterminé et un rien méprisant des vaches sacrées. Bien ancrée, en plein milieu d’un sentier qui arpente le plateau Coscione, il n’est pas question qu’elle bouge. 
Est-elle en contact par Facebook, Twitter ou simplement SMS avec elles ? Ou alors, peut-être est-ce une vache indienne en vacances en Corse ? Attention à ce que la contagion ne commence pas. Car alors plus une vache n’acceptera de partir à l’escalade des pentes abruptes...
Tout au bout du Cap Corse, à proximité d’une petite église nommée Santa Maria, j’ai fait la connaissance des vaches des prés salés. Mais autant les agneaux du Mont Saint Michel font l’objet d’un marketing intensif, autant leurs homologues bovines et corses restent confidentielles. Peut-être une opportunité pour relancer l’économie locale ? D’autant qu’il y a à proximité une tour qui, sans pouvoir rivaliser avec la puissance de l’abbaye bénédictine, pourrait servir d’emblème à une marque à trouver.

24 juil. 2015

DÉDOUBLEMENT

Sur les quais de Bordeaux
Une soirée pour parler, un matin pour marcher. Une conférence organisée, une promenade aléatoire. Entre les deux, une nuit en pivot.
Résonance entre la vapeur issue du miroir d’eau et le ciel chahuté de bleu et de gris. Entre les deux, emprisonnées entre ces deux nuages, les façades de pierre prennent une note surréaliste.
Je ne suis pas le seul à rester interdit face à ce spectacle inattendu. Un cycliste marque aussi un arrêt.
Mais pourquoi diable a-t-il donc deux bicyclettes ? Se dédouble-t-il donc lui aussi ?
Inquiet de cette contagion possible, je reprends ma marche.
Mais peut-être sans m’en rendre compte, me suis-je aussi dédoublé, et mon alter ego est, depuis lors, resté là-bas, figé dans une contemplation infinie et suspendue…

4 mars 2015

QUE LA FORCE SOIT AVEC VOUS !

Les faces cachées de Darth Vader (Avec l'arrivée en fin d'année du nouvel épisode de la Saga Star Wars, je me devais de rediffuser ce billet paru le 11 février 2011)

Nous avons tous une vision finalement très partielle de Darth Vader, nous n'en connaissons que ce que Georges Lucas a bien voulu nous montrer. Mais comment pourrions-nous connaître la part cachée de Darth Vader ?
DARTH VADER ENFANT :
Grâce à Volkswagen, nous avons une proposition pour un Darth Vader enfant, dont les talents sont encore bien embryonnaires.



DARTH VADER AMOUREUX : 
Grâce à ces épisodes restés peu connus, nous comprenons que Darth Vader peut, comme chacun de nous, tomber amoureux, et que ce n'est pas facile alors...

24 oct. 2014

FIGÉS

Au Québec
Drôles de rencontres faites cet été au Québec, dans la Belle Province.
Devant les maisons de Saint Anne des Monts en Gaspésie, les humains se sont statufiés.
Ont-ils passé trop de temps à contempler les baleines qui jouent dans la baie du Saint Laurent ?
Ou est-ce un reste d’un hiver trop rigoureux qui les aurait figés ? Mais qui alors a pris le temps de les dévêtir ?

Et que penser de ces trois garçons d’une rue du vieux Québec, qui sont devenus plantes ?
Sont-ils des triplés ? Appelés par une Juliette disparue, ont-ils sauté de concert pour se trouver cloués sur ce balcon ?
Ou étaient-ils en train d’en descendre quand un djinn, de passage et malicieux, les a figés, voulant faire un jeu de mot entre son nom et leurs pantalons ? 
Allez donc savoir…

17 oct. 2014

RECYCLER UNE GARE EN UN COCKTAIL BOURGEOIS-BOHÊME

So fashion
Drôle d’endroit découvert récemment Porte de Clignancourt à Paris : La Recyclerie, une ancienne gare reconvertie en un cocktail à dominante de restaurant, avec une pincée de nature et de mini-ferme, une louche d’atelier de bricolage.
Au bord des rails désaffectés, quelques tables qui transforment un ancien quai en terrasse, style guinguette revisitée. On se surprend à regretter qu’un vieux train tiré par une machine à vapeur ne passe pas.
Côté restaurant, une sorte de grande cuisine de ferme où le self est de rigueur avec l’apport de la technologie sans fil (une mini soucoupe volante buzze quand votre plat est prêt).
Et dans la journée, des ateliers divers. J’imagine des postures de yoga prendre place sur l’escalier, des potiers maculer les tables, ou des arcs à souder redonner vie à des lampes abandonnées.
Étrange donc…
J’y vois surtout le dernier témoignage du grignotage constant des anciens quartiers populaires de Paris. Comme un exemple vivant de la France Périphérique que je chroniquais dernièrement.
Quand le marché aux puces qui n’est plus qu’à un pas, va-t-il se retrouver transformé à un immense Ikea horizontal et en plein air ?

5 sept. 2014

CAPTURÉ

Silhouettes
Le monde est peuplé de silhouettes figées, immobiles qui nous observent, nous les mobiles qui ne faisons que jouer à nous croire vivants.
D’aucuns les prennent pour des statues, des créations de mains d’hommes.
Peut-être ou peut-être pas... 
Comme je n’étais pas là lors de leurs naissances supputées, je préfère ne pas prendre le risque de les considérer secondes.
Je les vois primales, essentielles, occupant de tout temps, cet espace où je débouche.
Elles peuvent être petites ou majestueuses, à la tête penchée ou raides, en métal ou en terre, rieuses ou sinistres. Qu’importe !
Je m’arrête, me synchronise à leur fixité, me fige face à elles.
Alors parfois, au bout d’un moment, une minute, une heure, ce sont elles qui s’échappent.
A moi alors d’attendre un autre mobile qui aura la patience suffisante pour me libérer et prendre ma place...

13 déc. 2013

ENTRE TERRE ET CIEL

Singapour (1)
A Singapour, les tours ne se contentent pas de gratter le ciel, elles partent à son escalade. Elles ne se satisfont plus de leur nature terrestre, elles se veulent célestes.
Témoin, celle-ci qui s’est déformée pour se faire escalier. Juste deux marches pour l’instant, mais quelles marches ! Je parie que, quand je reviendrai, ce ne seront plus deux, mais toute une volée qui sera là.
Peut-être que son architecte est un magicien, et que les pierres sont capables, comme les haricots magiques du conte, de grandir et monter sans cesse.
Y a-t-il là-haut, caché derrière un nuage, un palais où se prélasse une poule aux œufs d’or ?...
Drôle d’effet miroir entre des enfants et des tours.
Minuscules sculptures vivantes jouant dans l’herbe, regroupés par deux, trois ou davantage, habillés du même uniforme, toujours en mouvement, ils ponctuent le premier plan.
Immenses sculptures mortes plantées dans le sol, regroupées par deux, trois ou davantage, habillés de verre ou de pierre, toujours immobiles, elles ponctuent l’arrière plan.
La distance qui les sépare déforme les proportions, et peu ou prou, les deux semblent de même taille.
J’imagine les tours qui, bientôt, vont s’arracher de leur fondation, pour venir se joindre aux enfants. Feront-ils alors des équipes mixtes, ou verrons-nous l’équipe des tours affronter celle des enfants ?
Conscient que mon attente risque d’être longue, je m’assieds confortablement dans un recoin de la pelouse, en veillant à ne pas m’assoupir…
Des arbres de verre et de métal montent en s’ouvrant vers le ciel. Des plantes grimpantes sont parties à leur assaut.
Presqu’à leur sommet, existe un chemin qui sillonne d’une arbre à un autre, dessinant un parcours dans la canopée artificielle.
Là, quelques fourmis humaines cheminent, mimant les mouvements de leurs simiesques ancêtres.
Eux n’ont pas besoin du subterfuge de la technologie et méprisent ces succédanés d’arbres. Ils aiment trop saisir une liane et se lancer dans le vide, pour prêter un quelconque intérêt à ce qui n’est qu’un ballade sans saveur et sans risque…

9 déc. 2013

DES QUESTIONS OU IDÉES QUI M’INTERPELLENT

Patchwork
Avant de reprendre le fil de la présentation des Radeaux de feu, je voudrais partager avec vous un patchwork de phrases ou d’idées que j’ai notées, car elles m’ont interpelées. Je vous les livre avec un minimum de commentaires. Je reprendrai probablement plus tard certaines d’entre elles pour les développer.
- Je suis toujours interpelé par les sourds-muets lorsqu’ils discutent entre eux grâce au langage des signes. Face à eux, deux questions me hantent et restent sans réponse : a-t-on un accent quand on vient de la banlieue ou du sud de la France ? Comment lire Proust à son voisin avec des signes ?…
- Un jour où je venais de pénétrer dans une boulangerie dans le quartier des Abbesses à Paris, j’entendis la phrase suivante : "Une paysanne bien cuite et coupée en deux".  A l’évidence, ceci voulait juste dire que le client désirait une moitié de baguette paysanne. Mais sans raison, c’est au sens premier que je compris la phrase, et imaginai avec horreur une pauvre paysanne se voir cuire et coupée en deux pour le plaisir de ce sinistre individu…
- Deux phrases notées, et dites par Jean-Claude Ameisen dans son émission Sur les épaules de Darwin : « Je suis plus riche de mon sommeil. Je ne me réveille pas comme je me suis endormi. » et « Écrire de la fiction, c'est se souvenir de quelque chose qui n'a pas existé, ou pas encore existé. »
- Lors d’une autre émission – je ne me souviens plus laquelle -, j’ai entendu un participant dire : « Est-ce que vous iriez chez un médecin gratuit financé par les laboratoires pharmaceutiques ? Non, n'est-ce pas. Alors pourquoi aller lire des journaux gratuits payés par la publicité ? ». No comment… pour le moment…

22 nov. 2013

RÊVERIES…

Rencontres indiennes (8)
Voilà ce que voyaient les femmes prisonnières du harem du palais de Amber. Cachées derrière la dentelle de pierre, elles ne pouvaient apercevoir que de loin l’effervescence de la cour.
La vie y devenait tableau, mise à distance, théorique et fictive. Deux mondes parallèles que des escaliers rejoignaient.
Aujourd’hui, Amber a dû abandonner ses prérogatives, et n’est plus qu’un musée que l’on visite. Aujourd’hui, tout un chacun peut passer de l’un à l’autre impunément. Nul besoin de se draper en femme pour y déambuler, ni d’être un prince.
Au loin, à une dizaine de kilomètres, bruisse la ville de Jaipur. Mais ici, rien de tel. Juste le calme, le passé perdu, et la rêverie…
Je suis resté de longues minutes à observer ces vaches qui dorment paisiblement sur la route.
Rien n’arrive à perturber leur immobilité. Elles se savent sacrées, et en profitent. Les vélos, les mobylettes ou les voitures doivent les éviter.
Mais tout à coup, arrive un camion qui fonce droit sur elles.
Alors, placidement, comme à regret, elles déplacent pour lui offrir un passage.
Est-ce un camion sacré ? Ou alors, lors de longues veillées nocturnes, les vaches se sont-elles racontées des histoires de camion fou, venant percuter leurs congénères ?...

15 nov. 2013

DES PIERRES ET DES HOMMES

Rencontres indiennes (7)
A Hampi, des masses rocailleuses trônent sans ordre, posées de ci de là, par un architecte inconnu. Impossible de voir d’où elles ont surgi. Aucune montagne à proximité dont elles auraient pu se détacher.
Ces pierres n’attendent qu’à être saisies et taillées pour venir compléter ce qui est déjà en place. La brutalité du paysage naturel est un chantier en plein air, une immense zone de stockage dans laquelle il faut piocher la bonne ressource.
Quel est le rôle de la rivière qui court au milieu de la carrière naturelle ? Est-ce la sève nourricière qui donne l’énergie aux arbres et à la nature environnante pour permettre à davantage de roches de surgir ? Mais comment imaginer que les herbes et les rares arbustes aient la force suffisante pour un tel travail ? Non, ce n’est certainement pas lui qui avait pu extirper de telles masses.
Alors qui ?...
Dans l’étendue des zones désertiques du Rajasthan, d’étranges murs en pierres sèches jalonnent la route.
Rien à voir avec nos murs provençaux, massifs, et dénués d’ouverture.
Ici, le mur devient léger et aérien. Il prend des airs de portique. Comme un travail en réduction. Un peu comme les chefs d’œuvre construits par les compagnons. Bien sûr ici, pas le même sens du détail…
Les pierres du dessus viennent contredire l’effort accompli pour construire la base : autant celle-ci est élaborée, autant elles sont comme jetées, sans plan, ni ordre.
J’aime ce mur, mélange de labeur et de désinvolture, de rigueur et de flou…
A une centaine de kilomètres de ce mur, règne la cité de Jaisalmer, citadelle clé du désert.
Quand je revois cette photo prise de loin, les remparts deviennent nature et roc, et perdent leur caractère construit et artificiel.
Comme un pont avec les jardins Zen de Hampi. A Jaisalmer, l’homme a su retrouver les rythmes de la nature et fondre ses créations dans le paysage…

20 sept. 2013

DÉDOUBLEMENT

A Bordeaux
Avant de repartir pour des directions plus exotiques et lointaines, un arrêt sur les bords de la Garonne à Bordeaux.
Lendemain d’une conférence, train prévu en fin de matinée, temps pour une marche aléatoire sur les quais, arrivée place de la Bourse.
Résonance étrange entre la vapeur issue du miroir d’eau et le ciel chahuté de bleu et de gris. Entre les deux, emprisonnées entre ces deux nuages, les façades de pierre prennent une note surréaliste.
Je ne suis pas le seul à rester interdit face à ce spectacle inattendu. Un cycliste marque aussi un arrêt.
Mais pourquoi diable a-t-il donc deux bicyclettes ? Se dédouble-t-il donc lui aussi ?
Inquiet de cette contagion possible, je reprends ma marche.
Mais peut-être sans m’en rendre compte, me suis-je aussi dédoublé, et mon alter ego est-il, depuis lors, resté là-bas, figé, dans une contemplation infinie et suspendue…

4 sept. 2013

PENSER AVEC LES TRIPES

Il n’y a qu’un pas entre la pensée et la panse
Que serions-nous sans la magie et la puissance de notre cerveau ? Celle-ci repose sur la centaine de milliards de neurones qui s’y trouvent, et sur le réseau incroyablement complexe de tous les points de contacts qui les relient, les plus de cent mille milliards de synapses.
À côté de cette machine centrale, en existe une autre, plus petite, plus limitée, mais essentielle : le cerveau abdominal. En effet, les parois de nos intestins sont tapissées d’une centaine de millions de neurones. Mille fois moins donc que notre cerveau principal, cela semble bien peu…
Donnons quelques éléments de comparaison : le cerveau d’un éléphant comprendrait vingt-trois milliards de neurones, celui d’un singe entre cinq à dix milliards de neurones, celui d’un chat un milliard, celui d’une pieuvre trois-cents millions, celui d’un rat une soixantaine de millions, celui d’une grenouille moins de vingt millions, celui d’une abeille un million et celui d’une fourmi deux-cent cinquante mille. (1)
Donc par rapport à cette échelle, notre cerveau abdominal se trouve entre le rat et la pieuvre… ou encore équivalent à cinq grenouilles travaillant en réseau. Peut-être est-ce pour cela que nous avons parfois des gargouillis gastriques : est-ce donc nos neurones intestinaux qui discutent entre eux ?
Ou aussi notre cerveau abdominal a la puissance de cent abeilles là encore mises en réseau, ou de quatre cents fourmis. Ressentons-nous des fourmillements internes ?
Mais la question n’est pas là, et il n’y a évidemment pas de comparaison entre la puissance de ce cerveau local, et celui qui pilote l’ensemble de notre corps, et est la source de nos processus conscients et inconscients.
À quoi donc sert-il, s’il ne contribue pas à nos pensées ?
À gérer localement le processus de digestion, et la complexité des échanges avec le système sanguin : comment digérer, que faut-il laisser passer, de quoi faut-il se protéger. Le fait que la gestion soit assurée localement et sans intervention du cerveau central, permet des actions ultrarapides, comme, par exemple, le déclenchement de vomissements. Cela allège aussi d’autant l’encombrement du système principal.
Les deux cerveaux sont-ils totalement indépendants ? Non, ils sont réunis par un nerf au joli nom, le nerf vague. Son rôle reste encore imprécis, mais, s’il assure une forme de synchronicité entre les deux, il n’entrave pas l’autonomie du cerveau abdominal.
Ce principe d’organisation n’est pas inintéressant pour réfléchir au management des entreprises, et la façon de développer de vrais processus décentralisés…
Décidément plus nous avançons dans la compréhension de nos mécanismes cérébraux, plus on s’écarte de la vision de Descartes, et de son célèbre « Je pense donc je suis »… à moins qu’il faille le réécrire avec un néologisme : « Je panse et je suis » !
(1) Source Wikipedia – List of animals by number of neurons

(Article paru le 17 juin 2013)

19 août 2013

LA LOGIQUE AVANT LE MAL

Quand le meilleur côtoie le pire
Les hasards des méandres de Facebook m’ont donné accès à une image étrange : selon celle-ci, un des philosophes clés du vingtième siècle, Ludwig Wittgenstein a été « camarade » de classe d’un autre autrichien, encore malheureusement plus célèbre, Adolf Hitler.
Cette information est confirmée sur Wikipedia. On y trouve même une note relative au livre de Kimberly Cornish, Wittgenstein contre Hitler, dont la thèse très controversée suppose qu'ils se connaissaient, et que Hitler aurait nourri pour Wittgenstein une aversion à l'origine de son antisémitisme et donc de la Shoah.
Ce n’est pas cette hypothèse polémique que je m’intéresse, mais simplement le hasard de cette coïncidence : savoir que celui qui est à l’origine d’une des pensées les plus riches et porteuses d’avenir, a été assis aux côtés de celui qui allait conduire une partie de l’humanité dans une apocalypse barbare est troublant.
La synchronicité ne s’arrête d’ailleurs pas là, puisque la publication du Tractatus logico-philosophicus ne précède que de quelques années celle de Mein Kampf : la naissance de l’idéologie du mal se faisait en même temps que celle de la logique. Ou plus exactement la logique a précédé de peu celle du mal. Où est la logique ?
Il n’y a évidemment rien à conclure d’un tel rapprochement, à part de dire que les chemins de la vie amènent des télescopages étonnants.
Je vais finir en donnant la parole au seul qui mérite de la garder, à savoir évidemment Ludwig Wittgenstein, et ce au travers de quelques citations qui illustrent bien l’ironie de la situation :
« Je me rappelle parfaitement que, quelques temps avant ma naissance, je croyais que... »
« Mais si l'on dit : « Comment pourrais-je savoir ce qu'il veut dire, puisque je ne vois que les signes qu'il donne », je répliquerai : « Comment pourrait-il se savoir ce qu'il veut dire, puisque lui aussi n’a à sa disposition que ces signes ? » »
« Est pourvue de sens la phrase que l'on peut non seulement dire, mais aussi pense. »
« Le rêve se produit-il vraiment pendant le sommeil, ou est-il un phénomène imputable à la mémoire de l'homme réveillé ? »
Et évidemment pour finir sa célèbre conclusion de son Tractatus, qui est là tellement opportune :
« Ce dont on peut parler, il faut garder le silence. »
(Article paru le 6 mai 2013)

17 juin 2013

PENSER AVEC LES TRIPES

Il n’y a qu’un pas entre la pensée et la panse
Que serions-nous sans la magie et la puissance de notre cerveau ? Celle-ci repose sur la centaine de milliards de neurones qui s’y trouvent, et sur le réseau incroyablement complexe de tous les points de contacts qui les relient, les plus de cent mille milliards de synapses.
À côté de cette machine centrale, en existe une autre, plus petite, plus limitée, mais essentielle : le cerveau abdominal. En effet, les parois de nos intestins sont tapissées d’une centaine de millions de neurones. Mille fois moins donc que notre cerveau principal, cela semble bien peu…
Donnons quelques éléments de comparaison : le cerveau d’un éléphant comprendrait vingt-trois milliards de neurones, celui d’un singe entre cinq à dix milliards de neurones, celui d’un chat un milliard, celui d’une pieuvre trois-cents millions, celui d’un rat une soixantaine de millions, celui d’une grenouille moins de vingt millions, celui d’une abeille un million et celui d’une fourmi deux-cent cinquante mille. (1)
Donc par rapport à cette échelle, notre cerveau abdominal se trouve entre le rat et la pieuvre… ou encore équivalent à cinq grenouilles travaillant en réseau. Peut-être est-ce pour cela que nous avons parfois des gargouillis gastriques : est-ce donc nos neurones intestinaux qui discutent entre eux ?
Ou aussi notre cerveau abdominal a la puissance de cent abeilles là encore mises en réseau, ou de quatre cents fourmis. Ressentons-nous des fourmillements internes ?
Mais la question n’est pas là, et il n’y a évidemment pas de comparaison entre la puissance de ce cerveau local, et celui qui pilote l’ensemble de notre corps, et est la source de nos processus conscients et inconscients.
À quoi donc sert-il, s’il ne contribue pas à nos pensées ?
À gérer localement le processus de digestion, et la complexité des échanges avec le système sanguin : comment digérer, que faut-il laisser passer, de quoi faut-il se protéger. Le fait que la gestion soit assurée localement et sans intervention du cerveau central, permet des actions ultrarapides, comme, par exemple, le déclenchement de vomissements. Cela allège aussi d’autant l’encombrement du système principal.
Les deux cerveaux sont-ils totalement indépendants ? Non, ils sont réunis par un nerf au joli nom, le nerf vague. Son rôle reste encore imprécis, mais, s’il assure une forme de synchronicité entre les deux, il n’entrave pas l’autonomie du cerveau abdominal.
Ce principe d’organisation n’est pas inintéressant pour réfléchir au management des entreprises, et la façon de développer de vrais processus décentralisés…
Décidément plus nous avançons dans la compréhension de nos mécanismes cérébraux, plus on s’écarte de la vision de Descartes, et de son célèbre « Je pense donc je suis »… à moins qu’il faille le réécrire avec un néologisme : « Je panse et je suis » !
(1) Source Wikipedia – List of animals by number of neurons

6 mai 2013

LA LOGIQUE AVANT LE MAL

Quand le meilleur côtoie le pire
Les hasards des méandres de Facebook m’ont donné accès à une image étrange : selon celle-ci, un des philosophes clés du vingtième siècle, Ludwig Wittgenstein a été « camarade » de classe d’un autre autrichien, encore malheureusement plus célèbre, Adolf Hitler.
Cette information est confirmée sur Wikipedia. On y trouve même une note relative au livre de Kimberly Cornish, Wittgenstein contre Hitler, dont la thèse très controversée suppose qu'ils se connaissaient, et que Hitler aurait nourri pour Wittgenstein une aversion à l'origine de son antisémitisme et donc de la Shoah.
Ce n’est pas cette hypothèse polémique que je m’intéresse, mais simplement le hasard de cette coïncidence : savoir que celui qui est à l’origine d’une des pensées les plus riches et porteuses d’avenir, a été assis aux côtés de celui qui allait conduire une partie de l’humanité dans une apocalypse barbare est troublant.
La synchronicité ne s’arrête d’ailleurs pas là, puisque la publication du Tractatus logico-philosophicus ne précède que de quelques années celle de Mein Kampf : la naissance de l’idéologie du mal se faisait en même temps que celle de la logique. Ou plus exactement la logique a précédé de peu celle du mal. Où est la logique ?
Il n’y a évidemment rien à conclure d’un tel rapprochement, à part de dire que les chemins de la vie amènent des télescopages étonnants.
Je vais finir en donnant la parole au seul qui mérite de la garder, à savoir évidemment Ludwig Wittgenstein, et ce au travers de quelques citations qui illustrent bien l’ironie de la situation :
« Je me rappelle parfaitement que, quelques temps avant ma naissance, je croyais que... »
« Mais si l'on dit : « Comment pourrais-je savoir ce qu'il veut dire, puisque je ne vois que les signes qu'il donne », je répliquerai : « Comment pourrait-il se savoir ce qu'il veut dire, puisque lui aussi n’a à sa disposition que ces signes ? » »
« Est pourvue de sens la phrase que l'on peut non seulement dire, mais aussi pense. »
« Le rêve se produit-il vraiment pendant le sommeil, ou est-il un phénomène imputable à la mémoire de l'homme réveillé ? »
Et évidemment pour finir sa célèbre conclusion de son Tractatus, qui est là tellement opportune :
« Ce dont on peut parler, il faut garder le silence. »

26 nov. 2012

LE RETOUR DE LA SORCIÈRE

Quand l’informatique met son origine au Musée

Voilà donc le retour de la sorcière : après avoir décliné pendant plus de cinquante ans, elle s’était trouvée mise en pièces détachées, et remisée dans un débarras poussiéreux. Quelle déchéance pour celle qui avait été l’auxiliaire dévouée et consciencieuse de la recherche nucléaire britannique !
Il est vrai que les tours de cette sorcière n’avaient bien vite fait vibrer que les étudiants en informatique de l’Université de Wolverhampton, car elle avait été dépassée par ses jeunes congénères, infiniment plus petites et plus agiles : qui pouvait accepter sa lenteur à faire des opérations aussi élémentaires que la multiplication de deux nombres ?
Elle trône à nouveau, non plus au cœur de l’industrie, mais dans le Musée national de l’Informatique à Bletchley Park, en Grande Bretagne.
Cette sorcière de 2,5 tonnes est considérée comme le plus vieil ordinateur à programme du monde, et est un anti-palindrome technologique : comment en effet imaginer que l’on puisse aller indifféremment dans les deux sens, de cette sorcière vers un iPad ou MacBook actuel ?
Intéressant contre-point de ma réflexion sur le palindrome temporel de jeudi dernier (1), et les dangers à vouloir réinventer le présent en cherchant des boucs émissaires passés.