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28 avr. 2011

DÉTRUIRE DE LA VALEUR EN CHANGEANT

Il est des aventures coûteuses
Hier, j’imaginais un jeune chef de produit qui révolutionnait son produit ou un dirigeant qui se lançait dans une acquisition majeure, les deux parce que la gestion de l’existant les ennuyait et ne leur semblait pas à la hauteur de leurs compétences. Il ne s’agissait bien sûr que de caricatures et de simplifications, mais elles sont représentatives d’un état d’esprit finalement assez courant.
Nombre d’entreprises s’épuisent dans des lancements sans cesse renouvelés, tout en laissant dépérir le catalogue des produits existants, quand elles ne les détruisent pas dans des rénovations hasardeuses. Or c’est le fonds de catalogue qui va apporter la rentabilité et la stabilité de la croissance. Si les nouveaux produits ne viennent que compenser la baisse des produits existants, le chiffre d’affaires total va stagner, et la rentabilité décroitre.
Souvent aussi les entreprises font des allers-retours coûteux. Deux exemples parmi d’autres d’entreprises qui se perdent dans des diversifications :
-          En 1980, le cimentier Lafarge entre dans la biochimie au travers de la création d’Orsan, et s’en retire complètement en 1994.
-          En 1979, Schlumberger, entreprise spécialisée dans les services pétroliers, prend le contrôle de Fairchild, société spécialisée dans l’électronique et la revend en 1987 ; en 2001, Schlumberger achète Sema, société de services dans l’informatique et la revend deux ans plus tard.
Les « aventures » de la Compagnie Générale des Eaux se transformant en Vivendi pour renaître en Veolia sont un autre cas d’ « errance stratégique ».
Le recentrage récent de Cisco sur les activités BtoB en se retirant complètement du marché grand public en est aussi un bon exemple.
Il n’est décidément pas facile de rester fidèle à la mer choisie. Pourtant certains y arrivent. Comment font-ils ?
(à suivre)

5 nov. 2010

4 nov. 2010

ON NE PEUT PAS LÂCHER PRISE SANS STABILITÉ PERSONNELLE

Le management n'est pas une profession en soi

Le préalable au succès dans l'incertitude est de commencer par faire le vide : être là sans a priori, observer attentivement, ne pas tout calculer et mathématiser. C'est à ces conditions que l'on pourra lâcher prise et faire confiance à son intuition : on ne pourra pas choisir la mer à l'issue d'un cheminement logique, car partir du futur est d'abord affaire d'imagination. Cette imagination se nourrit de faits et d'informations, car il ne s'agit pas de tirer sa mer à la loterie ou chez une cartomancienne. Mais ce n'est pas un raisonnement « logique » qui va permettre de passer de ces faits à la mer, ce sera un saut créatif.

Ceci suppose la stabilité du management et des actionnaires, et l'existence d'une expérience commune entre eux et avec le cœur de l'entreprise. Pourquoi ? Parce que tout dirigeant, sans qu'il s'en rende nécessairement compte, est conditionné et influencé par son inconscient : dès qu'il décide, une part majeure repose sur ce que l'on appelle son intuition, intuition qui est d'abord le travail de ses processus inconscients1. Aussi, une bonne partie de son succès en tant que dirigeant provient-il de la bonne synchronicité entre deux inconscients : le sien et celui de l'entreprise. Si son expérience personnelle est en phase avec le métier de l'entreprise, s'il sent l'entreprise car il y a grandi, ses intuitions sont exactes et il fait les bons choix. Comme il se sent en confiance, il délègue et peut lâcher prise. Si un changement se profile, si une rupture est nécessaire, il les verra venir, saura transitoirement reprendre le manche et agira en profondeur dans l'entreprise pour reprogrammer ce qui doit l'être.

Si maintenant, auréolé de ses succès passés, il change d'entreprise et se retrouve à la tête d'un ensemble qu'il ne connaît plus et dont les logiques ne sont plus les siennes, il sera trompé par son inconscient et son intuition. Si, par exemple, il passe d'une industrie de processus lourds à un domaine où la technologie et le marketing sont essentiels, comment va-t-il faire ? Comme il doit prendre décision sur décision – il est venu pour cela et il a toujours su le faire –, il ne se rendra pas compte que son inconscient qui le conditionne, le trompe. Et comme il ne comprend pas comment l'entreprise réagit, comme ce qui se passe n'est pas ce qu'il attendait, il se crispe, délègue de moins en moins, contrôle de plus en plus et se réfugie dans des tableaux de chiffres. Rien ne va plus. Voilà ce manager qui a toujours réussi qui ne comprend pas pourquoi cela ne marche plus. Il est perdu, noyé dans un double inconscient qu'il ne perçoit pas.

Plus l'incertitude se développe, plus ce risque est important et réel. Aussi, contrairement à ce qui est souvent affirmé, je ne crois pas qu'un professionnel du management puisse réussir à la tête de n'importe quelle entreprise : manager n'est pas un métier que l'on peut transposer aisément d'un lieu à un autre, c'est le fruit d'une expérience et d'une interaction dans un lieu et un moment précis.


Extrait des Mers de l'incertitude

2 nov. 2010

ON NE CHANGE PAS DE STRATÉGIE COMME ON CHANGE DE CHEMISE !

La route sera longue et difficile

La marque de vêtements Loft Design by a inscrit sur bon nombre de ses produits : « Art is a dirty job, but somebodys got to do it». C'est un peu la même chose qu'il faut graver de partout dans l'entreprise : « Achieving our goals is a dirty job, but somebody's got to do it » !

Mais pourquoi ne pas juste se laisser glisser paresseusement vers sa mer ? Puisque l'on a choisi la bonne, puisque le chemin est là, puisque les potentiels de situations sont favorables, pourquoi aurions-nous des efforts à faire ? Malheureusement, ce n'est pas si simple : construire la bonne stratégie garantit seulement de pouvoir atteindre la mer, l'existence des potentiels de situations favorables de ne pas s'épuiser en allant à contre-courant. Mais comme le trajet précis est inconnu, comme des concurrents peuvent chercher à doubler, comme des difficultés transitoires vont surgir, il va falloir inventer les solutions en temps réel et trouver des voies pour franchir les obstacles.
Ce sont les débuts qui sont les plus critiques. Un fleuve qui vient de quitter sa source, est petit, faible, et fragile. Il ne peut franchir une difficulté qu'en contournant un rocher ou en accumulant de l'énergie pour repousser une branche. Puis, petit à petit, au fur et à mesure de son avancée, il va gagner en puissance et en force. Seuls de grands obstacles vont le ralentir, mais rien ne pourra l'arrêter : il ira jusqu'à la mer.
Idem pour une entreprise. Les débuts sont les plus dangereux. Aussi ne faut-il pas enchaîner les commencements !

Aussi attention aux allers-retours coûteux :
- En 1980, le cimentier Lafarge entre dans la biochimie au travers de la création d'Orsan, et s'en retire complètement en 1994.
- En 1979, Schlumberger, entreprise spécialisée dans les services pétroliers, prend le contrôle de Fairchild, société spécialisée dans l'électronique et la revend en 1987 ; en 2001, Schlumberger achète Sema, société de services dans l'informatique et la revend deux ans plus tard.
Les « aventures » de la Compagnie Générale des Eaux se transformant en Vivendi pour renaître en Veolia sont un autre cas d' « errance stratégique ».

Extrait des Mers de l'incertitude

7 juin 2010

LA VIE NAÎT DU DÉSORDRE

C'est beau la vie, mais quelle pagaille !

Poursuite de la promenade au sein des « Mers de l'incertitude » avec des extraits issus de la première partie et portant sur la vie et l'évolution.

« Quand je me penche à l'intérieur de la vie pour voir un peu ce qui se passe, je n'y trouve que des séries de désordres emboîtés les uns dans les autres : chaque fois que j'ouvre la poupée d'un niveau, j'en trouve une autre plus petite, à l'intérieur. Interminable jeu de poupées russes.
A chaque niveau, l'instabilité est la règle, et seul le mouvement permet au système de tenir debout et d'avancer. Ainsi ce ne sont pas des poupées russes qui sont emboîtées, mais plutôt des « vélos russes » : des vélos qui pédalent sans cesse emboîtés les uns dans les autres. Chaque particule de matière infinitésimale va de déséquilibre en déséquilibre ; chaque cellule est composée d'une multitude de particules qui entrent et sortent de la cellule ; chaque être vivant est un ensemble dynamique de cellules qui collaborent provisoirement, naissent et meurent sans cesse, s'hybrident constamment avec le dehors. Et, cerise sur le gâteau, nous, humains, nous avons en plus un cerveau sophistiqué composé de milliards de neurones et d'un nombre quasi incalculable de connexions synaptiques : le tout n'arrête pas d'intégrer de nouvelles informations, de recomposer ses interprétations passées et d'en construire de nouvelles. Nous ne sommes donc qu'un gigantesque désordre, une pagaille à faire peur si nous pouvions la voir.
De tout cela, émergent notre conscience et notre conviction d'exister, c'est-à-dire une sensation de continuité et de responsabilité dans le temps : je suis celui que j'ai été et je me sens responsable de ce que j'ai fait. Nos systèmes de pensée et de droit sont fondés sur ce sentiment d'identité et de responsabilité.
Ainsi de ce fouillis indescriptible, de ces vélos russes qui tournent sans cesse les uns dans les autres, sommes-nous nés. (…)

Ordre et désordre sont donc indissociables : c'est la présence des deux qui apporte à la vie la capacité à s'adapter, indispensable pour inventer par tâtonnements et ajustements successifs, et la continuité, nécessaire à la construction de l'identité et de l'expérience.
La vie se nourrit aussi d'elle-même : tout organisme vivant absorbe constamment d'autres organismes vivants, avant d'être lui-même absorbé. Nous sommes tous des cannibales du vivant.
Pour être vivante, l'entreprise a besoin aussi de dualité et de cannibalisme : une forme d'ADN qui va lui apporter stabilité et continuité, des réactifs élémentaires changeants et volatils capables de se composer et décomposer rapidement ; la croissance externe qui est une des sources essentielles de son développement, en lui permettant d'absorber l'énergie accumulée par les autres. »
1

(1) Extraits des Mers de l'incertitude p.57-58 et 60

12 avr. 2010

POUR LA MISE EN PLACE D’UN « MANAGEMENT DURABLE »

Est-ce que les décisions prises aujourd'hui contribuent à créer de la valeur à terme ?

Le concept de « développement durable » est venu envahir – à juste titre – envahir notre espace commun de réflexion… et un peu – malheureusement pas assez ! – d'action. Pour simplifier, il est né de la prise de conscience que nos actions immédiates allaient conduire à une catastrophe à terme.

Selon la définition fournie dans Wikipedia, « Le développement durable (traduction de Sustainable development) est une nouvelle conception de l'intérêt public, appliqué à la croissance économique et reconsidéré à l'échelle mondiale afin de prendre en compte les aspects écologiques généraux d'une planète globalisée. Selon la définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement dans le Rapport Brundtland, le développement durable est : « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »

Face à l'urgence de la crise écologique et sociale qui se manifeste désormais de manière mondialisée (changement climatique, raréfaction des ressources naturelles, écarts entre pays développés et pays en développement, perte drastique de biodiversité, croissance de la population mondiale, catastrophes naturelles et industrielles), le développement durable est une réponse de tous les acteurs (États, acteurs économiques, société civile) pour reconsidérer la croissance économique à l'échelle mondiale afin de prendre en compte les aspects environnementaux et sociaux du développement. »

Je crois que nous sommes un peu dans la même situation pour ce qui est du management des entreprises : plongé dans la montée de l'incertitude et la difficulté croissante d'anticiper, mis sous pression par la demande d'amélioration continue des résultats financiers, souvent de passage à la tête d'une entreprise dont il ne connait ni le passé, ni la culture, ni les hommes, le management est conduit de plus en plus à prendre des décisions qui ne contribuent plus vraiment à une création de valeur durable.

Il serait donc temps d'en appeler à la mise en place d'un « management durable » (ou sustainable management), c'est-à-dire une meilleure prise en compte des effets dans la durée.

Cette remarque qui est vraie pour les entreprises s'applique aussi plus globalement au système économique…

9 avr. 2010

COMMENT CONDUIRE UN CHANGEMENT DANS UN PAYS SANS STABILITÉ ?

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Mon blog était en vacances pour laisser passer les cloches…
- Mardi : Malgré l'acceptation intellectuelle de l'incertitude, plusieurs comportements obsolètes perdurent : on continue à vouloir prévoir à coup de tableurs Excel ; de plan de productivité en plan de productivité, on rend les entreprises cassantes et anorexiques ; plus son expertise se développe, plus une entreprise risque de se déconnecter du réel.
- Mercredi : Le management dans l'incertitude suppose de penser à partir du futur - à partir de ces mers qui sont des attracteurs stables -, et d'apporter des solutions nouvelles et immédiates susceptibles de faciliter l'accès à cette « mer ». Il suppose aussi paradoxalement une permanence dans la mer visée et une grande stabilité de l'équipe de direction et de l'actionnariat. 
- Jeudi : Il y a un mois, celui qui allait être une des principales « victimes » des élections régionales était annoncé comme un candidat à Matignon. Incapacité de la presse à prendre du recul ou instabilité des carrières gouvernementales ?

Je reste « fasciné » par la capacité de nombre d'hommes politiques à venir occuper des responsabilités ministérielles pour lesquelles ils n'ont aucune expérience. Ou encore par la valse constante et régulière qui les voit échanger leurs portefeuilles. Il est vrai que cette valse est plutôt décroissante, ces dernières années.
Or ce qui est vrai pour les entreprises – l'accroissement de l'incertitude appelle à plus de stabilité du management et de l'actionnariat – est encore plus vrai pour un pays et une responsabilité ministérielle : comment imaginer qu'un homme politique pourra intégrer la complexité d'une fonction s'il ne fait qu'y passer ? Comment avoir une action stable et dans la durée quand les responsables changent constamment ? Comment croire que l'on peut entreprendre une action profonde et réelle quand on change d'orientation à tout moment ?
Le besoin de penser à partir du futur et d'apporter une cohérence à l'action dans la durée (« consistency » dirait les anglais) est loin d'être la règle courante dans toutes les entreprises, mais on le retrouve chez les meilleurs. Il est malheureusement terriblement absent dans le monde politique. Le rythme régulier des élections ne facilite pas cette approche, mais le comportement de la classe politique vient souvent amplifier ce handicap.
Quant aux trois comportements obsolètes - le danger des prévisions excel, la tendance à l'anorexie et l'aveuglement par l'expertise -, seul le premier se retrouve dans le gestion politique, mais fortement accru : on discute constamment d'indicateurs et de nombres qui ne correspondent à aucune réalité effective (par exemple le taux d'inflation n'est que le résultat d'un calcul et ne correspond à aucune situation réelle) et dont les anticipations sont constamment démenties (sans parler des cas où l'on tire des conclusions à partir de variations non statistiquement significatives).
On ne voit par contre pas vraiment la classe politique avoir une tendance excessive à la productivité. Quant à l’aveuglement par expertise, le risque couru par les politiques est plus la coupure du réel…