La saison des truffes n'a pas encore commencé : elle ne commencera que début novembre. Mais celle des champignons, oui. Et effectivement dans le terrain de ma maison en Provence, ils sont légion.
Ne m'y connaissant que bien peu en botanique et dans l'art de distinguer quels champignons sont comestibles, ils constituent pour moi d'abord un élément du paysage, comme des mini- sculptures venues égayer de façon fugace le sous-bois. Si l'on oublie la recherche de la productivité, de l'utilité immédiate, pour se laisser aller au plaisir des yeux et à la rêverie, ils sont l'occasion de rencontres étonnantes.
Ainsi ce champignon rouge-orangé vient en contrepoint de celui qui est rouge-rosé. Se font-ils une forme de compétition ? Sont-ce des frères qui ont fait des choix différents et ont divergé ? Le rouge-orangé veut-il à tout prix être vu ? A-t-il choisi délibérément cette nuance pour ne pas passer inaperçu ? Mais est-il alors conscient qu'il risque encore plus d'être cueilli ? Ou croit-il faire peur ? A l'inverse, le rouge-rosé, par son choix de ton plus pastel, cherche-t-il à se fondre dans les feuillages ? Regrette-t-il d'être né rouge ? Se rêve-t-il en blanc ? Suit-il une cure de dépigmentation ?
Et que penser des ces autres champignons recouverts de moisissure bleue ? Est-ce que je fais face à une tentative d'invasion : la moisissure, qui est elle-aussi une forme de champignons, est-elle un parasite ? Ou alors, ces champignons ont-ils une crise d'identité et se prennent-ils pour des roqueforts ? Les Causses ne sont pas si loin et, comme les spores peuvent voyager dans le vent, ces champignons ont peut-être des ancêtres nés à Roquefort. Mais dans ce cas, quelle pathétique perte de repère et de confusion ! Bel exemple des dangers de la globalisation et de l'effondrement des frontières…
Comment savoir ? On ne peut pas, et c'est tout le charme de cette marche dans les sous-bois. Ah, si seulement les champignons pouvaient parler…