24 nov. 2011

NE LAISSONS PAS L’INSÉCURITÉ SE GLISSER DANS NOS BOÎTES AUX LETTRES !

On vole des magazines à la Croix Rousse
En paraphrasant un des sketches de Pierre Desproges qui commençait par « Les rues de Paris ne sont plus sûres », je viens d’apprendre que les boîtes aux lettres de la Croix Rousse ne sont plus sûres. En effet, comme il est indiqué sur cette note du syndic, les magazines disparaissent dans une boîte aux lettres (voir la photo de cette note ci-jointe).
Bien sûr, on pourrait s’amuser du style un peu enfantin de la rédaction et d’une expression comme « Le monsieur part », mais la gravité des faits relatés n’en reste pas moins certaine. Où va-t-on si l’insécurité va se glisser jusqu’à l’intérieur de nos immeubles, et dans l’intimité de nos boîtes aux lettres ?
Quelques informations pour les lecteurs qui ne connaissent pas la Croix Rousse : anciennement quartier ouvrier de Lyon (c’était le lieu d’habitation des canuts et de leurs métiers à tisser), il est devenu un quartier chic, surtout dans sa partie centrale. Or c’est bien là que cet immeuble est situé.
J’ai masqué l’adresse exacte, ainsi que celle du syndic par crainte de représailles. En effet, quelqu’un qui est capable de « se donner  beaucoup de mal pour voler des magazines », doit espionner le WEB, et je ne veux prendre aucun risque.
J’espère que ceci n’est qu’un acte isolé, mais peut-être pas. Si l’un de vous était témoin d’autres agissements dans des boîtes aux lettres, ou si l’en a simplement entendu parler, signalez-vous.
À mon tour, pour reprendre la formule du syndic, je demande à chacun d’entre vous d’être vigilant quant à ces vols dans les boîtes aux lettres. Il est temps de se liguer pour que cela cesse, car nous avons le droit à un minimum de sérénité !

23 nov. 2011

TROIS RÈGLES À NE PAS OUBLIER POUR AGIR DANS L’INCERTITUDE

Ne rien faire n'est pas une solution
Revenons sur notre enfant qui avait décidé de ne pas marcher1, et sur les trois raisons de sa décision : les débuts sont pénibles, tout n’est pas permis, et le monde est dangereux.
Ce sont souvent aussi ces trois raisons qui poussent une entreprise à ne pas bouger et à avoir peur de l’incertitude :
-        Quitter la situation actuelle est toujours difficile, et induit une perte initiale de confort : on est dans ses habitudes, chacun sait où sont les choses et ce qu’il peut attendre de l’autre, on a organisé son cocon, on ne voit plus ce qui entrave ou gène… Tout déplacement, même si l’on est convaincu d’une amélioration future, obligera à perdre tout ou partie de cela. A fortiori, si l’on n’est pas convaincu d’un mieux futur, et que l’on ne bouge que parce que l’on y est contraint…
-       L’action doit être réaliste : il ne sert à rien de se bercer d’illusions et de viser l’inaccessible ou l’interdit. Attention aussi à ne pas se disperser et à se laisser séduire par tout ce qui entoure. Comme dit le dicton populaire, l’herbe paraît toujours plus verte de l’extérieur… et marcher sur les pelouses est souvent interdit.
-        Oui, le monde est dangereux : l’environnement est incertain, il est illusoire de croire que l’on peut en prévoir les évolutions, et des cygnes noirs peuvent advenir. Mais, c’est vrai aussi en restant immobile, là où l’on est. Se mettre en mouvement, c’est s’ouvrir de nouveaux espaces, se créer de nouvelles opportunités, se préparer à l’inattendu.
Savoir que les débuts seront difficiles, ne viser que l’accessible, et savoir que le monde est dangereux, voilà trois règles à appliquer pour agir dans l’incertitude.
Attention aux dirigeants qui sous-estiment la pénibilité du départ, fixent des objectifs extrêmes ou imaginent qu’ils vont se protéger des risques… ou pire, ceux qui croient que le mieux est de ne rien faire…
(1) Voir Soyons des paranoïaques optimistes

22 nov. 2011

LES PRÉVISIONS NE SONT PAS MAGIQUES

Dire n’est pas agir
Dire que quelque chose risque d’advenir ne le rend pas certain, car, sauf exception, les prédictions ne sont pas auto-réalisatrices.
Les marchés financiers sont un des rares contre-exemples, et la parole y semble magique. Pourquoi ? Sans être un spécialiste de ces marchés, je crois que l’absence totale de repères réels et l’incapacité de fait à ne serait-ce que comprendre ce qui est en train de se passer, fait que tout affirmation portée par quelqu’un identifié comme un « expert » ou une « autorité » fait force de loi. Quand on ne sait pas pourquoi une évolution a lieu, suivre le mouton qui bêle le plus fort est tentant…
Mais habituellement, dans la vie des entreprises, anticiper un risque potentiel ne modifie pas sa probabilité d’occurrence. Cela permet simplement deux choses essentielles : pouvoir identifier ce qui peut diminuer cette probabilité, se préparer à y faire face s’il advient.
Malheureusement, souvent, la première action est illusoire, ou du moins, il est impossible d’en mesurer les effets précis, car, vu la complexité de notre monde actuel, il est extrêmement difficile de simuler les conséquences de toute action individuelle, fusse-t-elle conduite par une grande entreprise. Mais cela ne doit pas empêcher d’agir. Simplement attention à ne pas surestimer l’impact de ce que l’on entreprend, et se croire du coup prémuni face à ce risque.
Reste donc à s’y préparer. C’est dans le calme que l’on se prépare à mieux faire face aux tempêtes éventuelles.
Attention toutefois à ne pas mettre toute son énergie à être prêt au pire. Comme je l’indiquais hier dans "Soyons des paranoïaques optimistes", il faut savoir se mettre à marcher !

21 nov. 2011

SOYONS DES PARANOÏAQUES OPTIMISTES

Apprendre marcher malgré les risques
Imaginez un enfant de neuf mois qui, très mature intellectuellement, a compris qu’il est face à une décision clé pour lui : doit-il oui ou non se mettre à marcher. Aussi plutôt que de se décider à la va-vite, il mène une réflexion approfondie.
Celle-ci l’amène aux conclusions suivantes :
-        Les premières semaines seront très éprouvantes : comme il ne maîtrisera pas son équilibre, il tombera sans cesse. Or tomber fait mal, il le sait, car, enfant pragmatique, il a essayé et ses fesses en gardent un souvenir cuisant.
-        Ce qui le passionne le plus lui restera interdit : il lorgne depuis longtemps, c’est-à-dire neuf mois, l’installation informatique de son père, le tableau de commande de la chaîne hifi, ainsi que celui de la machine à laver le linge. Or il a vu son grand-frère se faire systématiquement rabrouer à chacune de ses tentatives. A quoi bon se lancer alors ?
-        Le monde extérieur est un monde hostile : grâce à la télévision qu’il observe constamment et à ses promenades en landau, il a vu que, dehors, il fait, tour à tour, froid ou chaud, que les rues sont encombrées de voitures qui sont autant de menaces, et que des écoles et des maîtres rébarbatifs l’attendent.
Fort de cette analyse, il prend la seule décision raisonnable, la seule qui le protège de tous ces risques : il ne marchera pas, et passera sa vie dans son landau. Rassuré, il s’enfonce doucement dans le confort de sa couette.
C’est de cet enfant qu’Amélie Nothomb parlait dans la Métaphysique des tubes : « Il se met à marcher, à parler, à adopter cent attitudes inutiles par lesquelles il espère s’en sortir. Non seulement il ne s’en sort pas, mais il empire son cas. Plus, il parle, moins il comprend, et plus il marche, plus il fait du surplace. Très vite, il regrettera sa vie larvaire, sans oser se l’avouer. (…) C’est la vie qui devrait être tenue pour un mauvais fonctionnement. »
Cet enfant fait-il le bon choix ? Est-ce pertinent ? Évidemment non, et Dieu merci, nos enfants ne sont pas aptes à mener de telles analyses…
De même, devenus adultes, nous acceptons de traverser les rues malgré les voitures, ou simplement de sortir malgré les météorites. Pourtant les accidents arrivent, et personne ne peut affirmer que jamais une météorite ne tombera sur ce morceau de trottoir…
Il doit en être ainsi pour les entreprises : au nom de l’analyse des risques, elles ne doivent pas rester immobiles et tétanisées. Mais comme pour le nouveau-né intellectuellement surdoué, et physiquement inhibé, il m’arrive de voir des directions choisissant de ne pas se mettre à marcher. Elles se condamnent à coup sûr.
L’incertitude appelle une attitude qui, tout en ne négligeant aucun risque, notamment les cygnes noirs1, se tourne vers l’action. Soyons tous des paranoïaques optimistes : imaginons le pire, préparons-nous à y faire face, et agissons pour qu’il ne produise pas ! C’est ce que j’exprimais déjà dans ma vidéo au moment du lancement de mon livre les Mers de l’incertitude (cf. ci-dessous).



18 nov. 2011

L'ART DU REGARD DÉCALÉ

Quand Desproges nous réapprenait à voir ce qui se passait chez nous
Pour terminer cette semaine consacrée à quelques réflexions sur l'art du diagnostic, pourquoi ne pas re donner la parole à Pierre Desproges et à ses minutes nécessaires :

17 nov. 2011

CONNEXION AU RÉEL ET “CONSISTENCY”, LES DEUX CLÉS DE LA PERFORMANCE COLLECTIVE

La vie se nourrit d’échanges internes et externes
Dans la prolongation de mon billet d’hier, c’est donc le système global, le collectif qu’il s’agit d’évaluer.  Comment faire ?
Je crois d’abord qu’il faut éviter deux écueils :
-        Celui de l’expert et de sa prétention à croire qu’il peut dire ce qui est juste et bien.
Comment en effet prétendre être capable de dire qu’un système fait juste ? A-t-on à sa disposition un mètre-étalon permettant de mesurer dans l’absolu et avec exactitude ? Non, évidemment. Donc, sauf cas manifeste d’erreur, il faudrait mener sur chaque item des analyses longues et contradictoires, et encore sans avoir l’assurance d’une réponse unique. Bref, il faudrait tout refaire à la place de ceux qui sont là.
-        Celui de la photographie et de l’instantané.
A quoi bon chercher à savoir si un système – un service, une filiale, une entreprise… –,  est en train de faire juste ? Car qu’est-ce qui peut permettre d’en conclure qu’elle pourra faire juste demain ? Les systèmes vivants sont en perpétuelle transformation, et c’est cette dynamique qu’il faut évaluer, et non pas une quelconque performance instantanée.
Donc comment faire ? Personnellement, je m’intéresse à deux questions, et deux seulement :
1.     Comment le système est-il connecté au « réel », ou autrement dit, quelles sont la quantité et la qualité des faits qui l’irriguent ?
Ainsi dans le cas d’une entreprise, je vais chercher à comprendre sur quoi reposent les raisonnements et les décisions internes : est-ce que le marketing connaît les ventes actuelles et passées, les offres de la concurrence, les parts de marché…? Est-ce que la production connaît les performances réelles de ses usines, et avec quel délai, de celles des concurrents, les coûts unitaires, les rebuts…?  Combien de temps une information met pour atteindre la direction générale et être prise en compte ? Est-ce que l’on mesure le temps de conception des nouveaux produits, la part dans le chiffre d’affaires des produits de moins de cinq ans ? Symétriquement, suit-on les produits les plus anciens ?...
2.     Quel est le degré de cohésion au sein du système, est-ce que chacun « tire dans la même direction », est-ce « consistent » pour reprendre l’expression anglaise qui n’a pas d’équivalent direct en français, ou encore à l’opposé, est-il « désarticulé » ?
Là aussi je vais me poser des questions simples : Quelles sont les articulations entre la stratégie, le plan marketing, le budget de l’année, les objectifs commerciaux annuels et le plan industriel ? Les données figurant entre tous les tableaux de bord - finances, marketing, commercial, industriel - proviennent-elles d’une source unique ? Les objectifs individuels fixés lors des entretiens annuels sont-ils en ligne avec les objectifs de l’entreprise ? Et les systèmes de rémunération ? Comment répond-on à la question : quels sont les points forts et les points faibles de l’entreprise ? De la concurrence ?...
Pourquoi seulement ces deux questions ? Parce que mon expérience m’a montré qu’un système cohérent et nourri par les faits finit par faire juste : il s’adapte, il réagit, il ne se désagrège pas… bref il vit et avance !
Par contre s’il n’est pas nourri par les faits, il va dériver, et, s’il est très cohérent, foncera comme un seul homme dans un mur.
Symétriquement s’il n’est pas cohérent, il n’avancera pas, et plus il sera nourri par les faits, plus il se désarticulera, jusqu’à finir par imploser.

16 nov. 2011

LA PERFORMANCE COLLECTIVE ÉMERGE… OU N’ÉMERGE PAS

Évaluer un individu ne dit pas grand chose sur le collectif
Comme je l’indiquais hier, mesurer la performance individuelle n’a pas grand sens, et peut même être dangereux en masquant les effets de système.
Tout personne qui prend le temps d’analyser le fonctionnement des entreprises, ne peut qu’être d’accord avec cette affirmation – elle risque même probablement de la trouver triviale –, mais alors pourquoi tant de primes individuelles, tant de carottes personnelles ?
D’autant que, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire1, l’esprit de compétition et le développement de « carottes » sont contreproductives : elles ne fonctionnent réellement que pour des tâches simples, élémentaires et non dépendantes des autres. Connaissez-vous beaucoup de telles situations ?
Pourquoi continuer ainsi ? Par conformisme ? Par paresse ? Ou alors par expérience ? Mais cela voudrait dire que les expériences en entreprise viennent contredire toutes les analyses et recherches faites de par le monde. Étrange, non ?
Je repense aux fourmis et aux abeilles dont je parlais début septembre2, et à l’émergence de l’intelligence collective. Est-ce qu’il nous viendrait l’idée de mesurer la performance d’une fourmilière à l’aune de celle d’une fourmi, ou de considérer que la force d’une ruche est la multiplication de la force d’une abeille par le nombre d’abeilles ?  Non, n’est-ce pas ? Nous savons que c’est la collaboration entre les individus, et la bonne répartition des tâches qui font la force collective.
Mais bien sûr, nous ne sommes ni des fourmis, ni abeilles, et chacun d’entre nous est infiniment plus intelligent que ces êtres si petits et si primaires. Certes, je n’en disconviens pas.
Mais ce qui est vrai pour une fourmilière ou une ruche, est vrai pour une entreprise : la performance collective n’est pas l’addition des performances individuelles. Et le système collectif permet l’émergence de nouvelles propriétés, ou ne le permet pas… et c’est cela qui compte et qu’il faut évaluer…

15 nov. 2011

LA PERFORMANCE INDIVIDUELLE N’A PAS GRAND SENS

Laissons les papillons battre des ailes, et n’en concluons rien !
Retour sur les papillons et leurs battements d’aile.
J’aime cette idée : imaginez donc un papillon qui est en train de donner un coup d’aile, – disons dans le Sud de l’Espagne par une belle fin de journée ensoleillée –, et qui, sans le savoir, va déclencher quelques semaines plus tard une catastrophe météorologique à l’autre du bout du monde. Cette image est si poétique qu’elle est devenue un lieu commun.
Mais arrêtons-nous un instant sur elle. Comment peut-on imaginer réellement qu’un battement d’aile – ou tout autre phénomène unitaire – peut provoquer une conséquence identifiable et attribuable des semaines plus tard ? Comment pourrait-on être capable d’isoler un enchaînement de faits de toutes les autres interférences ?
Notre monde est trop complexe, trop entremêlé pour imaginer une telle corrélation. Tout est affaire de système, et les actions individuelles sont prises dans la toile d’araignée des actions des autres, des effets et des contre-effets, d’une infinité de perturbations.
Il en est de même dans une entreprise.
Certes la mobilisation individuelle et la performance d’une action isolée sont importantes, mais il est illusoire de vouloir relier directement ce que fait un individu d’un résultat précis.
En fait, ce n’est pas seulement illusoire, c’est dangereux et trompeur. Par exemple, cela peut amener à surestimer l’impact individuel, et de sous-estimer l’importance de tout ce qui l’entoure. Ou à l’inverse, ne pas voir que le problème n’est pas dû à un manque d’engagement, mais à un dysfonctionnement systémique…
Ainsi comme il est inutile de prétendre conclure quoi que ce soit à partir d’un battement d’aile d’un papillon, il ne sert pas à grand chose de mesurer la performance individuelle… 

14 nov. 2011

FAISONS PLUS ATTENTION AUX CYGNES NOIRS ET MOINS AUX PAPILLONS !

Se préoccuper plus des ruptures majeures improbables que des battements d’aile d’un papillon
Extrait des Mers de l’incertitude
Comme l’écrit justement Pierre Gonod, « l’expression de Pierre Massé sur « les faits porteurs d’avenir » a fait fortune. Mais personne n’a jusqu’alors indiqué comment on pouvait les repérer. Parce que scientifiquement c’est impossible. »1 Ces faits porteurs d’avenirs ont été repris par les gurus de la prospective qui parlent des signaux faibles ou de « battements d’aile de papillons ».
Comme pour les tableurs Excel, beaucoup d’énergie et d’argent sont dispersés en vain. Ne partons donc pas à la chasse aux papillons et soyons attentifs intensément à ce qui se passe ici et maintenant pour repérer les  phénomènes porteurs de fractures immédiatement identifiables. Comme  lorsque l’écureuil du film l’Âge de glace retire brutalement sa noisette,  et que la rupture provoquée commence à fissurer la banquise. Il s’agit  d’anticiper les conséquences et la propagation d’un changement dans la  situation initiale. Si j’ai analysé attentivement comment elle se compose  et quels sont les potentiels de la situation, je peux comprendre qu’un effet  actuellement modeste va se propager.2
A l’opposé des signaux faibles, on trouve les ruptures majeures improbables,  ces événements disruptifs qui n’ont quasiment aucune chance de  se produire, mais qui, s’ils adviennent, vont tout changer. Ce sont eux  que Nicholas Nassim Taleb appelle les « cygnes noirs » : un best-seller qui, à lui seul, peut faire la fortune ou non d’une maison d’édition ; les attentats du onze septembre qui viennent tout changer ; le ticket de loto gagnant pour un individu.3
Or tous nos modèles nous amènent à nier l’existence de ces ruptures improbables : nous lissons les situations, nous ne regardons que les moyennes. Nous croyons le monde régi par la courbe de Gauss, or il n’en est rien : il suit les lois du chaos.
Aussi, des événements très improbables peuvent-ils à tout moment avoir un impact majeur.
Et d’ailleurs, comment savoir que tel ou tel événement est improbable ?  D’où sort ce calcul, alors que nous ne pouvons rien quantifier au-delà  de l’horizon du flou, horizon qui se rapproche sans cesse ? Avons-nous  vraiment pu intégrer tous les aléas ?
Plutôt que de se centrer sur ce que l’on ne peut pas calculer – quelle  est la probabilité que ceci ou cela se produise ? –, ne serait-il pas plus  efficace et utile de chercher à répondre à la question : puis-je identifier  des événements susceptibles de me mettre en péril brutalement ? Que se  passera-t-il si ceci advient ? Quelle sera la portée des bouleversements ? Peut-on prendre des dispositions maintenant pour limiter ces bouleversements ? En cas de déclenchement de ce risque majeur, a-t-il des signes  avant-coureurs qui peuvent déclencher une alerte ?
Repensez à tout ce qui a été mis en place suite au tsunami survenu en décembre 2004 :
  • Dispositif pour analyser en temps réel les secousses sismiques et évaluer si elles sont susceptibles de déclencher un tsunami,
  • Équipements de tous les points sensibles de systèmes permettant de relayer immédiatement l’alerte,
  • Modification des implantations des habitats,
  • Élaboration de procédures d’évacuation dans ces mêmes zones,
  • Entraînement avec tests des systèmes en place…
De même, une entreprise ne pourra pas éviter une rupture majeure improbable si elle survient, mais elle pourra mieux y faire face si :
  • Elle s’est organisée pour limiter son impact,
  • Elle sait plus tôt identifier qu’elle survient,
  • Elle diffuse plus vite l’alerte,
  •  Elle a préparé des scénarios d’action,
  •  Elle a entraîné son personnel à les mettre en œuvre.

(1) Pierre Gonod, Penser l’incertitude, p.2 ; Pierre Massé a notamment été commissaire au Plan de 1959 à 1966
(2) « Le stratège chinois ne fait que dérouler la conséquence : de ce facteur infime, à peine perceptible, il anticipe le déploiement. » (François Jullien, Conférence sur l'efficacité, p.64)
(3) Au moment où je relis mon manuscrit, le nuage de cendres provoqué par l’éruption du volcan islandais apporte un nouvel exemple de cygne noir.

10 nov. 2011

LES GIROUETTES DU MANAGEMENT ET DE L’EXPERTISE

Le zapping ne conduit pas à la constance
Pris dans un mouvement brownien et une course entre les plateaux de télévision, ou les conférences, les experts n’ont plus le temps de réfléchir. Dans mon livre, les Mers de l’incertitude, je relatais l’anecdote réelle suivante :
« Dernièrement, un journaliste vedette a déclaré à la radio : « Entre mon rôle de rédacteur en chef de mon journal et d’éditorialiste, plus toutes les émissions auxquelles je participe, c’est bien simple, je n’ai plus cinq minutes de libre pour m’arrêter ». Il disait cela comme la preuve de sa performance et de son importance. Son interlocuteur en sembla d’ailleurs impressionné. En moi-même, je pensais : « Mais quand réfléchit-il ? Comment peut-il vraiment faire son métier d’éditorialiste et de journaliste en courant tout le temps de la sorte ? ». »
Ils deviennent alors des perroquets, reprenant la dernière histoire racontée, et, si jamais le vent en vient à tourner, dociles girouettes, ils tourneront tous ensemble, tout en expliquant doctement pourquoi tout a changé.
Dans le même temps, les dirigeants sont eux aussi pris dans le ballet des avions, des réunions, et parfois aussi des plateaux de télévision. Comme, souvent, ils n’ont pas grandi dans l’entreprise qu’ils dirigent et viennent de la rejoindre, ils ne la connaissent pas de l’intérieur, et ne manipulent que des rapports et des tableaux de chiffres.
Difficile dans ce contexte de se fixer sa propre conviction, surtout si l’environnement est mouvant. Aussi feuilletant les pseudo-analyses des experts-girouettes, reproduisant sans s’en rendre compte les lieux communs produits par l’organisation qu’ils viennent de rejoindre, ils en viennent à affirmer le contraire de ce qu’il avait dit dans une responsabilité précédente.
Ainsi va le monde…