Sur la décentralisation et le contrôle par l’environnement
Il n’y a pas de communication explicite entre les agents. Toute la communication se produit en observant les effets des actions des autres agents sur le monde extérieur.
Contrairement à ce que l’on raconte dans les affaires, ce n’est pas en tenant informé tout le monde de tout, que l’on fait naître l’intelligence.
C’est une bonne idée de penser que le monde est plutôt une bonne représentation de lui-même. Sans représentation centralisée imposée, personne n’a à réconcilier des idées contraires : elles n’ont simplement pas à être réconciliées. A la place, des signaux différents génèrent des comportements différents.
C’est le monde lui-même qui devient le contrôleur « central » : l’environnement non prédéfini devient la carte. Cela économise beaucoup de calcul.
Il relève cinq règles pour construire des mobots :
- une construction incrémentale : la complexité se développe, elle ne s’installe pas
- un couplage étroit entre ce qui mesure et ce qui agit : réagir plutôt que réfléchir
- des niveaux modulaires et indépendants : un système composé de sous-ensembles viables
- un contrôle décentralisé : pas de planification centrale
- une communication dispersée : observer les résultats dans le monde, et non pas à l’intérieur du système
Sur l’évolution et la coévolution
Depuis le premier jour de la genèse, il a fallu des milliards d’années pour atteindre le stade du végétal, et un milliard d’années et demi de plus pour qu’un poisson soit apparu. Encore cent millions d’années, et les insectes entrent en scène. « Puis tout s’accélère », dit Brooks. Reptiles, dinosaures, et mammifères apparaissent dans les cent millions d’années suivantes. Les grands singes dotés de cerveaux, en incluant l’homme, arrivent dans les vingt derniers millions d’années. La complexification relativement rapide de l’histoire géologique récente suggère à Brooks que « la capacité à résoudre les problèmes, le langage, la connaissance experte et la raison sont tout simplement là une fois que l’essence de l’être et de la réaction sont disponibles ». Puisqu’il a fallu à l’évolution trois milliards d’années pour passer de la simple cellule aux insectes, et seulement un demi-milliard d’années de ceux-ci aux humains, « ceci indique la nature non-triviale de l’intelligence de l’insecte ».
Quelle couleur un caméléon prend-il face à un miroir ?
Le mélange des gaz de l’atmosphère terrestre est nettement en dehors de toutes les équations théoriques. Et Ils le sont, ainsi que Lovelock l’a montré, à cause des effets cumulatifs de la coévolution.
La codépendance et la théorie de « l’œuf »
Sur ordre du facilitateur, chacune des personnes en cercle plie ses jambes et s’assoit sur les genoux de son prédécesseur. Si c’est fait à l’unisson, le cercle des gens qui s’abaissent en s’asseyant, se transforme soudainement en une chaise collective autoporteuse. Si une seule personne manque le genou derrière elle, tout le cercle s’effondre.
Dans un mode circulaire, toutes les causes sont des résultats, comme tous les genoux sont des sièges. Contrairement au sens commun, toutes les existences dépendent de l’existence consensuelle de toutes les autres. Comme la réalité du jeu des genoux le prouve, toutefois, une causalité circulaire n’est pas impossible.
Les fonctions se créent mutuellement les unes les autres… Kauffman appela un tel ensemble autocatalytique, un « œuf ». Il dit : « Un œuf est un ensemble de règles ayant la propriété que les règles qu’elles établissent sont précisément celles qu’elles créent... J’espère montrer que l’autoreproduction et l’homéostasie, les caractéristiques de bases des organismes, sont les expressions collectives naturelles de la chimie des polymères. On peut s’attendre à ce que tout ensemble suffisamment complexe de polymères catalytiques soit collectivement autocatalytique ».
J’ai mentionné à Kauffman l’idée controversée que, dans tout société avec un niveau suffisant de communication et de circulation de l’information, la démocratie devient inévitable. Là où les idées sont libres de circuler et de générer de nouvelles idées, l’organisation politique conduira éventuellement à la démocratie comme une attracteur fort, inévitable et auto-organisateur.
(Article paru le 30 avril 2013)