Introduction des Radeaux de feu (3)
Suite de l’introduction des Radeaux de feu
Du récit de ces quinze milliards d’années, je tire trois enseignements clés qui structurent ensuite mes propositions de réponse :
1. Le caractère irréversible de la croissance de l’incertitude, et même de l’accélération de son accroissement : puisque les entreprises sont elles-mêmes inscrites dans la logique du monde, elles sont portées par cette vague et la renforcent. Dès lors, il est illusoire, voire dangereux de lutter contre l’incertitude. Il faut apprendre à vivre avec, et savoir que toute action ne peut de facto que la renforcer. Ceci encourage à privilégier les solutions les plus simples, car elles sont les plus susceptibles de s’adapter. À aussi préserver les marges de manœuvre locales, et des zones de flous pour pouvoir s’adapter à ce qui advient.
2. La cohabitation entre mouvement permanent et stabilité structurelle : à chacune des étapes du développement de notre monde, tout se transforme continûment, tout est incertain, tout est en ébullition, et pourtant des caps sont gardés, des voies s’approfondissent, des ruisseaux deviennent fleuves, des systèmes s’érigent et se renforcent. N’est-ce pas là un moyen d’interpeller notre maladie actuelle de l’instabilité ? Peut-on s’inspirer de la façon dont notre monde s’est développé pour articuler réactivité à court terme et construction d’entreprises structurellement fortes ?
3. L’importance de la puissance du collectif et de l’acceptation du dépassement : ceci débouche sur une remise en question de la force individuelle, y compris celle des dirigeants. Mais attention, cette modestie et cette lucidité ne sont pas du tout un abandon : lâcher prise n’est pas laisser faire ! C’est acceptation des limites, le préalable à une action réelle et mature. C’est comprendre que la performance des entreprises repose sur l’émergence, et que, de ce point de vue, diriger n’est pas tant décider, mais permettre des émergences efficaces. Le management par émergence est un levier puissant pour apprendre à utiliser et orienter ce que l’on constate et que l’on ne comprend pas. À l’inverse, se croire tout puissant tant dans la compréhension que dans l’action, conduit à l’impuissance réelle.
Acceptation du collectif et du dépassement, stabilité structurelle et souplesse locale, simplicité et marges de manœuvre, telles sont les trois piliers du management par émergence.
(extrait des Radeaux de feu)