22 oct. 2013

LES TROIS QUESTIONS CENTRALES DU MANAGEMENT PAR ÉMERGENCE

Introduction des Radeaux de feu (4)
Suite et fin de l’introduction des Radeaux de feu
Avant d’expliciter cette nouvelle façon d’aborder le management, il convient de s’arrêter sur les nouvelles caractéristiques de notre monde : en effet depuis quelques dizaines d’années, sous la triple impulsion de l’accroissement de la population, de l’apparition d’objets-monde, et du développement des technologies de l’information, nous sommes entrés dans un nouveau temps de l’évolution, le Neuromonde.
De quoi s’agit-il ? D’un monde où, sous l’effet des connexions multiples, les matriochkas  sociales changent de dimension : des émergences nouvelles sont en cours, et le collectif change de nature.
Ceci impacte directement les êtres qui sont au cœur de cette transformation, qui en sont à la fois le moteur et l’objet, les entreprises. Elles sont emportées par la vague de leur surpuissance et remises en cause dans leurs fondamentaux, la décision y est plus que jamais diffuse et diluée.
Dès lors, il n’est plus seulement souhaitable de passer au management par émergence, mais nécessaire de le faire, et, chaque jour qui passe, plus urgent.
Dans la troisième partie qui lui est consacré, j’aborde successivement l’élaboration de la stratégie et sa traduction en chemins stratégiques, l’ergonomie des actions émergentes, pour finir sur le profil du dirigeant et son mode d’engagement.
Au cœur, trois questions centrales :
Comment construire une action à long terme en univers incertain : j’y montre que la réponse n’est pas dans une agilité à tout crin, mais dans la construction de matriochkas stratégiques, combinant une enveloppe permanente et stable, et un cœur réactif et changeant. Sans stabilité, l’entreprise se désagrège dans les vagues de l’incertitude.
Comment diriger sans décider, ou plus exactement comment faire que toute l’entreprise décide : ceci amène à promouvoir l’idée surprenante que, sans « gras », il est impossible de réussir. En effet ce gras est ce qui donne des espaces de liberté à tout un chacun, et constitue les réserves nécessaires pour faire face aux aléas constants.
Comment la confiance en soi et en les autres est un prérequis pour tous : les paradigmes de la compétition et de la stimulation individuelle s’effondrent au profit de celui de la confiance. Si un dirigeant n’a pas confiance en lui, il refusera ses intuitions ; s’il n’a pas confiance en les autres, il ne lâchera pas prise. Si tout un chacun dans l’entreprise n’a pas confiance en soi et en les autres, aucun collectif ne sera possible, aucune initiative ne sera prise.
Ce sont les grandes entreprises dans lesquelles ces questions sont les plus critiques, car elles sont plus sujettes à la puissance des émergences collectives, et l’impact des individus, fussent-ils leurs dirigeants, s’y trouve de facto le plus dilué. Aussi, c’est sur elles que j’ai centré en priorité mes propos.
Mais elles concernent toutes les entreprises, ainsi d’ailleurs que les structures publiques et politiques. À chacun de piocher dans cet ouvrage, les questions et les propositions pour se construire ses propres réponses.
En route donc à la suite des radeaux de feu… 
(extrait des Radeaux de feu)

21 oct. 2013

LES TROIS PILIERS DU MANAGEMENT PAR ÉMERGENCE

Introduction des Radeaux de feu (3)
Suite de l’introduction des Radeaux de feu
Du récit de ces quinze milliards d’années, je tire trois enseignements clés qui structurent ensuite mes propositions de réponse :
1. Le caractère irréversible de la croissance de l’incertitude, et même de l’accélération de son accroissement : puisque les entreprises sont elles-mêmes inscrites dans la logique du monde, elles sont portées par cette vague et la renforcent. Dès lors, il est illusoire, voire dangereux de lutter contre l’incertitude. Il faut apprendre à vivre avec, et savoir que toute action ne peut de facto que la renforcer. Ceci encourage à privilégier les solutions les plus simples, car elles sont les plus susceptibles de s’adapter. À aussi préserver les marges de manœuvre locales, et des zones de flous pour pouvoir s’adapter à ce qui advient.
2. La cohabitation entre mouvement permanent et stabilité structurelle : à chacune des étapes du développement de notre monde, tout se transforme continûment, tout est incertain, tout est en ébullition, et pourtant des caps sont gardés, des voies s’approfondissent, des ruisseaux deviennent fleuves, des systèmes s’érigent et se renforcent. N’est-ce pas là un moyen d’interpeller notre maladie actuelle de l’instabilité ? Peut-on s’inspirer de la façon dont notre monde s’est développé pour articuler réactivité à court terme et construction d’entreprises structurellement fortes ?
3. L’importance de la puissance du collectif et de l’acceptation du dépassement : ceci débouche sur une remise en question de la force individuelle, y compris celle des dirigeants. Mais attention, cette modestie et cette lucidité ne sont pas du tout un abandon : lâcher prise n’est pas laisser faire ! C’est acceptation des limites, le préalable à une action réelle et mature. C’est comprendre que la performance des entreprises repose sur l’émergence, et que, de ce point de vue, diriger n’est pas tant décider, mais permettre des émergences efficaces. Le management par émergence est un levier puissant pour apprendre à utiliser et orienter ce que l’on constate et que l’on ne comprend pas. À l’inverse, se croire tout puissant tant dans la compréhension que dans l’action, conduit à l’impuissance réelle.
Acceptation du collectif et du dépassement, stabilité structurelle et souplesse locale, simplicité et marges de manœuvre, telles sont les trois piliers du management par émergence.
(extrait des Radeaux de feu)

18 oct. 2013

INSOLITE

Rencontres indiennes (4)
Parfois, en Inde, les vaches sacrées ne le sont plus vraiment, et apprennent à filer doux sous l’autorité des enfants.
Mais qui pourrait résister à l’avancée déterminée de cette petite fille ? Sa robe d’apparat, son pas décidé, le bâton qu’elle arbore fièrement, tout concourt à son autorité naturelle.
Comme quoi, rien n’est affaire de taille, mais tout de volonté. David l’avait démontré en son temps aux dépends de Goliath.
Est-ce que le mur effondré et le tas de débris qui s’y trouve sont le fruit d’une colère ancienne ? A-t-elle eu besoin de montrer autrefois sa toute-puissance ? Allez donc savoir…
Deux Indiens face à la mer sur le port de Bombay, avec un seau à la main. Que regardent-ils ? Que vont-ils faire ?
Veulent-ils écoper l’immensité salée ? Est-ce qu’ils croient qu’ils peuvent en venir à bout ? Non, probablement pas…
Mais alors pourquoi sont-ils là ? Rien à voir avec la piété religieuse face à l’eau du Gange. Nous ne sommes pas à Bénarès, et l’eau est ici impie. Pas de prière, pas d’ablution mystique.
Peut-être veulent-ils seulement y pêcher ? Mais comment imaginer un poisson suffisamment stupide pour sauter dans leur seau.
Non décidément, cela restera un mystère…
Après ces deux Indiens en mal de vider la mer avec leur seau, en voilà un autre qui s’attaque, lui, au sable de la plage. Avec une pelle, il remplit méthodiquement deux corbeilles qu’il ira ensuite vider un peu plus loin.
Chez nous, le sable des plages est source de jeu, et ce sont des châteaux que l’on y construit. Ou alors il sert de matelas à ceux qui sont en mal de bronzage.
Ici, le sable est ressource. Ni jeu, ni confort. Juste un matériau abondant et gratuit. Et la transpiration ne sera pas seulement produite par la puissance des rayons du soleil, mais surtout par l’effort lentement répété.
(Ces trois photos ont été prises à Hampi, Bombay, et dans le Kerala)

17 oct. 2013

L’ENTREPRISE N’EST PAS UN PRODUIT HORS-SOL, ELLE EST UN CONTRUIT DE L’HISTOIRE DU MONDE

Introduction des Radeaux de feu (2)
Suite de l’introduction des Radeaux de feu
D’abord en remettant en perspective le management, et l’objet sur lequel il s’applique, à savoir les entreprises : elles ne sont pas des entités tombées du ciel, et émettre des critiques les concernant n’est pas un crime de lèse-majesté. À lire les auteurs de traités portant sur le management, on a souvent l’impression qu’ils sont créationnistes, et nient l’évolution : penseraient-ils qu’un Deus ex-machina est venu déposer une entité parfaite au milieu des hommes ? Or l’entreprise n’est née qu’il n’y a quelques centaines d’années, et moins de deux cents ans pour sa forme actuelle, c’est-à-dire rien au regard de l’histoire du monde qui se compte en milliards d’années pour les temps du minéral et végétal, et en centaines de milliers pour l’homme.
Pour ma part, ne croyant pas que l’entreprise soit un produit hors-sol, ni qu’elle ait surgi du néant, je la vois comme une construction contingente, issue d’un passé dont on ne peut pas faire table rase. Elle n’est pas réellement un construit des hommes, mais davantage un construit du monde, un temps de l’évolution.
Telle est la première hypothèse de mon travail de remise en perspective : les lois de la nature s’appliquent à l’entreprise. Ou, formulé autrement, l’entreprise, en tant que construit social, ne peut s’abstraire de la nature. Donc pour comprendre l’entreprise, il faut comprendre le monde.
Voilà pourquoi ce livre débute par le récit de ces presque quinze milliards d’années qui se sont écoulées depuis le Big Bang, une promenade successive au temps du minéral, du végétal, de l’animal, et de l’homme.
Afin de faciliter la lecture, chacune de ces étapes commence par un résumé des points-clés, points qui sont développés ensuite. Une façon de faciliter la lecture, et de l’accélérer pour ceux qui n’éprouveraient pas le besoin d’approfondir chacune de ces étapes.
Vous y verrez que ce qui tisse et dirige cette évolution, est le trépied de la croissance de l’incertitude, de la multiplication des emboîtements, et des émergences de nouvelles propriétés.
Afin de préparer le passage à l’entreprise, j’ai aussi choisi d’émailler ce récit d’une série de commentaires sur l’entreprise, commentaires qui sont des embryons de ce qui est repris et détaillé dans la troisième partie.
Au cœur du monde animal, vous y découvrirez les fourmis de feu, ces êtres apparemment si minuscules, et pourtant capables de se transformer en radeau vivant, représentantes de la puissance d’une énergie collective, et de la petitesse d’un individu face à elle. Un appel à la modestie face à la force du groupe.
Certes nous ne sommes pas des fourmis, mais, comme une fourmi de feu qui, tout en ne sachant pas elle-même nager, participe à créer un radeau qui flotte, ne sommes-nous pas, nous non aussi, peu de choses sans la puissance de l’énergie collective : que peut un général sans son armée, un dirigeant sans ses collaborateurs, un chef de produit sans le reste de l’entreprise ou un ouvrier sans l’usine où il travaille ? Un dirigeant d’une entreprise ne devrait-il pas admettre que la puissance de celle-ci le dépasse, que vouloir la contrôler n’est pas la solution, et que prétendre la comprendre est impossible ? 
(extrait des Radeaux de feu)

16 oct. 2013

LE DÉSORDRE DE LA PENSÉE ACTUELLE

Introduction des Radeaux de feu (1)
Après l’avant-propos qui est comme une mise en perspective, voici l’introduction que je diffuse en quatre parties, vu sa longueur
Au secours, la crise est partout : les certitudes s’effondrent, les positions considérées pendant longtemps comme certaines ne le sont plus, de grandes entreprises historiquement fortes tremblent sur leur base, des dirigeants jugés infaillibles ne le sont plus. L’incertitude déferle de partout, en une vague croissante qui emporte sur son passage tout ce qu’elle rencontre.
Cette perte de repères s’accompagne d’un torrent d’informations sans cesse plus abondantes, sans cesse plus rapides. Le temps semble s’accélérer, et, sous l’impulsion de cette course qui s’emballe, le pouls des entreprises bat de plus en plus vite : les emails arrivent continûment, les chiffres tombent en temps réel, des projets sont dessinés entre deux avions. Dans cet environnement chaotique, sous la pression du monde financier, la croissance doit être infinie et la rentabilité progresser toujours, encore et encore…
Aussi le rythme cardiaque des organisations s’affole-t-il, les stratégies ne sont pas plutôt imaginées et dessinées, qu’elles sont jetées avant d’être réellement mises en œuvre. Quiconque s’arrête pour réfléchir devient suspect, puis rapidement dangereux car, caillot au sein des écoulements, il crée une embolie pulmonaire.
Dans ce désordre collectif où la compétition est reine et sauvage, des gurus surgissent qui, promus grands prêtres et sauveurs, enchaînent les décisions, font de l’accélération du changement un dogme, prônent l’agilité comme la réponse à l’agitation ambiante, tout en s’abritant derrière une mise en équation des individus et des processus vivants.
Ils imaginent que l’incertitude qui les environne peut être réduite, que les erreurs faites dans les business plans témoignent de l’incurie de leurs collaborateurs, et que, face aux aléas et aux exigences sans fin croissantes des financiers, c’est dans le renforcement du contrôle et de leur pouvoir qu’ils trouveront le salut.
Dans le même temps, des experts semblent ne pas se rendre compte qu’ils se contredisent quotidiennement, et que ce qu’ils assenaient hier comme une vérité est ce qu’ils condamnent aujourd’hui. D’aucuns vont parfois prôner leur droit à l’erreur pour continuer à dérouler de nouvelles prévisions.
N’est-il pas temps de prendre conscience que ce manège infernal ne peut plus continuer et que les réponses apportées n’en sont pas ? Ne faut-il pas avoir l’audace de sortir des sentiers battus, et dans un monde en profonde transformation, retrouver des fondamentaux ?
Oui, mais comment sortir de cette logique ambiante ?
(extrait des Radeaux de feu)

15 oct. 2013

LE RÉEL NOUS ÉCHAPPE, NOUS DÉPASSE ET SE RAPPELLE À NOUS BRUTALEMENT

Avant-propos des Radeaux de feu
Début donc de la présentation de mon nouveau livre, et quoi de plus logique que de reproduire ici l’avant-propos ?
Voici donc par quoi s’ouvrent les Radeaux de feu :
22 décembre 2011, quinze heures, place de l'Hôtel de ville. Que faire ? Rentrer à pied à la Croix Rousse ou prendre le métro ? Plus très envie de marcher, voilà déjà deux heures que je suis parti, et que je sillonne les rues de Lyon. La bouche d'entrée est là, tentante. Je m'en approche, mais au dernier moment, change d'avis et décide de profiter encore un peu plus de la chaleur inhabituelle.
Une décision sans importance, banale, comme nous en prenons sans arrêt, à chaque instant, tous les jours. Est-ce que l'on va à droite ou à gauche ? Est-ce que l'on fait ceci tout de suite, ou est-ce qu'on le reporte un peu plus ? Le plus souvent, nous ne percevons pas les conséquences de nos choix. Trop d'aiguillages à venir, trop d'aléas, trop d'incertitudes. Et pourtant, notre vie et celles des autres se font de ces choix multiples, de ces microdécisions prises à la va-vite, et des enchaînements qu'elles provoquent.
Ce 22 décembre 2011 à quinze heures, place de l'Hôtel de ville, si j'avais pris le métro, je serais mort quelques jours après, et ce livre n'existerait pas. Fatalité, destin, grâce immanente ? Non, juste un hasard favorable et palpable, une vie sauvée, la mienne, pour rien, à partir de rien.
Quinze minutes plus tard, une douleur dans la poitrine gauche ressentie pendant l'effort associé à la montée des pentes de la Croix Rousse. Deux heures plus tard, la décision de parler de cette douleur à ma sœur, puis plus tard à ma nièce, médecin aux hôpitaux de Lyon, qui allait venir dîner. Sept heures plus tard, cette nièce qui a réalisé que je risquais à tout moment un accident cardiaque, et a appelé immédiatement un ami cardiologue. Le 23 décembre à huit heures du matin, ce cardiologue qui a décidé de me faire une coronarographie. À dix heures du matin, la découverte d'une artère bouchée à quatre-vingt-quinze pour cent. À dix heures trente, la pose d'un stent et la réparation de l'artère. Ainsi va le monde…
Ce 22 décembre 2011, j'avais déjà commencé à travailler à la réalisation de ce livre. Mes idées étaient claires sur ce que je voulais écrire, même si je n'en étais encore qu'à la phase préparatoire, au rassemblement de tout ce que j'avais pu écrire autour du thème de l’incertitude, de l'emboîtement, et de l’émergence. Ce n'est donc pas ce flirt avec la mort qui est le déclencheur de ce projet. Il a juste eu lieu au moment charnière où, du magma informe du patchwork accumulé, j'allais chercher à faire émerger un livre.
Il m'est alors apparu évident que ce dernier devait commencer par l'évocation de mon quasi-décès, à la fois virtuel et si réel.
Comment mieux, en effet, introduire à ce réel qui nous échappe, nous dépasse, émerge brutalement, et que nous voulons quand même diriger, qu’en vous relatant cette anecdote ?
(extrait des Radeaux de feu)

14 oct. 2013

QUAND FRANCE-INTER REPARLE DES FOURMIS DE FEU ET DE LEURS RADEAUX

Étrange télescopage
Étonnante coïncidence, au moment précis où mon nouveau livre, Les Radeaux de feu, est sur le point d’être disponible dans les librairies – ce devrait être le cas dans une semaine –, voilà Jean-Claude Ameisen qui rediffuse ce samedi 5 octobre, l’émission diffusée la première fois le 28 mai 2011, intitulée « Les gardiennes des arbres » ou l’histoire des fourmis.
Or c’est en écoutant cette émission, il y a donc plus de deux ans, que j’ai eu connaissance des fourmis de feu, et de leur capacité à construire des radeaux vivants pour survivre aux inondations. Individuellement, elles ne peuvent rien face aux flots ; collectivement, elles sont insubmersibles.
Un an plus tard, quand j’ai commencé l’écriture de mon livre sur le management par émergence et la prééminence des phénomènes collectifs, j’ai décidé de placer cette histoire des radeaux des fourmis de feu au cœur de mon récit. Elle en est même devenue un peu le fil conducteur, et rapidement le titre, sous une forme plus compacte, à savoir Les Radeaux de feu, plutôt que Les Radeaux des Fourmis de Feu.
La photo qui en illustre la couverture est issue des travaux du spécialiste des fourmis de feu, David L. Hu qui m’a très aimablement autorisé à l’utiliser. Or c’est bien de lui dont s’est inspiré Jean-Claude Ameisen pour son émission. En témoigne, l’article qu’il cite en référence : « Mlot NJ, Tovey CA, Hu DL. Fire ants self-assemble into waterproof rafts to survivefloods. Proceedings of the National Academy of Sciences USA »
Décidément, selon l’expression populaire, le monde est petit ! A moins qu’un phénomène qui me dépasse soit le grand orchestrateur de ces télescopages. Qui sait ?
Je vais laisser là ces spéculations, et dès demain, commencer à vous présenter en détail l’odyssée des Radeaux de feu, et pourquoi je l’ai sous-titrée : Les Décideurs sont morts, Vive les Dirigeants !

11 oct. 2013

SEULE LA MAGIE EST RÉELLE

Rencontres indiennes (3)
L’Inde est un pays magique. Il suffit de s’y promener pour en être persuadé. Vous en doutez ? Vous croyez que, comme chez nous, tout doit y être logique, rectiligne et rationnel…
Voilà trois témoignages piochés au hasard de mes promenades indiennes.
Tout d’abord, observez comme cette statue de Jésus a été capable de courber cet arbre. Aucun truquage. La photo est représentative de la réalité. Elle a été prise à Old Goa, cette cité construite en leur temps par les Espagnols, quand Goa était un de leurs comptoirs.
Avez déjà rencontré chez nous une telle prouesse ? En Inde, même les végétaux s’inclinent devant la puissance divine. Peut-être que prochainement, cet arbre fera une génuflexion complète…

Regardez ensuite cet enfant qui marche devant le Taj Mahal, la merveilleuse sépulture faite de marbre blanc. Voyez comme il est grand, et comme sa silhouette, loin d’être écrasée par l’immensité de l’arrière-plan, domine le monument.
En Inde, les enfants savent se jouer de la mort. La vie leur est suffisamment âpre et difficile, pour qu’ils sentent grandis devant elle…

Et que dire du mage qui psalmodie devant les eaux du Gange ? Nous sommes ici à Bénarès, ville magique s’il en est. Lali Baba – c’est son nom – en appelle à des puissances pour qui, ni le temps, ni l’espace, ne comptent.
Vision fantomatique. Sa blancheur habille la nuit, et sa voix lancinante la déchire. 

Dans quelques instants, pris par la tourmente de ce qui s’est saisi de moi, je plongerai dans le Gange…

10 oct. 2013

LA MONTÉE EN PUISSANCE DES TSUNAMIS ÉCONOMIQUES

Partout, tout de suite…
Business Insider a publié le 17 septembre dernier un graphe qui montre la vitesse des développements actuels (cliquer sur le graphe ci-joint pour l'agrandir).
Quelques données issues de ce graphe :
- Au bout de 4 ans, les PC ont atteint 100 millions d’utilisateurs,
- Dans le même laps de temps, l’iPod d’Apple a lui atteint environ 500 millions d’utilisateurs,
- Il n’a fallu que 3 ans à Facebook pour dépasser le milliard,
- En 18 mois, la plateforme IOS d’Apple (celle qui équipe les iPhone et les iPad) en est déjà à plus de 500 millions, et Android au milliard (1)
Impressionnante démonstration de la mondialisation et de la focalisation.
La planète vibre de plus en plus de façon synchrone, et ce qui nait là, se propage de plus en plus vite.
Nous sommes décidément bien entrés dans ce que j’appelle le Neuromonde, ce monde où, sous l’effet des connexions multiples et de la croissance de la population humaine, nous sommes tous pris dans les mailles des actions des autres.
Ces tsunamis économiques mettent en tension toutes les organisations :
- Les entreprises, car la brutalité des vagues balaient celles qui les ont manquées (2),
- Les États, car ils sont ébranlés par la puissance des monopoles qui se créent
- Les individus, car ils ne sont que fétus de paille dans ces gigantesques « radeaux de feu » (3)

(1) en 18 mois, le PC n’en était qu’à moins de 10 millions, l’iPod à 100 millions, et Facebook à 300 millions
(2) Ainsi après Nokia, Blackberry est en train de disparaître
(3) Je reprends ici la métaphore que je développe dans mon nouveau livre et que j’aurai l’occasion d’expliciter dans les jours qui viennent.

9 oct. 2013

NOUS SOMMES EN TRAIN DE MOURIR DE NOS PEURS

Pourquoi laisser le futur aux autres ?
A quoi pouvait bien penser un Européen découvrant dans les années cinquante les tours de New York et l’effervescence qui y régnait ?
Probablement une étrange sensation de différences et de nouveautés, comme celle de la découverte d’un enfant qui a grandi et a échappé à ses parents. Car si cette Amérique était surprenante et nouvelle, elle était bien née des immigrants qui avaient quitté l’Europe plus d’une centaine d’années avant pour la plupart.
Un Européen pouvait donc se sentir plus stimulé que remis en cause : après tout, ce dynamisme venait de la vieille Europe…
En août, lorsque je me suis retrouvé à Singapour, ce sont d’abord ces pensées qui m’ont habitées : je me suis senti cet Européen arrivant à New York. Conviction d’être au cœur d’un nouveau monde naissant…
Mais ce monde n’est plus seulement le fruit d’immigrants issus d’Europe ou d’Amérique du Nord, mais d’une hybridation entre eux (1), et ceux venus de l’Asie. Immense télescopage de races, de cultures, de religions…
De là, naît une énergie d’où surgissent les Tour Eiffel et les Empire State Building de demain. Le paquebot flottant du Marina Bay Sands avec ses 2500 chambres et ses jardins suspendus signe l’envol de Singapour…
Aussi, impossible de voir Singapour comme l’enfant de l’Europe. Nous y participons, mais il nous dépasse. Pour reprendre l’image de la ruche, nous ne sommes qu’un des éléments de la diversité génétique locale.
Une question me hantait déjà avant ce voyage, mais a depuis pris plus d’acuité : pourquoi donc ici ces télescopages créent-t-ils autant d’inventions et de créativités, alors qu’en Europe, et singulièrement en France, ils créent surtout des peurs ? Pourquoi pensons-nous que le progrès est dans la fermeture, et l’érection de barrières protectrices ?
Singapour est-elle dynamique parce qu’elle n’a rien à perdre, et qu’elle profite de sa situation au cœur de l’Asie ?  Peut-être au début, mais cela ne tient plus vraiment quand on voit le niveau de sophistication déjà atteint : elle est devant nous (2) et continue d’accélérer…
Nous pouvons continuer à nous plaindre, et à rêver d’un passé révolu. Mais la question n’est plus de défendre des acquis historiques, elle est de ne pas accumuler plus de retard. Sinon l’écart qui n’est pour l’instant que limité et local, deviendra fossé.
Voulons-nous nous réveiller comme étant l’Inde du milieu du vingt-et-unième siècle ? Car à manquer la révolution actuelle, c’est bien ce qui pourrait nous arriver…
Ne sommes-nous pas largement responsables de notre mal-être actuel ? La dépression qui nous habite chaque jour davantage, et qui nourrit, chaque jour davantage, nos peurs et nos regrets, n’est-elle pas évitable ? Pourquoi donc nous penser au passé, à partir d’où nous venons, et non pas aussi à partir de ce que nous pourrions devenir ?
Nous avons nous aussi la possibilité de construire en tirant parti des différences qui nous habitent. Voyons ceux qui ne sont pas nés ici et qui nous ont rejoints, comme autant de sources de nouvelles richesses.
Nous pouvons, nous aussi, inventer un nouveau Paris, et ne pas le transformer en musée. Avons-nous envie de devenir le prochain Angkor ?
Mais pour cela, il faudrait qu’un projet politique positif et ambitieux soit érigé. On ne répondra pas aux peurs propagées par les extrêmes en étant frileux et défensifs.
Malheureusement, pour l’instant, rien de tel ne semble émerger…

(1) Il suffit de marcher dans les rues de Singapour pour constater la densité de la population venue d’Europe ou d’Amérique du Nord.
(2) Le coût immobilier y est supérieur (plusieurs fois celui de Paris), les rues sont peuplées de voitures de luxe alors qu’une taxe de 50% leur est appliquée, l’écologie n’est pas une théorie mais une réalité