7 nov. 2013

L’ENTREPRISE EST AUSSI FAITE D’ÉMERGENCES COLLECTIVES

La vie végétale : l’art du bricolage (4)
Quatrième commentaire sur l’entreprise : Le collectif
« Le rugby c´est le seul sport où l´on se rencontre, alors qu´ailleurs on se croise. » (1)
Une entreprise est un emboîtement doté de propriétés qui n’existent pas aux échelons inférieurs : une équipe d’hommes et de femmes a des performances qui dépassent les savoirs individuels ; une filiale est faite d’usines, de services financiers, juridiques, commercial et marketing, et peut inventer, fabriquer et vendre des produits, alors qu’aucune de ses composantes séparément n’en est capable.
Si jamais aucune nouvelle propriété collective n’émerge, si l’entreprise n’est que la seule juxtaposition de filiales ou de services, si une filiale n’est qu’une collection d’individus, si rien ne transcende ce que chacun isolément sait faire, l’entreprise n’en est plus une : elle n’est qu’une collection qui se désagrégera rapidement.
Ainsi l’existence de propriétés collectives émergentes n’est pas seulement une conséquence de l’existence des entreprises, elle en est le fondement : sans elles, l’entreprise n’a pas plus de consistance que le sable. Sans elles, l’entreprise disparaît.
(1) Lucien Mias, ancien deuxième ligne international de rugby dans les années 50
(extrait des Radeaux de feu)


6 nov. 2013

LES LIMITES SONT LES JOINTURES

La vie végétale : l’art du bricolage (3)
Par rapport à la matière inerte, cet assemblage du vivant est plus subtil, moins net, moins brutal : homéostasie et auto-organisation sont des fils qui tissent finement et souplement le vivant. Les limites sont paradoxalement à la fois nettes et floues, précises et imprécises, car les membranes qui tracent la frontière entre le dedans et le dehors, sont aussi celles qui unissent et joignent : elles sont les peaux qui, en même temps, limitent chacune des cellules et les réunissent entre elles. Étrange paroi, sans laquelle la cellule se dissoudrait dans ce qui l’entoure, et grâce à laquelle elle respire : la membrane est à la fois vide et plein.
Pour comprendre cette construction paradoxale, faisons un détour par l’observation d’un livre, celui-ci par exemple. Si vous observez son texte, il y a des blancs, c’est-à-dire des espaces, qui ne portent en eux-mêmes aucun sens, ne représentent rien, ne sont que vide, absence. Pourtant, si vous les enlevez, vous n’avez plus ni phrases ni mots, mais seulement une succession de lettres dont n’émergent plus rien, et certainement pas un livre. Ces espaces sont les membranes des mots : ils en définissent le début et la fin, et sont les liens qui font émerger le sens. Ils séparent et réunissent, ils sont le vide qui donne le plein. Grâce à eux, on passe du niveau des lettres à celui des mots, puis des mots à la phrase, et des phrases au livre.
De même, la membrane de la cellule non seulement la définit et la circonscrit, mais est aussi ce par quoi la cellule échange avec le reste du monde, et capte les éléments dont elle a besoin pour vivre. C’est encore grâce à elle qu’elle peut s’unir avec d’autres congénères, et progressivement construire le niveau supérieur. Comme les blancs des mots, la membrane sépare et réunit.
Il n’y a pas que les cellules qui s’associent, les plantes savent aussi se combiner entre elles et se nourrir l’une avec l’autre : les truffes vivent en symbiose avec les racines, les lichens escaladent les écorces, et le gui s’accroche dans le bois… La nature est un enchevêtrement de végétaux qui élaborent des écosystèmes de plus en plus sophistiqués. 
(extrait des Radeaux de feu)


5 nov. 2013

LA VIE TISSE UN ORDRE IMPRÉVISIBLE

La vie végétale : l’art du bricolage (2)
Homéostasie, auto-organisation et ADN dotent donc la vie végétale d’un nouveau moteur et de nouvelles colles qui complètent celles de la matière inerte. Voilà l’origine de ce que Spinoza appelle le conatus, cette capacité à non seulement survivre, mais à se développer et grandir : « Chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être. L'effort par lequel toute chose tend à persévérer dans son être n'est rien de plus que l'essence actuelle de cette chose. »
Mais comment cette propension du vivant à propager son nouvel ordre et répandre son ADN est-elle compatible avec la sacro-sainte loi de l’entropie ? N’y a-t-il pas une contradiction entre les deux ?
Si l’on en reste à la loi de l’entropie comme celle de l’accroissement du désordre, oui, la contradiction est manifeste : la vie avale le désordre des molécules qui l’entourent, et grandit en les transformant en une structure ordonnée. Malgré les aléas de ce qui l’environne, elle est capable de maintenir les équilibres internes, de suivre durablement les mêmes objectifs, et, grâce à l’ADN, de passer au travers le temps. Le développement de la vie est donc incontestablement créateur d’ordre.
Aussi les penseurs de l’entropie comme loi de l’accroissement du désordre ont-ils inventé la néguentropie qui serait une nouvelle loi du vivant qui l’autoriserait à « remonter » l’entropie : la vie transformerait le désordre en information. Il y aurait donc deux logiques : celle de la matière inerte qui suivrait celle de l’entropie et accroîtrait le désordre, celle du vivant qui, ajoutant de l’information, créerait de l’ordre. Un concept compliqué et jamais justifié, mais nécessaire à l’explicitation de la cohabitation de fonction d’ordre et de désordre.
Mais si l’on reformule la loi de l’entropie comme la loi de l’accroissement de l’incertitude, la question se pose dans des termes complètement différents : l’apparition de l’ordre généré par la vie ne pose problème que s’il réduit l’incertitude. Ou formulé autrement : l’apparition de la vie a-t-elle été un facteur de réduction ou d’accroissement de l’incertitude ? Le monde du vivant est-il plus ou moins prévisible que celui de la matière inerte ?
La réponse est évidemment que la vie apporte plus d’aléas et d’imprévisibilités : c’est un système ordonné, mais il est infiniment plus difficile d’anticiper l’évolution d’une structure vivante que celle d’une structure inerte.

(extrait des Radeaux de feu)

4 nov. 2013

L’ENTREPRISE ET LES POSSIBLES

Les poupées minérales : l’expansion imprévisible (4)
Deuxième commentaire sur l’entreprise : Le possible
« La vérité, c’est que j’avais une idée, une idée pas fameuse, mais qui a eu quand même d’utiles conséquences, comme il arrive parfois aux plus mauvaises idées. »  (1)
Ce qui apparaît comme du désordre, n’est que la multiplication des chemins possibles, c’est-à-dire de toutes les opportunités qu’une entreprise peut saisir pour tracer son chemin, se différencier et créer de la valeur.
Plus l’entreprise se développe et grandit, plus son évolution future est imprévisible. Ce n’est pas le témoignage d’un déficit d’ordre et d’organisation, ce n’est que la logique naturelle de l’évolution de tout système.
Dans son avancée, rien n’est inscrit à l’avance. Les explications a posteriori du caractère inéluctable de son déroulement sont fictives. A tout moment, le champ des possibles est vaste, et un parmi eux est devenu réel, sans autre raison que c’est celui qui a été effectivement emprunté.
Pour cerner ce champ, ce sont les impossibilités qui doivent être identifiées, comme autant de points durs à respecter, en prenant garde à ne pas prendre ce qui n’est qu’habitudes, conventions ou présupposés pour des impossibilités.
(1) Georges Claude, Air Liquide, Cent ans, p.17

(extrait des Radeaux de feu)

31 oct. 2013

MANUEL DE SURVIE DU DIRIGEANT DANS L’INCERTAIN

Le Monde – 31 octobre 2013
Le journal Le Monde du 31 octobre 2013 parle des Radeaux de feu
Quand nos certitudes s'effondrent, comment s'assurer, quand on est dirigeant, que l'on prend les bonnes décisions ? Partant de l'analogie des fourmis de feu de la forêt amazonienne, qui s'accrochent ensemble pour traverser les rivières les plus tumultueuses, l'auteur ouvre de nouvelles voies de management. Pour lui, le rôle du dirigeant n'est plus de décider, mais de révéler la destination vers laquelle vogue le radeau-entreprise, de responsabiliser ses passagers et d'apporter la stabilité et la confiance indispensables à l'action collective.
L'objectif, démontré par l'exemple, est de faire émerger grâce à la puissance du collectif des solutions imprévues.

ILS NAISSENT ÉGAUX, MAIS CELA NE DURE PAS !

La vie végétale : l’art du bricolage (1)
Assis sur la terrasse de ma maison en Provence, je regarde les chênes qui commencent à apparaître nettement au milieu des lignes des lavandes : certains ont largement dépassé le mètre de haut, alors que d’autres sont à peine visibles et restent cachés parmi les herbes voisines. Pourtant, ils ont été plantés en même temps, voilà environ cinq ans, proviennent du même producteur, et se trouvent sur le même type de sol. Difficile à croire quand on les regarde aujourd’hui.
Dans quelques années, au pied de certains, on trouvera peut-être des truffes… ou peut-être pas. Impossible à prévoir à l’avance. Je vois déjà le chien qui, le nez au raz du sol ou flairant les effluves flottant dans l’air, partira en chasse de ces trésors éventuellement cachés. Tel un magicien plongeant sa main dans le vide de son chapeau, il en sortira les lapins qui transformeront de banales omelettes en plats rares et recherchés.
Voilà la règle du végétal et de la vie : un peu plus d’eau ici, un peu moins de minéraux dans la terre là, un rien d’ombre portée par un arbre voisin, des racines qui se déploient plus ou moins, sans parler des herbes sauvages qui viennent se semer et se reproduisent au hasard du vent, et rien ne se passe de la même façon. Au fil des années, tout diverge et suit des chemins qui ne peuvent être constatés qu’a posteriori.
Mes chênes, tous nés de glands apparemment égaux, ne le sont plus, et ne le seront jamais. Et rien ne dit que les plus grands seront ceux qui donneront le plus de truffes. Ainsi va le monde végétal : bien que régi par un ordre rigoureux, il foisonne, bifurque, et bricole.
(extrait des Radeaux de feu)


30 oct. 2013

C’EST LE RÉEL QUI FAIT LE POSSIBLE

Les poupées minérales : l’expansion imprévisible (3)
Dans la bibliothèque de Babel, se trouvent tous ces livres, répartis sur une quasi infinité d’étagères, dans une quasi infinité d’alvéoles. Les bibliothécaires s’y promènent, prenant en main, de temps en temps, un livre et s’extasiant quand ils tombent sur une phrase qui a un sens. Car bien sûr dans cet océan des combinaisons, trouver déjà une phrase qui en a un, est un tour de force.
L’un des bibliothécaires disserte sur l’idée qu’il pourrait y avoir un chemin, une façon de trouver les livres comprenant au moins des paragraphes porteurs de significations. Mais c’est impossible, car tant qu’un livre n’a pas été ouvert et parcouru, on ne sait rien de lui. L’employé est mis devant cette angoisse abyssale : savoir que tout livre susceptible d’exister est là quelque part, mais sans avoir la moindre chance de le trouver. Et comme l’écrit Borges : « Il suffit qu’un livre soit concevable pour qu’il existe. Ce qui est impossible est seul exclu. (…) Cette inutile et prolixe épître que j’écris existe déjà dans l’un des trente volumes des cinq étagères de l’un des innombrables hexagones – et sa réfutation aussi » (1).
Tel est le champ des possibles : il dessine devant nous tout ce qui est susceptible d’exister, mais nous n’avons aucun moyen de l’y repérer à l’avance. Et chaque seconde qui s’écoule rend l’Univers plus vaste, plus complexe : des pages supplémentaires sont ajoutées, des mots aux pages, aussi des nouvelles alvéoles sont-elles construites, des nouvelles étagères fixées, et de nouveaux livres posés. Le temps joue contre notre volonté de nous retrouver dans ce labyrinthe infini.
Plutôt que de champ de possibles, je devrais parler d’un champ définissant tout ce qui n’est pas impossible : au sein de ce territoire de plus en plus vaste, le système fait son choix, et ce choix devient le réel, car « c’est le réel qui fait le possible, et non pas le possible qui devient réel » (2).  Pour reprendre la nouvelle de Borges, tant qu’un livre n’est pas trouvé et lu, c’est comme s’il n’existait pas. Tant qu’un possible n’a pu eu lieu, il n’est qu’un possible en devenir, une hypothèse spéculative parmi d’autres.
(1) Jorge Luis Borges, Fictions, p.99-100
(2) Henri Bergson, Le Possible et le Réel, p.17
(extrait des Radeaux de feu)


29 oct. 2013

DIRIGER EN ACCEPTANT DE NE PAS TOUT COMPRENDRE

Article dans les Échos du 28 octobre 2013 par Valérie Landrieu
Dans les Echos du 28 octobre un article annonce la sortie des Radeaux de feu et présente le Management par émergence

Pour le polytechnicien Robert Branche, les dirigeants doivent faire émerger les solutions collectives. Ce management de l'émergence est l'objet de son dernier livre Les Radeaux de feux.
« La problématique du management ne relève pas de la décision, mais de l'émergence. » Plus simplement : ce n'est pas tant la décision du dirigeant qui compte, toute diluée qu'elle est dans la quantité des autres décisions prises dans l'entreprise, que sa capacité à faire émerger des propositions et solutions collectives.
Tolstoï et management de l'émergence
Fidèle à l'idée selon laquelle il faut arrêter de ne vouloir diriger que par la compréhension (au sens occidental), l'analyse et la modélisation dans un monde d'incertitudes, le polytechnicien Robert Branche en appelle à Tolstoï pour propager la bonne parole du management de l'émergence. « Comment existerait-il une théorie et une science là où les conditions et les circonstances restent inconnues et où les forces agissantes ne sauraient être déterminées avec précision ? » reprend-il dans son livre Les Radeaux de feux (éditions du Palio) à paraître à la fin du mois. Après Neuromanagement (2008) et Les Mers de l'incertitude (2010) dans lesquels il se penchait sur la place des émotions et le rôle de l'incertitude dans le management, il remet l'ouvrage sur le métier.
Les modèles de Robert Branche : L'Oréal, Air Liquide et Google
Illustrant son propos avec les origines des univers végétal et minéral, il défend l'idée que « l'entreprise est davantage le fruit du monde que celui des hommes ». Un pavé dans la mare des spécialistes en stratégies, gourous en changement et autres sauveurs. Robert Branche lui-même est consultant spécialisé dans l'accompagnement des équipes de direction depuis de nombreuses années. Encourageant les dirigeants à « attraper le futur plus par instinct que par logique », lui les invite à faire le choix de la stabilité et de la transformation lente, plus que du changement.
Le défi en système instable ? « C'est de trouver les bons moyens pour créer de la stabilité, diffuser la confiance et tenir les objectifs. » C'est d'ailleurs cette capacité-là, estime-t-il, qui fait d'un patron « un bon dirigeant ». « Il faut de trois à cinq ans pour qu'un système se re-stabilise après le changement. Cela occasionne une grande destruction de valeur », explique-t-il, en citant à la rescousse les L'Oréal, Air Liquide, Toyota ou Google qui savent pratiquer « des stratégies résilientes ». « Ce n'est pas si facile de rester dans son domaine. Il arrive un moment où le dirigeant se met à penser à la diversification par ennui », lâche-t-il un brin provocateur.



Robert Branche explique le titre de son ouvrage les radeaux de feu lors d'une émission de radio

28 oct. 2013

POURQUOI TANT DE DÉSORDRE, IMPRÉVISIBILITÉ ET IRRÉVERSIBILITÉ ?

Les poupées minérales : l’expansion imprévisible (2)
Voici donc la triple logique de construction des poupées russes, de leur multiplication et de leur extension : plus de désordre, plus d’imprévisibilité, plus d’irréversibilité.
Mais, permettez-moi de poser une question irrévérencieuse au génial architecte qui, selon d’aucuns, serait peut-être à l’origine de notre univers, et qui en aurait défini les règles et le mode de construction : pourquoi diable, tant de désordre et d’incertitude, et, pourquoi n’avons-nous pas droit à la gomme pour effacer ce qui nous dérange ? Pourquoi nous avoir condamnés à la pagaille, l’anarchie et l’aléatoire, et à vivre à jamais avec les conséquences de nos erreurs ? Est-il un démon voulant rendre notre temps passé sur Terre le plus compliqué possible ? Bref, pourquoi nous a-t-il pourri à ce point notre existence ?
Il n’est jamais bon de s’apitoyer sur son sort, et il est toujours préférable de chercher une raison positive à ce que l’on vit comme une contrainte. Aussi plutôt que de se défouler les nerfs sur un créateur lointain et potentiel, interrogeons-nous sur l’utilité éventuelle de l’entropie et du chaos, et de l’irréversibilité qui va avec.
A quoi peuvent-ils bien servir ? En fait, ils sont indispensables au bon fonctionnement de notre monde :
- Le désordre et les processus chaotiques apportent la résilience, c’est-à-dire la capacité à résister aux aléas et aux turbulences : avec eux, les systèmes sont localement instables et imprévisibles, mais structurellement stables. Sans eux, ils seraient cassants et fragiles. Dans les tempêtes, il vaut mieux être roseau que chêne : « Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici contre leurs coups épouvantables résisté sans courber le dos ; mais attendons la fin ». Mais ces mouvements sont si rapides que nous avons à tort une image de la permanence et de l’immobilité : nous voyons les structures globales, celles qui restent peu ou prou inchangées, mais ni leurs ondulations, ni les trajectoires erratiques de toutes les particules qui les composent.
- L’irréversibilité permet la synchronicité des actions et la vie en commun. Imaginez que chacun d’entre nous puisse constamment revenir en arrière et changer un des paramètres. Comme il y a fort à parier qu’aucun de nous ne voudrait les mêmes modifications, notre univers serait instable, et nous n’aurions aucun présent en commun. Résilience et irréversibilité sont liées.
Donc si désordre, incertitude et irréversibilité sont en première analyse sources de souffrances et de complications, ils sont surtout indispensables à l’existence même de notre univers. Apprenons donc à faire avec.
(extrait des Radeaux de feu)

25 oct. 2013

DÉCALAGES

Rencontres indiennes (5)
Pris dans la chaleur étouffante du désert de Jaisalmer, je suis à la recherche d’un endroit pour me rafraichir et m’asseoir un moment.
Mon regard se promène alentour, et est soudain arrêté par une proposition surprenante : comment imaginer trouver ici un restaurant OM ?
Est-ce la création d’un supporter nostalgique et perdu aux fins fonds du Rajasthan ? Dois-je m’attendre à voir surgir quelques footballeurs, et rebondir un ballon ?
Ou cet « Om » n’est-il que le rappel du son lancinant souvent répété dans les prières des Yogi ?
A tout prendre, je préfère en rester à l’idée d’un Marseillais, d’origine ou de cœur, perché parmi les pierres de Jaisalmer…
Le site de Hampi est une succession sans cesse renouvelée de colonnes, de frontons, d’escaliers taillés dans la roche, de superpositions aléatoires de rocs, de sentes cheminant sans but…
Tout y est nature, brut, intact… sauf de temps en temps, paradoxalement, des citernes tatouées « world heritage site ».
Est-ce pour montrer la maladresse de nos interventions, et notre incapacité à ne pas dénaturer ce que l’on touche ?
Comme l’a écrit Michel Serres, les hommes « marquent et salissent, en les conchiant, les objets qui leur appartiennent pour qu’ils le deviennent ». Et cela même quand nous intervenons pour protéger et entretenir…
Avant de l’avoir constaté dans un champ à Udaipur, je n’aurais jamais pensé que deux oiseaux de taille modeste puissent être les gardes du corps d’une vache sacrée.
Pourtant la pose est claire, et la photo en témoigne : de part et d’autre de leur maîtresse, l’œil aux aguets, ils surveillent, prêts à intervenir.
Elle, du coup, broute paisiblement, l’esprit au repos.
Belle et sereine complémentarité.
(Ces trois photos ont été prises à Jaisalmer, Hampi, et Udaipur)