12 nov. 2013

SANS INCERTITUDE, IL N’Y A PAS DE VIE

La vie végétale : l’art du bricolage (5)
Cinquième commentaire sur l’entreprise : Émergence et sérendipité
« Pour favoriser l’esprit d’initiative de ses ingénieurs, 3M a érigé́, dès les années 50, la règle des 15% : chaque chercheur peut consacrer 15% de son temps professionnel à des projets d’innovation personnels. » (1)
L’innovation et le développement supposent une organisation et des règles précises, mais comme pour l’évolution et le développement de la vie, il est impossible et dangereux de prétendre prévoir à l’avance ce qui va se passer. La plupart des découvertes naissent par hasard, et souvent suite à une erreur : les célèbres Post-it de 3M sont le fruit d’une colle qui ne colle pas vraiment.
Pour beaucoup, le concept central de l’innovation est la sérendipité, c’est-à-dire le fait d'effectuer une trouvaille inattendue par chance ou par malchance, par erreur ou par maladresse. Reste à repérer que l’on vient par hasard de faire une découverte riche de potentiel, et à la transformer en un succès marketing et industriel.
Le rôle du management est donc d’abord de créer les conditions de l’émergence de la vie et de la croissance, et non pas de les contenir et de les définir. Il est aussi de permettre d’amplifier ce qui est embryonnaire, et de faciliter les focalisations sur ce qui est en train de réussir.
Malheureusement face à la montée de l’incertitude et à la peur des échéances à venir, à l’inverse, bon nombre de Directions Générales demandent toujours plus de comptes rendus, de prévisions, et sophistiquent sans cesse les systèmes de planification.
(1)  60 ans 3M en France, communiqué de presse 27 août 2012

(extrait des Radeaux de feu)

8 nov. 2013

À HAMPI, ON DÉTRUIT LE PRÉSENT ET LA VIE POUR RETROUVER LE PASSÉ

 Rencontres indiennes (6)
Sous les coups répétés des bulldozers, les murs s’effondraient. De nouvelles perspectives se dégageaient, des colonnades anciennes réapparaissaient, le vieux bazar renaissait de la destruction du nouveau. Hampi remontait le temps. On enlevait méthodiquement les peaux successivement accumulées pendant plus de cinq siècles. Comme un oignon, on le pelait. A la différence essentielle, que les peaux desséchées étaient à l’intérieur, et que c’était la vie qui était retirée. Petit à petit, la mort apparaissait. Les briques tombaient, les fresques étaient arrachées, le sang refluait. In fine, ressurgissait l’ossature du bazar depuis longtemps disparue : des colonnes brutes, des dalles à vif, des bouts de sculptures. Le travail de dizaines de générations était ôté sans considération.
Année après année, décennie après décennie, siècle après siècle, la sueur des commerçants avait fait vivre le village et le marché. Certes, on était loin de la splendeur des années quinze-cents, pourtant ils s’étaient tenus droit : contre toutes les adversités, malgré l’effondrement de leur royaume, ils avaient fait front et vécu debout. Avec honneur et détermination, tout au long des années, Hampi avait fait de la résistance : le bazar en était resté un. Chaque matin, il riait des cris des marchands, il hurlait des enfants tentant d’arrêter les chalands, il vibrait de discussions infinies. Tel coin était connu pour ses épices, tel autre pour ses tissus. Les étalages de légumes et fruits rivalisaient entre eux. Les yeux ne savaient pas sur quoi se poser.
C’était cette histoire et cette lutte qui se trouvaient balayées d’un revers de bulldozer. Chacune des maisons détruites était imprégnée d’une sueur légitime, aujourd’hui bafouée et méprisée. Chaque mur abattu était un membre arraché. Chaque portique retrouvé l’était au prix du sang et du meurtre.
Demain que verrait-on ? Une galerie froide et esthétique mimant un passé révolu. Des allées redevenues anciennes, et à ce titre perçues authentiques, réservées à des touristes en mal de photographies. Une beauté théorique, probablement sublime, mais glaciale comme les couloirs d’un musée.
Les habitants regardaient, figés, leur vie disparaître. Pour eux, ce n’était pas leur passé que l’on retrouvait, c’était leur présent et leurs racines que l’on détruisait. Ils n’avaient cure de voir revenir les fantômes d’ancêtres trop lointains pour être aimés et connus. Non, le retour au bazar des origines ne signifiait rien pour eux, à part souffrance et douleur.
Le bulldozer voisin réussit à ébranler le toit, qui s’affaissa dans un nuage de poussières. Sur le côté, des Indiens s’affairaient à récupérer ce qui pouvait l’être : les uns empilaient dans une remorque, des briques ; d’autres s’étaient spécialisés dans le tri des pierres ; plus loin, on en voyait qui finissaient de détruire à la masse des armatures en béton pour en extraire les ferrures.
Le soleil baissait à l’horizon, donnant à la scène des allures de fin du monde. Tels les rats d’un festin abandonné, ils cherchaient à en extirper un morceau suffisant pour survivre, ne serait-ce qu’un moment de plus. Sauf qu’il ne s’agissait pas de rats, mais d’hommes, et que de festin, il n’en avait jamais été question, juste de la démolition de leurs vies et de leurs modestes richesses.
(Ces photos ont été prises à Hampi en août 2012)

7 nov. 2013

L’ENTREPRISE EST AUSSI FAITE D’ÉMERGENCES COLLECTIVES

La vie végétale : l’art du bricolage (4)
Quatrième commentaire sur l’entreprise : Le collectif
« Le rugby c´est le seul sport où l´on se rencontre, alors qu´ailleurs on se croise. » (1)
Une entreprise est un emboîtement doté de propriétés qui n’existent pas aux échelons inférieurs : une équipe d’hommes et de femmes a des performances qui dépassent les savoirs individuels ; une filiale est faite d’usines, de services financiers, juridiques, commercial et marketing, et peut inventer, fabriquer et vendre des produits, alors qu’aucune de ses composantes séparément n’en est capable.
Si jamais aucune nouvelle propriété collective n’émerge, si l’entreprise n’est que la seule juxtaposition de filiales ou de services, si une filiale n’est qu’une collection d’individus, si rien ne transcende ce que chacun isolément sait faire, l’entreprise n’en est plus une : elle n’est qu’une collection qui se désagrégera rapidement.
Ainsi l’existence de propriétés collectives émergentes n’est pas seulement une conséquence de l’existence des entreprises, elle en est le fondement : sans elles, l’entreprise n’a pas plus de consistance que le sable. Sans elles, l’entreprise disparaît.
(1) Lucien Mias, ancien deuxième ligne international de rugby dans les années 50
(extrait des Radeaux de feu)


6 nov. 2013

LES LIMITES SONT LES JOINTURES

La vie végétale : l’art du bricolage (3)
Par rapport à la matière inerte, cet assemblage du vivant est plus subtil, moins net, moins brutal : homéostasie et auto-organisation sont des fils qui tissent finement et souplement le vivant. Les limites sont paradoxalement à la fois nettes et floues, précises et imprécises, car les membranes qui tracent la frontière entre le dedans et le dehors, sont aussi celles qui unissent et joignent : elles sont les peaux qui, en même temps, limitent chacune des cellules et les réunissent entre elles. Étrange paroi, sans laquelle la cellule se dissoudrait dans ce qui l’entoure, et grâce à laquelle elle respire : la membrane est à la fois vide et plein.
Pour comprendre cette construction paradoxale, faisons un détour par l’observation d’un livre, celui-ci par exemple. Si vous observez son texte, il y a des blancs, c’est-à-dire des espaces, qui ne portent en eux-mêmes aucun sens, ne représentent rien, ne sont que vide, absence. Pourtant, si vous les enlevez, vous n’avez plus ni phrases ni mots, mais seulement une succession de lettres dont n’émergent plus rien, et certainement pas un livre. Ces espaces sont les membranes des mots : ils en définissent le début et la fin, et sont les liens qui font émerger le sens. Ils séparent et réunissent, ils sont le vide qui donne le plein. Grâce à eux, on passe du niveau des lettres à celui des mots, puis des mots à la phrase, et des phrases au livre.
De même, la membrane de la cellule non seulement la définit et la circonscrit, mais est aussi ce par quoi la cellule échange avec le reste du monde, et capte les éléments dont elle a besoin pour vivre. C’est encore grâce à elle qu’elle peut s’unir avec d’autres congénères, et progressivement construire le niveau supérieur. Comme les blancs des mots, la membrane sépare et réunit.
Il n’y a pas que les cellules qui s’associent, les plantes savent aussi se combiner entre elles et se nourrir l’une avec l’autre : les truffes vivent en symbiose avec les racines, les lichens escaladent les écorces, et le gui s’accroche dans le bois… La nature est un enchevêtrement de végétaux qui élaborent des écosystèmes de plus en plus sophistiqués. 
(extrait des Radeaux de feu)


5 nov. 2013

LA VIE TISSE UN ORDRE IMPRÉVISIBLE

La vie végétale : l’art du bricolage (2)
Homéostasie, auto-organisation et ADN dotent donc la vie végétale d’un nouveau moteur et de nouvelles colles qui complètent celles de la matière inerte. Voilà l’origine de ce que Spinoza appelle le conatus, cette capacité à non seulement survivre, mais à se développer et grandir : « Chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être. L'effort par lequel toute chose tend à persévérer dans son être n'est rien de plus que l'essence actuelle de cette chose. »
Mais comment cette propension du vivant à propager son nouvel ordre et répandre son ADN est-elle compatible avec la sacro-sainte loi de l’entropie ? N’y a-t-il pas une contradiction entre les deux ?
Si l’on en reste à la loi de l’entropie comme celle de l’accroissement du désordre, oui, la contradiction est manifeste : la vie avale le désordre des molécules qui l’entourent, et grandit en les transformant en une structure ordonnée. Malgré les aléas de ce qui l’environne, elle est capable de maintenir les équilibres internes, de suivre durablement les mêmes objectifs, et, grâce à l’ADN, de passer au travers le temps. Le développement de la vie est donc incontestablement créateur d’ordre.
Aussi les penseurs de l’entropie comme loi de l’accroissement du désordre ont-ils inventé la néguentropie qui serait une nouvelle loi du vivant qui l’autoriserait à « remonter » l’entropie : la vie transformerait le désordre en information. Il y aurait donc deux logiques : celle de la matière inerte qui suivrait celle de l’entropie et accroîtrait le désordre, celle du vivant qui, ajoutant de l’information, créerait de l’ordre. Un concept compliqué et jamais justifié, mais nécessaire à l’explicitation de la cohabitation de fonction d’ordre et de désordre.
Mais si l’on reformule la loi de l’entropie comme la loi de l’accroissement de l’incertitude, la question se pose dans des termes complètement différents : l’apparition de l’ordre généré par la vie ne pose problème que s’il réduit l’incertitude. Ou formulé autrement : l’apparition de la vie a-t-elle été un facteur de réduction ou d’accroissement de l’incertitude ? Le monde du vivant est-il plus ou moins prévisible que celui de la matière inerte ?
La réponse est évidemment que la vie apporte plus d’aléas et d’imprévisibilités : c’est un système ordonné, mais il est infiniment plus difficile d’anticiper l’évolution d’une structure vivante que celle d’une structure inerte.

(extrait des Radeaux de feu)

4 nov. 2013

L’ENTREPRISE ET LES POSSIBLES

Les poupées minérales : l’expansion imprévisible (4)
Deuxième commentaire sur l’entreprise : Le possible
« La vérité, c’est que j’avais une idée, une idée pas fameuse, mais qui a eu quand même d’utiles conséquences, comme il arrive parfois aux plus mauvaises idées. »  (1)
Ce qui apparaît comme du désordre, n’est que la multiplication des chemins possibles, c’est-à-dire de toutes les opportunités qu’une entreprise peut saisir pour tracer son chemin, se différencier et créer de la valeur.
Plus l’entreprise se développe et grandit, plus son évolution future est imprévisible. Ce n’est pas le témoignage d’un déficit d’ordre et d’organisation, ce n’est que la logique naturelle de l’évolution de tout système.
Dans son avancée, rien n’est inscrit à l’avance. Les explications a posteriori du caractère inéluctable de son déroulement sont fictives. A tout moment, le champ des possibles est vaste, et un parmi eux est devenu réel, sans autre raison que c’est celui qui a été effectivement emprunté.
Pour cerner ce champ, ce sont les impossibilités qui doivent être identifiées, comme autant de points durs à respecter, en prenant garde à ne pas prendre ce qui n’est qu’habitudes, conventions ou présupposés pour des impossibilités.
(1) Georges Claude, Air Liquide, Cent ans, p.17

(extrait des Radeaux de feu)

31 oct. 2013

MANUEL DE SURVIE DU DIRIGEANT DANS L’INCERTAIN

Le Monde – 31 octobre 2013
Le journal Le Monde du 31 octobre 2013 parle des Radeaux de feu
Quand nos certitudes s'effondrent, comment s'assurer, quand on est dirigeant, que l'on prend les bonnes décisions ? Partant de l'analogie des fourmis de feu de la forêt amazonienne, qui s'accrochent ensemble pour traverser les rivières les plus tumultueuses, l'auteur ouvre de nouvelles voies de management. Pour lui, le rôle du dirigeant n'est plus de décider, mais de révéler la destination vers laquelle vogue le radeau-entreprise, de responsabiliser ses passagers et d'apporter la stabilité et la confiance indispensables à l'action collective.
L'objectif, démontré par l'exemple, est de faire émerger grâce à la puissance du collectif des solutions imprévues.

ILS NAISSENT ÉGAUX, MAIS CELA NE DURE PAS !

La vie végétale : l’art du bricolage (1)
Assis sur la terrasse de ma maison en Provence, je regarde les chênes qui commencent à apparaître nettement au milieu des lignes des lavandes : certains ont largement dépassé le mètre de haut, alors que d’autres sont à peine visibles et restent cachés parmi les herbes voisines. Pourtant, ils ont été plantés en même temps, voilà environ cinq ans, proviennent du même producteur, et se trouvent sur le même type de sol. Difficile à croire quand on les regarde aujourd’hui.
Dans quelques années, au pied de certains, on trouvera peut-être des truffes… ou peut-être pas. Impossible à prévoir à l’avance. Je vois déjà le chien qui, le nez au raz du sol ou flairant les effluves flottant dans l’air, partira en chasse de ces trésors éventuellement cachés. Tel un magicien plongeant sa main dans le vide de son chapeau, il en sortira les lapins qui transformeront de banales omelettes en plats rares et recherchés.
Voilà la règle du végétal et de la vie : un peu plus d’eau ici, un peu moins de minéraux dans la terre là, un rien d’ombre portée par un arbre voisin, des racines qui se déploient plus ou moins, sans parler des herbes sauvages qui viennent se semer et se reproduisent au hasard du vent, et rien ne se passe de la même façon. Au fil des années, tout diverge et suit des chemins qui ne peuvent être constatés qu’a posteriori.
Mes chênes, tous nés de glands apparemment égaux, ne le sont plus, et ne le seront jamais. Et rien ne dit que les plus grands seront ceux qui donneront le plus de truffes. Ainsi va le monde végétal : bien que régi par un ordre rigoureux, il foisonne, bifurque, et bricole.
(extrait des Radeaux de feu)


30 oct. 2013

C’EST LE RÉEL QUI FAIT LE POSSIBLE

Les poupées minérales : l’expansion imprévisible (3)
Dans la bibliothèque de Babel, se trouvent tous ces livres, répartis sur une quasi infinité d’étagères, dans une quasi infinité d’alvéoles. Les bibliothécaires s’y promènent, prenant en main, de temps en temps, un livre et s’extasiant quand ils tombent sur une phrase qui a un sens. Car bien sûr dans cet océan des combinaisons, trouver déjà une phrase qui en a un, est un tour de force.
L’un des bibliothécaires disserte sur l’idée qu’il pourrait y avoir un chemin, une façon de trouver les livres comprenant au moins des paragraphes porteurs de significations. Mais c’est impossible, car tant qu’un livre n’a pas été ouvert et parcouru, on ne sait rien de lui. L’employé est mis devant cette angoisse abyssale : savoir que tout livre susceptible d’exister est là quelque part, mais sans avoir la moindre chance de le trouver. Et comme l’écrit Borges : « Il suffit qu’un livre soit concevable pour qu’il existe. Ce qui est impossible est seul exclu. (…) Cette inutile et prolixe épître que j’écris existe déjà dans l’un des trente volumes des cinq étagères de l’un des innombrables hexagones – et sa réfutation aussi » (1).
Tel est le champ des possibles : il dessine devant nous tout ce qui est susceptible d’exister, mais nous n’avons aucun moyen de l’y repérer à l’avance. Et chaque seconde qui s’écoule rend l’Univers plus vaste, plus complexe : des pages supplémentaires sont ajoutées, des mots aux pages, aussi des nouvelles alvéoles sont-elles construites, des nouvelles étagères fixées, et de nouveaux livres posés. Le temps joue contre notre volonté de nous retrouver dans ce labyrinthe infini.
Plutôt que de champ de possibles, je devrais parler d’un champ définissant tout ce qui n’est pas impossible : au sein de ce territoire de plus en plus vaste, le système fait son choix, et ce choix devient le réel, car « c’est le réel qui fait le possible, et non pas le possible qui devient réel » (2).  Pour reprendre la nouvelle de Borges, tant qu’un livre n’est pas trouvé et lu, c’est comme s’il n’existait pas. Tant qu’un possible n’a pu eu lieu, il n’est qu’un possible en devenir, une hypothèse spéculative parmi d’autres.
(1) Jorge Luis Borges, Fictions, p.99-100
(2) Henri Bergson, Le Possible et le Réel, p.17
(extrait des Radeaux de feu)


29 oct. 2013

DIRIGER EN ACCEPTANT DE NE PAS TOUT COMPRENDRE

Article dans les Échos du 28 octobre 2013 par Valérie Landrieu
Dans les Echos du 28 octobre un article annonce la sortie des Radeaux de feu et présente le Management par émergence

Pour le polytechnicien Robert Branche, les dirigeants doivent faire émerger les solutions collectives. Ce management de l'émergence est l'objet de son dernier livre Les Radeaux de feux.
« La problématique du management ne relève pas de la décision, mais de l'émergence. » Plus simplement : ce n'est pas tant la décision du dirigeant qui compte, toute diluée qu'elle est dans la quantité des autres décisions prises dans l'entreprise, que sa capacité à faire émerger des propositions et solutions collectives.
Tolstoï et management de l'émergence
Fidèle à l'idée selon laquelle il faut arrêter de ne vouloir diriger que par la compréhension (au sens occidental), l'analyse et la modélisation dans un monde d'incertitudes, le polytechnicien Robert Branche en appelle à Tolstoï pour propager la bonne parole du management de l'émergence. « Comment existerait-il une théorie et une science là où les conditions et les circonstances restent inconnues et où les forces agissantes ne sauraient être déterminées avec précision ? » reprend-il dans son livre Les Radeaux de feux (éditions du Palio) à paraître à la fin du mois. Après Neuromanagement (2008) et Les Mers de l'incertitude (2010) dans lesquels il se penchait sur la place des émotions et le rôle de l'incertitude dans le management, il remet l'ouvrage sur le métier.
Les modèles de Robert Branche : L'Oréal, Air Liquide et Google
Illustrant son propos avec les origines des univers végétal et minéral, il défend l'idée que « l'entreprise est davantage le fruit du monde que celui des hommes ». Un pavé dans la mare des spécialistes en stratégies, gourous en changement et autres sauveurs. Robert Branche lui-même est consultant spécialisé dans l'accompagnement des équipes de direction depuis de nombreuses années. Encourageant les dirigeants à « attraper le futur plus par instinct que par logique », lui les invite à faire le choix de la stabilité et de la transformation lente, plus que du changement.
Le défi en système instable ? « C'est de trouver les bons moyens pour créer de la stabilité, diffuser la confiance et tenir les objectifs. » C'est d'ailleurs cette capacité-là, estime-t-il, qui fait d'un patron « un bon dirigeant ». « Il faut de trois à cinq ans pour qu'un système se re-stabilise après le changement. Cela occasionne une grande destruction de valeur », explique-t-il, en citant à la rescousse les L'Oréal, Air Liquide, Toyota ou Google qui savent pratiquer « des stratégies résilientes ». « Ce n'est pas si facile de rester dans son domaine. Il arrive un moment où le dirigeant se met à penser à la diversification par ennui », lâche-t-il un brin provocateur.



Robert Branche explique le titre de son ouvrage les radeaux de feu lors d'une émission de radio