20 janv. 2015

DANS LE PALAIS DE LA MONARCHIE RÉPUBLICAINE

Le Pouvoir (2)
Arrêtons-nous d’abord sur les ors de la République.
Fascinant de voir la Présidence de la République vivre dans un palais. Un petit Versailles en plein centre de Paris.
Impossible d’ouvrir une porte. A chaque fois, un huissier est là pour vous empêcher. 
En regardant ces images, j’ai repensé à mes débuts à l’École Polytechnique, et aux semaines passées au camp du Larzac. Impossible d’aller chercher moi-même un pot de café. Non, un régiment entier n’était là que pour nous servir. Fallait-il nous inculquer que nous étions d’une race supérieure, celle qui doit être servie ? 
Est-ce de même à l’Élysée ? Le Président, une fois élu, cesse-t-il d’être un Français pour devenir un monarque qui doit être servi à chaque instant ? Comment François Hollande qui se voulait un « Président normal » a-t-il pu accepter cette comédie royale ?
Et à chaque fois qu’il pénètre dans une pièce, un huissier le précède pour annoncer à tous les présents : « Le Président de la République ». Aurait-on peur qu’il ne soit pas reconnu ? Comedia del arte. Louis XVI doit se retourner dans sa tombe, en voyant qu’il s’est fait couper la tête pour rien !
Autre aberration : comment diriger un État moderne dans un cadre qui relève d’un musée ? J’imagine un instant le siège d’une quelconque entreprise, plongé dans un tel formol. Assurément, les décisions prises seront faussées, en retard, décalées.
Et François Hollande s’étonne d’être, petit à petit, comme ses prédécesseurs, coupé de la réalité du monde, mais comment ne pas l’être quand on travaille un musée Grévin de la politique !
(à suivre)

19 janv. 2015

MISE EN VERTIGE D’UN POUVOIR SANS PROJET

Le Pouvoir (1)
Je viens de voir le film documentaire de Patrick Rotman, « Le Pouvoir ». Sorti en mai 2013, c’est une plongée dans le quotidien de l’Élysée, aux temps de François Hollande. Tout commence à la passation de pouvoir le 15 mai 2012, et se termine le 25 janvier 2013.
Une plongée brute sans commentaires. Bien sûr, la caméra n’est pas neutre, chaque angle est un point de vue, chaque séquence est choisie, chaque enchaînement est la conséquence d’un montage voulu. 
Mais j’ai regardé ce film en essayant de faire abstraction de cette intention, en cherchant à recevoir de façon la plus neutre possible les images qui se déroulaient.
Deux choses m’ont frappé : la puissance des ors de la République – ou devrais-je dire de la monarchie républicaine – et l’impréparation évidente de cette équipe. Une mise en vertige, l’un mettant chaque seconde davantage en relief l’autre : plus le cérémonial se déroulait, plus l’improvisation ressortait.
Et le commentaire en voix off de François Hollande ne faisait que souligner ce vertige, tellement les images contredisaient ce qui était dit. Les mots se voulaient posés, le raisonnement démonstrateur, mais ce qui était vu était disloqué, quasiment chaotique. Comme un pièce dont les acteurs ne connaitraient pas le script…

(à suivre)

16 janv. 2015

ENVOÛTEMENT

Off Bombay
Debout, son regard perdu dans un futur impossible, 
Il guette l’arrivée de celle qui ne viendra pas.
Va-t-il plonger dans l’eau qui murmure à ses pieds ?

Allongé, son coeur arrêté depuis bien longtemps,
Il sait que rien ne sert d’attendre.
Va-t-il se lever pour s’extraire du sol qui le boit ?

Derrière, juste derrière, palpite la folie de Bombay.
Comment le savoir à regarder l’un ou l’autre ?
Rien ne prévient jamais de la violence ambiante.

L’un et l’autre ont réussi à s’en abstraire.
L’un en verticale, mimant les tours de la baie,
L’autre en horizontale, se fondant dans la chaussée.
Par la force de leurs volontés, l’Inde a été gommée.
Ne reste qu’un temps immobile, une fiction urbaine,
Une parenthèse qui, comme eux, m’absorbe.

Bientôt, en horizontale ou en verticale,
En guetteur ou en ventouse,
Je serai à mon tour figé, sur Marine Drive.
(photos prises à Bombay sur Marine Drive en juillet 2012)

15 janv. 2015

UN NOUVEAU MOTEUR

La France Réconciliée (4)
Pour une réduction de la dépense publique
« Nous devons ouvrir deux chantiers en parallèle : L’un vise à réduire nos dépenses et à mettre notre organisation publique en situation de retrouver un équilibre budgétaire durable. (…) L’autre chantier, que nous devons traiter concomitamment, vise à redonner du souffle à nos entreprises. »
« Concernant les coups de rabot, pour reprendre la métaphore du moteur, c’est un peu comme si l’on allégeait une à une à coups de lime les pièces du moteur, pour que la voiture pèse moins lourd sur les amortisseurs défaillants. Le moteur, autant détérioré, deviendrait extrêmement fragile et la voiture perdrait son équilibre d’origine. »
« Plusieurs chiffes témoignent de ce handicap, celui de la dette, qui atteint 1 986 milliards d’euros, et celui du poids de la dépense publique dans notre PIB, qui représente aujourd’hui 57,1 %. Sans compter nos engagements « hors bilan » comme les retraites ou ceux pris au titre des partenariats publics/ privés qui augmentent de plus de 2 000 milliards la dette réelle de notre pays. (…) La part de la dépense publique des pays de la zone euro est de 47 % du PIB. »
« Le premier concerne le statut de la fonction publique. Rien ne justifie aujourd’hui, à part les services de défense et de sécurité, que nous maintenions un statut dérogatoire pour près de six millions de fonctionnaires – ce qui représente plus de 20 % des emplois en France. (…) Un autre levier à réformer est celui de l’État providence. Il représente une contribution financière annuelle de plus de 650 milliards d’euros. Même si la protection de l’individu, de l’enfant jusqu’à la personne âgée, est inscrite dans notre Constitution, nous devons revisiter en profondeur les contours et les conditions de l’intervention de l’État providence. (…) Le troisième levier d’économie de nos dépenses concerne les services publics. L’écart entre le niveau de satisfaction des Français pour leurs services publics, conforme à la moyenne des autres pays, et celui de nos dépenses publiques, plus élevé que la moyenne des autres pays, doit nous amener à nous interroger sur leur efficience autant que sur leur coût. (…) Enfin, le dernier levier est celui de l’organisation territoriale. (…) Une nouvelle définition des échelles de gouvernance , une bonne répartition des compétences, une politique intelligente de contractualisation avec l’État et une réforme des institutions nationales permettraient d’engager plus de 50 milliards d’économie en rythme annuel. 
Pour davantage de compétivité
 « Cette réduction de l’IS pourrait être financée par une remise à plat de tout ou partie des aides aux entreprises, dont certaines relèvent davantage de l’effet d’aubaine que d’un véritable dispositif d’incitation. »
« C’est d’abord sur le droit du travail, et son fameux code de plus de deux mille pages, que nous devons agir courageusement. En réformant le code du travail et en simplifiant le contrat à durée indéterminée. En effet, la rigidité de ce contrat dissuade actuellement En réformant le code du travail et en simplifiant le contrat à durée indéterminée. En effet, la rigidité de ce contrat dissuade actuellement. »
« L’État et les collectivités locales doivent impulser un vaste programme d’investissement d’avenir : La priorité concerne la modernisation des infrastructures de transport. (…) La deuxième orientation de ces investissements d’avenir doit s’appliquer à la modernisation de l’ensemble des politiques d’enseignement et de recherche. (…) Un autre domaine sur lequel devraient porter nos investissements d’avenir est celui de la culture. (…) Le soutien aux entreprises innovantes est également un des axes fondamentaux d’une politique de qualification des générations futures. »

14 janv. 2015

POUR UNE RÉELLE SUBSIDIARITÉ

La France Réconciliée (3)
Pour une nouvelle organisation qui part des territoires
« Quelques principes de base pourraient nous permettre d’y arriver. Le premier consiste à bâtir une organisation qui parte des territoires pour privilégier la proximité et exploiter tous les avantages économiques et sociaux. (…) Le deuxième vise à rendre cette organisation la plus simple et la plus lisible possible. (…) Le troisième principe vise à reconfigurer les échelons territoriaux de manière à être le plus efficace possible pour gérer des politiques sociales et de développement. »
« Pour autant, je suis convaincu que la France, ainsi divisée en trois à quatre cents districts répondrait beaucoup mieux aux attentes des Français que le font actuellement les conseils départementaux dont les chefs-lieux sont parfois très éloignés de certaines parties du territoire départemental. (…) Les districts qui structureraient alors le territoire français seraient gérés par des « conseils intercommunaux de district » qui assureraient l’ensemble des compétences pertinentes à cette échelle ; comme les politiques sociales, les politiques de santé, la coordination des politiques d’éducation, la voirie, l’urbanisme, mais aussi celles des politiques économiques qui correspondent à cette échelle de proximité. (…) Les communes actuelles deviendraient progressivement des composantes du district ; elles assureraient le point d’entrée pour les populations afin de maintenir au plus près d’elles les guichets d’informations et de services qui leur sont nécessaires. Il appartiendrait néanmoins au district d’organiser la distribution des services sur le territoire de façon homogène et cohérente. »
« La question n’est donc pas de savoir si la France doit compter huit, dix, douze ou quinze régions comme nous en avons débattu lors du débat parlementaire de juillet 2014, à la suite de la volonté du président de la République de réduire le nombre de régions. Elle consiste plutôt à énumérer nos métropoles pivots, puis à les relier à chacune de nos villes moyennes en veillant à ce qu’aucune d’entre elles ne soit à plus de deux heures de distance. (…) Sur une base nationale d’une dizaine de métropoles-régions et d’environ trois cent cinquante districts, chaque région serait alors composée d’une trentaine de districts avec lesquels elle organiserait l’ensemble du projet de développement. »
« Ces métropoles-régions pourraient être dotées d’un pouvoir réglementaire fort afin d’être en mesure d’adapter certaines politiques publiques aux spécificités régionales. De nombreuses questions relevant du développement économique ou de l’aménagement du territoire gagneraient à être traitées dans ces nouvelles assemblées régionales plutôt que dans l’enceinte de l’Assemblée nationale et du Sénat. (…) La gouvernance de ces métropoles-régions serait organisée au sein des nouveaux conseils régionaux. Ils seraient composés des représentants de la métropole et de ceux élus au sein des conseils de district. Ces conseils régionaux seraient ainsi l’expression directe des territoires. (…) Cette construction ascendante par laquelle les élus régionaux seraient directement issus des communes garantirait une gouvernance responsable au plus près des attentes des citoyens. »
… Et se poursuit jusqu’au niveau de la nation
 « D’un côté, la nouvelle organisation des collectivités, moins nombreuses et plus fortes, dotées d’un nouveau pouvoir réglementaire et normatif, justifierait le fait que les élus en charge de ces exécutifs territoriaux soient présents au sein d’une Assemblée des territoires. Cette nouvelle Assemblée, emblématique du principe de subsidiarité, remplacerait à la fois le Sénat et le Conseil économique, social et environnemental. (…) La réforme de l’Assemblée nationale s’inscrirait, quant à elle, dans une meilleure représentation des expressions politiques. Sa mission serait à la fois législative et de contrôle de l’État. Les députés seraient appelés en première lecture sur les textes qui touchent les grandes politiques régaliennes : sécurité, justice, éducation ou affaires internationales. Le nombre de députés serait fortement réduit, le non-cumul des mandats confirmé, et une dose de proportionnelle régionale intégrée au mode de scrutin. »
« Pour résumer, dans cette nouvelle organisation, la France de proximité serait structurée autour de trois cent cinquante districts, celle du développement autour d’une dizaine de métropoles-régions, la coordination des politiques territoriales serait arrêtée au sein d’une Assemblée des territoires, et l’Assemblée nationale, dans une version fortement optimisée, assurerait sa mission législative. »
(à suivre)

13 janv. 2015

LA NÉCESSITÉ D’UN PROJET POUR LA FRANCE ET POUR CHACUN DE NOUS

La France Réconciliée (2)
Sur l’importance d’un projet
« « Le projet, tout le monde s’en fout ! », m’a lancé un jour un collègue parlementaire. Voilà bien résumé l’état d’esprit… »
« Si le projet était clair, chiffré et objectivé, si les hommes politiques mettaient plus d’énergie à faire de la pédagogie pour expliquer les enjeux et les réformes, plutôt qu’à faire des petites phrases stéréotypées, assassines ou détonantes, alors, je suis convaincu que les Français accepteraient des politiques plus engagées, plus audacieuses. »
« Il me semble aujourd’hui essentiel de réaffirmer clairement nos convictions, de les assumer pleinement, et de rappeler qu’elles donnent son véritable sens à notre engagement politique. Avec un profond respect des différences. Les Français attendent de nous cette vérité, ils sont attentifs à ce que notre projet politique soit d’abord respectueux des fondements de notre humanité. »
« Les candidats à l’élection présidentielle devraient être dans l’obligation de présenter une feuille de route, lisible et chiffrée, avec des objectifs clairs et programmés. Une instance indépendante, composée de personnalités reconnues, pourrait suivre l’application de cette feuille de route et présenter aux Français des indicateurs de suivi qui permettraient d’apprécier les résultats obtenus. »
Sur la responsabilité et l’engagement
« La réalisation de l’individu par l’encouragement au mérite, par la responsabilité de chacun, par l’initiative individuelle ou par l’entrepreneuriat – au sens de la contribution de chaque individu au projet de son territoire ou de la nation – est trop souvent négligée au profit d’un principe collectif qui neutralise son engagement pour la société. »
« La liberté s’entend comme le « droit à » plutôt que comme le « droit de ». Au nom de ce principe, on ne comprend plus la liberté comme une valeur mais comme une revendication. »
« Nous avons créé de la complexité là où les choses pouvaient être plus simples ; nous engageons des moyens financiers supplémentaires là où les choses pouvaient être plus simples ; nous engageons des moyens financiers supplémentaires là où ils sont souvent inutiles ; nous avons ralenti les systèmes de décision alors qu’il faut les accélérer ; nous dissuadons les meilleurs talents de s’engager en politique alors que nous avons besoin de leur disponibilité et de leurs compétences ; et nous avons perdu la confiance des Français alors que leur soutien est indispensable pour réformer le pays. Qui plus est, avec ce type d’organisation, le seul remède pour éviter trop de dérapages consiste à renforcer les interdits, les normes et les règlements. Or, les contrôles et les procédures multiples renforcent encore l’inefficacité du système. »
Sur l’immigration, le communautarisme et la laïcité
 « En étant incapables d’intégrer les nouveaux migrants, faute à la fois d’organisation, de volonté politique et de croissance économique, nous avons fortement incité les ressortissants étrangers à se rapprocher de communautés culturelles des pays dont ils sont issus, afin qu’elles les aident à organiser leur présence dans notre pays. Renforçant ainsi leur pouvoir d’influence et accentuant ce phénomène de fragmentation. Renforçant également les tensions entre les Français au point de rendre de plus en plus difficile cette assimilation. »
« Les religions servent souvent de prétexte à ces dérives communautaristes. Elles peuvent en être la cause, mais elles en subissent le plus souvent les conséquences. Là encore, notre République a besoin de redonner de la profondeur à son discours et de revenir au cœur des valeurs qui la portent. À cause de ces dérives, notre laïcité, dont le principe est celui de la neutralité vis-à-vis des religions, se transforme progressivement en une laïcité de combat. Voire dans certaines situations en une laïcité contre les religions. Quand certains remettent en cause les fêtes chrétiennes, quand des personnalités demandent qu’une crèche soit supprimée d’un comptoir de la SNCF, quand on met en doute la légitimité des Églises à participer au débat public, dès lors qu’elles veulent défendre des principes éthiques sur la vision de l’homme, on s’éloigne de la laïcité républicaine. On cède à une nouvelle forme d’intolérance qui, là encore, relève davantage du collectivisme que du respect des différences. La laïcité porte d’abord des valeurs de réconciliation. »
(à suivre)

12 janv. 2015

UN PROJET POLITIQUE SANS LANGUE DE BOIS

La France Réconciliée (1)
Jean-Christophe Fromantin, député-maire de Neuilly, a publié fin octobre 2014, sa vision pour la France, « La France réconciliée ».
Ce livre vif, écrit sans langue de bois, détonne suffisamment au sein des écrits des hommes politiques, pour que mon blog s’en fasse l’écho.
En voici donc un patchwork, diffusé en quatre parties
Sur la réconciliation
« La réconciliation passe également par la justice et l’équité. Et, d’une manière plus générale, par une réconciliation des Français avec tout ce qui contribue à structurer notre organisation. »
« En laissant le code du travail se complexifier jusqu’à devenir une jungle administrative, en alourdissant les contraintes réglementaires sur les entreprises, ou en refusant de réformer les systèmes de formation, on a laissé filer le chômage dans des proportions indécentes. En tolérant les incivilités et les petits délits, en laissant se développer des zones de non-droit dans certaines banlieues, puis en se résignant à accepter la présence en France de véritables réseaux mafieux autour du trafic de stupéfiants, on a pris le risque de perdre le contrôle de la situation, et on a créé un très fort sentiment d’injustice dans le pays. »
Sur la mondialisation 
« En proposant une vision de la France axée sur la valorisation de nos différences, nous porterons un message à tous ceux qui craignent que la mondialisation nous emporte dans un mouvement de standardisation. »
« En stigmatisant l’ennemi et en stimulant les risques de la mondialisation, ils ont trouvé un fonds de commerce assez efficace pour faire prospérer leur carrière sur cet arrière-plan d’angoisse qui investit petit à petit l’ensemble de l’opinion. Le discours est simple, efficace, limpide, et la solution, bien que simpliste, a le mérite d’être claire, « puisque c’est à cause de la mondialisation, alors refusons-la, refermons nos frontières, et tout ira bien ». C’est sans avoir bien compris, ou en faisant semblant de ne pas comprendre, ce qu’est vraiment la mondialisation. Mais c’est surtout une manière assez efficace de s’affranchir de ses responsabilités et de ne pas chercher les vraies solutions. »
« La mondialisation n’a pas d’identité, elle n’est pas un ennemi identifié, elle n’est que l’agrégation d’identités nationales et culturelles, culturelles, de civilisations, de territoires, d’hommes et de femmes de plus en plus mobiles, qui produisent de la richesse et accélèrent leurs échanges. La mondialisation n’est qu’un ensemble de flux qui tendent à être de plus en plus denses. C’est tout. »
(à suivre)

8 janv. 2015

QUAND LA SHOAH CATALYSE LE CREUSET DE LA DIVERSITÉ

Une ode à la diversité et à la puissance collective
En ce lendemain d'une journée qui a vu l'obscurantisme et l'intégrisme amener une déferlante d'horreur sur la France, il est bon de revenir sur un film qui prône l'ouverture et la diversité

Par quoi commencer ? Comment parler de ce film sans le trahir ? Comment tenter de vous faire partager le flot d’émotions qui vient de me transpercer ?
Probablement, en ne réfléchissant pas trop, en laissant couler ce qui m’a submergé, en donnant le pouvoir à mes doigts qui pianotent devant moi… 
J’espère ainsi que tous ceux qui n’ont pas vu le film, « Les Héritiers », y courront le plus vite possible. Et que tous les autres ne sentiront pas trahi le souvenir qu’ils en ont.
De quoi s’agit-il ? 
Basiquement d’une classe de seconde de banlieue, un lycée de Créteil, et d’une professeur d’histoire, son professeur principal. Tous les poncifs sont là dès le départ : d’un côté, une classe bariolée, insoumise, black blanc beur, un mélange explosif de toutes les religions, allant des insouciants jusqu'à un Olivier devenu Brahim, en chemin sur la voie du fondamentalisme ; de l’autre une professeur qui y croît, sait se faire respecter, passionnée de sa matière et convaincue que l’irrémédiable ne l’est pas. Entre les deux, la société spectatrice incarnée par un proviseur compétent, ouvert mais résigné.
Bien sûr comme vous l’avez déjà compris, la professeur va arriver non pas à dominer cette classe, mais à la faire se révéler. À transformer une collection d’individus qui s’affrontent en un groupe d’adolescents qui se complètent, s’écoutent et se respectent. À faire parler celui qui était muet et exclus. À faire de la diversité non pas une source d’oppositions, mais un creuset pour se comprendre et s’enrichir.
Évidemment d’aucuns pourront traiter de « bisounours » cette vision de la France, mais elle est tirée d’une histoire vraie, et quel rafraichissement en ces temps où l’autre, celui qui est différent, est trop souvent stigmatisé. Le seul qui sera exclus, sera le fondamentaliste. Non pas tant par les autres, mais simplement parce qu’il ne les reconnaît plus, ne les comprend plus. Même lui, à la fin, d’un geste de la main, montrera qu’il est déjà sur le chemin du retour.
Ce qui est le plus intéressant dans ce film, est le catalyseur qui va transformer la classe : le concours national de la résistance et de la déportation. Thème du concours de l’année : les enfants et les adolescents dans les camps de concentration nazis.
Je ne vais pas ici vous raconter le chemin suivi. J’en serais bien incapable, et seules les images peuvent restituer la puissance de ce qui est vécu.
Simplement, à un moment, la classe écoute le récit d’un ancien déporté, enfant de quinze ans alors. En regardant ce passage, j’ai repensé à Shoah, l’extraordinaire film documentaire de Claude Lanzmann. L’image m’a là aussi saisi, bouleversé. La caméra va du visage quasiment impassible du déporté à ceux des adolescents dont, petit à petit, on voit les traits se tirer, puis les larmes couler. La voix est calme, posée, presque clinique.
Parfois en sortant du cinéma, on se sent grandi, renforcé, un peu plus confiant en notre pays et notre capacité à construire un futur collectif, riche et fort. C’est le cas, ce soir. 
Merci à Marie-Castille Mention-Schaar, qui a réalisé « Les Héritiers »

7 janv. 2015

LES CLÉS DE LA PERFORMANCE SUISSE

Pourquoi pas nous ? (2)
Parmi les exemples étrangers que Xavier Fontanet développe, le cas de la Suisse est un des plus intéressants, et des plus porteurs d’idées pour une refondation en France : comment, en effet, ce pays séparé de nous simplement par le Lac Léman, peut-il être à ce point prospère ?
Voilà comment Xavier Fontanet introduit le chapître qui lui est consacré :
« Enfin, les Suisses forment un peuple discret, prudent, qui n’aime pas se mettre en avant et qui très probablement répugnerait à être donné en modèle. Comment expliquer cette prospérité, cette régularité dans le développement, cette performance économique, cette absence de chômage, cette faible délinquance, cette efficacité du système éducatif, cette capacité d’intégration ? 
Quiconque a un minimum d’objectivité et s’intéresse aux bonnes pratiques ne peut pas ne pas étudier ce pays. L’emblème de cette réussite est le couple Nestlé/ Vevey, la plus grande société européenne dont le siège se trouve dans cette petite ville paisible au nord du lac Léman. La plus haute technologie agroalimentaire voisine avec les petits vins locaux et les costumes traditionnels. 
Ce n’est pas en se recroquevillant sur elle-même que la Suisse a réussi mais en mariant le local et le mondial. 
On se moque de la lenteur des Suisses, très bien ! Si eux sont lents et nous si intelligents, que ferons-nous si nous arrivons à comprendre ne serait-ce qu’une partie de leur secret ! Ouvrons l’horloge suisse et allons découvrir les rouages intimes du système. »

Quelles sont donc les différences essentielles ? Elles sont institutionnelles et sont à l’origine de cette performance dans la durée :
- un système très décentralisé où l’échelon de base est le canton : « Chaque canton est un petit État souverain qui a la main sur sa gestion. En Suisse, les deux tiers des coûts de la sphère publique sont donc gérés localement, situation inverse à celle de la France. »
- … ce qui permet le contrôle par la concurrence interne entre structures publiques : la Suisse globalement compétitive, grâce à l’adaptation constante et la saine rivalité qui existe entre cantons
- … où la démocratie n’est pas un vain mot grâce à une contrôle citoyen permanent : des votations qui peuvent être activées aux trois niveaux, national, cantonal comme municipal ; des référendums qui permettent de contrôler le travail parlementaire au niveau cantonal ; des pétitions où chaque citoyen peut poser une question écrite sur n’importe quel sujet avec droit de réponse.

Et si on faisait cela en France. Chiche ?