La désindustrialisation ne date pas
d’aujourd’hui !
A écouter bon nombre des discours
actuels ou des propos d’ « experts », il semble que la désindustrialisation
française soit récente, et qu’il suffise de quelques mesures financières pour
inverser la tendance.
Malheureusement, le mal est
beaucoup plus profond et endémique.
Pour ceux qui en doutent, il
suffit par exemple de se plonger dans la lecture de cette article qui date de
1937, et déjà intitulé : « Dans la mêlée internationale : où en est
l'automobile française ? »
(voir la photo ci-jointe du document original).
Dans un
élan étonnamment contemporain, on peut y lire :
« A Sochaux, nous pouvons dire que nous avons
de la chance ! Nos usines ont suffisamment de commandes pour donner du
travail régulier à tout notre personnel. Mais il faut être sûr que cela puisse
durer. Et quand on étudie l'ensemble du marché français, on y voit des choses
assez humiliantes. »
« La France exporte de moins en moins
d'automobiles : nos exportations d’automobiles ont subi une diminution de
20 % ; nos concurrents étrangers nous ont pris beaucoup de clients. Les marques
étrangères exportent de plus en plus. »
« Quatre grands pays produisent donc
actuellement plus que nous, alors qu’en 1900 la France tenait dans le monde, le
premier rang pour l'automobile. »
« Pourquoi produisons-nous de moins en moins
? Parce que nous vendons trop cher : Les pouvoirs publics en France,
n’ayant pas su avoir une « politique de l’automobile », comme en ont
eu tous les pays qui augmentent chaque année leur avance sur nous. Parce que
nous fabriquons trop cher, malgré les perfectionnements apportés à l’outillage
et aux méthodes de fabrication, le nombre de voitures construites pour chaque
série insuffisant pour permettre l’utilisation de matériel à son plus haut
rendement parce que l'automobile a toujours été « l’enfant chéri du
fisc », qu’il ne suffit pas d’acheter une auto, qu’il lui faut aussi de
l’essence, et que le fisc fait l’essence chère. »
« Tout le monde y perd. Les ouvriers qui n'ont
plus de travail ; l’État qui n'encaisse plus autant, et qui, cependant,
débourse davantage puisqu’il lui faut entretenir des chômeurs. »
Cet
article se termine par un appel à un élan patriotique, qui rappelle celui
d’Arnaud de Montebourg : « Que
la qualité Sochaux continue à être « celle qu'on ne discute pas »,
afin que notre production puisse trouver dans le monde entier, des acheteurs
sympathiques et satisfaits. »
Il faut
comprendre que ce n’est pas en habillant d’une marinière tous les produits
français1 que l’on redressera cette situation, et qu’il serait temps
de s’attaquer aux problèmes structurels de la France, et non pas seulement à la
cosmétique habituelle de tous les plans qui se succèdent depuis plus de trente
ans.
A titre
d’exemple, pourquoi ne pas s’attaquer vraiment au crédit inter-entreprises qui
représente plus de 500 Milliards d’euros et mange la trésorerie des PMI au
profit de la distribution et des grandes entreprises…
(Voir
mes articles "La reconquête du "produire en France" ne viendra pas d’un État industriel et magiquement stratégique"
et "Qui arrêtera l’hémorragie financière des PME françaises ?")
(1) A
quand une Clio ou une 208 à rayures bleu et blanche ?