17 oct. 2012

ON NE VOIT PAS DE CRÉATIONS D’EMPLOI DANS LES PETITES ENTREPRISES EN 2009 ET 2010

Les PME créent-elles vraiment de l’emploi ? (2)
En me plongeant dans les statistiques plus récentes de l’INSEE et accessibles en ligne, je n’ai trouvé que celles issues de la base ESANE et qui ne sont pas être regroupées, selon la même méthode. Impossible donc de raccorder les deux.
Ces données issues de ESANE (1) portent sur les années 2009 et 2010 et amènent toutefois un regard complémentaire intéressant (voir le tableau ci-joint (2)).

Deux observations globales :
- Si l’on y compare les années 2009 et 2010, on voit que le nombre de salariés n’a diminué que dans les entreprises de moins de 10 salariés, alors qu’il était stable dans celle de 10 à 20 salariés, et progressait de 4% dans celle de 20 à 249 salariés, et de 8% dans celle de plus de 250 salariés (2).
- Si, au lieu de s’intéresser au nombre de salariés, on regarde le nombre équivalent temps plein, la photographie change sensiblement : seules les entreprises de 10 à 19 salariés voient leurs effectifs baisser (de 3%), alors que toutes autres catégories progressent légèrement (de 1 à 2%).

L’analyse par secteur d’activité montre l’évolution atypique du secteur « activités spécialisées, scientifiques et techniques, services administratifs et de soutien » : on y constate une forte progression des entreprises de 10 à 249 salariés, tant en nombre de salariés (+11 et +17%) qu’en équivalent temps plein (+10 et +12%). Les plus grandes entreprises ont une très forte progression de l’effectif salarié (+42%), mais une stagnation de l’équivalent temps plein.
Donc ces données semblent bien prolonger ce qui avait été analysé entre 1985 et 2006, et, à tout le moins, on ne voit pas une création d’emploi dans les petites entreprises. Pour aller plus en avant, il faudrait pouvoir raccorder les deux séries statistiques, et ventiler la catégorie des entreprises de plus de 250 salariés en introduisant les seuils de 1000 et 5000 salariés.
(à suivre)
(2) Il suffit de double-cliquer sur le tableau pour en avoir une version agrandie et donc plus lisible
(3) Malheureusement cette catégorie n’est pas éclatée plus finement

16 oct. 2012

DEPUIS TRENTE ANS, LES GRANDES ENTREPRISES CONCENTRENT DE PLUS EN PLUS D’EMPLOIS

Les PME créent-elles vraiment de l’emploi ? (1)
Je viens de tomber dernièrement sur une étude statistique qui vient à contre-courant de ce qui est couramment affirmé : « Depuis trente ans, les grandes entreprises concentrent de plus en plus d’emplois », voilà ce que titrait l’INSEE dans une analyse parue en avril 2010. (1)
Je cite les conclusions de cette étude : « Les salariés du secteur privé travaillent aujourd’hui dans des entreprises plus grandes qu’il y a trente ans, quel que soit le secteur d’activité. Cette évolution s’est faite au détriment des entreprises de taille moyenne, alors que les petites entreprises concentrent toujours autant de salariés. »
En effet, il y était montré qu’entre 1985 et 2006, la part des entreprises de plus de 5000 salariés était passée de 17 à 21%, et celle des entreprises de 1000 à 5000, de 10 à 12%, alors que la part des entreprises petites et moyennes (de 20 à 1000 salariés) passait de 43 à 36 %, les très petites entreprises (moins de 19 salariés) restant stables. (voir le tableau ci-joint)
Par contre, l‘observation s’inversait, si l’on analysait non plus la taille des entreprises, mais celle des établissements. Toujours selon cette étude, « cette situation résulte de deux mouvement opposés : baisse de l’emploi dans les grands sites industriels, forte progression de l’emploi dans le secteur des services au sein de petits établissements. Dans le commerce de détail, les points de vente prennent de plus en plus d’ampleur avec le développement des grandes surfaces. »
Dernière observation faite, ce mouvement est vrai dans tous les secteurs : la  croissance s’observe aussi bien dans l’industrie manufacturière que dans les services opérationnels, le commerce de détail ou le conseil et l’assistance. Notons toutefois que la croissance dans l’industrie manufacturière est plus lente, probablement car elle partait déjà d’un point élevé : après une baisse faible entre 1985 et 1990, la part des entreprises de plus de 1000 salariés passe ensuite de 40 à 45 %. (voir le graphe ci-joint).
Mais dès lors, pourquoi affirme-t-on de partout que ce sont les petites entreprises qui créent de l’emploi et les grandes qui le détruisent ?
Dommage de ne pas disposer d’une actualisation de cette étude…
(à suivre)

15 oct. 2012

« OÙ PEUT DONC ÊTRE LA SCIENCE LÀ OÙ TOUT EST VAGUE, OÙ TOUT DÉPEND DE CIRCONSTANCES INNOMBRABLES ? »

Quand Léon Tolstoï méditait sur l’art de la guerre et le rôle du Général en chef
La campagne de Russie menée par Napoléon est au cœur de La Guerre et La Paix. Léon Tolstoï y mène une réflexion sur la portée réelle des décisions prises par quelques individus, fussent-ils les commandants en chef, versus les circonstances et la réalité de ce qui se passe sur le front.
J’y vois une matière utile à méditer pour tous ceux qui s’intéressent au management et à l’impact des dirigeants.
En voici quelques extraits :
Sur le libre-arbitre et le pouvoir autonome du chef
« C'est donc de leur ensemble, et non de l'une d'elles en particulier, que les événements ont été la conséquence fatale : ils se sont accomplis parce qu'ils devaient s'accomplir, et il arriva ainsi que des millions d'hommes, répudiant tout bon sens et tout sentiment humain, se mirent en marche de l'Ouest vers l'Est pour aller massacrer leurs semblables, comme, quelques siècles auparavant, des hordes innombrables s'étaient précipitées de l'Est vers l'Ouest, en tuant tout sur leur passage ! »
« Le fatalisme est inévitable dans l’histoire si l’on veut en comprendre les manifestations illogiques, ou, du moins celles dont nous n’entrevoyons pas le sens et dont l’illogisme grandit à nos yeux, à mesure que nous nous efforçons de nous en rendre compte. »
« Bien que Napoléon plus que jamais convaincu, en l’an de grâce 1812, qu’il dépendait de lui seul de ne pas verser le sang de ses peuples, plus que jamais au contraire il était assujetti à ces ordres mystérieux de l’histoire qui le poussaient fatalement en avant, tout en lui laissant croire à son libre arbitre (…) Aucun des actes de leur soi-disant libre arbitre n'est un acte volontaire: il est lié à priori à la marche générale de l'histoire et de l'humanité, et sa place y est fixée à l'avance de toute éternité. »
Sur la capacité à prévoir et à anticiper précisément ce qui va se passer
« Comment existerait-il une théorie et une science là où les conditions et les circonstances restent inconnues et où les forces agissantes ne sauraient être déterminées avec précision? Quelqu'un peut-il deviner quelle sera la position de notre armée et celle de l'ennemi dans vingt-quatre heures d’ici ? »
« Où peut donc être la science là où tout est vague, où tout dépend de circonstances innombrables, dont la valeur ne saurait être calculée en vue d'une certaine minute, puisque l'instant précis de cette minute est inconnu ? »
Sur l’impact des États-majors
« Et puis, le cavalier n’est-il pas toujours plus fort que le pion, et deux pions plus forts qu’un, tandis qu’à la guerre un bataillon est parfois plus fort qu’un division, et parfois plus faible qu’une compagnie ? Le rapport de forces de deux armées reste toujours inconnu. Crois-moi : si le résultat dépendait toujours des ordres donnés par les états-majors, j’y serais resté, et j’aurais donné des ordres comme les autres. »
« A la suite de ces rapports, faux par la force même des circonstances, Napoléon faisait des dispositions qui, si elles n’avaient pas déjà été prises par d’autres d’une manière plus opportune, auraient été inexécutables. Les maréchaux et les généraux, plus rapprochés que lui du champ de bataille et ne s’exposant aux balles que de temps à autre, prenaient leurs mesures sans en référer à Napoléon, dirigeaient le feu, faisaient avancer la cavalerie d’un côté et courir l’infanterie d’un autre. Mails leurs ordres n’étaient le plus souvent exécutés qu’à moitié, de travers ou pas du tout. »

12 oct. 2012

LA FORCE DE LA JUNGLE


Promenade en terres indiennes (6)
Dans le Nord de la Thaïlande, la moindre habitation est tissée de vert, et le macadam dévoré de toutes parts. Dès qu’une route n’est plus entretenue, elle devient aussitôt la proie du végétal, puissant et dominant. Nous, les humains, n’y sommes que des invités tolérés et encombrants. Nos constructions sont provisoires, la nature est définitive. Quand les pluies s’abattent, l’eau monte de partout et emporte tout ce qui se trouve à sa portée. Quand le soleil brûle, il apporte aux bambous la force de se hisser vers le ciel, en soulevant tout ce qui entrave leur croissance.

Rien à voir avec nos campagnes policées et dressées. En Europe, les arbres grandissent, lentement et respectueusement, là où nous les avons plantés, et uniquement là. Ils sont apprivoisés comme les animaux qui peuplent nos villes et nos jardins. Nos maisons passent au travers des siècles, nos routes marquent au fer rouge les paysages. Nous avons l’impression d’avoir domestiqué le monde, et d’en être le centre. Pas étonnant que nous employions le mot d’environnement : le monde non humain nous environne, et s’agenouille devant nous les tout-puissants. De temps en temps, il se manifeste au travers d’une chute de neige ou d’une tempête un peu plus fortes, mais cela ne dure pas, et tout rentre vite dans l’ordre. Nous ne connaissons ni les pluies diluviennes de la mousson, ni les cyclones qui balayent tout en quelques minutes.
Je retrouve à Calcutta la même puissance, mais urbaine, animale et humaine. Comme si les hommes face à la violence de la nature avaient dû se mettre au diapason. Nous sommes ici dans une jungle urbaine. L’énergie est omniprésente, jaillit de partout, bouleverse et mange tout. Regarde la façade de cet immeuble, des arbres poussent à partir du quatrième étage. Descend ton regard et vois le flot ininterrompu des voitures et de la marée jaune. Sur les trottoirs, c’en est une humaine.

11 oct. 2012

LE MOI EST LE SEUL CONTENU DU SOI QUE NOUS PUISSIONS CONNAÎTRE

A la recherche des deux inconnus : celui du monde intérieur, celui du monde extérieur
Patchwork tiré de la lecture de deux livres de C.G. Jung, la Dialectique du Moi et de l’inconscient, et Ma vie
Le territoire « connu » du « moi » et de la persona
J’entends par Moi un complexe de représentations formant, pour moi-même, le centre du champ conscienciel, et me paraissant posséder un haut degré de continuité et d’identité avec lui-même… Mais le Moi n’étant pas le centre du champ conscienciel ne se confond pas avec la psyché ; ce n’est qu’un complexe parmi d’autres. Il y a donc lieu de distinguer le Moi et le Soi, le Moi n’étant que le sujet de ma conscience, alors que le Soi est le sujet de la totalité de la psyché, y compris de l’inconscient.
La persona est un ensemble compliqué de relations entre la conscience individuelle et la société ; elle est adaptée aux fins qui lui sont assignées, une espèce de masque l’individu revêt ou dans lequel il se glisse ou qui, même à son insu, le saisit et s’empare de lui, et qui est calculé, agencé, fabriqué de telle sorte parce qu’il vise d’une part à créer une certaine impression sur les autres, et d’autre part à cacher, dissimuler, camoufler, la nature vraie de l’individu. (p.153-154)
Le monde inconnu du « soi »
Nous procédons toujours de l’idée simpliste que nous sommes le seul maître dans notre propre maison. Notre compréhension doit d’abord se familiariser avec la pensée que, même dans la vie la plus intime de notre âme, tout se passe comme si nous vivions dans une espèce de demeure qui, pour le moins, présente des portes et des fenêtres qui ouvrent sur un monde dont les objets et les présences agissent sur nous, sans que nous puissions dire pour cela que nous les possédons.
L’inconnu se divise en deux groupes d’objets : ceux qui sont extérieurs et qui seraient accessibles par les sens et les données qui sont intérieures et qui seraient l’objet d’une perception immédiate. Le premier groupe constitue l’inconnu du monde extérieur ; le second, l’inconnu du monde intérieur. Noud appelons inconscient ce dernier champ.
Ainsi nous pouvons, par exemple, sans difficultés, nous voir sous les traits de notre persona. Mais cela dépasserait nos possibilités et nos virtualités de représentation que de nous discerner en tant que Soi, car cette opération mentale présupposerait que la partie puisse embrasser le tout. Il n’y a pas lieu d’ailleurs de nourrir l’espoir d’atteindre jamais à une conscience approximative du Soi ; car, quelque considérables et étendus que soient les secteurs, les paysages de nous-même dont nous puissions prendre conscience, il n’en subsistera pas moins une masse imprécise et une somme imprécisable d’inconscience qui, elle aussi, fait partie intégrante de la totalité du Soi. De sorte que le Soi restera toujours une grandeur, une entité « sur-ordonnée ».
Quand on parvient à percevoir le Soi comme quelque chose d’irrationnel, qui est, tout en demeurant indéfinissable, auquel le Moi ne s’oppose pas et auquel le Moi n’est point soumis, mais auquel il est adjoint et autour duquel il tourne en quelque sorte comme la terre autour du soleil, le but de l’individuation est alors atteint. J’utilise à dessein l’expression « percevoir le Soi » pour bien marquer combien la relation du Moi au Soi relève de la sensation. A ce sujet, nous ne saurions en connaître davantage, car nous ne pouvons absolument rien dire des contenus du Soi. Le Moi est le seul contenu du Soi que nous puissions connaître. Le Moi qui a parcouru son individuation, le Moi individué, se ressent comme l’objet d’un sujet qui l’englobe.
La mémoire intérieure
Cette image intrapsychique ou imago procède d’une double appartenance, les influences des parents d’une part et les réactions spécifiques de l’enfant d’autre part ; elle est donc une image qui ne reproduit son modèle que de façon fort conditionnelle. L’être naïf n’en porte pas moins naturellement en lui la conviction que ses parents sont tels qu’il se les représente et qu’ils se confondent à l’image qu’il s’en fait. L’image intérieure se trouve inconsciemment projetée et, lorsque les parents viennent à mourir, elle demeure active et dynamique, comme si elle était un esprit existant en soi. Les primitifs parlent alors d’esprits des morts qui reviennent les hanter la nuit (les « revenants ») ; les modernes, eux, appellent cela le complexe du père et de la mère.
Christ et Bouddha, deux figures reconstruites
Le Christ aussi - comme le Bouddha - est une incarnation du Soi, mais dans un sens tout différent. Tous deux ont dominé en eux le monde : le Bouddha, pourrait-on dire, par une compréhension rationnelle, le Christ en devenant victime selon le destin ; dans le christianisme cela est plutôt subi : dans le bouddhisme cela est plutôt contemplé et fait. L'un et l'autre sont justes ; mais dans le sens indien, l'homme plus complet, c'est le Bouddha. Il est une personnalité historique et par conséquent plus compréhensible pour l'homme.
Plus tard il s'est produit dans le bouddhisme la même transformation que dans le christianisme : le Bouddha devint, pour ainsi dire, l'imago de la réalisation du Soi, un modèle que l'on imite, alors que lui-même avait proclamé qu'en arrivant à vaincre la chaîne des nidânas, chaque individu peut devenir l’illuminé, un bouddha. Il, en va de même dans le christianisme. Le Christ est le modèle qui vit dans chaque chrétien, expression de sa personnalité totale.