18 oct. 2012

AFFIRMER QUE LES PME CRÉENT DE L’EMPLOI EST VRAISEMBLABLEMENT UN DÉNI DE RÉALITÉ… POUR L’INSTANT

Les PME créent-elles vraiment de l’emploi ? (3)
Mais à y bien réfléchir, est-ce si surprenant de ne pas retrouver de croissance nette de l’emploi dans les petites entreprises, quand on sait le nombre de disparitions annuelles et combien les emplois y sont souvent vulnérables.
Regardons par exemple le cas des entreprises créés, et leur taux de survie en fonction de leur nombre d’années d’existence. L’INSEE a publié une étude sur la survie des entreprises créées en 2002 et en 2006 (1) : au bout de 3 ans, 1/3 des entreprises ont disparu ; au bout de 5 ans, la moitié.
Une autre étude (2) donne plus d’éléments d’analyse sur les entreprises créées en 2006, en précisant quel est leur taux de survie à 3 ans en fonction de leur taille initiale. A la lecture de ce tableau, il semble que la vulnérabilité augmente avec la taille initiale…
Ceci donne une idée de la vulnérabilité initiale des entreprises. Il faudrait pour être complet savoir si les entreprises ayant survécu se sont développées – ce qui est probable –, et combien elles ont créées d’emploi.
De ce tour d’horizon malheureusement trop superficiel, il ressort que l’affirmation « ce sont les petites entreprises qui créent des emplois » mériterait pour le moins d’être démontrée, et semble bien être largement fausse. Si les statistiques montrent qu’elles embauchent effectivement, on oublie de tenir compte de la durabilité de ces emplois, et inclure combien sont détruits en même temps par d’autres petites entreprises. Si les petites entreprises créaient durablement de l’emploi, on verrait alors leur part relative s’accroître dans la répartition de l’emploi.
Je reste convaincu que la réelle relance d’une dynamique de l’emploi repose beaucoup plus sur le développement des entreprises moyennes, et plutôt des « grandes moyennes », c’est-à-dire celles qui ont plus de 500 emplois.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire il y a presqu’un an (voir « Faut-il que les PME financent les grandes entreprises ? » et « Qui arrêtera l’hémorragie financière des PME françaises ? »), c’est là où le tissu industriel français est fragile. Vouloir les conforter demanderait de s’attaquer enfin au problème du crédit inter-entreprises qui pompe la trésorerie des petites entreprises industrielles – ce au profit de la distribution, des grands donneurs d’ordre… et des banques qui financent leur besoin de trésorerie correspondant…
D’ici-là, affirmer que ce sont les petites entreprises qui créent de l’emploi, est très vraisemblablement un déni de réalité et un vœu pieux… pour l’instant.

(2) Taux de survie des entreprises créées au cours du premier semestre 2006

17 oct. 2012

ON NE VOIT PAS DE CRÉATIONS D’EMPLOI DANS LES PETITES ENTREPRISES EN 2009 ET 2010

Les PME créent-elles vraiment de l’emploi ? (2)
En me plongeant dans les statistiques plus récentes de l’INSEE et accessibles en ligne, je n’ai trouvé que celles issues de la base ESANE et qui ne sont pas être regroupées, selon la même méthode. Impossible donc de raccorder les deux.
Ces données issues de ESANE (1) portent sur les années 2009 et 2010 et amènent toutefois un regard complémentaire intéressant (voir le tableau ci-joint (2)).

Deux observations globales :
- Si l’on y compare les années 2009 et 2010, on voit que le nombre de salariés n’a diminué que dans les entreprises de moins de 10 salariés, alors qu’il était stable dans celle de 10 à 20 salariés, et progressait de 4% dans celle de 20 à 249 salariés, et de 8% dans celle de plus de 250 salariés (2).
- Si, au lieu de s’intéresser au nombre de salariés, on regarde le nombre équivalent temps plein, la photographie change sensiblement : seules les entreprises de 10 à 19 salariés voient leurs effectifs baisser (de 3%), alors que toutes autres catégories progressent légèrement (de 1 à 2%).

L’analyse par secteur d’activité montre l’évolution atypique du secteur « activités spécialisées, scientifiques et techniques, services administratifs et de soutien » : on y constate une forte progression des entreprises de 10 à 249 salariés, tant en nombre de salariés (+11 et +17%) qu’en équivalent temps plein (+10 et +12%). Les plus grandes entreprises ont une très forte progression de l’effectif salarié (+42%), mais une stagnation de l’équivalent temps plein.
Donc ces données semblent bien prolonger ce qui avait été analysé entre 1985 et 2006, et, à tout le moins, on ne voit pas une création d’emploi dans les petites entreprises. Pour aller plus en avant, il faudrait pouvoir raccorder les deux séries statistiques, et ventiler la catégorie des entreprises de plus de 250 salariés en introduisant les seuils de 1000 et 5000 salariés.
(à suivre)
(2) Il suffit de double-cliquer sur le tableau pour en avoir une version agrandie et donc plus lisible
(3) Malheureusement cette catégorie n’est pas éclatée plus finement

16 oct. 2012

DEPUIS TRENTE ANS, LES GRANDES ENTREPRISES CONCENTRENT DE PLUS EN PLUS D’EMPLOIS

Les PME créent-elles vraiment de l’emploi ? (1)
Je viens de tomber dernièrement sur une étude statistique qui vient à contre-courant de ce qui est couramment affirmé : « Depuis trente ans, les grandes entreprises concentrent de plus en plus d’emplois », voilà ce que titrait l’INSEE dans une analyse parue en avril 2010. (1)
Je cite les conclusions de cette étude : « Les salariés du secteur privé travaillent aujourd’hui dans des entreprises plus grandes qu’il y a trente ans, quel que soit le secteur d’activité. Cette évolution s’est faite au détriment des entreprises de taille moyenne, alors que les petites entreprises concentrent toujours autant de salariés. »
En effet, il y était montré qu’entre 1985 et 2006, la part des entreprises de plus de 5000 salariés était passée de 17 à 21%, et celle des entreprises de 1000 à 5000, de 10 à 12%, alors que la part des entreprises petites et moyennes (de 20 à 1000 salariés) passait de 43 à 36 %, les très petites entreprises (moins de 19 salariés) restant stables. (voir le tableau ci-joint)
Par contre, l‘observation s’inversait, si l’on analysait non plus la taille des entreprises, mais celle des établissements. Toujours selon cette étude, « cette situation résulte de deux mouvement opposés : baisse de l’emploi dans les grands sites industriels, forte progression de l’emploi dans le secteur des services au sein de petits établissements. Dans le commerce de détail, les points de vente prennent de plus en plus d’ampleur avec le développement des grandes surfaces. »
Dernière observation faite, ce mouvement est vrai dans tous les secteurs : la  croissance s’observe aussi bien dans l’industrie manufacturière que dans les services opérationnels, le commerce de détail ou le conseil et l’assistance. Notons toutefois que la croissance dans l’industrie manufacturière est plus lente, probablement car elle partait déjà d’un point élevé : après une baisse faible entre 1985 et 1990, la part des entreprises de plus de 1000 salariés passe ensuite de 40 à 45 %. (voir le graphe ci-joint).
Mais dès lors, pourquoi affirme-t-on de partout que ce sont les petites entreprises qui créent de l’emploi et les grandes qui le détruisent ?
Dommage de ne pas disposer d’une actualisation de cette étude…
(à suivre)

15 oct. 2012

« OÙ PEUT DONC ÊTRE LA SCIENCE LÀ OÙ TOUT EST VAGUE, OÙ TOUT DÉPEND DE CIRCONSTANCES INNOMBRABLES ? »

Quand Léon Tolstoï méditait sur l’art de la guerre et le rôle du Général en chef
La campagne de Russie menée par Napoléon est au cœur de La Guerre et La Paix. Léon Tolstoï y mène une réflexion sur la portée réelle des décisions prises par quelques individus, fussent-ils les commandants en chef, versus les circonstances et la réalité de ce qui se passe sur le front.
J’y vois une matière utile à méditer pour tous ceux qui s’intéressent au management et à l’impact des dirigeants.
En voici quelques extraits :
Sur le libre-arbitre et le pouvoir autonome du chef
« C'est donc de leur ensemble, et non de l'une d'elles en particulier, que les événements ont été la conséquence fatale : ils se sont accomplis parce qu'ils devaient s'accomplir, et il arriva ainsi que des millions d'hommes, répudiant tout bon sens et tout sentiment humain, se mirent en marche de l'Ouest vers l'Est pour aller massacrer leurs semblables, comme, quelques siècles auparavant, des hordes innombrables s'étaient précipitées de l'Est vers l'Ouest, en tuant tout sur leur passage ! »
« Le fatalisme est inévitable dans l’histoire si l’on veut en comprendre les manifestations illogiques, ou, du moins celles dont nous n’entrevoyons pas le sens et dont l’illogisme grandit à nos yeux, à mesure que nous nous efforçons de nous en rendre compte. »
« Bien que Napoléon plus que jamais convaincu, en l’an de grâce 1812, qu’il dépendait de lui seul de ne pas verser le sang de ses peuples, plus que jamais au contraire il était assujetti à ces ordres mystérieux de l’histoire qui le poussaient fatalement en avant, tout en lui laissant croire à son libre arbitre (…) Aucun des actes de leur soi-disant libre arbitre n'est un acte volontaire: il est lié à priori à la marche générale de l'histoire et de l'humanité, et sa place y est fixée à l'avance de toute éternité. »
Sur la capacité à prévoir et à anticiper précisément ce qui va se passer
« Comment existerait-il une théorie et une science là où les conditions et les circonstances restent inconnues et où les forces agissantes ne sauraient être déterminées avec précision? Quelqu'un peut-il deviner quelle sera la position de notre armée et celle de l'ennemi dans vingt-quatre heures d’ici ? »
« Où peut donc être la science là où tout est vague, où tout dépend de circonstances innombrables, dont la valeur ne saurait être calculée en vue d'une certaine minute, puisque l'instant précis de cette minute est inconnu ? »
Sur l’impact des États-majors
« Et puis, le cavalier n’est-il pas toujours plus fort que le pion, et deux pions plus forts qu’un, tandis qu’à la guerre un bataillon est parfois plus fort qu’un division, et parfois plus faible qu’une compagnie ? Le rapport de forces de deux armées reste toujours inconnu. Crois-moi : si le résultat dépendait toujours des ordres donnés par les états-majors, j’y serais resté, et j’aurais donné des ordres comme les autres. »
« A la suite de ces rapports, faux par la force même des circonstances, Napoléon faisait des dispositions qui, si elles n’avaient pas déjà été prises par d’autres d’une manière plus opportune, auraient été inexécutables. Les maréchaux et les généraux, plus rapprochés que lui du champ de bataille et ne s’exposant aux balles que de temps à autre, prenaient leurs mesures sans en référer à Napoléon, dirigeaient le feu, faisaient avancer la cavalerie d’un côté et courir l’infanterie d’un autre. Mails leurs ordres n’étaient le plus souvent exécutés qu’à moitié, de travers ou pas du tout. »