19 déc. 2012

LES MATRIOCHKAS SOCIALES

Les tribus animales (3)
Avec la « colle sociale », le groupe acquiert des propriétés qu’aucun de ses individus n’avait.
Ainsi, les fourmis sont capables de faire de l’élevage ou de l’agriculture intensifs, chacune fonctionnant comme une cellule spécialisée au sein du groupe prenant en charge une partie du travail à faire. Les abeilles ne sont pas en reste. Par exemple, grâce à leur danse, elles savent échanger des informations entre elles, et choisir par un vote majoritaire, le meilleur emplacement pour une nouvelle ruche.
Dans les espèces les plus sophistiquées, cet échange prend une autre dimension : l’unité de base est beaucoup plus petite et devient la famille, avec au cœur la relation mère-enfant. Ce sont les familles qui s’associeront pour donner naissance à la tribu collective. Nouvelle complication qui ouvre la porte à des apprentissages plus approfondis, et à l’apparition de l’individu : si aucune fourmi n’est strictement identique à sa voisine, les différences sont sans commune mesure au sein des mammifères.
Cet apprentissage d’abord entre la mère et ses enfants, puis entre tous les membres d’une même tribu, repose sur un mode d’échange d’information beaucoup plus riches, ce grâce aux neurones-miroirs.  De quoi s’agit-il ? De neurones qui, sans l’intervention d’un quelconque processus conscient, sont capables de mimer ce que fait l’autre : quand un animal muni de tels neurones regarde la main d’un autre se déplacer, le mouvement est reproduit dans son cerveau. Il peut donc apprendre en regardant. Ces processus sont essentiels pour la transmission des expériences. Ils sont aussi un levier pour diffuser plus rapidement une alerte au sein d’une tribu.
Ainsi avec l’animal, apparaissent des soudures informationnelles, qui donne naissance à un nouveau type de poupée russe : la poupée russe sociale, une poupée souple et vivante, dont tire sa puissance de la mise en réseau des capacités physiques et cognitives de ses membres.
(à suivre)

18 déc. 2012

VIVE LA « COLLE SOCIALE » !

Les tribus animales (2)
Quelle est donc cette « colle sociale » qui naît avec le monde animal ?
Voilà les individus qui n’échangent plus des composants chimiques, mais de l’information. Ou plus exactement si l’échange se fait encore souvent via des substances chimiques (Comme les phéromones dans le cas des fourmis), ce ne sont pas elles en tant que telles qui relient les individus, mais les informations qu’elles véhiculent. Mais la transmission peut aussi se faire par la vue comme pour la danse des abeilles, par l’ouïe pour les oiseaux… Ce sont progressivement les cinq sens qui sont mobilisés et construisent un langage qui soude le groupe : la poupée devient tribu, l’individu fait société.
C’est bien à un nouveau type d’assemblage que nous avons affaire : un assemblage social. Des êtres vivants, tout en gardant une individualité propre se caractérisant notamment par leur morphologie et leurs capacités cognitives propres, font société, et donne naissance à une nouvelle entité, le groupe ou la tribu, qui est dotée de propriétés nouvelles et émergentes. Chaque animal est physiquement autonome, libre de ses mouvements, et socialement dépendant.
Notons que si un échange d’informations existe aussi au sein des cellules végétales et entre elles, il permet seulement à une plante de réagir à son environnement et de s’y adapter, mais il ne soude pas les cellules entre elles. Grâce à la reproduction, chaque plante est aussi le plus souvent voisine de ses alter ego : les coquelicots dessinent des vagues rouges au printemps, les champignons poussent en grappe, les jeunes chênes grandissent à l’ombre de leurs aînés. Ensemble, tous les végétaux élaborent des écosystèmes qui favorisent leur croissance, mais aucune nouvelle propriété n’émerge de ces regroupements : une chênaie n’est jamais qu’un ensemble de chênes, et un groupe de champignons, une poêlée potentielle, et rien de plus …
L’animal, lui, quand il se regroupe, acquiert des propriétés nouvelles. Les fourmilières et les ruches en sont des exemples les plus frappants. On peut même affirmer que, si la fourmi est petite, la fourmilière est grande : le record en terme de taille semble être détenu par la Formica yessensis, une espèce de fourmi des bois, qui a construit une colonie de 45 000 nids sur 1 250 hectares à Hokkaido, abritant plus d’un million de reines et 306 millions d’ouvrières. 
Mais, la taille n’est pas le plus important, c’est l’apparition de nouvelles capacités qui l’est, ce grâce à une répartition des rôles ou à une action collective…
(à suivre)

17 déc. 2012

LES MATRIOCHKAS ANIMALES

Les tribus animales (1)
Vertige sans cesse renouvelé des poupées russes du vivant où tout est subtilement intriqué l’un dans l’autre, l’un avec l’autre : les emboîtements se chevauchent, s’interpénètrent et se recouvrent, les échanges sont multiples et sont constants. Les limites ne se contentent pas de définir les systèmes qu’elles cernent, elles permettent la naissance des systèmes de rang supérieur. Difficile de savoir où l’un commence, et l’autre finit.
Yongey Mingyour Rinpotché dans le Bonheur de la méditation, écrit : « Ma main n’est pas mon moi, mais elle est à moi. Bien, mais elle est faite d’une paume et de doigts, elle a une face supérieure et une face inférieure, et chacun de ces éléments peut être décomposé en d’autres éléments comme les ongles, la peau, les os, etc. Lequel de ces éléments peut être appelé « ma main » ? »
Dans les animaux qui vivent de longues années, la naissance et la mort des cellules est incessante : les cellules épidermiques sont recyclés toutes les deux semaines les globules rouges ne durent que quatre mois… Ainsi tout animal n’est jamais le même, et à la fin de sa vie, aucune des cellules qui le composent n’était là à sa naissance.
La multiplicité des emboîtements à l’intérieur d’un animal et la constance du renouvellement sont un changement de degré, mais non pas une rupture par rapport au végétal : tout ceci se trouvait déjà au temps du végétal, un animal est juste un système globalement plus sophistiqué, et constitué de beaucoup plus de sous-systèmes et de réseaux enchevêtrés, qui évoluent continûment.
La rupture vient d’ailleurs, d’un nouveau type d’emboîtement, généré par une nouvelle propriété : l’animal acquiert progressivement une capacité étrange qui va littéralement révolutionner la conception des poupées russes du monde.
Jusqu’à présent, pour qu’une nouvelle propriété émerge et transforme une collection en un emboîtement, il fallait que ses constituants soient physiquement soudés. La colle initiale était faite par le cocktail des forces nucléaire, électromagnétique et gravitationnelle. La vie végétale avait apporté la colle chimique, les cellules étant reliées par ses membranes qui, à la fois, les délimitaient et les réunissaient, et au travers desquelles se faisaient les échanges.
Voilà qu’avec les animaux, naît la colle sociale…
(à suivre) 

14 déc. 2012

A BOMBAY, SUR MARINE DRIVE


Promenade en terres indienne ? (11)
Que regarde-t-il ? Veut-il s’extraire du Bombay tonitruant qui hurle juste derrière lui ? Rêve-t-il d’un voilier qui viendrait l’emporter au travers des océans ?
Ou se voit-il s’envolant vers les tours qui ferment l’horizon ? S’imagine-t-il y travailler ou y dormir ? Y a-t-il caché dans le luxe d’un loft dominant la mer, une compagne qui l’attend ?
Quoi qu’il en soit, je connais au moins un chien qui est indifférent : allongé confortablement sur le quai, soulevant paresseusement une paupière, il observe le monde des hommes. Pourquoi bougerait-il quand la vanité de ce qui l’entoure lui semble évident ?
Il voit sur la plage des couples avancer, quelques enfants jouer, et des ordures voler dans le vent. Les poubelles ne sont que des objets de décor. Inutile de chercher à les vider. Des oiseaux noirs se réjouissent et se nourrissent de tous les déchets qui jonchent le sable. En arrière plan, il peut entrapercevoir des nageurs qui zigzaguent dans les débris flottants.
Les rêveries du promeneur figé et la somnolence du chien sont périodiquement troublées par les cris de vendeurs de thé. « Chai, chai » hurlent ces derniers.
Au bout de longues minutes, j’arrive à m’extraire de ma contemplation. Mon regard alors s’arrête sur une bannière inattendue, et incongrue dans le flux luxueux de Marine Drive : « God created human beings. They created politicians who created chaos ».
Pourtant au travers de toutes mes promenades indiennes, si le chaos m’est apparu omniprésent, il m’a semblé inhérent à l’Inde, et non pas créé par des politiciens…

13 déc. 2012

LA CONFIANCE DOIT REMPLACER LE CONTRÔLE

Pourquoi faire payer un café si le temps pour trouver l’argent coûte plus cher en temps d’arrêt machine ?
Le 22 novembre, l’École de Paris du Management a donné la parole à Jean-François Zobrist, patron atypique, qui a fait de la fonderie Favi, un leader mondial dans son domaine. Dans cette entreprise de plusieurs de centaines de personnes, Jean-François Zobrist a remis en cause bon nombre des règles habituelles de l’organisation et du management.
Son approche repose sur quelques convictions simples :
- C’est l’homme, et lui seul, qui est capable de manager l’incertain : ayant grandi dans la jungle, ayant appris à lire les traces incertaines des proies potentielles ou à réussir la culture dans les aléas de la météo, nos systèmes inconscients se sont construits pour y faire face.
- L’homme est bon : il ne vole pas, il est intelligent, il n'est pas paresseux, il n'a pas besoin d'objectif ou de prime individuels, il ne fait pas exprès d'arriver en retard, il sait s'organiser, il est hyper réactif, il a une conscience innée de la qualité…
- La confiance doit remplacer le contrôle : quand on fait confiance, on le fait totalement et sans réserve,
- Il n’y a pas de performance sans bonheur,
- L’amour du client
Le plus étonnant dans son approche n’est pas tant ce discours que l’on peut rencontrer auprès d’autres personnes (malheureusement trop rares…), mais dans le fait qu’il l’a mis en œuvre pendant de longues années et a démontré son efficacité :
- il a effectivement supprimé les fonctions de contrôle, en confiant ce dernier directement aux ouvriers qu’il a mis au cœur de tous les processus,
- il a constitué des mini-usines de quelques dizaines de personnes organisées autour d’un client ou d’une famille produits, et regroupant ouvriers et commerciaux autour d’un chef élu par eux,
- il a suivi en permanence le cash-flow, qui, selon sa métaphore, est l’oxygène de l’entreprise, c’est-à-dire ce flux indispensable à la vie,
- il a accéléré tous les processus, en développant l’auto-organisation,
Pour en savoir plus sur ce qu’il a mis en œuvre de nombreuses vidéos de ses différentes interventions sont disponibles sur YouTube. Voir aussi la page présentant le management et le système Favi.