Dans le numéro 10/2008 de PCM (revue des Anciens de l'École Nationale des Ponts et Chaussées), Nicolas Bouleau, mathématicien (*), a écrit un article sur les limites de la mathématisation appliquée à l'économie. Dans cet article, il disait vouloir « mettre l'accent sur certains aspects de la crise financière pour tenter de dégager des enseignements plus profonds et plus généraux liés au rôle des mathématiques dans la représentation des risques. ».
Voici une promenade partielle et partiale dans cet article :
Voici une promenade partielle et partiale dans cet article :
Ne pas mélanger les choux avec les carottes
« L'opération qui consiste à probabiliser une situation est fondamentalement une éviction, un effacement du sens. »
« Elle est largement problématique pour tout ce qui concerne le comportement des humains. L'analyse des risques est nécessairement compréhension d'interprétations. »
« Elle est largement problématique pour tout ce qui concerne le comportement des humains. L'analyse des risques est nécessairement compréhension d'interprétations. »
« A la limite on a tendance à penser de la même façon un prêt hypothécaire dans l'Iowa ou le Kansas et un crédit à New York sur Madison avenue s'ils sont tous deux bien notés. »
« Comme la théorie mathématique est de loin en avance sur les données, on applique des méthodes sophistiquées à des hypothèses vagues dont on oublie au fur et à mesure des calculs la grossièreté des estimations. »
Ne pas appliquer les mathématiques à ce qui n'est pas quantifiable
« Ramener un risque à une distribution de probabilités de montants monétaires revient à gommer la majeure part des difficultés. C'est faire confiance à la mathématisation comme approximation comme s'il s'agissait de la réalité physique alors qu'il est question de signification dont la subjectivité s'infiltre dans toutes les relations sociales des agents. »
« On n'est pas dans un processus d'approximation comme d'habitude en mathématiques appliquées avec les méthodes de discrétisation ou d'éléments finis. Ce sont des interprétations, donc du sens, que l'on transforme en nombre. »
« Toutes ces méthodes ont le défaut inné de considérer que le processus interprétatif est clos. Or bien au contraire, loin d'être figé, il est en émergence permanente. »
« C'est la marque d'un positivisme plus ou moins inconscient qui ne voit pas malice à appliquer aux affaires humaines les méthodes en usages dans les sciences de la matière. »
Ne pas simplement dépendre de ses propres hypothèses
« Une modélisation est toujours une interprétation. »
« En mathématisant les risques financiers, on ambitionne de modéliser toutes les interactions possibles d'une situation. Autrement dit, tant qu'il y aura des observateurs qui feront des lectures imprévues des phénomènes économiques, les risques ne se laisseront pas complètement quantifier. »
« La modélisation atteint maintenant ses limites, on ne parvient pas à un discours objectif ou intersubjectif en ce qui concerne les anticipations des acteurs (économiques et politiques). On bute sur l'interprétatif. Le jeu est à intérêts divergents et chacun réinterprète à chaque instant en fonction de ses intérêts propres. »
« La modélisation mathématique des risques doit avoir la modestie de rester dans les limites qui lui sont imposées par la possibilité laissée à l'intelligence humaine de découvrir des compréhensions nouvelles. »
(*) Nicolas Bouleau, mathématicien, est professeur à l'École des ponts et est spécialiste des produits dérivés
4 commentaires:
Lors de ma licence en Sciences(sic) économiques nous avions un cours de Gestion de Portefeuille. Le professeur charmant cultivé et intelligent nous intéressait beaucoup et nous perdait parfois avec des lois(re-sic) mathématiques. A la fin de l'un de ces cours je suis allé lui demander de combien sa fortune s'était accrue lors de l' application de ses cours à son argent personnel. Sa réponse que je supputait fut: j'ai perdu 50% de mon argent et j'ai tout arrêté. Cela ne l'a pas empêché de continuer à distiller ses cours et la pseudo certitude que les modélisations mathématiques " toutes choses égales par ailleurs"(re-re sic) étaient nécessaire à la compréhension des faits économiques. Et ça continue.
A bientôt. Pascal
Merci de cette anecdote si explicite et en ligne avec mon article !
Et c'est toujours aussi dans le même mouvement que les économistes nous (pré)disent que la crise est en train de se terminer... Ne surtout pas oublier que ce sont les mêmes qui ne l'avaient pas vu arriver.
Ne surtout pas oublier, non plus, que ce sont aussi les mêmes qui en sont à l'origine (Friedman, Hayek...).
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