Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Comme tous les systèmes vivants, une entreprise se compose et se décompose sans cesse. Elle perdure et se développe au travers de ses transformations grâce à l'existence des règles qui la définissent. Sans la culture commune qui est le résultat de ces règles et de son histoire, elle ne serait qu'une juxtaposition d'individus et de systèmes…
- Mardi : Les statistiques présupposent que l'on peut mathématiser le monde et le comportement humain. La lecture du dernier livre de Florence Aubenas nous montre le décalage qu'il y a entre tous ces rapports d « experts » et la vie au quotidien. Quand comprendrons-nous qu'il faut redonner droit de cité à l'observation et à la compréhension ?
- Mercredi : A force d'ajuster les entreprises à leur situation actuelle, à force de tout optimiser et de supprimer ce qui n'est pas directement indispensable, on supprime le flou et les réserves, rendant ainsi les entreprises cassantes. Elles en deviennent d'autant plus vulnérables à un changement de leur environnement.
- Jeudi : Souvent nous rêvons d'un monde qui ressemble à celui des livres de cuisine, un monde dans lequel l'application de recettes et le choix des bons ingrédients vont garantir l'obtention du résultat. Mais dans ce monde de la certitude, où serait la place de la créativité, de l'intelligence et de la liberté ? Comment espérer sans incertitude ?
Quand je regarde le fonctionnement de notre monde actuel, je vois surtout des juxtapositions et des télescopages, et bien peu un monde commun. Nous sommes encore bien loin d'habiter collectivement notre « Neuromonde », chaque nation, voire chaque « tribu » » restent dans sa logique. Comment arriver à construire ces règles communes, cette culture mondiale sans tomber dans le nivellement ou l'affrontement ? Tel est un de nos défis d'aujourd'hui.
J'aime particulièrement l'approche que propose François Jullien dans « De l'universel, de l'uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures ». Il y écrit ainsi : « Envisager les cultures sous l'angle « matériel », celui du contenu et des valeurs, aboutit nécessairement à un rapport de forces entre ces cultures... Soit j'impose mes valeurs aux autres, soit je leur cède... Ne pourrait-on cependant négocier ? Mais je crois justement que des valeurs ne se négocient pas... La solution, autrement dit, n'est pas dans le compromis, mais dans la compréhension. La tolérance entre valeurs culturelles, elle dont on ne cesse de dire aujourd'hui l'urgence entre les nations, ne doit pas venir de ce que chacun, personne ou civilisation, réduirait la prétention de ses propres valeurs ou modérerait son adhésion à leur égard, ou même « relativiserait » ses positions (pourquoi l'Europe marchanderait-t-elle tant soit peu sur la liberté ?)... Une telle tolérance ne peut venir que de l'intelligence partagée... Chacun s'ouvre également, par intelligence, à la conception de l'autre. »
Faire cela suppose de ne plus penser le monde à coup de statistiques, de calcul et de prévision, mais de passer du temps à s'observer et à se comprendre. Comme Florence Aubenas l'a fait à Ouistreham, nous devrions faire des plongées en profondeur et croisées pour nous comprendre les uns les autres.
Cela suppose aussi de ne pas penser le monde à coup de rétroviseur : les nations qui structurent notre organisation collective sont le fruit du passé, et ne sont pas nécessairement adaptées à ce que sera notre futur.
En adaptant très précisément une entreprise à sa situation actuelle, on la fragilise et on la rend incapable d'évoluer. A trop ajuster chacun de nos pays à son passé et à ses contraintes actuelles, sommes-nous en train de préparer le futur collectif ?
Enfin, arrêtons de faire confiance à de prétendus experts et à leurs recettes de cuisine – quelles qu'elles soient ! – : le futur de notre monde reste incertain et très largement entre nos mains.
C'est cette incertitude qui doit nous donner l'espoir : c'est parce que nous ne connaissons pas le futur que le meilleur est possible…
5 commentaires:
je suis assez d'accord sur le diagnostic, moins sur les remèdes. les cultures, comme les opinions se confrontent, s'opposent, dialoguent. Pourquoi craindre d'affronter les contradictions ? c'est en les passant sous silence que l'on transforme les techniques de management en prédication, les consultants en gourous, les patrons en diables ou en saints; Rv sur mon blog (Mortel management) plus de détails sur ces quelques idées.
J'ai dû mal m'exprimer, car je ne suis surtout pas pour que l'on passe sous silence les contradictions, ni n'ai aucune crainte à les affronter.
Je pense simplement qu'il s'agit au travers d'une culture de la confrontation (voir tous mes articles sur la confrontation - il suffit de cliquer sur le mot clé) d'arriver à ajuster les interprétations et aboutir à une méta-culture : le réel que chacun de nous regarde est le même, et c'est parce que notre histoire et le lieu où nous sommes sont différents, que nous construisons des interprétations différentes.
Je vous conseille vivement la lecture du livre de François Jullien : de l'uniforme...
Pas de souci, je cherchais juste à préciser les choses. je pense en effet que l'objectifs d'un état "stable" des organisations est un leurre : un mouvement pendulaire, fait de corrections des dysfonctionnements les plus "criants" est sans doute plus réaliste et moins "totalisant". Et laiss plus de place à la diversité des trajectoires.
Je ne crois pas à l'évolution par mouvement pendulaire, mais émergences successives : tous les systèmes vivants (l'entreprise en est un) "dérivent" de possible en possible.
C'est un des points que je développe dans mon livre à sortir dans un peu plus d'un mois.
Je serai heureux de vous lire, dans ce cas.
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