20 sept. 2011

AYONS LE COURAGE DE FAIRE FACE COLLECTIVEMENT À LA TRANSFORMATION EN COURS

Le Neuromonde est en train d’émerger et le vent de la convergence souffle de plus en plus en tempête (2)

(Cet article est la suite de celui paru hier)
Souffle donc depuis maintenant une vingtaine d’années, le vent de l’émergence du Neuromonde, né de la convergence entre nos économies et celles de la Chine, de l’Inde et du Brésil. Que peut-on faire ?
Faut-il et peut-on lutter contre la convergence en cours ?
Les sirènes du protectionnisme et du retour en arrière sont à l’œuvre de partout, mais il nous faut les ignorer car :
  1. La convergence est juste et éthiquement souhaitable : je rappelle qu'en moyenne, un habitant de nos pays est encore quatre fois plus riche qu’un Brésilien, neuf fois plus qu’un Chinois, et trente fois plus qu’un Indien. Au nom de quoi, pourrions-nous défendre le maintien de telles inégalités ?
  2. La convergence est irréversible : Elle est le résultat de l’imbrication des économies et de la mondialisation des processus de productions. La plupart des produits que nous utilisons tous les jours ne sont pas fabriqués en un lieu unique, mais dans de nombreux pays(1). Il est illusoire d’imaginer que l’on peut détricoter les fils : essayez donc de séparer des gaz après les avoir mélangés, ou de récupérer le sirop dans un verre de menthe de l’eau.
  3. La convergence va s’étendre à d’autres pays : Elle se diffuse progressivement à tous les pays de la zone Asie et de l’Amérique du Sud. Les évènements récents dans les pays du Maghreb vont eux aussi très probablement renforcer cette dynamique. Elle a enfin pour l’instant laissé de côté les pays d’Afrique Noire. Faut-il souhaiter que cela perdure ?
Quoique l'on fasse, cette convergence va donc se poursuivre... et c'est heureux.
Que peut-on faire ?
Doit-on baisser les bras et sombrer dans une morosité collective, en se contentant d’observer notre déclin collectif ? 
Certes, non, mais symétriquement, il ne sert à rien de nier le sens et la force du vent, et toute action doit partir d’un principe de réalité et de l’acceptation de ce qui est inévitable, à savoir que :
  • Il est illusoire de penser que nous allons pouvoir enrayer notre baisse de pouvoir d’achat collectif, car la vitesse de convergence est trop rapide pour pouvoir être comblée par la croissance.
  • Cette baisse va être rendue plus forte, car nous allons devoir rembourser les dettes privées et/ou publiques accumulées. Vu le niveau de l'écart actuel versus les pays en émergence et celui des endettements, je crois qu'il faut se préparer à une baisse de 50%.
  • Ce baisse va s’étaler sur les dix à vingt ans à venir, soit une baisse de 3 à 6% par an pendant la période.
Quitte à paraître provoquant, je voudrais poser une question brutale : est-ce si grave ? 
Ne  pouvons-nous pas collectivement supporter une telle baisse ? Ne pouvons-nous pas gérer une diminution de 3 à 6 % par an de notre niveau de vie ? N’avons-nous pas collectivement suffisamment de richesses accumulées nous permettant d’y faire face ? Ne pouvons-nous pas arrêter de construire des ronds-points en forme d’œuvres d’art(2), de refaire sans cesse nos routes départementales, de dépenser autant de milliards d’euros dans le budget de la Défense(3), d’acheter le dernier smartphone, ou d’avoir des voitures qui passent l’essentiel de leur temps, immobiles ou avec un seul passager à bord ?

Mais ce raisonnement qui est exact en moyenne, ne l’est plus, si on l’applique aux plus défavorisés, ou à des budgets comme ceux de l’Éducation, de la Justice, de la Santé ou de la Recherche : ils ne peuvent pas supporter une quelconque baisse. Au contraire, les sommes aujourd'hui allouées sont souvent insuffisantes.
Appliquer une baisse à tous serait même dangereux, car le tissu social volerait en éclat, et cela nous conduirait à nous affronter les uns les autres.
Aussi, la baisse ne doit-elle porter que sur les dépenses les moins utiles, et les efforts ne doivent être demandés qu’aux moins fragiles, c’est-à-dire à ceux dont les revenus dépassent un certain niveau, et/ou qui sont protégés par les organisations privées ou publiques pour lesquelles ils travaillent. N’est-il pas légitime de leur demander de tels efforts, soit une baisse probablement de 5 à 10% par an,  pour protéger ce qui doit l’être et construire ensemble une société plus juste ?
Une telle remise en cause peut-elle être conduite isolément pays par pays en Europe ? Sûrement non. Elle devrait conduire à un rapprochement de nos pays, et à plus d’union. 
Peut-elle être amorcée simultanément dans tous les pays ou être initiée par la commission européenne ? Je ne le crois pas. Elle devrait partir d’initiatives locales, se propageant d’un pays à l’autre.
Je suis conscient que mon propos peut paraître fataliste ou utopiste. Je le crois réaliste, et in fine inévitable. Chacun d'entre nous sent bien que nous sommes en train de changer de monde. Mon pari est que nous sommes prêts à entendre un discours vrai, même s'il est dur, à condition qu'il s'appuie sur une solidarité réelle.
Alors pourra naître une mobilisation conduisant à la construction d'un projet pour un futur commun et positif, futur qui ne reposerait plus sur les égoïsmes locaux, et le dogme de la croissance des biens et de la consommation.

(1) Tous les produits complexes ne sont pas fabriqués en un lieu unique, mais sont l’assemblage de sous-ensembles venant d’usines multiples. Même à supposer que toutes ces usines soient localisées dans un même pays, la chaîne de production de ces usines comprend des machines-outils et des logiciels de production qui viennent d’autres pays.
(3) Selon un article paru le 25 août 2011 dans le Wall Street Journal (voir la carte ci-jointe), le budget 2011 de la défense en France est de 51 Milliards $, alors qu’il n’est que de 42 Mds $ en Allemagne, 27 Mds $ en Italie, et 16 Mds $ en Espagne. Seul, le Royaume-Uni dépense plus avec 57 Mds $. Si l’on ramène ces montants, au nombre d’habitants des pays, nous dépensons 809 $ par habitant, versus 912 au Royaume-Uni, 513 en Allemagne, 447 en Italie et 340 en Espagne.


            

4 commentaires:

Le Blog de Paule Orsoni a dit…

Merci pour cet article qui fait le point sur la situation.Il est utile de rappeler la fabrication internationale à l'oeuvre dans le moindre objet d'usage.cet internationalisme paraît ne pas poser question ,ceci dit dans une première analyse,mais sous l'apparente simplicité de cette pratique délocalisée,viennent se greffer bien des dysfonctionnements.Au-delà de ceci,les problèmes sont partagés.Et ce que tu proposes c'est de partager les solutions.Soit.Pourvu que le partage soit équitable et que ,pour parler de "convergence" les intérêts convergent vers des perspectives bien plus réjouissantes que celles qui me font dire ,non sans ironie:"Je dépense donc je suis"...

Robert Branche a dit…

Il s'agit précisément de sortir d'une culture de la dépense... et, comme nous allons avoir moins d'argent, nous n'aurons pas d'autres issues...

Le Blog de Paule Orsoni a dit…

Enfin ,nous aurons donc d'autres perspectives...

Harry RAZAFINARIVO a dit…

le point est clair en effet. nous apprendrons peut-être à dépenser enfin avec ce que l'on a.